Texte
États du Monde. Lignes
Date du document : Septembre 2016
Après le premier gros volume d’un millier de pages de la Cosmologie paru chez Verticales en 2004, classé par Quartiers et comprenant ses Étoilements graphiques, celui-ci, aussi conséquent, a été publié par Mettray en septembre 2016. Il est classé par Lignes de personnages, et comprend également ses Étoilements graphiques sous forme de vignettes à coller, comme dans les anciens albums de chocolat. L’idée venait de Tristram, pour la publication de OR, en 2000, qui n’a jamais eu lieu.
Refaire - Poèmes de Typhaine Garnier
Date du document : 2023
Les textes de Refaire sont des poèmes 3 en 1, les deux colonnes pouvant se lire successivement, ou bien comme un tout fendu au milieu. Idéalement, la lecture devrait progresser simultanément dans les trois directions, ce qui est évidemment impossible.
Certes, les deux franges du poème dessinent les contours d’une faille, les bords hérissés d’une déchirure, mais cette béance centrale n’est pas que la trace tragique d’un défaut ou d’un manque, elle est aussi la possibilité du jeu, de l’indécision et de la pluralité des sens (significations et directions).
Ainsi la difficulté de lecture n’est pas une défaite programmée, c’est au contraire une incitation à circuler dans tous les sens, comme à la surface d’un tableau ou d’un vitrail.
L’ensemble, la chaîne des poèmes, progresse par boucles : chaque texte est en effet à la fois circulaire (se « mord la queue »), concentré indéfiniment sur son obsession propre (une scène, un nœud de sensations hors tout continuum), et relié aux autres par la récurrence de figures et de motifs, le tout suggérant si on veut une histoire.
« RE », fermant chaque texte et ouvrant le suivant, est le maillon, en même temps que l’emblème de cette écriture, qui s’efforce de re-configurer (non re-présenter) quelques morceaux de vie en les transformant en objets de langage partageables.
Ces objets sont bariolés, bricolés à la di-able, approximativement rapiécés… On a colmaté avec ce qu’on avait sous la main (phrases d’emprunt, bribes de chansons, scènes de films…), rafistolé comme on a pu. Le résultat, hésitant entre l’éberlué et le burlesque, fixe précairement dans une forme instable ce qui tout à la fois obsède et se dérobe.
***
(On trouvera la suite de Refaire dans le numéro de Mettray d’automne 2024, avec un hommage rendu à Mettray (à la fois la revue et le lieu). L’auteur rectifiera elle-même ces documents au fur et à mesure de l’avancée de l’ouvrage.)
Ogr Maigre
Ce volume est paru aux éditions Tristram en 1999.
Il s’occupe de celles qu’il abandonne ; il leur trouve des maris, des situations ; il fait l’entremetteur. Il est généreux et tendre avec elles ; il est de leur côté ; il est fémi- nin, c’est un fennec ! Mais il est plus viril qu’aucun imbécile guerrier ; c’est un Héros et un Saint en même temps qu’un Poète.
Il rève de mariage blanc plus qu’elle, plus ; il voit des enfants dans le jardin ; il veut le bonheur parfait à chaque fois (mais il ne peut se marier !). Il fait écriture de sa Vie. Il a le noir du jais et la violence éjaculatoire.
Il racontera sa vie dans une œuvre considérable, écrivant sur les talus ; il est une partie d’un tas plus lointain, beaucoup plus obscur et nucléaire, dangereux. Il est dupé ; il parvient à la dépossession absolue, il s’éloigne à la fin sur la blancheur de la Neige, dans la Montagne, vers un Col (Tamié).
États de la matière et de l’être, angoisse extatique et délicieuse en dehors de tout territoire, cette finalité d’un projet chargé d’explosifs !
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Le Grand Champ
Date du document : 1971
Ce poème est dans la ligne de Pr’Ose !
Voilà mes ancêtres atrocement poussés sur le port, à Saint-Michel, préférant Sumer, Gilgamesh, la Renaissance et sa débâcle finale...
À l’heure certaine de l’Aube, je me réveillais ceint de bandelettes, corps momifié en érection, voiture en route vers Hadès, radicalement seul, ni vivant ni mort, sans heurt et sans histoire, force inutile de n’avoir aucun appui. Alors on est l’être-même, et l’on sait que ce désespoir durera jusqu’à la fin à moins que la Fée ne surgisse.
J’ai connu les flots flous énormes des jouissances hors des possibilités de transport habituelles, enchaînant d’un postérieur à l’autre comme on peut prendre le bus trois fois avec le même ticket, crachant ma monnaie partout sur le sol et les chaises.
J’ai vu à Manchester toute la suie, ensuite prié devant les ocres cheminées des Fées. “On nait trop petites, on pourra rien défaire, on a facilement retenu ce qui nous fait ne pas être, la Voie lactée jetée dans l’eau.”
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Cartes
Date du document : 2014
Au fur et à mesure du déploiement de la Cosmologie, des Cartes ont été établies pour rendre compte des modifications du territoire. De là obligatoirement des répétitions, des modifications parfois minimes. Toutes ces cartes tiennent compte également des échappées qui auraient pu se produire.
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Cinq Saisons d’Or
Date du document : 1986-1991
Dans l’édition de Verticales des Quartiers de ON ! nous n’avons pas repris avec Aphesbero la partie OR très colo- rée et très éclatée typographiquement, qui représente à peine plus de 200 pages. Je n’ai pas retenu cette partie car je craignais la difficulté de lecture entre l’hétérogénéité extrème des morceaux et l’éclatement supplémentaire de la page. Puis il me semblait que cette partie OR serait parfaite dans un “journal”, du genre Rubriques des Saisons d’Or (pas une revue) plutôt qu’un livre, comme un quotidien rendant compte des activités de ce pays-là.
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Vide-Grenier - Typhaine Garnier, dessins d’Onuma Nemon
Date du document : 2014
Grande braderie des fétiches, liquidation des souvenirs les plus chers. En vrac défilent, retapés en objets de langue, motifs de l’enfance, choses du cœur et déboires du corps, dans une traversée éberluée de l’affolant fourbi de la vie, vaguement classé ici en chapitres (« Fragile », « Tout-venant », « Ne pas ouvrir », « Fins de série »).
Les dix « Vracs » d’Onuma Nemon (encre de Chine sur Arches, 2018 et 2023) n’illustrent pas, ils sont plutôt la rêverie du texte, en une série de paysages mentaux dont les lignes précises et les détails minutieux ne prennent cependant forme en aucun objet identifiable.
Les choses surgissent et disparaissent dans un même mouvement joyeux. Liquidation dit flux, dévalée de prose rapide. Entre distanciation grinçante et sensualité éberluée, l’écriture bazarde vite, sans s’apitoyer. Les souvenirs sont affublés d’un costume bouffon, l’intime emballé dans la rhétorique kitsch des petites annonces. Et bien sûr, l’emballage craque, farci d’éléments exogènes (amorces de récits, bouts de dialogues, couplets de chansons, réminiscences diverses...). Le modèle explose en même temps que les objets évoqués : bon débarras !
https://lurlure.net/vide-grenier
Éditions Lurlure Emmanuel Caroux 7 rue des Courts Carreaux 14000 Caen (France)
Appendice
Date du document : 2014
La première et originale édition de cette “Cosmologie Portable” a été diffusée par les éditions Mettray accompagnée d’une grande eau-forte sur cuivre réalisée dans les ateliers de l’URDLA, constituant une des cartes de ladite Cosmologie.
Malheureusement quantité de corrections et suppressions n’avaient pas été prises en compte avant l’impression à cause d’un transfert défectueux sur un autre logiciel.
Nous donnons donc ici la version correcte prévue et définitive.
Cet appendice n’est pas exhaustif et ce n’est pas non plus un plan originel qui aurait régi la constitution de l’œuvre. Complémentaire des Cartes successivement éditées, il a été lui aussi augmenté au fur et à mesure de l’avancée du travail.
Les personnages, ou plutôt les Figures ici décrites ne représentent qu’une infime partie de la Troupe Cosmologique ; de même, les indications de construction ne sont jamais que régionales : ici valides, ailleurs elles ne le sont plus.
Quand bien même la Cosmologie n’existerait pas, cet Appendice doit être considéré lui-même comme un texte-projet utopique, au même titre que les recueils ici nommés Absolus.
La Pièce est enfumée, il est temps de sortir
Date du document : 2014
Entretien de 2014, deux ans avant la parution des États du Monde, avec un ami Franc-Maçon.
Les Absolus
Date du document : 1965-1972
Les Absolus
Il s’agissait avec ces petites proses de créer des types, des typons, sans faire de clichés.
Que pouvait être l’essence du roman russe, par exemple, ou de l’œuvre de Fournier.
Mais ceci sans développement, sur des formes courtes : toujours cet intérêt pour les fragments comme éclats de vérité. On renonce à la cohérence pour accéder au poétique. Incohérence, instabilité, abandon, renoncement, dans l’espoir de saisir la matière même de l'expérience. Moments de vie infimes, fragiles, sur la ligne de frontière, puissance de nouveauté.
Les Absolus sont une déduction de l'essence du monde en devenir, en mouvement. C'est ça qui est difficile : saisir à la fois le mouvement et l'absolu.
Pour prendre un exemple simple : la plus grande passion de votre vie que vous aurez éprouvée, et au moment le plus intense de son incandescence, vous décidez de la rompre ; vous refusez la cohérence du roman, et il vous reste dans les mains les deux bords vifs de l’arrachement : vous êtes retombé de l’avoir à l’être, sans même être le moins du monde bouddhiste.
Simplement malheureux.
Les absolus seraient des lieux fixés pour l’éternité dans un livre, ou des cartes postales. C’est le bonheur extatique que trouvait Lulu, à plonger dans les cartes postales et à s’immerger dans ce temps-là, celui d’une contemplation démesurée, la conscience aigüe des univers parallèles. Elle avait la faculté de circuler dans d’autres mondes, de décoller la gélatine de la représentation. Les témoins sont formels. Elle leur détaillait ses avancées. Et ce don ne fit que s’amplifier avec son agonie. Elle a vécu toute une saison dans un album.
Absolus des Saisons
Dans le recueil : Absolus des Saisons, de Nycéphore et de Nicolaï (continent Logres), il y avait le projet fou de condenser toute l’expérience d’une vie sur le temps de Pâques par exemple, comme si l’on pouvait déterminer une constance éternelle, les traits définitifs ; ou peut-être bien plus modestement, (ce qui fut le cas, et seulement pendant quelques années), une formule personnelle du Dimanche de Pâques, du jour des Rameaux, de la Toussaint ou de la Rentrée. Du côté de la constance éternelle ça pourrait être un idéogramme comme l’idéogramme de l’automne contient véritablement la rentrée des foins et celui de l’ours la clé du feu.
Le projet du Calendrier Absolu (OGR. Journal des Adolescents), reprend celui-ci pour chaque jour du Calendrier ; le 11 décembre, par exemple. Bien sûr, dans ce cas également, il s’est agi de l’expérience de quelques années seulement, on ne s’est pas astreint dès le début à une telle obsession.
La tentative est d’autant plus fictive qu’on connaît les variantes, les imprécisions et la variabilité de toutes les sortes de calendriers les uns par rapport aux autres : il ne s’agit que de conventions qui ne coïncident absolument pas d’un calendrier à l’autre. Ce père-là n’est pas vraiment mort le jour anniversaire de la naissance de son fils, comme on aurait pu le croire.
Peut-être peut-on seulement déterminer quelques moments notables des saisons (toujours les saisons, “à la chinoise”), des moments ou le Temps danseur tourne sur son axe…
Vers la fin de la République romaine le calendrier était un chaos. L’année s’appellait Annus, anneau sans commencement ni fin.
Ces Chromos Célestes se présentent comme le type absolu d’un genre et comme son achèvement, son extase peut-être.
Ils sont les photographies d’une saison éternelle où rien ne bouge, où tout se reproduit toujours exactement de la même façon, là où l’évolution n’est qu’un cycle. Ce sont des Stéréotypies Apodictiques.
On voudra bien regarder avec attention sur ce site, dans le Domaine DAO, les Célébrages de Typhaine Garnier, œuvre conçue dans la même utopie rêveuse d’un Calendrier Perpétuel.
7 haïkus du matou - Typhaine Garnier
Ces textes d’apparence japonisante – façon Hergé : c’est du français en costume japonais, mais exagéré, caricatural et (involontairement ?) bouffon – avaient pour ambition de tenter une autre transposition du haïku. Plutôt que la version occidentale habituelle (l’insipide sandwich de 5/7/5 syllabes), je voulais trouver une forme qui restitue au moyen de l’alphabet latin quelque chose de la dimension graphique et de la polysémie (et polyphonie), c’est-à-dire de la densité du haïku, associant l’idéogramme et l’écriture syllabaire.
Le résultat est un hybride, une sorte de chimère qu’on ne sait par quel bout ni dans quel sens prendre, ni s’il faut l’articuler ou seulement voir. Les signes font parfois rébus. Une syllabe s’étoile dans plusieurs directions. Des lignes sémantiques horizontales apparaissent en travers des verticales, mais furtives, hasardeuses. Le tout a un caractère enfantin, car c’est bien un jeu, un exercice d’assouplissement, où tous les coups (aïe) sont permis (alors que le haïku traditionnel obéit à des règles formelles strictes). D’où le sujet, sans doute : le chat Zoneille, agile et malicieux comme tous les jeunes de son âge, comme le chat à l’encre de Chine d’Onuma Nemon qui s’est glissé dans ces pages. À moins que ce ne soit l’influence de Maurice Roche, lu assidument à ce moment-là.
Adalbert Stifter, une dramaturgie sans drame ou le sens du tragique - Joël Roussiez
Un petit texte théorique sur l’écrivain Adalbert Stifter
Pour illustrer ce titre programmatique, j’ai choisi de ne traiter que du récit intitulé Dans La Forêt de Bavière, un des derniers textes d’Adalbert Stifter, un texte sur pas grand chose et cependant charmant.
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L’amour naissant (poème Touareg, P. P. Njegos) - Joël Roussiez
Fatima de taille est pure merveille, elle va à la fontaine sa cruche sur la tête, elle va et le village s’en étonne, c’est elle qui doit le faire, n’est-il pas là pour s’en occuper. Lui, c’est Istvan, sa taille est pure merveille aussi, son beau visage rayonne de santé, ses yeux sont des éclairs, il se prélasse sur la couche, Fatima doit y aller à la fontaine. Mais elle rencontre là Jabban, Jabban qui est serviable et beau comme un regard où perle la rosée.
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Chevaux aimés (Bardes du Khorassan, Ostad Elahi) - Joël Roussiez
Comme une âme qui s’en va un petit air de flûte dans l’assemblée avait éteint les paroles et quelques uns marchant dehors baissaient la tête sous leurs turbans. Mais les chevaux piaffaient dehors, une tension dans le troupeau irritait et de même dans l’assemblée circulaient des jurons. Le cercueil resta dans l’église, et quand le musicien chanta «il est parti, ils est parti! Que les lointains l’accueillent» on entendit des pleurs et quelques gémissements. .…
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Pages perdues de OR 1972 et 1989
Date du document : 1972 et 1989
Ces pages perdues et non intégrées dans OR avec leur mise en colonnes, renvoient ici volontairement au recueil en cours de Typhaine Garnier dit Refaire, textes lisibles ici dans DAO : Refaire. Poèmes de Typhaine Garnier
Célébrages. Poèmes de Typhaine Garnier
Date du document : Février 2023
Au fil des mois, la nature ressort ses appâts, et chaque fois on s’y laisse prendre. Avant-printemps : premiers chatons aux branches nues, primevères, etc. Surprise, ravissement, on est ému comme si on avait oublié ces « tours » pourtant vus autant de fois qu’on a d’années ou presque. Il y a de quoi enrager. Les « Célébrages » sont les chromos d’un calendrier perpétuel qui tente de fixer cela une bonne fois pour toute, et qu’on n’en parle plus. Heureusement, c’est raté.
Arno Schmidt : « Le plus fiable, ce sont encore les beautés de la nature. Ensuite les livres, puis un rôti braisé choucroute. Tout le reste est versatile et vain. »
On se reportera ici même aux Absolus de Onuma Nemon, petites et très anciennes proses dont le projet était proche de cet ouvrage-ci, tout récent.
Apparition. Poèmes de Typhaine Garnier
Date du document : Février 2023
Refaire. Poèmes de Typhaine Garnier
Date du document : Février 2023
Ce texte est extrait d’un travail en cours intitulé « Refaire ». Même s’il y est question de choses vues, de paysages et de personnes aimées, refaire n’est pas revoir : foin des nostalgies (sauf surjouées pour rire : « Ô… ») ! Il s’agit de faire du neuf, et si possible en forme, avec de l’informulé : fatras de souvenirs, pelote de sensations, magma d’émois, etc.
Pour ça, on a fabriqué un moule, censé aider à faire consister. Description du moule :
- Le texte est disposé sur deux colonnes et apparaît donc lézardé d’un vide central ;
- Les colonnes doivent pouvoir être lues séparément, mais une lecture globale (ligne à ligne) doit également être possible ;
- Le texte s’ouvre par un verbe à infinitif (par exemple faire) et se termine par les lettres « re » qui forment avec le premier un second verbe (refaire), invitant à une nouvelle lecture.
- Les lignes sont des vers grosso modo réguliers (le plus souvent octo ou décasyllabes).
Le but : que ça ne colle jamais. Ne pas adhérer, mais aérer. Que la droite contredise la gauche, la mine d’ironie, la glose de commentaires oiseux ou obscènes, en déforme symétriquement les phonèmes, bref, la malmène d’une manière ou d’une autre. La faille béante au milieu du texte n’étant pas frontière étanche, les deux côtés se contaminent aussi l’un l’autre. Et bien sûr, aucun n’est le « bon ». La vérité est au milieu : dans l’interstice.
Typhaine Garnier
Il faut lire également Les Pages Perdues de OR
Au Verger des Anciens - Récits de Joël Roussiez
Date du document : 2016. La Rumeur Libre
Au lecteur,
S'il est bon de faire entendre des histoires, il faut préciser que les nôtres, Lecteur, ne sont pas à entendre au sens ancien qui veut dire comprendre mais au sens moderne qui passe par l'oreille car, dit Cicéron : « le discours doit chercher le plaisir de l'oreille », ce que rapporte Aulu-Gelle. C'est donc lorsque tu liras par les yeux que tu entendras par les oreilles ce que disent ces paroles dégelées, selon Rabelais. Ainsi sache, lecteur très cher, que ce que nous racontons, c'est pour la musique !
Mais sache encore que nous ont guidé quelques maîtres anciens qui prirent soin de nous offrir quelques fruits et, dégelant nos doigts gourds, corrigèrent nos maladresses en ces temps divers, ou d'hiver, où rien n'est plus agréable à l'oreille que d'être frottée par d'autres…
À bon entendeur donc, salut ! Et qu'il en soit pour toi comme du feu roi François dont Martin Du Bellay écrivit : « toutesfois jamais adversité qui luy peust advenir ne luy abaissa le cœur ».
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Histoire Deux - Nouvelles de Nycéphore
Date du document : 1976-1982
Tandis que le vent rabat la fumée de nos cheminées sur le ciel gris de neige et le fond des sapins, j’absorbe cette vue avec la même nécessité d’imprégnation que celle qui existe à partir d’un texte historique ou dans toute autre forme de récit. Seule la poésie offre la plus grande succession fragmentée de climats ; la force d’incantation visionnaire d’un poème comme Les Classeurs ou Terre de Grogne (1), par exemple, est pour moi colossale et n’a rien à voir avec un jeu littéraire ou une astuce verbale ; dans Les Chercheurs d’Or (2), une infime blessure ouvre un monde, comme l’agate de Roman. À toute communication préférons l’hermétisme du Chant ou de la danse guerrière.
Ainsi vont les rêveries d’un enfant au fond d’un grenier à partir d’archives familiales, ou les constructions historiques qu’on se fait, les histoires deux, ces curieuses imprégnations à partir des récits entendus en classe et des livres d’Histoire lus.
Grâce à ma maîtresse primaire (Mlle Angélique !) j’ai pu ainsi assister à la Saint-Bartélémy en la replaçant à Saint-Michel et la Sécession à Saint-Augustin. En d’autres quartiers de Bordeaux ou des villages connus, j’ai construit mes premiers récits de cape et d’épée et surtout j’ai participé à l’exaltation des Enfants Croisés qui sont venus me rendre visite la nuit, et qui agissaient essentiellement du côté du Maucaillou ; tout le Moyen-Âge était là et rayonnait tout autour de la maison du bourreau rue Saumenude jusqu’aux Halles des Capucins.
Il a suffi ensuite que Nicolas reçoive ses Commandements près du ruisseau du Peugue et devant l’entrepôt des Autobus, à Lescure, pour que ça tourne au carré, comme la Fortune !
Il ne s’agit donc absolument pas de couleur locale ni de vérité historique mais de crever espaces et époques les unes par les autres aussi vrai que le Christ a suivi la route 66 et a subi l’horreur des urines de la place Canteloup.
(1) : Livre Poétique de Nycéphore
(2) : Livre Poétique de Nicolaï
Hiver 1982
On a perdu le Nord ! - Hommage à Bernard Plossu
Date du document : 2012
Chronique de Fabien Ribéry à propos de On a perdu le nord ! paru dans la collection d'Après chez METTRAY éditions
Livre Poétique de Nycéphore
Date du document : 1964-1984
Le Livre Poétique de Nycéphore est un recueil de 240 pages qui s’étend sur vingt ans (1964-1984). Il a pour pendant un volume semblable de Nicolaï. Cela ne résume pas toute la partie poétique de l’œuvre qui comprend également des Os de Poésie (de 1984 à 2000), des poèmes en prose, poèmes sonores, etc. Ceci vaut également pour Nicolaï.
On a laissé l’intégralité du volume sans aucun choix, même si il y avait des faiblesses, à cause des correspondances en vis-à-vis entre les deux frères de chacun des poèmes. Il y a beaucoup de “remplissage versifié” : en 1964 l’auteur avait 15 ans, et il était curieusement à la fois dans quelque chose de très actuel proche de Cendrars ou la Beat Generation dans son travail radiophonique et tout une série de poèmes qui en dérivaient ; et de complètement archaïque dans d’autres poèmes ou dans l’écriture de Roman, proche de son espace de réclusion. Les deux on co-existé longtemps.
S’il y avait un choix de l’auteur ce serait là où la versification laisse la place à l’aspect hypnotique et incantatoire. On a développé ailleurs cette problématique autour de figures qui semblent traverser les siècles et qui ne tiennent pas à la prosodie.
Bonheur Thoracique - Os de Poésie Nicolaï
Date du document : Décembre 1977
BONHEUR THORACIQUE
Je fus dans le corps d'un aïeul : avec ses jambes qu'on ne maîtrise plus, le vent pelant la face hirsute de la mauvaise saison, burinant ses traînées entre poils et cheveux, emportant au loin dans l'Histoire des cauchemars polaires.
La Vague circulait dans les tranchées et la lumière dans les creux, dans les versants de la vallée, à l'arrière des derniers talus d'arbustes ; les Irlandais sabotaient la campagne de Pâques jusqu'à l'insurrection. Le 16 avril 1917 flottait un énorme nuage noir pourri de neige, de fumier gelé, de gueulements au-delà des bosquets et des lacis barbelés jusqu'à la Crête des Dames d'où l'on domine les fonds humides de la vallée de l'Ailette, le Bois des Buttes, le Ruisseau de la Miette, la Ville au Bois et la Musette, et surtout les torches brûlantes et hurlantes jaillissant des chars incendiés.
Si je suis d'un printemps, c'est de cette herbe encore trop pâle ou ma mère élève des plantes comme elle ferait pousser des enfants, car elle a les doigts verts de celle qui n'a pas su sauver son fils. Il n'y a pas de bras dressé de Diane pour la défendre ; mais il y a ses mains qui nous ont défendu des mâchoires du chien en rage quand nous étions enfant, d'abord aveuglé par la lampe en forme de globe de l'ophtalmo, enfin heureux de la fenêtre ouvrant sur le jardin du médecin suivant sauveur de notre œil.
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La Longue Marche - Os de Poésie Nycéphore
Date du document : 1984 & Après
La Longue Marche
...
Je n’en ai pas fini d’avoir dormi longtemps, frais et dispos d’emblée, arrêté dans un lieu pour boire du café, simplement, voir des gens, sourire à tous, admirer le visage des enfants, le jeu des animaux, l’air benêt, parfaitement sans ombre.
On n’en a pas fini de la parole qui éteint tout sauf cette charge distribuée dans le ciel, de cette perpétuelle chute en avant de la course, la voix perdue quand on jouit dans la Neige jusqu’à pluspersonnevisible.
On n’en a pas fini avec le cortège qu’on voit de loin à travers les bourrasques, les trombes de pluie, de se rendre au cimetière dans des cirés fluorescents en coupant dans la paille et la luzerne, dérangées…
On n’en a pas fini comme personne privée de ramasser quantité de cadavres publics.
On en finit pas avec l’arithmétique, le vélo au soleil et le chien souffrant ;
...
Lire avant et après…
Petites proses inédites de Joël Roussiez
Date du document : 2020
Derrière la vitre de la maison (raga Durga, P. Istrati)
Le jour se lève enfin, sous les rafales de pluie, la lumière s’adoucit et doucement s’éclaircit alors que le vent se calme un peu en remuant les feuilles qui tombent et tournent loin au-dessus de la prairie, portées par les souffles intermittents qui passent ou s’enfuient… La fuite se propage au solitaire comme l’escapade à l’homme qui vieillit et le voyage entrevu comme une croisière mouvementée tente une jeune mère à la fenêtre de la maison. Elle regarde le remuement des branches et les feuilles qui s’envolent : je partirai un jour et que ce soit dans la tempête sera très amusant… Elle relève ses cheveux pour dégager son regard, elle observe dans le vague un petit buisson déraciné qui roule par à-coups dans l’herbe malmenée. Le vent pousse devant lui et l’âme le suit… Sur un lit de fleurs, je dormirai, écoutant les oiseaux de la prairie, les cailles, les perdrix…
Derrière les Vitres de la maison est extrait de Voyager Sans Partir (non publié),
Invitation des fleurs de Invitation Des Fleurs (non publié).
Souvenir Anatolien ne fait pas partie d’un volume constitué.
(lire la suite...)
Rien !
Date du document : après 1984
Rien ! devrait se lire en deux respirations, pour bien sentir le souffle. D’abord le I, ensuite le II et le III. Ça se parcourt en trois heures, une écriture facile, pour les pauvres. Tout ou Rien. Pas plus de clé ici qu’ailleurs ; rien que les contours d’un style.
Rien ne s'oppose plus à ce Rien ! que le fait que de nier, sinon peut-être pour les humiliations multiples des cauchemars qui n’auront pas de fin. La fuite animale, la disparition, le désir absolu de se fondre et qu'on ne nous remarque pas, sont du côté de la passivité, une passivité devant un beau geste, un paysage exaltant, un point d'acupuncture juste, une musique évidente. Ça ne contredit en rien notre violence irrémissible, qu’on se rassure !
Rien ! fait partie du continent HSOR de la cosmologie, lié aux HiStOiRes du temps. Aussi bien vrac théorique, pédagogique, cartes du territoire, journaux, mémoires grises & noires… La plus grande partie est seulement à consulter plutôt qu’à publier .
Rien ! concerne cette fin planétaire dont j'ai parlé dans Mettray. Mémoires du temps, des autres, sans trop d'épanchements (le genre de penchement en avant qui fait qu'on tombe, et qu'il nous faudrait des pansements tout de suite), pas du tout sous une forme romanesque mais par fragments successifs comme l'ensemble de la Cosmologie ; peut-être un peu plus linéaire ; ça s'est entassé de la même façon, peu à peu par séquences au fur et à mesure des années pour être rebrassé à la fin.
C'est la fin de quelque chose, le bout de l'impasse, une conclusion, le constat sur une vie : être passé de la Tribu des moins-que-rien à rien, ce qui n'est pas rien. C'est un couteau tragique, une bonne coupure. Et une condensation.
(lire la suite…)
Ztaphysagria de Nicolaï (extrait) - Mettray n°14. Été 2021
Date du document : 1969-1982
Publication: Mettray n°14
Les errances d'Ulittle Nemo - Os de Poésie de Nycéphore
Date du document : Après 1984
Enfin une saison ! Ça faisait longtemps ! Saluons-la ! Où va Ulysse il y fait froid : lucarne ouverte de l’atelier, soudain très sombre ! La pluie très forte, comme sur le plafond, sur les désespoirs de poète et le muguet fâné. Il est sur nos genoux, le gros chat, le griboux, à articuler ses pluriels.
Rue Charlot, Tour du Temple : les jeunes filles du matin, font tournoyer le dé de cristal triomphant du printemps dans la violence du zapateado.
Je me souviens, rage étrangère à la France, d’un pays de tartes welshes, confitures, avec une langue rauque qui vocifère ; je n’ai jamais voyagé qu’une seule fois dans des cafés enclos par de minuscules ruelles, et vu grâce à cela des splendeurs baroques.
C’est magnifique : on attend la neige ou la guerre, l’attaque des Aigles, les oiseaux noirs passant comme des obus ; dans la guitoune à gaufres face au manège, dans un moment d’émotion pure, Eva laisse une rose devant la porte, portique de lueurs fameuses à travers les larmes ou la pluie…
Heureusement immérité argent éblouissant et souvenances du futur : boules de neiges dans l’azur et de noirs klaxons dans les rues ; glacis de grâce où les œillets de neige vont,
(lire la suite…)
**
Ce poème en versets détaille beaucoup d’aspects de Bordeaux. Nous le dédierons en particulier aux deux amis Didier Morin et Bernard Plossu (qui a aimablement revisité et photographié les quartiers des États du Monde). Tous deux grands voyageurs comme Ulittle Nemo. Curieusement j’y ai retrouvé des souvenirs d’Arras en 1986 proches des images de Plossu et cette litanie incantatoire aussi qui est une sorte d’absolu pour lui :“On continue !”
Nous le dédierons aussi à Alain Vallet, d’une Tribu gitane.
O. N.
Les Marcheurs - Prologue de Histoire Deux
Date du document : 1978
LES MARCHEURS
À l’Omphalos les Anges viennent sans maquillage
Et se dissolvent au bord des quais
Avec des fleurs dans les cheveux,
Vers la Montagne du Temple, toit de mains réunies ;
Le Temple en carton peint,
Le Palais-Gallien,
Le cortex de cristal, le total de colonnes.
Les Séraphins de Delphes tournent la mie de pain entre leurs doigts
Et la luplissent de lumière.
L’Archange Saint-Michel, cuivre qui résonne, hanche souple,
Vient avec son Bronica
Pour prendre la première photo de la phemme du Dieu de Delphes
Et du python qu’elle y a tué :
“Hatu Berato Niktu !”
De bon commencement je n’en connais guère
(“C’était la guerre.”).
Présent : hypotyposes et orichalque !
Aux Chérubins inflammatoires l’éblouissement
De l’addition des couleurs à travers leur corps prismatique ;
Puis cette somme illunescente de bruits et de rubis fond...
Et la trace en buée à son tour se dissout
Avec les derniers bateaux glissant sur les artères.
“Voici les Trois Grands : le Cœur, le Poumon, le Rein !”
Jésus devant concombres et tomates
Sous les arbres.
« Zénon, est-ce moi qui t’ai fait tomber ? »
On traîne d’une allée marchande à l’autre
Au milieu des enseignes numineuses
(Grenadine des garages et menthe des pharmacies).
“Est-ce le Seigneur ou un Ange, je ne sais pas.”
Des jougs, des âges et des charrues ;
Et ce qui vaut pour le village de Lavoux
N’est pas sans intérêt pour la France.
Tout le groupe est parti dans cette idée à Dijon
Sur les traces d’Aloysius à travers les rues
Le mercredi, et le chien venait de mourir ;
On a rapporté les paroles de Jésus en ville :
“J’ai essayé, on peut.”, ou
“Mon fils sera violoniste.”
(lire la suite...)
Les Marcheurs sont le prologue poétique du recueil de Nouvelles & Petits récits nommé Histoire Deux.
Ce recueil (dont des extraits figurent dans Quartiers de ON !), daté de 1984, présente plusieurs tableaux de l’Antiquité à la Renaissance dans une version rejouée, célébration parodique ou reprise de cauchemar.
Denis Roche n'est pas mort et Maurice est toujours là !
Date du document : 2021
Denis Roche n’est pas mort, même si la plupart du temps il vit dans une pièce plongée dans une semi-obscurité ; il ne s’agit pas vraiment d’une salle à manger, mais d’une simple pièce carrée entourée de dressoirs avec de grands compotiers où murissent des fruits.
Cette semi-obscurité me fait penser au mythe entretenu à propos de James Dean dans plusieurs biographies de l’acteur, et dont Denis m’avait parlé : ses fans prétendaient qu’il était toujours vivant après son accident automobile mais qu’il avait à peu près perdu la raison et qu’on l’avait dissimulé dans la maison d’un petit village où on pouvait l’apercevoir avec des jumelles à travers les lames des volets, assis et tremblant de tous ses membres.
Rien de la sorte avec Denis dans cette pièce de recueillement où il reste assis souvent à méditer. D’autres fois il dresse sa haute stature dans l’ombre, avec sa chevelure bouclée et il me raconte des anecdotes toujours drôles : il n’a rien perdu de son humour. Par exemple il prend un cure-dent et fait semblant de perforer des saucissons qui pendraient du plafond pour les goûter, comme dans cette séquence qu’il aime tant de La Stratégie de l’araignée. Quand il me parlait de ce film autrefois il me disait qu’à ce moment-là toute la salle de cinéma “sentait le saucisson mûr”.
C’est Françoise Peyrot qui veille toujours aussi amoureusement sur lui ; de là cette sorte de certitude bienheureuse qu’il a acquise. Peut-être plus calme qu’auparavant. Il ne fume plus ces Craven rouge dont Bernard Plossu aussi a gardé le souvenir des matins dans la petite pièce sous les toits rue Jacob. (On a perdu les parfums des tabacs : l’Amsterdamer, le Gris et le Caporal Supérieur des ancêtres, le Virginia des étudiants ou le Semois corsé des Ardennes d’Arthur. Plaisir de fumer un Partagas dans un fumoir, à Bruges.)
Il a marqué d’un signe de tête son assentiment pour ce que nous étions en train de faire ; enfin, quand je dis nous, il s’agit plutôt de Didier. Il trouve un vrai mérite à la singularité de son entreprise.
Assis sur une belle chaise cannée, il m’a montré une liasse de textes inédits.
« Tu les reconnais, m’a-t-il dit ?
— Oui. »
En rêve on reconnaît infailliblement un matériau énigmatique qui serait pourtant impossible à définir.
À présent il poursuit l’écriture de ce recueil ; il a tout le temps qu’il faut pour mettre au point cet embranchement oublié, car c’est une autre orientation préalable à la déprédation qui l’a conduit au Mécrit, qui date, me semble-t-il dans le rêve, de Miss Élanize. Jusque-là il travaillait avec une sorte de culte apparent de la paresse, qui n’était que la préparation de l’emportement, la fulgurance soudaine. À présent qu’il dispose de tout son temps, forcément l’écriture est d’un autre ordre.
Il fait toujours l’éloge de Bernard Plossu comme il le faisait dans son bureau dans les années 70 en me parlant de ce type extraordinaire dont j’ignorais absolument tout alors et qui réussissait à vivre de sa double passion : le voyage et la photographie. Et il a toujours un très fin goût culinaire.
L’appartement où il se trouve communique avec celui où demeure Maurice Roche, tellement bien que j’ai commis une erreur une fois et que j’ai fait habiter Maurice rue Henri Barbusse alors qu’il demeure dans un tout autre quartier. Leurs immeubles font partie des 500 logements construits par Haussmann qui communiquent secrètement entre eux. Jules Romains a parlé du mystère de ces passages secrets entre les appartements parisiens, et plus tard Aragon a repris cela.
En vérité Maurice n’habite pas un appartement mais une chambre de bonne au dernier étage d’un immeuble ; ces combles appartiennent à une collectionneuse d’amants dont Maurice fait partie ; il nous avait parlé de cela lorsque nous projetions d’écrire ses mémoires ; ils sont tous rangés à l’étage dans une chambre semblable avec un numéro et elle va les cueillir à tour de rôle ; Maurice a le numéro 13 : pas de bol !
O. N.
La Grosse. Monologre - (extrait des États du Monde)
Date du document : avant 1984
Ceci est un extrait du Monologre de La Grosse dans les États du Monde ; à la fois Voix et Figure essentielle de la Cosmologie. Il y a deux Grosses en réalité : la Super-Grosse, Fernande, dite Magdalena puis Hermana, la dernière de ses sœurs, qui est aussi Héra, Tante Pim, Moby Dick et sa réincarnation en La Estrella chez Cabrera Infante, etc… C’est à la mort de Fernande qu’Hermana prend sa place, grossit encore un coup, et reprend son numéro de cirque. Son Monologre, long d’à peu près trois cents pages traverse toute la Cosmologie, réparti en plusieurs quartiers.
À chaque tranche, le ton change, les images, les références (passant par plusieurs guerres, entre autres), et la dernière tranche finit par un émiettement, un ressassement plus court (derniers sillons du disque, dernières lignes de la spirale obsessionnelle) de la plupart des noms de la Tribu Zeusteiner, feuilletés avec des photographies. L’extrait qui suit est le deuxième morceau du Monologre qui fait dans son ensemble surtout référence à deux enfants morts à deux générations d’intervalle : Lulu, fille d’Hermana, et Didier, son petit-fils (bien que les générations ne veuillent pas dire grand’chose là-dedans), ainsi qu’à tous les enfants morts du Quartier Saint-Michel. Les autres morts évoqués sont Fernande et son premier amour Prosper, l’homme au “suicide polygraphique” (rasoir + poison + noyade + révolver), puis les Ancêtres : Baptiste, le carrieur de pierres au mouchoir fin et à la face blème, Pierre de Nérac, etc.
O. N.
Camps de Concentration 1939-45
Mort de Didier 1949. Mort de l’Abuela 1950
“C’était l’Hiver, je m’en souviens, tout s’est précipité : Didier le pauvre petit venait de mourir, Marie avait la tremblôte et je t’avais amené chez Michaud, l’oculiste. Schelley m’a dit : “Vous êtes allées chercher le plus con sur la place de Bordeaux ; tout juste bon à soigner les nègres !” Il voulait te faire des piqûres de lait autour de l’œil ! “C’est un con ; il a traité que des canaques parce qu’ils osaient pas se plaindre, dans la brousse !” Il m’envoie chez Nicolas, à l’Abbé-de-l’Épée, près des Sourds & Muets. En plein Hiver ; ça neigeait à grosses bourres, on patinait sur la Devèze ; même les gosses laissaient des traces.
(lire la suite…)
Eco, extrait de Crampes
Date du document : 1976-1978
Eco
Patatras ! Monsieur Loyal, déséquilibré sur un coup de freins soudain, se relève en arc en basculant sur les talons vers l’arrière et en replongeant se réenfonce d’autant plus dans l’Asile Exotique de la Donzelle de Feu le Colonel qu’il prend toujours pour Sainte Thérèse de l’Enflant Iesos, où elle le dissocie de son désir, du filet de sa voix et de toutes ses humeurs d’un coup ! Du costume de Mr Loyal les étoiles tombent tout à trac et les rayures se mélangent : catastrophe.
(lire la suite…)
Le texte Eco est un extrait du volume de Crampes (1976-1978), qui raconte les “aventures réduites” (souvent contemplatives) des descendants à la cinquième génération des enfants naturels d’Ossip le Tzigane, un des Quatre Grands Ancêtres de la Cosmologie (comme les Quatre Cavaliers de l’Apocalypse). Ils sont tous d’âges différents, de l’Enfance à l’Adolescence et se sont dispersés après la mort de Jo, un des descendants de Jean-Baptiste, lui-même un des fils d’Ossip. Jo, figure patronymique de la Troupe de Cirque sur les bords de l’Ourcq.
(lire et voir la suite…)
Des Portes du Paradis à l’Enfer
Date du document : 1959-1970
On est passé des Portes du Paradis, ce roman d’Andrzejewski écrit d’une seule phrase de plus de cent pages sans ponctuation, qui raconte la Croisade des Enfants, ouvrage paru en 1959 en Pologne, ce pays dont Guyotat est si proche par sa mère, à la longue phrase de Eden, Eden , Eden, paru en 1970.
Stanislaw Brzezinski. Cerisy.
Contenter ce besoin de voir - Joël Roussiez
Date du document : 2019
Contenter ce besoin de voir est extrait de Sur la Barque des jours, La Rumeur Libre, 2019.
Aux malheurs éternels - Joël Roussiez
Date du document : 2014
Aux malheurs éternels a été publié dans Temps divers ou le jardin varié des jours, chez Héros Limite, Genève 2014.
Le Blog du Polar - Eric Miles Williamson
Date du document : 2012
Très peu de noms à changer et on se trouve dans le marché français de la littérature.
NDLR
Defscience - Texte d'Alain Montesse
Date du document : 1er Janvier 2015
On trouvera ici un texte emblématique d'Alain Montesse, poète sonore, cinéaste, mathématicien et performer… qui a fait partie de la belle équipe du Poisson-Lune à Bordeaux dans les années 1966-1968
NDLR
Vivre sa vie - Texte de Joël Roussiez
Date du document : 2018
Vivre sa vie (JL Godard, C. Hoebecrau)
Encombrée par un corps qui ne me convient pas, j’aime mon visage et la forme de mes reins. Quand je marche dans la rue, les regards s’arrêtent sur ma croupe et la honte me saisit d’être ainsi construite que j’attire la concupiscence. Mon humeur n’est pas capricieuse sans raison, je suis à l’intérieur d’un corps qui ne me convient pas, un peu trop gras ici et trop d’os par là. Je ressemble aux femmes anciennes. J’ai des formes, dit-on pour me complimenter.
(lire la suite…)
Une bien jolie vie. II - Texte de Joël Roussiez
Date du document : 2018
Une bien jolie vie II
Au soir de sa vie en la ville de Vannes, un marchand sans histoire raconta qu’il avait senti ton bonheur tandis qu’il mangeait des radis à la table d’une auberge...
(lire la suite…)
Une bien jolie vie. I - Texte de Joël Roussiez
Date du document : 2O19
Une bien jolie vie I
Quatre trèfles dans la balance pour faire bon poids dans la pesée des radis que tu as achetés ; le marchand t’a aimée et veut ton bonheur ; c’est lui qui a choisi pour toi que faire de ta vie...
(lire la suite…)
Du Poisson-Lune à l'Onyx - Mathias Perez
Date du document : Après 2000
DU POISSON-LUNE A L’ONYX
Vous avez attiré mon intention sur de grosses conneries racontées par des universitaires nées au moins vingt ans après les évènements sur la vie culturelle à Bordeaux dans les années soixante. Or comme le disait Saint-Simon, les Mémoires permettent du moins qu’on ne perpétue pas des versions officielles mais néanmoins fausses de l’histoire.
La chance que nous avons tout de même c’est qu’il y a parité en matière d’ânesses et de bourrins, tant à l’université qu’en radiophonie et dans le journalisme des rats crevés.
Je voudrais préciser ceci à propos du café-théâtre Poisson-Lune devenu Onyx, qui était situé au 94 rue Camille Sauvageau à Bordeaux, quartier Sainte-Croix.
Je connais très bien son histoire pour la bonne raison que je suis le cousin du propriétaire du bar l’Ibéria, Robert Triguero qui a ouvert cette salle dans un entrepôt attenant à son café dans son prolongement rue Saint-Benoit.
Je suis charpentier de marine et par extension menuisier. À l’époque je travaillais sur les quais et j’habitais au 9 rue du Port (à deux pas de là), en même temps que toute la famille Perez répartie dans tout l’immeuble vétuste, humide, et parfaitement malsain : un vrai taudis enchanté sur cinq étages, totalement détruit par la suite pour devenir cette parodie bourgeoise du Théâtre du Port de la Lune.
Robert Triguero, mon cousin, tenait le café de l’Ibéria où venaient régulièrement les étudiants des beaux-Arts. Ces derniers avaient trois cafés de prédilection : d’abord Chez Janine, en face de l’Abbatiale Sainte-Croix et à l’angle de la rue du Portail, ensuite l’Ibéria, dix mètres plus loin, et enfin au Longchamps, cours de la Marne, qui accueillait également les Navalais.
C’est donc tout, logiquement aux étudiants des Beaux-Arts que Robert Triguero a parlé de son projet de cabaret et lieu d’exposition, et c’est Daniel Busto qui a mis en forme avec Jean-Louis Froment le premier projet de soirées de lectures dans le cadre d’un cabaret de poésie.
Jean-Louis Froment à l’époque arrivait de Vevey en même temps que Delay et qu’un dénommé Pastor, si je me souviens bien. Il n’avait pas encore épousé Josy, la propriétaire de la Galerie Du Fleuve (que tenait à l’époque la vénérable Madame Henriette Bounin) ; il était loin de son traitement mensuel de 100 000 francs au CAPC et vivait plutôt modestement de son métier d’étalagiste. J’ai encore des photos de ses vitrines, notamment une très belle réalisée aux Nouvelles Galeries, rue Sainte-Catherine, avec de très grands pains ronds. Il était alors assez proche d’une autre décoratrice en volume haute en couleurs qui s’appelait Suzanne Palassy, et que certains étudiants surnommaient gentiment “Suzanne Perroquet” en raison de ses vêtements vivement bariolés.
Ce n’est que bien plus tard, en 1969, grâce à Lardin et Chaban qu’il a obtenu la gestion d’un atelier aux Beaux-Arts de Bordeaux, malgré son diplôme suisse, comme Delay.
*
L’aménagement du lieu comme Poisson-Lune a commencé en janvier 1967, et c’est moi qui m’y suis attaqué. Il ne peut y avoir d’erreur de date, car j’ai conservé tous les cahiers de chantier ainsi que les photographies des différents stades de travaux.
Les étudiants des Beaux-Arts ont énormément aidé aux travaux, notamment Pierre Barès pour le gros œuvre, Jean-Luc Selleret (cousin de Jean-Louis Froment), Daniel Busto et Françoise Labat (qui ont réalisé le plafond dont j’ai construit l’armature, en peignant des mains négatives au pistolet et des empreintes de mains et de pieds).
La première soirée au _Poisson-Lune_a eu lieu le 20 avril 1967. La carte d’invitation que Robert avait fait imprimer était ridicule (en lettres d’or torsadées comme pour une boîte de nuit), et Froment décida d’en refaire une autre aussitôt.
*
Guy Suire n’est intervenu que dans un deuxième temps, en même temps que Guy Baloup et Thérèse Liotard et toute une équipe de comédiens ; Suire s’occupait de théâtre et travaillait surtout à la radio, comme Busto, et c’est alors que le lieu a pris l’appellation de café-théâtre. Le premier à être créé en province.
À ce moment la plupart des participants du premier noyau (Nicolas Remcsack, Pierre Barès, Jean-Luc Selleret, Nadine Meyran, et au premier chef Jean-Louis Froment), sont partis, car ils ne supportaient pas Suire.
Et c’est le jeudi 19 octobre 1967 que le passage s’est fait du Poisson-Lune à l’Onyx. Le titre avait été choisi en commun par Busto et Baloup en référence à des bouts-rimés de Queneau parodiant Mallarmé.
La première exposition a eu lieu en février 1968. Une émission radio de Bordeaux-Aquitaine a été consacrée à l’Onyx le 23 février 1968 et une télé le 10 mars 1968 en même temps qu’à Sigma. On retrouvera tout cela dans les Sud-Ouest de l’époque avec plusieurs articles de Jean-Gérard Maingot (le Dandy de Cheverus !) et Pierre Paret (l’Ancêtre).
Parmi les poètes il y avait Nadine Meyran (qui a ensuite travaillé au CAPC), Anne-Marie Perier, Nicolas Remcsack, Paul Chose… J’en oublie. Et pour les chanteurs Jean-Claude Coquempot, Bernard Balavoine (frère de Daniel), surnommé “la chèvre” par Remcsak, François Huchet, Franck Ferrand et bien d’autres.
Les pièces représentées choisies par Suire allaient de Guy Foissy à Tardieu, Obaldia ou Arrabal et à des pièces de membres du groupe. Les collaborations avec la radio permettaient de faire venir des personnes plus connues comme Colette Magny. Gripari, par exemple s’est déplacé en personne pour assister à la création de sa pièce La Divine Farce.
Dans les expositions organisées, on a pu voir des travaux de Francis Limérat, Pierre Barès, Alain Vallet, Jean-Luc Selleret, Christian Delafond, Michel Jouhanneau, Jean-Marie Poumeyrol, Chantal Delafond, Alain Lestié…
On rencontrait là en 1967 et 68 en majorité les étudiants du CREPS (parmi lesquels des théoriciens politiques tels que André Decroix, le grand ami de Lapassade et de Lourau, Huberdeau Dumas, clown et théoricien de la boxe), ou Patrick Lacoste, le rugbyman psychiatre, à l’époque Grand Prix de poésie-jeunesse décerné par Jean-Pierre Rosnay. J’y ai vu Jean-Noël Cuin jouer de la scie musicale avec Emmanuel Lillet, son compagnon d’alors.
Différents happenings eurent lieu au Théâtre Barbey voisin (grâce à l’aide de Charles Imbert et Raymon Paquet), toujours en 67 et en 68, organisés par Busto, René Strubel, Loïc Picard ou Jean-Bernard Désobeau, dont un fameux Sans paroles ni musique, le 7 avril 1967 (enregistré par l’ORTF). Ces happenings réunissaient plusieurs comédiens parmi lesquels Jean-Pierre Nercam, Françoise Cabrié, Annie Roussel ou Thérèse Liotard (L’une chante, l’autre pas), initiatives singulières sans aucun rapport avec la programmation de l’Onyx.
Ensuite, après les évènements de 1968, la sœur de Robert Triguero et son comparse hébété se sont opposés à la poursuite du projet jugé peu rentable pour se remettre à la bibine honorable, et Robert a dû abandonner le lieu en faillite que tous les étudiants des Beaux-Arts ont alors déserté devant le couple maudit. La dernière fois que j’ai vu Robert c’est en 1970 à Paris chez sa mère dans un état lamentable.
Au-delà je n’ai rien su, sinon que la programmation ultérieure et touristico-intestinale n’avait plus rien à voir avec le projet de 1967. En Avril 1970 l’Onyx se trouvait Chez Jimmy, un endroit peu recommandable où Patrick Lacoste a dû faire office plusieurs fois de “videur”, ce qui lui réussissait parfaitement, avant qu’il ne devienne lacanien sur le Parc Bordelais. En 1979 l’Onyx était établi dans le quartier Saint-Pierre où il est resté jusqu’à la fin.
Je pense que vous pourriez publier les premiers articles de_Sud-Ouest_ que je vous envoie par courrier, notamment ceux de Jean-Gérard Maingot, passionné par la création du lieu et qui assista à toutes les “premières”.
Il faut noter tout de même qu’en mai 1968 un des membres fondateurs du lieu a été expulsé par le collectif pour avoir entre autres frappé un flic avec une statuette en bois de Don Quichotte (figure qui pourtant convenait bien au quartier !), et pour le danger qu’il était supposé représenter par rapport aux institutions.
On ne pourra prétendre l’inverse à propos de ce tribunal ridicule, car je travaillais sur un décor ce jour-là dans la pièce où il s’est tenu, et j’ai parfaitement entendu les jugements des uns et des autres.
Dans ce “tribunal populaire” figuraient tout de même de prétendus anarchistes (la chose est drôle !). L’un d’entre eux, dont le nom n’importe pas plus que Laxatif ou Furoncle, s’est soudainement revêtu d’une peau de mouton en se découvrant occitaniste pur et dur depuis l’Antiquité, alors qu’il venait juste d’apprendre l’occitan à Périgueux avec la méthode Assimil !
Le seul à avoir alors violemment protesté contre cette procédure, ce fut Jean-Louis Froment, bien qu’il n’ait plus fait partie du groupe depuis longtemps.
Mathias Perez
La Longue Lettre - José Izquierdo
Date du document : 1972
LE GROUPE DE LA FOLIE-MÉRICOURT
Le groupe de la Folie-Méricourt (nommé ainsi parce qu’il s’était constitué autour de Monique Charvet, qui habitait alors avec Ermanno Krumm rue de la Folie-Méricourt), était constitué uniquement de filles : Monique, Ariane, Mina, Laurence, Rio, Marie, Françoise, Ophélie, Anna, et de Frédéric/que, à la fois androgyne et albinos, élevé toute sa vie comme une fille par ses parents, et depuis fort indécis. Il faut préciser que tout ce groupe-là passait tout de même l’essentiel de son temps à Sainte-Anne, pavillon Magnan ou ailleurs.
Ermanno et les autres garçons, comme José Izquierdo (patient chronique lui aussi de Sainte-Anne), ne pouvaient suivre que des lignes tangentes par rapport au polygone du groupe, devenu parfois hexagonal et producteur d’Hexagones Monions, qui provoquaient des crises particulièrement violentes chez Monique en l’envahissant.
À son arrivée à Paris en 1970, Ermanno Krumm, bien que familier des Novissimi et passionné par Denis Roche avait composé de magnifiques longs poèmes lyriques à la fois épiques et élégiaques : Endymion, Atala, Dédale... sans la moindre ombre formaliste, dans une sorte d’heureuse joie antique préservée. Ce sont ces poèmes-là, découpés en strophes qu’il offrait aux terrasses de café avec Monique en faisant la manche.
Monique de son côté a écrit beaucoup de textes et composé plusieurs recueils, mais malgré plusieurs tentatives il n’y a jamais eu de possibilité de publications aux Éditions des Femmes ni de véritable rapprochement avec le groupe_Psychépo_. Elle traduisit à un moment Verdiglione à la demande de François Wahl et de Tel Quel.
C’est peu après avoir composé D’Hors en particulier, qu’elle s’est suicidée sur le bord de la mer en 1974.
Le groupe de la Folie augmenté de quelques électrons libres a beaucoup créé également de Romans à Usage Interne, qui mettaient en scène une sorte de situation catastrophique entre des membres du groupe, où le dialogue avec les Morts avait une grande part.
Ces ouvrages, peu volumineux, étaient destinés en principe uniquement aux protagonistes, mais peu à peu le cercle de la diffusion s’était élargi à d’autres amis.
Quant à la Grande Lettre de José Izquierdo (c’est sous ce nom qu’il se présentait à Sainte-Anne, mais on n’a jamais su si c’était véritablement le sien ou un surnom), elle représentait plusieurs milliers de pages et une “adresse” litanique ininterrompue tout le long de son séjour à l’hôpital.
Ici ce sont les tout premiers feuillets tapés par Mina.
M. Ey...
Maison Lulu - Livre Poétique de Nycéphore
Date du document : 1968
Maison Lulu
« Il va falloir sortir. O Neige dont je dors !
Gredins je vais courir ! Flocons insoupçonnables !
C’était donc fors cela que Midi est un soir !
Cette rumeur grinçante des mats et trapèzes,
(lire la suite…)
Nouveau Spicilège de Joël Roussiez - Ensemble de textes inédits
Date du document : 2020
On se reportera impérativement au site de la Rumeur Libre, l'éditeur de Joël Roussiez pour trouver les derniers volumes parus, et en particulier l'ensemble de récits Au Verger des Anciens.
Une bien jolie vie I et II sont extraits de Livres de courtes proses III et Vivre sa Vie de Livre de courtes proses II. Ce sont des recueils inédits…
NDLR
Ode à la Joie - Joël Roussiez
Date du document : 2011
Joie, joie, belle étincelle (Schiller, Goethe, Ono No Komachi)
Qui chevauche sans bruit à l’aurore d’un jour, qui va joyeusement par un matin radieux, qui fait tinter les boucles du harnais, et qu’entends-on dans le feuillage des bois, c’est la rivière au bruit de gravier fin, nous y prendrons un bain, dépêche-toi, je veux sentir ta main... Le chemin est étroit ainsi cheminent-t-ils l’un derrière l’autre, la chaleur monte parmi les fougères et les herbes hautes qui penchent sous la rosée et mouillent leurs chausses.
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La fille de Murasaki - Joël Roussiez
Date du document : 2011
La fille de Murasaki (Dai Ni No Sami)
La fille de Murasaki se souciait des personnes souffrantes et, de son écritoire, songeait à leur douleur. Un homme de deuxième rang vint lui rendre visite : qui tisse dans vos yeux ce brouillard de tristesse ?
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A propos de Rhizomatique, de Stéphane Breton
Date du document : Après 1984
à propos de Rhizomatique de Stéphane Breton
Il y a toujours un grand bonheur aphoristique : celui de partir avant de développer, ou de cristalliser et de fuir. De fouetter plutôt que d’enserrer en risquant contraindre.
Même si Stéphane Breton (dont je ne sais rien, pas même son âge), m’en veut de le réduire de cette manière, c’est avec cette sorte d’emportement de non-philosophe que je l’ai lu, les branches brisées derrières soi, les feuilles ouvertes, désas- tre ou apocalypse, mais l’univers encore heureusement frais de ses blessures comme on est à vingt ans.
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Rhizomatique - Stéphane Breton
Date du document : 2017
Avant-propos
On couche des mots pour saisir une idée, une forme, une expérience, un sentiment, une impression.
On tente ainsi de découvrir un essentiel. On apprivoise alors des réalités, des mondes, des imaginaires.On parcourt de nouvelles terres.
Ce travail d’écriture, de semis, de tamisage, est le résultat de rencontres, d’échanges réels ou rêvés avec des passagers de la vie – passés ou présents. Sans eux, rien ne serait réellement possible.
Les lignes de cet ouvrage sont le passage à une brièveté qui m’est chère car elle est une correspondance sans destinataire connu. Ne pas s’appesantir, juste s’appuyer pour rebondir, aller en-deçà et au-delà. Un même mouvement. Une brièveté faite pour effleurer un inachevé, tisser des liens vers des horizons indéterminés.Une reformulation permanente pour saisir ce qui est, ce qui advient.
Comme un rhizome, ces lignes s’entrelacent, se ramifient dans tous les sens. Elles se transforment l’une l’autre et peuvent parfois se traverser. Elles ne sont ni linéaires ni hiérarchisées. Elles s’efforcent de se connecter de manière hétérogène et de se perturber de façon imprévisible. Elles sont rhizomatiques.
J’espère que vous aurez le temps de passer sur ces mots comme un marin sur les mers sans rien espérer ni vouloir. Peut-être même dans un état de confusion, de veille troublée, de conscience narcotisée, il pourrait se passer quelque chose que vous seul estimerez alors singulier. Un intérêt pourrait se dévoiler. Une intention se produire. Une question se poser. Un rien exister.
Paris, novembre 2017
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J'ai tout arrangé - Joël Roussiez
Date du document : 2011
J’ai tout arrangé : (Shakespeare, R. Musil)
J’ai tout arrangé pour ma disparition, mes livres, mes papiers sont à la disposition de mes proches. Je ne lègue pas mon meilleur lit puisqu’aujourd’hui ces choses n’ont plus de valeur. Je ne lègue donc rien que des écrits d’auteurs et quelques uns de moi.
(lire la suite…)
Des Anges - Texte de Joël Roussiez
Date du document : 2018
Mettray/O'Leary - Intervention de Didier Morin à Beaubourg
Date du document : 22 Septembre 2017
Hommage rendu à un cinéaste extrèmement important pour le mouvement de Mai 68, dans le même désordre de flambée enthousiaste que Bernard Plossu et la Beat Génération.
NDLR
Gérard, t'es là ?
Date du document : 2000 et après
GéRARD, T’ES LA ?
Il n’y a d’inscription que d’agrément. L’art ne vient que par le cœur à l’esprit, et la peinture est comme une toile amicale qu’on dispose pour prendre un pique-nique en commun dans la campagne qu’on peindra demain, à mi-chemin vers la maison familiale d’été. À l’image de cette halte du Prince dans Le Guépard.
etc.
(lire la suite…)
Dimanche - Os de Poésie
Date du document : 1965
DIMANCHE
C’est dimanche, les coups de gris,
La lithurgie, huîtres et le coke.
Voici la douche wagnérienne,
Babas au rhum et Chantilly,
Et le crabe en métal doré.
Grand-mère est vraiment furieuse :
Les avions nous survolent, noirs ;
La neige aussi s’est assombrie
Sous les étoiles aux voix de chats ;
Il a neigé tout un ennui.
etc.
(lire la suite…)
Dimanche, poème non attribué à un frère ni l’autre. Nini. Ni Nycéphore, ni Nicolaï. Fait partie de tout ce vrac, ce pisé, adobe, bauge ou torchis, ce remplissage entre les cloisons.
À 17 ans le vrac Aragonien, probable… qui lui même (“plafonds/profonds”), n’est pas loin des scansions Hugoliennes.
Enfants - Os de Poésie Nycéphore
Date du document : 1999
ENFANTS
Il y eut de multiples mouvements d’enfants avant cela.
L’enfant : sa raison d’être, son globe, sa lampe,
Petit sourire mutin du matin créant des fossettes à la journée
(Affres des os des songes, cent mille douleurs distinguées !).
Comment placer ce suspens, garder la perte sans la peur ?
Quand ça sort, on reste bête !
(lire la suite…)
Du genre au style ! - Séminaire sur l'Angoisse
Date du document : 1963
Du genre au style ! Comme on l’entend.
NDLR
Louis Wagon - Marges des États du Monde
Date du document : 1971
LOUIS WAGON
Louis Mac Carthy s’est engagé dans la marine ; il n’est là qu’en permission mais il veut travailler aux Wagons-Lits quand il sera démobilisé ; il nous raconte qu’ils ont installé des pupitres électriques avec des télécommandes dans les Premières : plusieurs boutons de couleur aboutissent au compartiment d’un policier assistant le contrôleur.
En bandeau au fronton de chaque wagon, désormais :
Votre anonymat sera respecté
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Louis sur l'Atlantique - Marges des États du Monde
Date du document : 1971
LOUIS SUR L'ATLANTIQUE
(1939-1945)
Au-delà de la plage (cette fois-ci c’est l’Atlantique), d’un bout de l’horizon à l’autre sur la mer, dans le petit jour gris espérant l’aube aux doigts de rose, on voit toute une armada de silhouettes massives de cuirassés et de croiseurs, puis plus légères de destroyers.
Derrière eux d’énormes navires de commandement hérissés d’antennes, puis ceux de transport et les bateaux de débarquement.
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Le Capitaine - Marges des États du Monde
Date du document : Après 1984
LE CAPITAINE
On l’appelle aussi “Capitaine”, comme ça, lorsqu’il trouve de beaux décors au plus loin, avant des voisinages sinon indéterminés mais du moins innommés.
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La pliure de 1917 - Marges des États du Monde
Date du document : 1975
LA PLIURE DE 17 (Bataille du milieu)
5. La Bataille du Milieu. Hiver 17
La présence de l’Histoire n’est ici qu’allusive, et le Temps se rebrousse à partir des deux bords du Champ de la Guerre pour aboutir à la pliure trouble et tremblante de 1917, sensible comme une secousse sismique à travers le Monde, comme le sera plus tard celle de 1971 à la suite d’une toute autre coupure irraisonnée.
Au fond du sac et dans les alentours, le conflit mitraille, parti du début et de la fin pour aboutir à la pliure du milieu, ici, à l’effondrement du Fort de la Cité Des Morts : il émane tellement d’odeurs infectes des fosses, la terre est tellement saturée de cadavres que ça tuerait n’importe quel passant hasardeux ! Ailleurs le chlore, le brome et l’ypérite (certains ont cru que le nom venait d’Ypres, à cause d’une terrible après-midi de printemps !), donnent des agonisants convulsés, des mourants vomissant le sang, des morts verts écumants.
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La lettre à Tesson - Marges des États du Monde
Date du document : 1971
LA LETTRE À TESSON
(14-18)
« Voilà ce qu’Yvonne m’écrivait, au milieu de mes pérégrinations, ce 20 Août 15 : “En tout cas, soldat Tesson, tout ce que je vous conseille (au-delà de nos débats faussement mystiques), c’est “l’exercice au plus tôt !”
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O - (Stances)
Date du document : 2000
L’hiver le bruit des glaces brisées est assourdissant (parfois la neige est noire, couverte des cendres des essaims d’étoiles), et l’été nous voilà dévorés d’insidieux moustiques et d’énormes taons !
J’accepte de recevoir la foudre dans les champs.
La foudre frappe les sommets, la mousse garde les marins ; la mer est ouverte, la bonté fermée. Nous n’avons plus pour nous que le choix gradué des écritures d’Ératosthène et son hypothèse polaire (or, cuivre, argent…), la beauté des monts d’Orisan, les pommes brillantes, ceci le 22 Octobre 1953 ; les clématites blanches du Grand Arc !
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O (d’abord composé d’une suite de petits fragments de poèmes en prose venus des recueils des Absolus_), est souvent bien antérieur à sa date de 2000, qui est la butée de l’écriture de la trilogie OGR-OR-O dont il est la dernière lettre. Il se distingue moins par la date que par la nature de son tissu et l’essai d’araser toute figure, d’anéantir tout procédé._
Si OGR était la partie la plus volumineuse, Or ne représente qu’un peu plus de 200 pages et O à peine une cinquantaine.
Cela se lit en deux temps : O, succession de stances, puis Cerveaux, nappe où les phrases se sont regroupées par aimantation.
C’est historiquement pour l’amusement le sou fondu à partir de 1914, troué en son centre pour ne pas être confondu avec de l’argent sur lequel on incitait l’enfant à chercher une souris avant de lui expliquer qu’elle avait disparu par le trou.
C’est le cercle de feu que traverse l’animal du cirque, et au-delà duquel l’auteur a disparu. Une façon de passer par l’objectif en peau de sujet pour être enfin totalement rendu au monde en délaissant la loque du narcissisme.
Vœu pieux !
NDLR
Cerveaux - (Nappe)
Date du document : 2000
Je veux me résoudre en la musique de la légende de Novgorod, la découverte des poèmes Orphiques et le Y, indécis. “Padoue, Papin, Didon.” Dvorjack arrive deux ans à peine après Wounded Knee.
Je me souviens de la pierre plate en 66 et de l’essoufflement. La pierre plate auprès de la rivière, au-dessus d’un massif de buis sur lesquels je retrouve les tailles du machete paternel en grimpant, après dix kilomètres de course à travers bois : tout est là. Car ce chemin débroussaillé mène à un autre emplacement temporel.
Là j’ai atteint quelque chose, à table, stupéfait. Je suis si bien, mon Dieu, comme l’homme qui s’incruste dans le Temps et qui refait sa vie dans l’espoir de mener à bien sa seule œuvre, qui est celle de toute sa vie.
Celui qui s’attaque à l’abstraction du langage ne saurait être un italien. Et par contre aucun polonais ne peut parler de la famille. Beaucoup de labyrinthes, comme une coupe de chou chinois. Il disait, l’idiot qui se terrait sous la rivière : “J’aime bien les oreilles et aussi le dedans.”
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On se Croise ! - Os de Poésie
Date du document : Février 1982
ON SE CROISE !
Bassins comblés de houille, vous n’êtes plus de vastes jardins fleuris ; les enfants vont avec les pauvres, croisade Acéphale, oeillets splendides issus du sang d’Ajax !
Avant cela : famines ! Faute de blé, on mange des rhizomes, et on va !
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Les Spicilèges de Roussiez - La lecture, une forme de conversation
Date du document : Novembre 2017
Les Spicilèges de Roussiez
En complément du texte de Joël Roussiez paru dans le numéro de la revue Mettray consacré à la lecture, nous vous offrons celui-ci à lire, d’une texture différente et totalement inédit.
Nous ne saurions trop vous inciter à lire ses ouvrages récents : Au verger des Anciens, récits parus à la rumeur libre, et le grand roman picaresque autour du pirate Farfali, aux éditions de L’Arbre Vengeur.
NDLR
La lecture une forme de conversation,
Si l’on se propose de dire quelque chose sur la lecture, on ne peut faire l’économie de considérer qu’elle est devenue silencieuse ; et c’est à ce qui se passe dans ce silence qu’on va particulièrement s’intéresser. On interprète généralement cette situation comme celle d’un le lecteur qui reçoit passivement les signes émis; s’il est silencieux, c’est qu’il reçoit, tel est le raisonnement.
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Au fond du Chant - Os de Poésie
Date du document : Avril 1968
AU FOND DU CHANT
Au fond du chant, époques des maison chères et d'autres antres de magie, la nuit venue. Je plonge, au lieu de rentrer directement de l'École, par un détour aux jardins d'onyx et je m'assoie posément sur un banc pour fixer dans les vastes soirs de la Marne tout ce que l'enfant ne savait préciser.
On mâche une dernière croûte de pain alors que la troupe passe sous les platanes. Grande misère et tristesse de l'image télévisée au sein des hurlements chez les cousins Perez ; bonheur radiophonique de l'enfant seul enfin chez lui. Il l'a retenue par la manche ; elle lui a dit :
« Éteins !… » Elle s'est laissée déshabiller, embrasser, caresser… L'enfant nu, la femme défendue, le mystère…
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Après Roman : OR
Date du document : 26 Août 1991
Arrivé à ce point du récit dans l’Écriture (lequel ?), fortin fort peu prenable, il s’agissait de fabriquer de l’Or avec le matériau brut de tous les jours et à partir de la bibliothèque constituée, et ceci pour un nouveau réalisme (Faulkner, Rimbaud, Claudel même ; on était très loin de Zola) ; prendre la cythare d’Orphée dans une transe Quechua pour chanter le monde, au lieu de le décrire, transformer ce qui est privé de connaissance.
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La Mort des Amis
Date du document : 22 Octobre 1916
LA MORT DES AMIS
On peut penser que certains, un peu voyants, nous énoncent leur mort sans le savoir : Didier Morin parle de la femme écrasée dans un terrain vague par une Alfa Roméo dans Accattone de Pasolini, et Genet de “Ah ! Que ma quille éclate !” du Bateau Ivre à propos de l’amputation de la jambe de Rimbaud pour ostéosarcome qui précède sa mort de peu.
Au cours de son séminaire Barthes envisagea une fois la façon dont la maladie ou la mort pouvait toucher un homme dans la part de lui-même qui lui était la plus chère. Il prenait comme exemple Benveniste touché par l’aphasie et Mallarmé mort d’un spasme de la glotte. Tout cela très linguistique, tout de même : on était dans les années 70.
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Lydou - Ligne des Enfants
Date du document : Après 1984
COURRIER DE LYDOU (extrait)
Lydou & Jean font partie du troisième tome des États du Monde, celui des Enfants, et non pas du quatrième des Adolescents. Ils sont restés dans l’Enfance, et dans ce volume ils ne font pas partie de la Ligne des Escholiers Primaires, mais de celle des Orphelins Colporteurs.
Jean fait du cinéma, et Lydou l’aide.
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Loups ! - Livre Poétique de Nicolaï
Date du document : 1979
31. Loups !
(La laisse deleatur)
Lézard et Serpent d’abord ;
L’orage au ciel, la rage au sol
Sur Marie Gay, défigurée
Sous la lune, en prairie fraîchie de six heures,
Et frise des bois glacés.
C’est du cirque où marche un ours
Chocolant ventre d’un an, de Limoges,
Que les montreurs de ménagerie
Ont lâché une louve enragée, bavante.
« Empeste au diable, ch’tit chien noir ! »
Neuf jours badés, neuf jours barrés,
Neuf jours de chair, neuf nuits de sang,
Loups renaissant parmi les failles,
Trois mois sur l’herbe et trois sur vent,
Ayant réduit enfant en bouillie pour croire,
Pour surgir. Cachés en ronces et faits de bords,
Eux, enhardis d’impunités en leurs aziles,
Dépècent dans l’Initiation d’autres viandes ;
Et les fleurs blanches dont abonde
Le ciel défait, vibrent à leurs dents d’acacias.
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À propos de Didier - Lignes des Escholiers Primaires. Trio des Enfants Malades.
Date du document : 1980
( À propos de Didier fait partie du Tome III (non publié) des États du Monde , consacré aux Enfants, en particulier aux Lignes des Escholiers Primaires , et encore à l’intérieur de celles-ci du Trio des Enfants Malades . Le texte lui-même, par contre, a été publié par une revue étrangère.
Didier, c’est le frêre disparu de Nycéphore et Nicolaï.
Mais pour le coup le texte ici est d’abord un hommage à “deux vrais frères”, à savoir Didier Morin et Bernard Plossu, qui ont considérablement aidé à la publication de la Cosmologie.
Didier Morin avec tout le tournoiement du Vortex de Mettray.
Bernard Plossu qui a eu le cœur de faire tout un reportage dans le quartier de ces Enfants : Saint-Michel de Bordeaux.
“Des mecs réglo” aurait dit Burroughs.)
Le quai brille à présent avec sa densité de néons en premier plan, tel qu’on le voit depuis les toits de la rue Carpenteyre. C’est Lui d’abord qu’on voit en arrivant. À peine sevré du lait maternel, pour ainsi dire le lendemain, Didier se leva en souriant avec des dents noires ! Il en avait peu, mais ça suffisait : il avait mordu à la Mort dans la nuit et montrait à présent le vaisseau qui mène au pays d’Orphée, amarré sur le quai Sainte-Croix. Cavité, ventre, crématoire, locomotive ; tout à la fois. Cette teinte d’encre qui gagnait tout avait pénétré au cœur même de la porcelaine ; on eut beau lui laver la bouche tant et plus, rien n’en partit ni ne déteignit. Dès lors, il tomba malade, gardant toujours ce sourire atroce de Saint jusqu’à la fin, ce sourire insupportable !
L’ombre des dents se reportait partout, et il se mit seulement à hurler en mourant ; un très long cri silencieux, bouche démesurément ouverte : on n’entendait aucun son, mais au fond de sa gorge, au lieu de la luette on voyait le champignon atomique ! On avait oublié de le porter en riant dans toute l’enceinte de la maison et surtout à travers le Jardin Noir, de répandre sur lui l’eau lustrale ; il ne restait que la lettre Z, ballante, accrochée à un clou en bas de l’escalier, sur la porte vers l’Atelier. José était débordé.
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Cézanne revu - Texte de Anne Guelvilec
Date du document : 2014
(Anne Guelvilec écrit de petits récits (non destinés à la publication) où souvent les voix et les personnages, bien que distincts, s’enchevêtrent.) Elle est née à Quimper. Après des études de peinture au Canada, elle vit à Paris. Elle a bien connu Thomasine Wallace à la fin de sa vie à New York.
« Jeanne, ma sœur Jeanne, comment nous vois-tu devenir ?
— Plusieurs voix me conseillent d’être gentille avec tous ces artistes.
— C’est toi, Jeanne, on a voulu que ça soit toi qui serves de modèle. C’est bien de toi qu’il s’agit ! Monet adorait les nuances azurées avant de les perdre, vermillons et garances, les teintes pures d’un seul jet, des épiphanies, les multiples rapports des choses visibles avec le ciel et la terre, l’harmonie lumineuse d’un grand système de vérité cosmique. Et Cézanne, souviens-toi : “J’ai épousé la mansuétude.” C’est autre chose. “Il n’y aura pas de Sainte-Victoire définitive de la vérité, mais en tout cas elle est peinte.” Rends-toi compte ! C’est à tout ça que tu peux participer.
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Terre-à-terre - Ouvrage poétique de Gilles Venier
Date du document : Éditions Encres Vives 2017
On ne saurait trop recommander de lire (d'entendre), ce lyrique Chant du Monde, qui dans la fraîcheur magnifique de son inventaire fait penser à toute l'époque Linnéenne de Paul-Armand Gette, ce redoutable explorateur des lisières et zones de bordures, friches et autres…
NDLR
La Clinique Béthanie - Livre Poétique de Nicolaï
Date du document : 1968
18. La Clinique Béthanie
Plus rien qu’un tournoi sur
Une perspective abîmée ;
Têtes coupées, matinées d’or.
Cresson, canailles, confusion ;
La guerre qui du moins nous sauve
Ne fait plus aucun prisonnier.
Salves de l’écho sur les monts,
Esclandres, hoquets oniriques :
Nous voilà soumis aux gloutons,
Aux dévoreuses de bonbons.
Sous de la corne, sur de la soie,
L’Enfance est ressucitée grêle !
(lire la suite…)
La Clinique Béthanie et Le Pavillon Toussaint_, bien qu'écrits à un an de différence (1967 et 1968), se répondent d'un Livre Poétique à l'autre des deux frères._
NDLR
Le Pavillon Toussaint - Livre Poétique de Nycéphore
Date du document : 1968
18. Le Pavillon Toussaint
« Ces raseurs aux fifres, aux cuivres, ce dimanche
Quels genoux d’acajou, musique pour chevaux
De bois ! Alors que je trimais dans la source
Au lavoir (simplement ne plus rien voir, par la fenêtre),
Hébétude au-delà des pluies, des gouttes, des pendeloques ;
Derrière un masque d’ours s’en viennent les chasseurs.
La splendeur d’or que les sous-bois !
Ces cavernes dans le feuillage
Par endroits vineuses, un peu rousses à d’autrefois ;
Rien du déchet dans une litanie.
« Es-tu là, Fernande la Grosse ?
— Je suis au fond de mon lit, Nany ! »
(lire la suite…)
Arseguel, Membre-Fantôme - à propos d'Autobiographie du bras gauche
Date du document : 15 août 2017
(Autobiographie du bras gauche. Éditions Tarabuste. 2017.)
Je pense ici bien sûr à Michaux qui à cause d’un problème de bras cassé, avait tout à coup découvert “Michaux côté gauche”. Beaucoup moins à Twombly et aux évidences qui ont surgi dans les années 70 de devoir écrire ou peindre mal comme un gaucher (qui plus est, dans un bon milieu). Le Twombly d’Arseguel, c’est Tapiès.
Ce serait plutôt, dans le versant populaire, la plus grande rapidité dans le sport, comme le Fante de 1933 fut une mauvaise année, avec son héros qui veut devenir un champion de base-ball, et masse sans cesse son bras gauche (auquel il parle pour l’encourager), avec l’Onguent de Sloan.“J’avais fière allume à l’époque, la souple démarche d’un tueur à gages, la décontraction typique du gaucher, l’épaule gauche légèrement tombante.” “Mais Le Bras me permettait d’aller de l’avant, ce cher bras gauche, le plus proche de mon cœur.”
Je pense aussi à cette nouvelle de Maupassant où un pêcheur perd son bras arraché par le filet : comme l’expédition sera longue, il le conserve dans la saumure au milieu des poissons et le célèbre par un enterrement au retour.
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Le monde de Memo et de ses petits chiens - Tribu des Adolescents. Automne
Date du document : 1982
Il faut que je vous dise à propos de Memo et des Quatre Petits Chiens Brefs de la Mort (Dic, Duc, Fac, Fer), que ces derniers devenaient parfois (comme les Grands Ancêtres), les Quatre Chevaliers de l’Apocalypse, ou les paroles de Dieu aux Impératifs irréguliers, autant que le Christ réparti en Quatre Animaux.
Quand l’un de ses quatre chiens se promène, Memo n’est jamais loin ! Il les surveille, mais travailleur du Royaume des Ombres, il se montre peu aux vivants n’étant généralement là que pour éviter la venue d’embranchements catastrophiques prévus à l’échelle de l’univers, simplement dans le but d’avertir tel ou tel des impasses où il risque de s’engager et lui permettre ainsi de choisir un autre “montage”, de changer d’aiguillage et de destinée, sauf dans le cas où la mise en gare de triage d’un wagon doit précisément permettre d’éviter un conflit mondial.
“La littéralité blanche doit toujours être défaite par les accidents et par les engouffrements historiques comme les coulures sur une peinture de Bacon”, dit Memo.
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Aube à Tokyo - Tribu des Adolescents. Aube & Nany. Automne
11 000 mètres d’altitude. 900km/heure. Passage le long du cercle polaire, soleil de minuit, nuit pincée entre la lumière du couchant et celle du levant. Intense humidité stagnante. Nuit. Shinjuku.
Aube écrivait à Monique (qui aurait dû venir) que son expo à Tokyo le 26 août faisait partie de Femmes et Histoire. Mr Yamagishi lui offrait le luxe de montrer des morceaux de peau et de chair dans une galerie. “Les femmes ont créé 52 % de toutes les formes de pensée humaine ; que les hommes assument au moins les 48 % qui leur restent !” Elle avait envoyé un télégramme à l’ambassade de Russie Bd Lannes pour le soutien des femmes russes en lutte comme elle en enverrait quatre ans plus tard encore pour éviter le séjour en camp à Nathalia Lazareva. À Shigel elle avait dit : “You are not living in my body.” et “J’ai le droit de briser l’ordre des chapitres.”
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Nice ! - Tribu des Adolescents. Aube & Nany. Automne
Lundi soir 13 Août
Auberge de jeunesse
Cohue. 280 personnes pour à peine 180 places : c’est du camping dans tous les espaces. Larguée. Quitté Monique à la frontière de Ventimiglia (je crois) qui voulait rentrer à Paris : Sainte-Anne oblige ! Où trouverai-je Jean et Lydou dans tout ça. Attente des lits de camp jusqu’à je ne sais plus quelle heure. J’ai tout laissé à la bagagerie, livres et papiers. Bagasserie, je devrais dire, et bagarrerie.
Ici une fille japonaise écrit ; lui demande un peu de papier. On ne parle pratiquement qu’anglais. Les filles toutes en groupe. Les mecs ne m’attirent ni ne m’inspirent confiance. D’ailleurs une bagarre, vite stoppée, mais de la violence dans l’air ; gens très excités.
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Pan ! - Histoire Deux. Livre de Nycéphore. Antiquité
Date du document : 1976-1982
Histoire Deux, qui est la vision de différentes époques de l'Histoire (Antiquité, Moyen-Âge, Révolution, etc.) telle que peut la construire un écolier primaire, comprend de petits récits échelonnés de 1976 à 1982.
Pan, c’est Tout, trous de multiples flûtes (au minimum sept tuyaux !) grâce à Syrinx l’Évanouie, vers le littoral d’où les asphodèles sont des modèles nus ; Océanies et Asies non disparues !
Et il faut se souvenir de cette belle phrase enchantée d’un paysage, se souvenir de cette belle phrase offerte oubliée au bas d’un visage !
“PAN ! Toute Écriture Astarté amenée dans le secret.
Flore, poursuivie grâce aux vents légers, depuis Saint-Bruno, porte entr’ouverte du temple en sa faveur, & depuis Elle je jouis d’un Printemps Perpétuel ! PAN ! Flore, gorge de lait, prend du satin pour feuilles, et du taffetas, de la baptiste, du crêpe anelet et de la gaze pour les pétales. PAN !
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La Nappe - Histoire Deux. Livre de Nycéphore
Date du document : 1976-1982
La Nappe La Nappe, voilà comment j’imagine le début du monde, avant tout nom. Mais ce connard de traquenard n’en a rien à faire, ni cette vielle pute de machine à écrire Adler, réincarnation de Chancel comme Duras l’est de Sagan, celle qu’on appelait la Thénardier avec son Jules à la mie de pain, poète à trous multiples : j’ai jamais vu Cosette, mais je connais Valjean. Ou du moins si, je comprends ce nom, c’est parce qu’ils n’arrêtaient pas de faire causette. Une niaise causette sans effet aucun.
« Docteur ! Docteur ! Je m’excuse : vous voulez bien m’acheter des mensuelles ? C’est là que j’écris mon journal. »
La Nappe, mais prise dans un mouvement… pas du tout le lac de la Tranquilité. Ça non, alors. Ça serait une tout autre hypothèse. La nuit, on réfléchit.
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États du Monde
Date du document : 2016
ÉTATS DU MONDE
La réalisation de cet ouvrage, publié par les éditions METTRAY, correspond parfaitement au projet initial de l’auteur. Il concerne le Pré, les Grands Ancêtres et les Gras.
Ce premier volume sera suivi de quatre autres volumes (Les Maigres, Les Enfants, Les Adolescents, La Bande à Jésus), qui seront publiés sous forme d’édition numérique sur ce site consacré à la Cosmologie Onuma Nemon, également créé par Mettray voilà une dizaine d’années.
En dehors des œuvres plastiques reproduites dans le texte, il y a une soixantaine de vignettes en couleurs et en noir et blanc destinées à être collées sur les emplacements désignés tout au long du livre, et qui participent à l’étoilement du propos.
Les États du Monde sont l’aboutissement le plus important de la Cosmologie, mais bien sûr ils sont à considérer dans le réseau d’ensemble des Voix et des territoires des autres ouvrages déjà publiés ou disponibles sur ce site. On trouvera dans le numéro de la revue METTRAY paru en Septembre 2016 une présentation du volume ainsi qu’un dossier de photographies réalisées par Bernard Plossu dans le Quartier Saint-Michel de Bordeaux qui revêt une grande importance dans cet ouvrage.
NDLR
Publication : Mettray Éditions
L'Inscription - Ce qui compte n'est jamais là
Date du document : 2014
Paru dans la revue Mettray n° 7, en Septembre 2014. Sans doute le commentaire le plus précis de l'horizon de la Cosmologie.
I. Revay
SRRLSM/RBSPRR - Enquête à propos du Surréalisme
Date du document : 21 Août 2015
Ceci en réponse à une enquête organisée par l'URDLA, et qui a donné lieu à un ouvrage intitulé Trois Chameaux rue de la Convention
Qu’avez-vous fait, vous, les gidiens,
les cérébraux, les rilkéens,
les mystériens, les faux sorciers
existentiels, vous, les pavots
surréalistes qui flambiez
sur une tombe, les cadavres
de la mode européisés,
les blancs asticots du fromage
capitaliste, qu’avez-vous fait
devant le règne de l’angoisse,
devant cet obscur être humain,
cette présence piétinée,
cette tête qu’on enfonçait
dans le fumier, cette nature
de rudes vies foulées aux pieds ?
Vous avez pris la poudre d’escampette
pour vendre des morceaux d’ordure,
pour chercher des chevaux célestes,
la plante lâche, l’ongle ébréché,
la « Beauté pure », le « sortilège »,
des œuvres de pauvres capons
pour que les yeux s’évadent, pour
que les délicates pupilles
s’embrouillent, pour survivre
avec ce plat de rogatons
que vous ont jeté les seigneurs,
sans voir la pierre à l’agonie,
sans protéger, sans conquérir,
plus aveugles que les couronnes
du cimetière, quand la pluie
tombe sur les fleurs immobiles,
les fleurs pourries des sépultures.
Pablo Neruda. Le chant Général.
Pourquoi répondre — Je réponds à ceci par intérêt pour votre travail d’artiste et votre travail d’enseignant et parce que très précisèment, voilà un peu plus d’un an, par une sorte de “hasard objectif”, au moment où j’étais en train de distribuer pour les amis de l’URDLA un de vos livres dans les confins les plus reculés de Paris, j’ai eu la tentation de chercher le siège du dernier Cercle Surréaliste, histoire de voir à quoi ça pouvait ressembler aujourd’hui. Et je me suis retrouvé dans un quartier sinistre de cités, un non-lieu, comme s’il s’agissait d’une adresse fantôme.
J’ai toujours été à la recherche d’une fraternité impossible, dans une sorte d’enthousiasme à venir. Dans ces temps de sinistrose il aurait été curieux de voir si des surréalistes attardés réussissaient enfin à travailler dans des conditions de laboratoire telles qu’ Artaud les voulait.
SRRLSM SRRLST — Voilà encore quelque chose qui me pousse à vous écrire, que ces consonnes imprononçables. J’ai écrit ainsi Robespierre RBSPRR dans Quartiers de ON ! À la fois le Tas de Pierres de Hugo et le tranchant consonantique de la guillotine.
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Conférence d'Arles - Christian Gix
Date du document : 2014
Le Cinéaste Christian Gix (originaire de Metz, et qui vit en Patagonie), a tenu cette conférence à Arles à propos du photographe Marc Giloux, et en particulier à propos de son ouvrage Œuvre ouverte et Polygraphie, paru au Québec.
Cette conférence sera reprise dans l'ensemble des manifestations des fameuses Rencontres de Cambrai.
Petites Proses de Nicolaï
Date du document : 1965-1970
LES PETITES PROSES comme la plupart des recueils du continent OGR sont écrites en vis à vis, d’un frère à l’autre. On a choisi entre plusieurs versions de chaque texte généralement la dernière. On trouvera ici quelques pages du recueil de Nicolaï qui comporte une cinquantaine de poèmes en prose et qui sera bientôt disponible en pdf sur le site.
L’ouvrage date pour la majeure partie du Lycée et de la Société Secrète des Cinq Doigts (en référence à Isidore Beautrelet), groupe constitué avec entre autres Nicolas le Hongrois, dont l’activité se poursuivra jusqu’en 1968, et dont Domnique Merlet était l’organiste et l’organisateur, du temps où il habitait près du Palais-Gallien.
Isabelle Revay
Petites Proses de Nycéphore
Date du document : 1965-1970
LES PETITES PROSES comme la plupart des recueils du continent OGR sont écrites en vis à vis, d’un frère à l’autre. On a choisi entre plusieurs versions de chaque texte généralement la dernière. On trouvera ici quelques pages du recueil de Nycéphore qui comporte une cinquantaine de poèmes en prose et qui sera bientôt disponible en pdf sur le site.
L’ouvrage date pour la majeure partie du Lycée et de la Société Secrète des Cinq Doigts (en référence à Isidore Beautrelet), groupe constitué avec entre autres Nicolas le Hongrois, dont l’activité se poursuivra jusqu’en 1968, et dont Domnique Merlet était l’organiste et l’organisateur, du temps où il habitait près du Palais-Gallien.
Isabelle Revay
Front des Artistes Plasticiens 1972 - Préparation de la contestation de l’Expo Pompidou
Date du document : Printemps 1972. Paris
Alain Sebag (relit le projet de Statuts) : Nous soulignons notre indépendance de tout courant politique, mais nous ne somme spas a-politiques. Les problèmes moraux liés à notre pratique nous entraînent à un rapprochement avec les groupes ouvriers.
Nave : C’est un problème de fond, et non pas de forme. Est-ce qu’il faut mettre ou non le terme socialisme dans les statuts ; il faut définir notre engagement politique.
Alain Sebag : Ce texte est le cadre minimum du F.A.P. ; c’est celui qui a été adopté lors de la dernière assemblée générale.
Nave : Dans les statuts nous avons parlé “d’association pour la défense des intérêts moraux et sociaux des artistes, sans distinction raciale, religieuse ni idéologique… pour de nouveaux rapports sociaux et culturels dans une perspective socialiste.” C’est clair !
Philippe : Ce qui est important c’est la réfutation d’un “saut qualitatif” réformiste.
Nave : C’est mal exposé. Il faut marquer notre désaccord avec la “non-distinction idéologique” (à savoir le danger d’Ordre Nouveau, de l’U.D.R. et de tout le boy-scoutisme).
X1 : “Pour le socialisme”, c’est trop vague, et ça ne signifie rien si c’est uniquement dans les statuts : c’est du beurre.
X2 : Comment définir une action socialiste ? Comment dépister les fachos ? Est-ce que vous allez demander leur carte à ceux qui viennent ? Vous définissez un idéal, mais comment le suivra-t-on ?
(lire la suite…)
Poor Arthur - Tribu des Gras
Date du document : 1984 et Après
Poor Arthur
Il faut descendre Arthur, mais on sait pas par où le prendre, comment le saisir. À chaque fois qu’il revient, il est différent, teinté de Marseille, de Siddi-Bel-Abbès, de Colomb-Béchar et sa section de Discipline, en train de casser des cailloux à la masse, passé par le Kef ou de retour de l’île du Diable ; il a toujours vu les gardiens révolver au poing depuis sa naissance. Ça dépend avec qui il erre.
Arthur avait commis un crime sur un chantier en se faisant passer pour Louis, après avoir volé ses papiers d’identité, et Louis avait hérité de son casier judiciaire qui s’élevait à hauteur d’homme.
On serait bien allé le voir dans sa “concession à perpétuité”. Pour peu, Henri l’aurait crevé d’un coup de couteau, et il aurait commencé à l’embaumer par le ventre.
Y’avait un Amar, là-bas, à Cayenne, à la Case des Fous, prénommé Arthur comme lui, qui habitait rue Verte à Caudéran.
Lui en réalité c’est Jules-Arthur, mais il voulait pas entendre parler de Jules, il trouvait que ça faisait pot de chambre. Nous on trouvait que ça faisait pas assez excessif. “Arthur, ça crache sur le soleil ; Jules, c’est tout juste si ça pisse !”
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Jules-Arthur - Tribu des Gras
Date du document : 1984 et Après
Je ne sais rien de Jules-Arthur
Je ne sais rien de Jules-Arthur de la Crapaudine ; je l’ai toujours rencontré en coup de vent. J’ai cette photo dans le désert avec les casques, dans un groupe, et c’est à peu près tout.
Il tenait ce surnom du supplice subi plusieurs fois, les membres attachés derrière le dos, et pendu au soleil.
Sa mère Rosa n’était pas pauvre, mais il plaignait souvent une pauvre tante : Sabine l’amie de Jo, sur l’Ourcq. Il en parlait à mi-voix, tête baissée.
“Sabine avait attendu Jo tout le temps sur le fossé, près de la voiture, ne sachant l’ouvrir, plus de deux heures en plein soleil. Quand je suis arrivé elle m’a demandé en toute hâte un morceau de pain, au bord du malaise.
Il pleuvait.
Elle était trempée.
Elle n’avait pas mangé depuis cinq heures du matin.
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Joël Roussiez - Pour le Dico
Date du document : 2014
Texte destiné au Dictionnaire de l’URDLA : on verra si ça passe !
NDLR
L’exigence morale de Roussiez consiste à se dépecer du monde de la vulgarité instruite, refusant le récit grossier comme l’action quelconque. Il cherche l’améthyste du gave, l’animalité des parois et les lieux de torsions et d’enroulements fantastiques des corps de l’enfance. Car l’aventure Roussiez ce n’est pas celle du signifiant, mais celle du roman où le monde s’ouvre au fur et à mesure de l’énoncé comme le corps devant le médecin.
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Les Ennemis de Juan - La Tribu des Maigres Tendres. Trio Juan, Manolín, Norberto
Date du document : 1975
Ce siècle avait vingt et un ans ; Juan réunit dès qu’il sut marcher les auteurs de ses jours dans un cauchemar commun : des fantoches en conjuration voués à sa perte.
Enfant, lorsqu’il était seul avec son père ou sa mère, il s’exprimait librement, mais dès que tous les deux étaient conjoints, c’était la méfiance, le doute, la contraction intérieure qui devenait une tétanie mentale. C’était une coalition, il ne pouvait plus rien dire de personnel ; il lançait des généralités comme un clou chasse l’autre. Parfois l’alerte disparaissait, il se sentait pleinement rassuré pour un temps très bref. L’absence de contradiction le fortifiait dans l’idée qu’il n’avait rien d’anormal. Sa mère, quand il partait en pension, lui confectionnait un plat qui devait lui faire plusieurs repas, et elle lui donnait des boîtes de conserve, d’huile, de sucre, de pommes de terre, etc. Et elle lui laissait de l’argent liquide pour s’acheter des magazines et des sucreries. C’est lui qui avait réclamé cet éloignement de la pension dont il n’y avait nul besoin, son école se trouvant dans le Quartier.
Dès sa jeunesse Juan avait appréhendé la cause de sa misère comme dûe à un complot de ses “ennemis de lisière”, comme il disait. Il en souffrit par paliers avant de devenir complètement inconsidéré. Un jour il aperçut un vêtement oublié sur un banc de la petite allée qui menait au jardin des Abattoirs tandis que deux buses traversaient son ciel ; il en conclut on ne sait quel pressentiment féroce, ainsi que de la vue de la villa abandonnée cimentée de moellons artificiels blanchâtres, à quelque distance de là, avec un cèdre grandiose au-devant ; il en retira la certitude d’une sorte de scansion impersonnelle comme des humeurs du monde, hors les mots.
L’Abbé Depardieu de Saint-Michel qui exerçait en même temps que le Père Bonnet l’avait attiré à lui, mais c’était celui qui s’amusait beaucoup à faire tournoyer les filles et dont on voyait le caleçon tandis qu’il tournait. Juan eut beaucoup de mal à s’en défaire et il connut alors des bouffées délirantes : les tentures de la sacristie en forme d’oriflammes rouges le poursuivaient partout ; il voyait se lever le bras armé de Saint Michel qui allait projeter sa lance au travers de son corps ; le sang du tissu rejoignait le sang qui sortait en bouillonnant de ses naseaux infectés, car il souffait de sinusites aiguës.
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L'Abbé Vincent - Les Maigres Tendres. José & Marie. Printemps
Date du document : 1971
Le choeur des petits enfants chantait déjà, alors qu’ils étaient encore près de la cloison qui rougeoie du confessionnal. L’Abbé Vincent dirigeait l’immense cortège de la retraite de l’Immaculée Conception sous tous les platanes de la place ; c’était intense : toute la foule quittait l’église après avoir salué Saint Michel de bois et de bronze noir. Les seuls endroits calmes, ça a toujours été les cimetières et les monastères, même si on a du mal à savoir où en est vraiment le foyer, sur ces grandes dalles. Les églises, ça bruisse.
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Gloria - Les Maigres Tendres
Date du document : Avant 1984
En partant faire ses ménages et en quittant la rue du Port, Gloria éprouva une joie extraordinaire rue des Bénédictines, à cause d’une odeur inqualifiable qui lui fit lever la tête : elle vit des chemises colorées accrochées sur des fils, et elle découvrit le ciel en arrivant rue Saint-Benoit, elle s’accrocha à lui. Puis cette odeur disparut sous celle d’un potage en préparation.
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Didier - Pr’Ose ! Futur
Date du document : avant 1984
Extrait de Pr’Ose ! Futur
NDLR
(Didier)
Dans mon cerveau, avant la méningite, Le sein ne suffit plus ! Ajoutez-donc du lait écrémé, Touillez toute une vie à travers mon crâne : C’était ma voix, ce pays-là !
Neuf mois à peine ! Un mois d’été à Almogordo, Un mois claquant des cents de pigeons sur le fronton de zinc noir, Qui creusent les pierres sous leur bec. La bombe du Désert d’Alamogordo a explosé en moi ; Elle a cheminé cinq nombreuses années. (Le reste du temps, je suis mort.) Miracle (chose inespérée qui doit être) : Esquisses de sierra et ciel bleu.
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Décompte de la Faim - Contes, récits, nouvelles
Date du document : Avant 1980
Dans le jardin du château de Nuada, fumée s’élevant du sol et intelligence du bois (dans laquelle excédait Art), à l’abord d’un tas de vieilles tuiles et de rames brisées couvertes d’insectes morts, An Scamall s’est avancé, portant dans son cartable en peau de loup un pain fourré aux figues et des galettes de maïs parmi des carrés de porc cuit à la bière avec des noisettes. Et Sciathán Spota avec lui.
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Ce texte figure dans le recueil de Contes de Nycéphore, du Continent OGR. Il est tout particulièrement crypté selon la logique buissonnante de la mythologie celtique.
Les deux personnages Nuage de Son et Tache d’Aile, dont le nom est transcrit ici en gaëlique sont dans les États du Monde les enfants de René Mac Carthy, le petit-fils d’un des Quatre Grands Ancêtres (ou Chevaliers de l’Apocalypse), à savoir Auguste Mac Carthy.
On les trouve également dans une des pièces du Théâtre Lycéen.
NDLR
Lincoln - Brouillon
Date du document : 1969
On trouvera ici un extrait d'un ancien brouillon retrouvé dans un vrac HSOR.
NDLR
Lincoln
Premier Janvier 1863 : on commence par rire. On voulait sonner, secouer la bannière étoilée, Depuis l’embrasure de la porte, Le porche de l’esclavage par où les fils maudits de Noé sont entrés dans le Temple.
Évaluer le mal absolu au sommet du crâne : Border States avant les Border Line “Si on trouve dans une arche de verdure un paysage suffisamment complexe, On y reconstituera le temps.” dit Abe. À Richmond ! Au Bull Run ! On déplacera celle qu’on aime depuis le Nord jusqu’à Fredericksburg ; Stanton contre Cameron le taré. On s’inscrira dans une sociabilité sise de forêts profondes et de chasseurs gris. L’Anaconda ! Et le whisky Grant pour tous. Plus de ligne blanche encrassée et boueuse, Plus de glotte nouée, Plus rien que des silhouettes parmes de sang : un horizon remué. Savannah ! Savannah ! Destruction, pillage et saccage, mais très peu d’atrocités. Le soir est tombé, et pourtant on n’a rien fait pour ça, Sinon tenir le dernier quart d’heure.
*
On vivait au grand air, on pratiquait la chasse, la balançoire et la fellation.
Petit enfant, chien dans un Parc en avril, matinée fraîche : piments des moineaux, mésanges, pinsons. Chasseurs oreilles rouges de froid, casquette de laine noire : à la face bise glaciale.
Les accords mystiques résonnent.
Aujourd’hui éblouissement du soleil sur les flaques près des poubelles ; On vient de pendre un négrier à New York Dans la ruelle étroite de fabriques et de garages clos. Murs de parpaings noirâtres et fumée noire de la haute cheminée d’industrie bouchant le Soleil. Obsit Nemon !
Douglas “Teuf-Teuf” le paralytique dans un train spécial ; La nuit, il y a toujours un tas d’acier et de métaux ferreux près de la voie ferrée ; En approchant de Baltimore la Sécession devint électrique ; Dred Scott esclave libre n’était pas un citoyen. Noyau plus dense qu’un moyeu de jade. Sinon, après les hôtels, le mouvement humain par excellence reste ignoble. John Brown fut pendu ; Washington tuant Spartacus. Fort Sumter : le frémissement ! On a vu des diamants fondre de givre, en plein hiver ; Partout la montagne résiste à l’esclavage.
etc.
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Pemmy Noël - Contes, Nouvelles et Récits de Nycéphore
Date du document : 1976
Il ne restait à la petite Pemmy, cachée au fond de la pièce des claies de jonc et de paille où s’égouttaient et sèchaient les énormes meules de fromages, qu’à énumérer tout le jour des listes face auxquelles elle se trouvait la nuit en rêvant, écrites sur un tableau noir comme la fortune de Chienfou :
Arrosoir Chandeliers
Limbes Flache
Poire Débridement
Horloge Escargots de Chine
Orangée Confetti
Asperges Confiture
Rive Araignée
Encolure Cachectique
Larix Sorcière
Bleue Ouais
Verruqueux Morasse
Boîte Péjoratif
Dé Radis
Turquoise Outrage
Quatre Nus
Prélart Pécari
Unicorne Corps
Entonnoir Encre
Cobra Suint…
etc.
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Conte Court - Contes, Nouvelles et Récits de Nycéphore
Date du document : 1976
Le Paralytique était stuporeux sur le bord : on boira toute l’eau de la piscine à son horrible avènement ; on va partir en Allemagne voir l’homme à l’oreille coupée ; la tache de lumière choit bêtement dans un bosquet dont les arbustes ont des reflets roses.
Une chose représente autre chose : soleil ou lampe ou bien la figure d’une femme de serf, sucrée et blanche, à peine molle, poupine, terriblement sensuelle ! Puis c’est le méandre des causes. Cantate, prairie, anémones sauvages en tapis, crescendos tragiques de cordes, puis vents.
Ma mère me dit toujours de faire attention aux fleurs de l’esprit. Sur le plâtre, sur les parquets creux et verts de moisissures : des animaux, des peintures… fond moral, peinture allégorique jolie et reposante abîmée nuit et jour. Trait formant un triangle gagné d’un cancer fou… estimation de perte progressive éclairée plus ou moins faiblement.
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O - (Cerveaux)
Date du document : 2000
I. LE CHAOS
Aimantation
Autrefois je saisissais dans ma main les bombardiers vrombissants dont toute une armada noircissait le ciel au-dessus des fougères géantes, et je les remettais dans la rivière pour la peupler de poissons-chats, bombes olivâtres aux moustaches noires. La nuit le globe terrestre s’enflait à partir du bout de mon pied, corps et mappemonde échangeant leurs propriétés dans un trop-sûr de charogne et de mandarine. C’était bon !
Je me réveillais dans le bonheur des maisons de garde-barrière et de souvenirs divers et les futurs hypnotiques et cinglants s’ouvrant sur la voie ferrée. À Pâques, à la pointe du jour, on s’y levait dans les rameaux et les oracles. La permission était énorme dans la brillance de l’air lumineux. On ramassait les vipères, on réchauffait leurs œufs dans le sable, mais elle ne nous mordaient pas.
Je courais dans une jungle de dahlias, de fruits plus gros que des crânes et de légumes pendant parmi des lianes pour épier les derniers renards féroces. La seule vérité, c’était la bonté de l’opulence.
(lire la suite…)
*
O représente la dernière étape de la Cosmologie. Ceci en est l'état définitif.
NDLR
110 Artistes pour le Chili
Date du document : 12 Octobre 1973
Avec Obstination - Texte de Joël Roussiez
Date du document : 2012
Ce portrait-là est rempli d’une description impeccable, d’une trame tellement recroisée dans ses traits de burin qu’elle échappe à elle-même ; et va se “répandre une volupté comme d'un lit défait... ”.
Elle est digne des portraits de femmes faits par Plossu, quelque chose de très attentif et de très rapide, une voyance en coin d’œil, un entrevu foudroyant, et d’autant plus précis que le regard n’insiste pas, n’écrase pas la personne considérée, elle incipit : “Elle commença son récit en baissant le visage sur son bol vide”. Ce n’est pas non plus la parodie de La vierge au bol en Thimotina Labinette : rien de caustique ni de cynique.
La première phrase pourrait venir d’un Chant de Maldoror : “Le rictus amer d'une femme étrusque au nez presque droit, les cheveux bouclés en masse le long de l'oreille cachée par des sortes de lauriers pour retenir la chevelure glissante ; un œil pour finir mais conquérant, voilà telle qu'elle m'apparut au lever du jour, passant devant ma maison, seule sur la route déserte et marchant.”
Oh, oui certes, Roussiez est plein de vies et d’époques diverses, et plus ça va plus je crois (c’est-à-dire j’applaudis) à cette hantise des temps chez lui. On parle toujours dans les fictions et chez les parapsychologues de “vies antérieures”, et jamais des vies postérieures, or les époques apparaissant chez Roussiez sont des époques rabotées, devenues parfaites pour l’emboîtage et projetées en perspective ; Roussiez est un menuisier du temps. Son moyen-âge futur est un moyen-âge nettoyé. Peut-être que l’Éternel Retour c’est ça.
Avec obstination et douceur, cette description, effectivement, ce commentaire. “Je vous aime”, voilà ce qu’il dit, je vous aime. Scorsese ne dit pas ça, mais Cassavettes le dit, et Bruno Dumont, et Bernard Plossu.
On avance dans son texte qui ne sent pas le roussiez comme à travers les laies d’Un balcon en Forêt. Avec ces répétitions que le pseudo-pur styliste enlève mais que Gracq conserve en pierres de soutien latérales du chemin, car avec ça il fore, il avance, il troue la forêt dans ce grand vortex, cette spirale du temps.
O. N.
Avec obstination
(hommage à Krleza)
Le rictus amer d'une femme étrusque au nez presque droit, les cheveux bouclés en masse le long de l'oreille cachée par des sortes de lauriers pour retenir la chevelure glissante ; un œil pour finir mais conquérant, voilà telle qu'elle m'apparut au lever du jour, passant devant ma maison, seule sur la route déserte et marchant. C'est son profil qui me frappa et c'est pourquoi je me levai rapidement pour faire sa connaissance. Il était tôt et il ne fallait pas l'effrayer, aussi laissais-je mon chien filer au devant d'elle pour l'accueillir. « Mais pourquoi se rictus amer » lui demandais-je plus tard lorsqu'elle eut accepté un bol de café. « J'ai quitté des lieux sombres où le temps ne passait pas, la pourriture chaude m'a éloignée et je marche pour me défaire d'une sorte de boue... Je vivais dans une ville aux lourdes colonnes et aux temples sobres ; la vie y était sereine, tranquille, pétrie d'habitudes et de calme. C'était une vie sans calcul qui se déroulait comme il convient sans malheur excessif, ni joie intempestive. On y disait les paroles qu'il fallait : va donner aux poules et aux lapins, ou bien : la vie n'est pas vaine qui s'accomplit chaque jour. Un beau jour on mourait et nous étions en deuil ; les cérémonies étaient courtes et sincères sans faste ni larmes abondantes... » Ses traits étaient doux et son regard puissant, les formes de son cou, de ses épaules et de ses bras, étaient rondes et agréables comme remplies d'une chair ferme et chaude qui venait sourdre de la peau et répandre une volupté comme d'un lit défait...
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Une soirée chez les Tristram - Entretien avec Brigida Gazapón
Date du document : 15 Mars 2006
Voilà donc longtemps que la rédaction de cet entretien était en attente de mise sur le Net, dans l’espoir de retrouver la version définitive et intégrale. Faute de mieux nous sommes partis de la bande enregistrée, qui comporte une partie inaudible et la fin effacée. L’original appartient à Brigida Gazapón qui a réalisé l’entretien et qui à l’époque s’occupait d’une petite revue en Argentine. Depuis elle est partie en Australie retrouver Lena et Miss Ross. Et plus aucune nouvelle. Si vous la croisez en “crawl-walking” dans la brousse en compagnie des kangarous chargés de répandre la bonne nouvelle de sa revue logée dans leur poche ventrale, parmi les dingos et les lapins excités, faites-lui signe de notre part, pour qu’on sache un jour de quel orage il s’agissait et quelle était la conclusion.
NDLR
La Mesure du Tombeau - (Hommage à Verlaine)
Date du document : 2012
Ce texte aussi beau que du Gracq est du Travailleur Roussiez.
O. N.
La mesure des tombeaux
(hommage à Verlaine)
Nous sommes auprès du tombeau et scrutons les alentours où il n'y a rien, rien d'autre que nous ici et nous le savons bien, puisque nous sommes venus dans cet endroit seuls. Nous n'avons pas souhaité être accompagnés, il nous semblait que c'était à nous de faire la démarche, d'y aller nous-mêmes malgré la difficulté. Il a fallu traverser la plaine où guettaient des lanceurs et des piocheurs, il faut faire attention, nous a-t-on répété, lorsqu'ils te prennent, tu n'en a plus pour longtemps. Et nous avons répondu qu'on n'en avait de toute façon plus pour longtemps... Le tombeau est vide, il est fait en béton banché d'une seule pièce hors le couvercle qui est entreposé sur deux chevrons juste à côté. J'ai apporté mon mètre ruban, il faut mesurer le tombeau en longueur, largeur et profondeur, l'étude doit le spécifier. Pour mesurer la profondeur, il va me falloir descendre à l'intérieur... Je regarde les environs, il n'y a personne qu'une lande déserte de bruyères et d'ajoncs; un arbre court sur la gauche est si décharné qu'il ne peut rien dissimuler, un autre à trente mètres de même ; à côté se trouve une pierre assez grosse..., assez grosse pour cacher quelqu'un, je le pense et me le dis. Et puis je chante : des arbres et des moulins sont légers sur le vert tendre... Que faire, la crainte s'est insinuée en moi tout doucement alors que je chantais, elle est descendue et s'est emparée de quelques endroits, dans le ventre peut-être ou bien dans les épaules... Quelqu'un y guette quelque chose, c'est moi qu'il guette, je ne sais..., et s'il surgissait... Je tombe en rêve dans le tombeau que l'on bouche, personne ne m'entends plus, la lande est silencieuse... Descendre m'inquiète.
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Détail de la Cosmologie Générale - État des Archives
On trouvera ici un détail des différentes parties de la Cosmologie Générale, dans l’état actuel des archives dont nous disposons.
NDLR
Brouillons des Croisés - Vive la Rose-Croix !
Pas plus que le précédent, ce texte assimilable aux Croisés n’a été repris ni dans les États du Monde ni dans Histoire Deux, du Continent OGR. On y retrouve entre autres l'épouvantable Emicho.
Isabelle Revay
Qu’importe l’ordre des départs : Chaos, Cosmos, toute la merde ! D’abord des Faces pour des Visages ; (Haïssons pas les paillettes, tous feux éteints Avant l’Apocalypse, Ni les babillages de 18 mois, Attachants gazouillis d’emprunts.), Des Nombres pour créer des Peuples. Visages d’hommes libres sur des corps de femmes soumises Et vice-versa. Déex li volt.
Pierre l’Ermite et sa lettre déclancha tout (“Si Constantinople tombe, Tours aura été inutile. Les Turcs, peuple débile de tous temps…”) Puis Pierre retourna dégoûté à Constantinople.
Ceux-là criaient “Deus lo vult”, Inondés de sanquette, Affublés de fausses culottes, Singes ornés des maux des autres. C’est la tournée du Pape : Tours, Bordeaux, Toulouse, Montpellier, Nîmes (La durée d’un accouchement.), Marchands ceints de peaux d’Artistes qui traversaient l’Apulie Pour aller lui gratter l’oreille, Eux moins que rien : l’ombre déportée d’autres ; Jaugez le peu dont il reste ! Prostituées payées du Saint-Père, Famine, lèpre, fièvres, peste et batailles… Pour ces sauterelles religieuses. “Rien, moins que rien : pourtant la Vie. La pierre est fraîche, la main tiède.” chantent-ils.
D’abord Al-Akim 1010, mauvais chiffre ; (Même Vivien n’y pourrait rien, Même Jean-Pierre.) La Rage qui touche, Blancheur qui pique au lieu du rouge qui tache ; Qui frappe vite et net, tue sur place, élimine frisettes autour du trou ; Le tsuki de la pensée en acte, Coup de poing redoublé sans appel de Bruce Lee & Kanazawa, Foudroiement épileptique de Dostoïevski, Zébrure visuelle de Virginia, Crise atomique du crâne au soir,
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Brouillons de La Bande à Jésus
Ce texte assimilable à La Bande à Jésus n’a pas été repris dans les États du Monde ni dans Histoire Deux, du Continent OGR (à paraître dans le collectif Courte—Line). Le personnage de Issa, cet ancêtre du Christ figure toutefois dans Crampes, le “recueil gitan” de OGR.
Isabelle Revay
(Bande à Jésus ?)
Dans ce quartier plus de sabbat ni de boue : des oiseaux ! La pine à gauche, la jambe à droite, Aucune dignité de la chair, La langue noire, Et des passereaux vifs !
Nouvelle traversée du jardin Capitan Et sa maison des oiseaux En compagnie de Joseph, Avec Husserl, le roi des claquettes, Arsène, qui trime comme graveur chez Leblanc. Et l’enfant qui le heurte dans les Arènes tombe mort.
On paye pour la ménagerie : Fauves trempant dans le lac d’urine, Anges loukoum aux ailes de carton ; Mille menues attractions en éclipses Dont les pharisiens si terriblement bêtes.
Là-bas la Fille de la Commune, nue jusqu’à la chair, Jambes coupées, le moyeu vide, Sur le matelas de sommeil des lettres En Grande Truanderie.
Tandis que Lui, Exalté par la forme et le nom de la première lettre, Laisse le cartable au ruisseau, Dégorgeant de caricatures, De journaux illustrés, De résidus de Malakoff, Et lance à tous la date de leur mort.
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Le Bief de Bourran - Ligne des Gras
Date du document : 1989 & 1996
Et voilà ce qu’en dit Nycéphore :
“Quatre heures du matin, l’été, nuages dans la rivière. Profiter au maximum des espèces qu’on a : l’ombre, les jalousies, le Katalpa… l’eau enfin distribuée si amoureusement ; défaire l’engoncement dramatique, avant Midi !
L’Enfance côté du trottoir dans ses villes, nouvelles antiennes : ses objets successifs devant soi. Rue Verte, sous le marronnier rose, assis sur le banc des douze ans, et de là multitudes de scènes : dans chacune je m’assois et je suis. Merles, fracas des sensations ! Chèvrefeuille, abîme insondable ; si nous ne pouvons rien savoir de l’énigme, disons-la, simplement, stagnons, auprès des essences. Poésie : retenue, celui qui ment tire l’odeur des roses vers la prose, vous savez ?
Moïse de bois doré sans être furieux, formidables senteurs : arums au printemps, proches du fenouil, mimosa des morts à Saint-Augustin, avec l’Idiote dans l’Église. Bonheur incompréhensible absolu (compression atroce des vitraux ; puis vitraux de nouveau dispersés au ciel, aux champs, aux temps), liseron sans odeur de la Préservation : les orgues de Dieu canonnent quand les moissons !
Ils canonnent les rues du Cancéra, du Pas-Saint-Georges, près de chez Nénette et Norbert Perez, devant les tissus Bordenave, chez Maïté (de Manolo), la rue Maucoudinat (suivante à gauche, son puits de Bahutiers, sa Truye qui file), rue Buhan, rue des Boucheries où bouchers, tripiers et crabiers bombardent le bar-tabac rouge de Saint-James de bestes mortes, trippes, laveures, bouillons puants et chairs filantes en contrebas de l’éblouissement du soleil et du courant d’air frais conjugués sous la Grosse Cloche de Saint-Éloi où Siona chante La Juive.
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Ce texte fut jadis dédié à Bernard Manciet avec lequel il y eut une brêve correspondance, et publié dans une feuille locale de Bordeaux.
I. Revay
Brouillon 437. - Suite Réseau Zéro.
Date du document : 1976
Brouillon résiduel d’une suite probable (assez longue : ici p. 437) de l’épopée de Martin Zoo Outis, dont un récit : CylindreObscur, figure dans OGR, version maigre.
Cette suite abandonnée était surtout fourmillante de plans, presque à chaque page.
I. Revay
Brouillon - Vrac Didier
Date du document : Aucune date
“Embryons humains : les nouveaux esclaves
Produits en masse et conservés in vitro en attente d’être livrés
Par Dieu le Père Papa Pantalon ;
Produits innommés
Voués à une non-naissance.
Ena milo melomon
Bruit de fiacre du levantin
(Elle attendait le train de Topeka),
Four Courts 1922.
Peut-être ici est-ce en sortant qui je suis ?
Sur l’autre bord : suspension artificielle de la mort,
Élimination des plus faibles.
Au-delà : l’apoptose
Et la reprogrammation du noyau :
Est-ce un homme cette levure ?
On n’est dans la nuit que la vomissure du ripailleur.
Qui engendra quoi dans la Trinité :
Plus d’odeur, d’auteur… comment ont-ils pu deviner ?
Sed aureis furculis ;
Noms de mon enclos sans trouée,
Écriture de coins et recoins,
Éclats de la douleur assourdis.
Je suis la réalité fusible
Et le vent du Sud casse les roses,
Langue de mandarin dans une gueule poundissante.
C’est est fini du Bouddha,
On ira aux Enfers pour aider les autres
Où l’on trouve autant de roses qu’on peut offrir,
Où l’abuelo me mord la main par amour.
Enfers de Dante, des Hindous, de l’Abbé Dubois ;
Nagez dans l’étang rempli d’urine de chien et de morve !
Inertie paisible de la stagnation,
Jouissance de l’anéantissement dans le Tout :
Ne jamais renaître !”
*
Oh ! Quelle horreur d’avoir Marie pour femme !
Et le bulletin seul du premier trimestre
Avec des notes autour de 11.
Ce texte fait partie dans les archives du vrac d’un dossier sur Didier. S’agit-il d’une esquisse de Pr’Ose reprise ailleurs ? Nous ne le savons pas.
I. Revay
Les rubans et la Croix - Texte de Joël Roussiez
Date du document : 2011
Une barque se dandine sur le lac tranquille, de petites vagues cognent sa coque solide qui glisse contre le quai de bois et les roseaux. Son havre est étroit mais agréable, la berge est douce, couverte d'herbe verte en pente légère jusqu'au seuil d'une jolie chaumière de pierres. Des bouquets de roses surgissent dans le feuillage épais et sombre des rosiers rustiques; on entend le chant d'une flûte picolo et dans l'âtre brûle un bon feu; si la journée est belle, resplendissante même, le matin reste froid car nous sommes au printemps. Le printemps au bord du lac perd très lentement la fraîcheur de l'hiver mais l'automne résiste et garde longtemps les chaleurs de l'été. « Quand l'automne sera là, je ne serai plus là », une jeune fille le chantonne, sa sœur joue de la flûte; allongée sur le lit, elle accompagne les paroles joyeuses. Une soupe légère mijote, la mère repasse une ceinture de dentelle, ensuite il faudra faire le chemisier, « ma fille se marie avec sa chemise de lin ! », et puis « pom-pom-pom ! » rentre le tonton, « j'apporte le jasmin et les fleurs d'oranger », « pose-les ici » et voilà qu'il s'assoit. Oui, il prendra bien un bol de café, ça fait une tirée du château jusqu'ici... La flûte joue doucement avec un peu de précipitation, c'est la mélodie des amants qui dit: si tu me quittes alors je meurs et si tu restes, je vais mourir sur l'heure...
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Un Paquebot Magnifique & Récifs
Date du document : 14 juin 2011
Avec Roussiez on part dans l’aventure de la langue, un vrai roman d’aventures et l’aventure du roman, dans le picaresque de Don Quichotte et de Jacques le Fataliste : ce qui doit advenir advient. On est dans Le Chancellor et son présent absolu, Un Capitaine de Quinze Ans, et surtout dans la fin de la première partie de Vingt-Mille-Lieues sous les Mers, les explorations abyssales et la visite du cimetière marin.
On peut lire Un Paquebot Magnifique comme on lisait autrefois le récit du voyage du Rhin de Victor Hugo, vaste déroulement d’où surgissent les récifs des burgs mystérieux à travers des paysages crépusculaires, mille richesses historiques et des géographies à explorer, des contes qui se déploient en pop-up comme le Diable de Pécopin, ce qui correspond chez Roussiez à L’Histoire de Majnûn ou À propos de l’oiseau lapidormeur.
Chez Roussiez aussi mille savoirs de l’époque sont brassés, et l’infini écrase de temps à autre le sillage de l’aimable errance comme chez Victor Hugo la plaine de Soissons s’ouvre sur César, Clovis et Napoléon parmi des ombres qui passent ; à la faveur d’une inscription sur une pierre Jules César se transforme en Jésus-Christ.
Dans les deux ouvrages, moins d’exotisme que de dépaysement temporel, et le passage d’un itinéraire didactique à un véritable enjeu politique, je veux dire un enjeu guerrier.
J’ai la chance d’habiter dans un village dont le Saint arbore à la fois plume et épée, et suis bien heureux de constater que l’incision de Roussiez n’a rien à voir avec cette manie des ouvrages depuis quelques années dont le pseudo-héros est un écrivain ou dont le secret est un livre (éventuellement possédé par un diable aimable et mondain, un diable “Saint-Louis en l’Île”).
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(La Rumeur Libre fait partie de ces éditeur qui ne confondent pas la pensée du corps et la physiologie et préférent l’épos Roussiezien qui comporte un Z. à la socialité bêtasse. Décidément encore une petite maison sympathique de pauvres.)
Et également : Éthique de la Description et Troupeaux et Voyage
Fabien et le Phalanstère. - Ligne des Enfants. Orphelins Colporteurs. Saison de l’Automne
Date du document : 1986
Comment sentir les taudis de Lewisham ? Le glissement de l’eau, de l’eau sans fin ! Fabien éprouve ça. Tout est le fleuve, toute vie est le fleuve, toute œuvre est un fleuve de bois flottant. Et elle qui ne vivra plus sans lui, plus jamais sans lui : comment s’approcher de cette douleur !
Fabien se souvient en contrepoint de l’émotion cardiaque au printemps, près du château, chez Stanislas, du matin frais de lumière épanouie où il est allé au marché avec sa femme et sa petite fille pour acheter un gateau avec elles, du lit de fortune et de la chemise de nuit de lin brut de sa compagne joyeuse en comparaison de cette douleur lointaine, inaccessible de Lewisham, comme il voit un lien entre “Voyage au centre de la Terre” et “Au-dessous du volcan”. Pour lui les voyelles ne furent jamais que des ornements. Il suffit d’un carquois de flêches d’acier, d’un cable aux torsions d’acier et d’un trombone d’airin brisant l’air avec deux ou trois notes aigües. Il préfère les 200 mots de la déclaration d’indépendance américaine au 60 000 mots nécessaires à établir le détail du commerce des œufs de cane.
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Fabien Si Bien. Cols - Ligne des Enfants. Orphelins Colporteurs. Saison de la Terre
Date du document : 1976
Fabien qui fait tout si bien s’était arrêté le matin au tout début de l’entraînement à cause d’une légère tendinite à la cheville droite, à peine une demie-heure passée. Il devait faire ce test sur les poumons et la gelée, pour vérifier au sommet du col si London avait vraiment raison, et si le tissu mort se détache ; ils étaient partis pour ça ; Élizabeth venait aussi d’une lignée de tuberculeux. Il ne voyait pas pourquoi il lui avait dit “Je t’aime” au col de V. : il faisait frisquet, surtout au cou, dans l’ombre du col ! cela était sorti de sa bouche comme un éjaculat, malgré le peu d’exaltation cardiaque de leur entraînement suspendu ; sa maigreur, le froid lui semblaient avoir augmenté à cette déclaration, alors qu’il avait l’impression d’être un charbonnier qui se jette un sac noirâtre sur les épaules comme une écharpe, en lâchant ça, à présent avec une charge inutile sur les pentes, en descendant. C’était aussi désagréable que quelque chose qu’on ne parvient pas à réparer ; il y avait dans les monts d’alentour une odeur de pommes pourries.
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Max et les Fouailleurs - À propos de l’exposition Max Schoendorff à l'URDLA
Date du document : Mars 2011
Surréalisme.
“Il y a quelque chose de mal digéré dans le surréalisme, disait Denis Roche et c’est un stade peu important de sa digestion.” C’est sans doute l’illusion de la profondeur : celle de l’inconscient comme boîte noire autant que celle de la plupart des représentations picturales de ceux qui se réclamaient de cette école.
Au contraire chez Max on est à peine dans une épaisseur indurée de la peau, à l’endroit où se fichent les échardes ou les pinces à clamper. On est chez les fouailleurs, ceux qui crochètent les tas d’ordures à la recherche d’un aliment, les gamines du Brésil ou d’ailleurs.
Les fous sont ailleurs : ils crochètent dans le déchet en rêvant du Paradis alimentaire de Pinocchio.
“Mais quoi qu’on fasse on ne ramènera aucun trésor au jour : on ne fait que retourner de l’ordure.” me dit un parano quelconque et lyonnais. Au contraire. Et ce que les gamines cherchent, ce n’est précisèment pas de l’ordure mais un morceau de vie. Il n’y a pas à aller chercher loin : c’est ici et maintenant. C’est sans doute la leçon à tirer des révolutions arabes Facebook. À quand chez nous ? À Caen les vacances, disait Devos.
“Ça va muscler !” Le Vide de la Plaque.
À Saint-Michel, lorsque “Nez-Rouge” l’air revêche au premier pastis du matin disait “Ça va muscler !” ça voulait dire que toute cette sorte de chaos qui s’était accumulé en lui depuis quelques jours allait trouver son expression sur un lit d’hôpital… _etc.
Pour lire la suite, reportez-vous au Ça Presse n°49 de juin 2011
L’âme du visage - Texte de Joël Roussiez
Date du document : 2011
Suite de ces petits textes comme fragments d’Éternité, dont Roussiez a le secret.
O. N.
L'âme du visage
Nous passons l'éponge, effaçons ainsi ce qui s'est passé, du moins on veut le croire car sur nos visages se marquent imperceptiblement les émotions que nous vivons; sur ce tableau des impressions s'inscrivent donc les choses que nous avons vécues, non les choses matérielles mais en quelque sorte l'empreinte qu'elles laissent sur nous; et encore faudrait-il dire que passant par notre système émotif, elles lui donnent des impulsions qu'il transmet à notre peau ou grave, selon l'expression de Jean. Ceci expliquerait le vieillissement de ces dernières qui se rident tout doucement comme des parchemins... Pourquoi emprunter à l'extérieur l'état de nos cœurs, peut-être parce que nous ne sommes sûrs de rien, que nous ne souhaitons aussi rien exprimer de particulier, peut-être parce que nous ne sommes qu'une caisse qui résonne aux impulsions; en bref, nous déménageons ainsi sans cesse de nous-mêmes mais comme il est impossible de quitter nos corps, nous restons en surface, suspendus en quelque sorte entre deux lieux; c'est ainsi que la peau se fripe... L'explication des vieux était toujours amusante et le jeune Louis aimait bien les faire parler. C'est d'eux qu'il tenait ce qui semble avoir été un savoir profond « bien qu'au fond, disait-il, ce ne sont que des anecdotes »... Toute vie est transposée de sa caverne originelle vers un conteneur social, répétait le vieux Jean par exemple et Louis écoutait cela qui avait des résonances en lui mais lesquelles, on ne le sait pas. Pourquoi le vieux Jean portait-il le pantalon large des marins, ce qu'il n'avait jamais été, parce que, disait-il, le ventre du navire était sa patrie. « Je suis citoyen des pays de l'absence de gloire , je travaillais dans les soutes avec mes comparses mais ne va pas croire qu'on se sent protégé à l'intérieur de ces murailles et de ces forts, suivant l'expression qui désignait pour nous les machines et la salle de l'entreprise pour laquelle je travaillais qui fabriquait en acier des véhicules automoteur; ne va pas le croire ou t'imaginer qu'à l'heure du casse-croûte et dans l'agitation de la journée, une tranquillité s'installait dans nos cœurs comme celle du paysan qui travaille ses champs. Au contraire, Louis, il y avait dans notre fébrilité quelque chose de trop agité, on le sentait sans pourtant souhaiter suspendre l'activité de l'usine ou bien encore souhaiter partir de ce poste qui nous fermait cependant au dehors et au reste des entrepôts... » Le jeune Louis écoutait ces discours étranges qu'effaçaient les jours nouveaux sur le tableau des événements qu'on tenait à jour à la maison des informations.... C'était une bâtisse, dira-t-on, à trois volets de containers sur une longueur de cent cinquante trois mètres; elle était conçue pour être déplacée suivant les besoins, ainsi sa structure était faite de colonnes et traverses en carton pour être légère. Louis, pour parler aux gens des archives et des informations qui écoutaient avec plaisir ses enthousiasmes de jeune homme, s'y rendait plutôt vers la fin de la journée quand le travail ralentit...
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Le Barde Chante ce qu’il peut - Texte de Joël Roussiez
Date du document : 2011
Le barde chante ce qu'il peut
Nous placions nos dieux dans les angles de nos pièces afin qu'ils ne dérangent pas et veillent ainsi discrètement sur nos vies. On plaçait haut leurs figures afin qu'elles dominent la pièce entière, cacher nos gestes à nos dieux n'avait guère d'importance mais on souhaitait pouvoir se retourner sur eux et les apercevoir à tout instant. Nous n'avions pas de rituel par lesquels nos vies auraient pris les contours d'une routine douce et prévisible, nous n'attendions aucun retour du temps, ainsi nous fallait-il une présence constante et cependant discrète... Lors de nos voyages, on emportait leurs figures dans des boîtes dont une des parois manquait afin qu'on puisse les voir plus facilement; certaines boîtes avaient un petit système qui permettait à la figure de tourner et de présenter ainsi tantôt sa face, tantôt son profil de manière analogue à celle qui paraissait à nos yeux dans les angles de nos pièces... Nos maisons n'étaient pas grandes mais on y ménageait de grandes ouvertures car il fallait que la nature y entrât le plus possible, sans cela ce qu'on craignait le plus, c'était l'enfermement.
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Ô chauds soupirs - Texte de Joël Roussiez
Date du document : 2011
Ô chauds soupirs! (Louise Labé)
J'entends à l'intérieur une bête qui grogne et secoue mon cœur sur toute la longueur de ma poitrine et je médite alors sur le temps court de ma vie. On peut être d'un autre avis et me trouver un temps à vivre long mais il me semble que j'approche de la fin et cette bête qui grogne bat le temps qu'il me reste. Elle ne grogne en effet que par à-coup mais assez régulièrement comme si..., comme si quoi? Me dis-je en me prenant les mains et secouant la tête, cela porte à méditer et cependant méditer sur quoi, quoi donc dans mon cœur bat et qui ou quoi grogne ou ronge sous les os du thorax? Qu'on me ronge les organes est une chose curieuse car je ne sens que peu de douleur et il m'est donc difficile d'imaginer un animal vivant sous l'enveloppe cutanée. Pourtant je sens que mes forces déclinent doucement et que, dès le matin, j'ai des affaiblissements de jambe qui m'obligent à m'asseoir assez vite avant de reprendre le cours normal du réveil. Pourrait-on chasser une bête pareille avec des poisons et des drogues?
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Pr’Ose ! - Version Définitive
Date du document : 1969. Publié 24 Mai 2011.
Pr’Ose ! A été écrit essentiellement en 1969 dans un rêve proche de La Légende des Siècles, remixé par l’influence de la radio où je travaillais alors, et par l’influence de Cendrars, Neruda, de la Beat Generation et de quelques autres. On y trouve une grande partie des Voix de la Cosmologie, qui se succèdent en fonction du pressent (l’urgence du temps qui passe et qui presse), mais aussi à dire l’éternité des Saisons.
Ces Voix prennent en écharpe l’Histoire des Peuples et des Arts ce qui permet littéralement de les déporter, d’ouvrir l’anecdote en la brisant, d’élargir au plus vaste le propos. Ce sont aussi des hypomnemata.
Par exemple Don Qui débouche sur le siècle d’or espagnol, Ritam dans l’Inde, etc. Parfois au contraire ces Voix embrayent par une ligne brisée sur un monde géographique ou historique qui leur correspond de façon moins évidente.
Malgré son titre, la scansion de ces lambeaux est poétique (ce que signalent les capitales dans les versets).
Pr’Ose ! fait partie du continent HSOR, qui dans la logique alchimique de la Cosmologie n’est pas du plomb, mais du zinc, le zinc des comptoirs et des anecdotes, celui de la gravure et celui des toits de Paris que contemple Jean à son arrivée dans les années soixante.
On trouvera ici les deux Champs agrémentés de quelques inserts plus récents au moment de leur reprise.
Ce Champ-là c’est le champ agricole, celui de la vue et de la peinture en Chine et surtout le champ énergétique qui fut le propre de la Cosmologie tout le temps de son écriture : un accroissement par tous les endroits à la fois.
L’ouvrage est disponible dans sa version intégrale et définitive aux Éditions de l’URDLA, à Villeurbanne.
Buenos-Ayres - Ligne de l’Oncle Aveugle
Date du document : 17 février 1982
Comme le réel jaillit sonnant et trébuchant d’une théorie qui est bonne, à présent l’Oncle Émilio est aveugle, sa grande œuvre ratée, malgré la drogue. Il ne peut demander à qui que ce soit d’autre de fouiller ni de chosir parmi les tonnes de manuscrits. C’eut été un travail impossible, même avec une quinzaine de collaborateurs.
Il aurait dû répartir les doses les plus fortes juste avant l’inscription ; la plupart du temps il s’était trouvé plutôt abattu qu’illuminé.
À présent il venait de s’allonger sur le divan de la terrasse, et le banc froid de poissons de l’air qui survenait aurait dû - c’est certainement cela - s’accomoder de la bombe précédente et tiède.
Avril serait bientôt là, bonne saison sans métaphore. Allers-retours de la terrasse au Parc, soupçonner les auras bourdonnantes des dernières lampes du kiosque, attentif aux lambeaux de musique. C’était l’heure où la marâtre devenait pommier devant la mare, avec cette bonté, cet éclat de la disparition propre aux choses les plus aventureuses.
“C’est à présent l’informel, se dit l’Oncle, ces siècles passés sous la peau de l’hiver et qui luisent. Z ! Riez ! Je fournis le champagne et toute la joie sans discontinuer, sans psychologie.”
Les piaillements n’avaient de cesse et les vibrements des mouches, ces corsetières au-dessous de l’ensommeillement… Faisant s’envoler son cerveau comme un ballon dans le jour gris de la Cordilière.
Il y avait toujours eu ce brouillage de la vue par le blanc d’œuf du monologue intérieur, mais aujourd’hui il avait beau tendre assidûment les doigts dans cette percée de l’air chaud à la recherche des joues rougies des filles comme des pommes chauffées au four, il ne lui restait même pas le cernement figural de l’objet au fond des méandres de la matière grise : son souvenir s’était également dissous tandis qu’il entendait chanter des travailleurs qui revenaient :
“Gars du Nord,
Pies et Porcs,
Poupées de Nuremberg,
Église !”
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Enfants Croisés - Histoire Deux
Date du document : 1984
Quelques petits paragraphes autour des Enfants Croisés, semblables à ceux parus dans Quartiers de ON ! et faisant partie du volume Histoire Deux, à paraître.
Jacques
Jacques : « Robert le Diable s’est rendu aux nouveaux lieux, visitant la Grotte, la Colline et les Oliviers.
Il faut bien voir que nous n’avons pas besoin de l’estimation des Aumôniers, car nos pentes eschatologiques sont pourvues de rats et de pauvres, que nous allons vers Jérusalem massacrant les juifs (comme “Les Carabiniers” !) que nous pillons, violons, que nous sommes d’indicibles cohues de misérables éclopés, que nous traînons avec nous des reliques, d’incomparables fétiches, des survivances, à chaque fois définitives et toujours à renouveler, que nous avons autant soif de pillage que désir d’inconnu. Nous préférons la Croix et les emblèmes sacrés, mais nous ne renonçons pas à l’épée ; la liberté de nos crimes vient de leur absence d’agressivité, laquelle n’appartient qu’aux adultes ; la puissance de la violence immature est en nous comme elle traversera Jeanne dans deux siècles.”
Blanche : « Non, pas de Supérieur Général ! La Terre est devenue tératophile au moment de notre départ. L’Archevêque est venu avec tous ses crimes et ses curés patauger dans la mare, devant chez moi. Il a admiré les canards, sa robe couverte de merde. Il venait tous nous appeler avec mes frères, et nous consacrer en même temps : laboureurs, bergers et bergères, apprentie à la charpente comme moi ; il venait tous nous appeler à massacrer les Juifs, pour qu’on soit pas jaloux des Anglais avant d’être massacrés nous-mêmes. »
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Gilbert Descossy, sculpteur buccal de chewing-gum et performer sportif
Date du document : 1979
Trois Petits Tours et puis s’en vont… - Souvenir de la Petite Maison
Date du document : 13 Mai 2011
Turn turn turn c’est une chanson de The Byrds, groupe américain des années soixante, c’est un air qui tournait dans ma tête, c’est le titre de cette exposition. Turn turn turn c’est les paroles de l’Ecclésiaste. Turn turn turn ce pourrait être le titre de l’homme qui tombe, une image phonographique, une gravure rock’n’roll, Icare et le onze septembre avec ces slhouettes qui chutent le long des buildings en flammes. Turn turn turn c’est review, un présentoir à images, un piège à regard conçu plus pour agacer l’oeil que pour magnifier la troisième dimension, c’est le tour d’un monde en chute libre. Turn turn turn c’est Chutier, un croisement entre pellicule cinématographique et ruban tue-mouches, l’idée d’un film possible, un hommage à Gil Wolman, une pensée à Jean Luc Godard « qu’est ce que j’peux faire, j’sais pas quoi faire ». Turn turn turn c’est Aux étoiles, Le portrait ovale, un retour sur mes premières images,trace contre trace avec la photographie, des images amoureuses. Turn turn turn c’est dessins d’atelier (ma vie ouvrière), tombeau/jardinière aux dessins tracés pendant vingt-cinq ans de vie d’usine, Ne travaillez jamais écrivait sur un mur Guy Debord, et pourtant l’artiste ne parle que de travail, travaille tout le temps, c’est des moments détournés au travail quand la vie est ailleurs, juste masquée par le bruit des machines. Turn turn turn c’est tout ce temps passé à reproduire, tracer, graver, résister en somme à ce « désespoir de l’art et son essai désespéré pour créer l’impérissable avec des choses périssables , avec des mots, des sons, des pierres, des couleurs afin que l’espace mis en forme dure au delà des ages » ( J.L.G. Histoire(s) du cinéma). Turn turn turn c’est la fin de l’Artothèque, trois jours d’exposition, ma petite révolution de mai.
Vincent Compagny 2011.
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Tombeau - Texte de Joël Roussiez
Date du document : 2010
Un tombelier ouvrait des tombes dont il tirait les dalles par des cordes liées à son tombereau, poussant, « han, han! » ses boeufs à l'aide d'un grand fouet tandis que les roues suivaient un sol accidenté qui forçait parfois le char sur lequel l'homme se maintenait en s'agrippant d'un bras aux ridelles, tantôt à droite, tantôt à gauche, et poussant, poussant toujours ses boeufs, « han et han! », dans un paysage mouvementé où la terre en mamelons s'étendait sous l'horizon comble de nuages échevelés et distords.
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Parfois L’Hiver - Texte de Joël Roussiez
Date du document : 2010
Nous buvions des chocolats dans des cafés aux plafonds bas, ornés de cuivre brillant et
d’éclairages diffus, dans lesquels des gens pauvres jouaient aux courses sirotant des cafés bientôt froids et s’excusant d’être là au chaud tandis que dehors il faisait froid, très froid parfois si bien qu’il glaçait dans les rues mouillées et que ces pauvres hésitaient sur le pas de la porte avant de disparaître rapidement derrière les vitres embuées derrière lesquelles nous buvions.
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Une journée maussade - Texte de Joël Roussiez
Date du document : 2011
Une journée maussade où nous étions en rade dans le doux Ar Ménez, toute voile pendue ainsi que du linge mouillé, en attente du vent au milieu des coteaux, un jour de printemps où le clapot même était sans force; un jour donc où nous étions venus là pour aborder la côte en baie de Trez où se trouve une passe pour gagner la mer des Gascons en évitant le tour du Nez, gagnant ainsi du temps sur l'Amiral pour le rejoindre après un repos qu'il ne voulait accorder. Les hommes étaient dans un état lamentable, leurs corps se traînaient sur le pont; dix jours de navigation dans la tempête les avaient mollis...
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Aux temps de la fleur et des épines - Texte de Joël Roussiez
Date du document : 2011
Croquant des oeufs comme le bon sauvage, à pleines dents et se réjouissant, il faisait bon en ces temps se lever tôt, accompagnant le jour venant mais encore pris par la nuit, au chaud et se restaurant en jouissant du parfum des choses et de son corps réveillé. C'était au temps de la fleur et quasi au printemps; les bêtes avaient le poil brillant et les oiseaux une voracité fantastique. On fournissait en graine et en fourrage pour les dernières fois, les granges étaient maintenant presque vides ; on s'occupait de les balayer et d'y entreprendre quelques réparations.
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Ainsi qu'il en est - Texte de Joël Roussiez
Date du document : 2011
La vie allait comme s'il sonnait des cloches, tristes mais d'une grande beauté et, sur ce fond, s'improvisait une mélodie complexe qui se simplifiait par ce qu'on aurait pu appeler « ce procédé ». On marchait dans des territoires boueux, en plaine hongroise si l'on veut, à la fin de l'hiver droit devant où le ciel changeant ne cessait de nous tirer.
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Compact de Maurice Roche - Édition en couleurs de 1997
Date du document : 25 Janvier 1995
Il s'agit ici de la première maquette des 85 premières pages composées par la maison d’édition La Petite École, qui a co-produit et co-édité avec Tristram la première version historique de Compact en couleurs tel que Maurice Roche avait souhaité pouvoir le réaliser depuis 1966. La conception graphique était de Anne Drucy.
Crise(s) de la Poésie, Poésie(s) de la Crise - Gérard Noiret
Date du document : Janvier 1978
Pierre l’Hermitte - Ligne des Orphelins Colporteurs. Hiver. CM1
Date du document : 1980
Le texte qui suit ainsi que le pdf sont des états préliminaires et non définitifs.
NDLR. Imprégnation dans l’ombre des tableaux.
Tandis que le vent rabat la fumée de nos cheminées sur le ciel gris de neige et le fond des sapins, j’absorbe cette vue avec la même nécessité d’imprégnation que celle qui existe à partir d’un texte historique ou dans toute autre forme de récit. Seul le poème offre une plus grande succession fragmentée de climats ; la force d’incantation d’un poème comme “Les Chasseurs”, par exemple, est colossale et n’a rien à voir avec un jeu littéraire ou une astuce verbale.
Ainsi vont les rêveries d’un enfant au fond d’un grenier à partir d’archives familiales, ou les constructions historiques qu’on se fait, les histoires deux, ces curieuses imprégnations à partir des récits entendus en classe et des livres d’Histoire lus.
Grâce à ma maîtresse, Mlle Angélique j’ai ainsi pu assister à la Saint-Bartélémy en la replaçant autant à Saint-Michel qu’à Saint-Augustin, j’ai construit mes premiers récits de cape et d’épée et surtout j’ai participé à l’exaltation des Enfants Croisés qui sont venus me rendre visite la nuit.
Ils se situaient essentiellement du côté du Maucaillou ; tout le Moyen-Âge était là et rayonnait tout autour de la maison du bourreau jusqu’aux Halles des Capucins
*
Pierre L’Ermite & Robert Darbrisseau : les Vues
Pierre l’Ermite prépare la boucle métaphysique, ne cherche plus ce qu’il en serait du mal métaphysique comme avant lui les bandes de pélerins en marche contre les juifs d’Allemagne, anéanties par les Hongrois, avec leurs rares survivants sur la rive asiatique du Bosphore, les Croisades ne seront plus des guerres saintes pour des conversions forcées des infidèles ; à présent il fouille toujours l’énigme du monde mais du moins ne cherche plus à la résoudre ; il vise, comme les enfants qui sont venus habiter dans la petite maison avec lui (dans les marais cernant l’Abbaye Sainte-Croix d’où ils touchaient la dîme jusqu’à Soulac et la pointe de Grave avec les joncs, les dunes et les prés salés), au Nirvana, à l’inexistence, au vide, au monde blanc de l’absence d’objets ; il aspire à être un zéro, à une néantisation de la parole et surtout de son écriture de copiste et d’enlumineur dans La Petite Louverie, et dans ce repos des Dieux la petite fille se souvient de la cachette qu’elle avait sous l’escalier tournant de bois, du grand salon ouvrant à droite de la porte avec sa cheminée géante et ses carreaux de céramique simple à motifs blancs comme dans l’entrée ; en face : de la toute petite cuisine et du rebord de l’étroite fenêtre où ils avaient l’habitude de voler le gâteau en train de refroidir depuis le champ derrière, peu vaste, et pourtant déjà si fatiguant à faucher pour l’Ermite ; d’une débauche de la Pensée en mauvaise énergie autour de la myriade de poires mortes ; ils se souviennent de la salle de bains bleuâtre dans un renfoncement très humide (couche de plomb jamais mise contre tout ce mur du Nord, laissant les champignons proliférer ; dans la cuisine aussi), avec ses carrés de liège autour du miroir ; de la cruche penchante et du lavabo où elle n’avait pas le droit de sauter, petite, par risque d’arracher celui-ci, fragilement fixé au mur ; de sa porte donnant sur le garage où se trouvait la machine typographique à platine Effel, la Chrysler rouge, le sac de frappe, toutes les casses de caractères Garamond et Plantin, garage ouvrant largement sur le grand pré bienheureux d’aujourd’hui en fleurs avant Pâques où des bouquets d’oiseaux chantent et piailleront jusque tard dans la nuit en écoutant les voix d’Emily Dickinson au coffre secret, de George Eliot, la fille du charpentier, d’Elizabeth Browning… Au début, elle avait pensé que l’Ermite Loutier souhaitait imprimer un “journal d’enfermement”, le narrateur devenant de plus en plus fou - et radical dans son énoncé - jusqu’au crime de tuer le Destin et l’Indifférence, couple maudit, car il veut une constance, un monoton Kleinien ; il a toujours refusé que les siens meurent, il se ferait maffioso auprès de Dieu pour cela, il veut maîtriser le monde jusqu’aux moindres climats,
or voici le Loutier qui fait des philtres avec les foies :
article offert à chaque tête ! toutes les têtes
sont sur l’immense étal, les offres liées dessus ;
prédominance des rouges ; le serreux les range et les fait dormir
alignés dans la paille du grenier d’où le condamné à brûler
doit à tout prix se relever,
mais tout est clos ;
grosses perles à son front ;
abattre le loup-garou d’une balle bénite,
il le faudra ! soi-même vêtu de leurs peaux ;
un certain foulage de sauvagine à la nuit tombée ;
de ces façons funéraires…
mais qu’est-ce cette toison qui flambe
et ne s’arrache plus ? ! je courrai, je courrai
me jetant à la gueule des chevaux gabelous
excité par les faux sauniers, peut-être femme !
le loup apprivoisé dévore le manteau du Maître
sur sa charrette
(quantité d’argent de l’ouverture des chiens)
et le Maître en travers,
au soleil,
au jardin des Moines,
en ombres sur les trous des prés, tandis
que Messieurs les loups précités font concert : Madame
des Taillis du Taillan (ils en ont tué six,
mangé quatre et massacré dix) ; Monsieur
à la Croix de Majou, et les voix des louveteaux en chœur ;
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Le Vivant de Demain - Shijing
Date du document : 1984
Texte paru dans le recueil collectif des éditions Verticales “Qui est Vivant ?” paru en février 2007.
À Jean Schatz, Président de l’École Européénne d’Acupuncture, et qui persiste chez les Morts.
Le génie du Cœur consiste à rester vivant.
La respiration une fois reprise, alors que le soldat Vincentelli vient d’écrire à sa petite fille dans la fougère fraîche et les campanules, il faut repartir courant de nouveau, barda au dos. Seule l’ivresse des fougères dans les petites lunules du dernier soleil ; cette contradiction digne de la quadrature du cercle : comment le soleil peut-il produire son contraire en quantités vibrantes.
À peine a-t’il fini qu’Oniès, Quiès et Boltès sont déja dans la pente, vive allure : toujours les mêmes à nous devancer que jadis, cuisiniers gorgés de la crême du veau blanc et rose, bondissant sur les rochers à pic, pami les merveilleux scandales du sperme d’automne.
(“Mon Papa, J’ai découvert le faux Corot de Dublin en même temps que Sennelier, les marchands de pigments d’ôcres purs et d’outremer luxueux, de belles toiles tendues pour le paysage et de beaux panneaux en tondo, Quai Malaquais, dans un désordre de craies sensibles.”)
Et Frantz Marc tué à Verdun le 4 mars 16 ! Avec lui meurent le petit cheval bleu et les trois chats. William Morgner meurt en Russie en août 17. Macke est tué sur le front de Champagne en septembre 1914. Avec lui disparaît Pierrot dans l’orage. Krichner tuberculeux et “dégénéré” se suicide en 1938.
Il lui a écrit “Je crois qu’il y a une roche du désespoir, qui n’a rien à voir avec les conflits en cours. On peut la meuler sans s’en rendre compte ici ou là, selon comme le météorite tourne, mais la douleur de la carie réapparaît violemment la nuit !”
Quand il est passé à Bruges, il lui envoya ce poème imprimé sur une carte de l’Hospice Saint-Jean :
“Bandelettes d’elle je veux
À l’avance
Vous que voulez, du vivant ?
Aïno,
Le quai de Saint-Pierre.
Je voulais d’elle, en débord.
Ah ! J’arrivais, j’étais bon !
Dors, dors, mon petit enfant,
T’es mort ;
Pourquoi ce bond dans mon corps ?”
Ainsi il déjouait la ruse du cauchemar où la mère alerte et panique l’enfant en craignant les pourceaux de son avenir, montée des monstres qui se révèle à l’oppression soudaine du Poumon, aux sursauts cardiaques !
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Chaos - Ligne du Chaos
Date du document : 1980
Courant
Qu’est-ce que ça doit être vraiment et par où sortir ? Je lis pendant que j’agonise sur une caisse renversée de charbon, dans les soutes, avec le tangage horrible de cette caisse oblongue ; tandis que versé cassé et caché parmi les tonneaux (plutôt derrière), explose le récit court de cette condamnée qui va aboutir tout à l’heure sur l’établi de l’Abuelo (chef de la Tribu des Maigres de Cuir) : tension constante dans la seule énumération des actions.
Avec le langage de qui se trouve ainsi muscles à vif avant la décapitation et les autres tortures, écorchée sur le ponton, plongée jusques là les deux tiers de l’année dans l’Hiver, le désordre et la vomissure, avec l’alcool pur en permanence versé sur ses muscles et notamment les pectoraux et les quadriceps abondants. Voilà cette condamnée verdâtre de teint, démise, disfonctionnant, bientôt défunte, défaite et secouée.
La caisse oscille et sur les bords verse son contenu, se rend ; les flots tourbillonnent autour du navire, du lit, de la charrette et de la cave en même temps. Pendant que j’agonise je lis sur le pont et ça me donne une nausée terrible, les sinus remplis de civilisation, l’amertume des lippes, le dégoût de tous les enseignements jusqu’à me retrouver absolument seul, écœuré de la Mort même dans sa lenteur.
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Brouillon de pluie - Récifs de Voyage
Date du document : 1969
(Brouillon de pluie)
On nommera comme il faut la pluie
A barres creuses;
La même courbe aponctue
Ce germœuf à la carrée,
Ces cours qu’on trisse
Et l’allieu à propre le french-ship.
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Béatrice de Beauce - Les Adolescents. Hill et Joyelle. Terre 4
Date du document : 1984
Pour son projet sur les Enfants Croisés, Jean s’était largement inspiré des Portes du Paradis d’Andrzejewski, livre que lui avait fait connaître Lydou en même temps que Cendres et Diamant ; il avait vu également les deux films de Wajda qui en avaient été tirés. Il avait donc demandé en novembre 1975 à Tourangeau et Don Jujus de venir l’aider pour les repérages à Tours, bien qu’il ne les aimât guère, car ils étaient natifs de ce pays de marais et pourraient l’aider à se dépêtrer des miasmes.
Tourangeau surtout possédait une aimable demeure tourangelle située sur les bords d’un affluent de l’Indre au centre d’un domaine de cinq cents hectares, dont une partie des granges pouvait être aménagée en studio, avec un pavillon des Quatre-Saisons vitré de rouge, de bleu, de jaune et de vert, pour abriter les accumulateurs, les dynamos, les projecteurs, tout le matériel électrique et toute la régie.
Il y avait paraît-il des traces de passage des Enfants Croisés depuis Vendôme, du côté du Dolmen de La Roche aux Fées et de la Colonie Pénitentiaire de Mettray ; certains étaient passés par Château-la-Vallière et la route du Mans et d’autres étaient venus de Beauchêne, du Plessis-Puçay, du Thouard ou encore de Chastillon sur Indre.
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SGDL 1 - Le Bêtisier
Date du document : 1976
Intermède CH 3 - Tuberculose du Roman
Date du document : 1972
Ce texte a été repris dans la partie Schola de l’Ourcq des États du Monde (Ligne des Escholiers Primaires. Ligne de Didier. Saison de la Terre. )
« Toutes deux sont aimantées par la clairière vers ce presbytère qui date d’avant la Révolution : CH. avec son hoquet sur le chaos de ses verbigérations, et L. Après un long piétinement autour du puits comblé de barreaux de chaises pris d’un désordre fourchu, cela nous semble un entassement au moins aussi insubmersible dans l’esprit amiral, une impossibilité esthétique de liens, de passages, d’adoucissements, que le vrac de notre arrivée dans cette situation. Notre rencontre à trois est aussi brute que cet hétéroclite-là, pensées de petits bois griffus et impraticables ; la parole qui aurait pu nous lier a fait défaut, et le hoquet monstrueux de CH. nous interdit toute tentative. Après le passage de la ligne de crête calcinée, nous nous sommes retrouvés au hasard des souffles des rues, puis au fond du couloir de la Vallée, dans les manies qui nous emportent, moi abruptement au bord de ces toutes deux viandes, qui ne sont pas sœurs. »
Le temps d’extase de la cantatrice, l’élancement des reins dans la reprise du morceau, la visite inattendue et bavarde, le vol de la claque dans les dorsaux de l’haltérophile et sa conséquence ici à plat, voilà qui est agréable à qui sait parler par métaphores.
Mais ce n’est pas dans cette sorte de roman absolu que nous abonderons, hélas !
À propos du Roman
Date du document : 2006
À Propos du Roman
— La littérature peut-elle être encore pensée en terme d’évolution, de révolution ? Autrement dit, face aux impératifs commerciaux qui tendent, semblent-il, à la niveler en la réduisant, par exemple, à ne plus ressortir qu’au seul genre du roman, reste-t-elle cet espace (que l’on dit sacré) de liberté, ce lieu de tous les possibles ?
— Le Roman, je l’ai fréquenté en trois temps : de façon traditionnelle dans Roman en 1968 (c’était un pari fait avec un groupe d’anciens lycéens). De façon déja désintégrée avec Tuberculose du Roman en 1972, et enfin en 1984 avec Je suis le Roman Mort qui en signale l’éparpillement.
etc.
Publication : Enquête sur le Roman. Éditions le Grand Souffle
Rimbaud & Daudet - Hommage à Cabaner !
Date du document : 1989 et 1992
[……………]
“Nicolaï : “Nous étions en attendant Nicolas en train d’écouter la causerie de Sévèrimus à propos du Poor Arthur et de ses emprunts volontaires à Daudet, dans un café, à l’angle de La Samaritaine et du Pont-Neuf adorés, dans ces temps où l’on redoute la douleur de l’orage sur les bois œuvrés (ceux-là mêmes où le premier imbécile gueule dans la forêt, alors qu’une immense vapeur s’élève et arrose la surface des Temps : “Alors, Éole, gros sac !” et puis aussitôt ensuite avachi dans le fondement de sa voiture: “Tiens ! pour le vent ! Tiens ! pour le soleil !”) autant qu’on déverse ensuite le petit jour du rabbin de l’Ancien Testament caché derrière la porte des chiottes !
(Le “Café de l’Univers” et devenu l’Univers Rimbaud. Chaque phrase de lui est prise sur un méridien, dont la possibilité infinie des sources jaillit. Barque devant le Moulin, rivalité du Collège et de l’Institut, mouche latine bombinante et sacrée. Café plein d’Écho. Saint-Sépulcre. On y boit du moka d’Éthiopie ; noir comme le Diable et velouté comme un Ange ; on ignore les mélanges crémeux comme la robe des capucins.)
Nycéphore : “Maintenir l’énigme contenue, concentrée, terrible, du dehors-dedans, voilà le grand mérite de La Samaritaine ! Du mélange de l’éclairage artificiel et de la lumière naturelle, du néon coulant ses sirops sous la pluie, de la mousson catastrophique des stigmates illuminés, que sont ces traits d’éclair à deux ou trois fractures successives.
Prendre et induire la foudre, la canaliser, capter cette puissance de l’éclair, de l’angoisse du petit jour adolescent, l’incertitude du cauchemar et de la veille ; réussir dans le travail colossal d’une formidable forme, un creuset géant, d’un moule divin, à réunir tout ça !
Et à présent, le jour baisse atrocement dans toute la ville où tombe un brouillard noir, une pluie de suie fine ; en dix minutes, la nuit est là, charbonneuse des débuts de l’Industrie, jamais profondément dite, sinon par Rimbaud. Puis vient le déluge fracassant équinoxial, incoercible !
Un Chanteur (la table à côté) : «— Je vais vers la Lessive ; Elle a pas de rien jusqu’aux genoux !»
*
«— Vous vouliez qu’on sorte d’ici, dit Sévèrimus l’Homme-Pie à Nicolas à présent installé à sa table du “Café de l’Univers”, face au Pont des Mariages Secrets du Square du Vert Galant ! Regardez l’horrible crachin froid : on se croirait tout à coup en Hiver !
— L’Univers a tourné !
— D’ici qu’on traverse pour que vous achetiez vos pigments et du noir vignette, cela vous fera comme un trou gelé sur le crâne, et vous serez ensuite bon pour une horrible migraine jusqu’au soir, ou, comme dit Lawrence, “un craquèlement de tout l’être sous la tension des vagues douloureuses roulant de la colonne au cerveau jusqu’au moment où l’aube blanchit les fentes du hangar.”
Il en profita pour me déballer sa théorie des correspondances intertextuelles (il avait étudié chez Kristeva, à Jussieu : vent froid et angines phonématiques !) et des emprunts éventuels de Rimbaud chez Daudet, dans Le Petit Chose, pour les Intimités d’un Séminariste.
Denis Laget. Fétiche et Reclus - Fortiche ou Forclos ?
Date du document : 2010
Reclus
Je pressens la jouissance du Mort, du disparu, comme un joyau absolu, de façon à la fois fulgurante et labile, instable et aussitôt évanouie qu’approchée. Ces papillons de certitude n’ont rien de morbide et volètent dans l’air joyeux des Adolescents* et de toutes les fêtes baroques de la Cosmologie*, car c’est le propre de l’Inscription, cette catégorie à définir et ce territoire à défendre tout à fait en dehors de la culture et de l’art.
Je ne suis pas un artiste car je n’ai jamais eu d’atelier ; je ne suis pas non plus un écrivain : rien qui me débecte autant que ce milieu-là (particulièrement en France aujourd’hui), ses truies, ses danseurs mondains, ses plagiaires, ses sociologismes et ses livres qui ne sont jamais que les cendres de la vie, au mieux un reportage correct.
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Publication : D’après modèle. Denis Laget et pratiques contemporaines
Amélie Derlon
Date du document : Octobre 2009
Il y a une nonchalance dans la vidéo, celle qui sans doute exaspère lorsqu’elle devient maniérisme, mais il y a surtout comme le tapis du temps qu’elle retire sous le pas des acteurs, comme pour passer de l’existence à l’essence, comme pour creuser ce qui d’habitude ne jouit que dans son emportement.
Le cinéma c’est l’art du mouvement, l’émotion première du saisissement de la vie en fuite, avec les fabuleux débuts de la chronophotographie, la vie même en train de naître sur la pellicule grâce à ce spasme, cette saccade de la griffe, diastole et systole, obturation et lumière. Au contraire, dans son lisse non fractionné, la vidéo creuse le temps, l’évide, pouvant tomber tout aussi bien dans la nuit et dans la vacuité. L’acteur est sur un tapis roulant : il court sur place.
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Commentaire de plusieurs œuvres d’une jeune artiste de Marseille, entre autres vidéaste, qui a travaillé avec Didier Morin.
NDLR
Publication : Amélie Derlon
Réponse à Menstyle - Biographie et non Autobiographie
Date du document : 2009
Biographie et non Autobiographie
L’autobiographie, c’est la façon d’éprouver dans un corps la vérité du monde. Ce n’est certes pas l’anecdote, ni les aventures du personnage de la carte d’identité, totalement fictif. ON n’a jamais existé ailleurs que sous un nom d’emprunt. Tous les papiers étaient faux, sans qu’il y ait même d’origine à la question. J’en pars, c’est une lancée, pas un aboutissement. S’il y a une individualité qui se constitue, c’est par l’écriture elle-même. C’était déjà le projet de Montaigne. L’auteur est produit par l’écriture de la Vie : non par son point de départ, mais par son point d’arrivée, son résultat. Il n’y a personne au départ. Il y a Onuma Nemon à l’arrivée.
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Parcours
Date du document : 2009
1948 : Naissance à Cuba.
1954 : En même temps que l’écriture la Cosmologie se met en place, de façon totalement secrète.
1966 : Études de photographie, marqueterie, reliure, préparation au travail de bibliothécaire avant le choix définitif vers les arts plastiques.
De 1966 à 1968 : Production d’émissions radiophoniques hebdomadaires nocturnes avec un collectif dont les travaux sont manifestés de façon anonyme, sous plusieurs surnons, ou attribués de façon indifférente aux uns ou aux autres ; et création du premier café-théâtre de province.
Premiers essais dramatiques (sous l’influence de Jean Vauthier, rencontré alors). Représentations d’Arrabal, Gripari, Obaldia, et montages poétiques autour de la Beat Generation, le Dadaïsme, Cendrars, etc.
Travaux d’assistant-décorateur avec Andréou sur le Don Quichotte de Paisiello. Participation à Sigma (Bordeaux), et à des travaux dans le cadre du tout nouveau Service de la Recherche situé alors Centre Pierre Bourdan à Paris. Rencontres de Loys Masson et surtout Robert Ganzo. Travail hermétique.
En dehors de ça happenings, travaux de décoration théâtrale en Andalousie.
La Cosmologie se cristallise sous forme d’un délire mystique et se constitue en Cinq Continents, mais demeure une élaboration secrète.
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L’Exaltation, le Magnéto - Lettre à Dominique Poncet
Date du document : 2005
(Lettre à Dominique Poncet. 2005.)
Cher Dominique,
À propos de l’exaltation et de la chasse (les deux sont liées !), pour poursuivre ce que je disais à Veinstein, j’utilise surtout la course, le sac ou la corde sur des temps d’une heure et plus. Didier du reste a réalisé, en 75 ou par là un des premiers enregistrements au sac de frappe, d’une telle durée, en sous-sol de béton, avec un son très métallique.
Lorsque je cours j’emporte souvent avec moi une liasse de feuillets écrits, et c’est seulement vers la fin, quand le cœur est prêt à exploser (midi, été : moment et saison du cœur), que je relis cela littéralement sur les hauts-plateaux ou à travers les pentes diagonales, entre l’horreur des Nuits et la Neige du jour. Les morceaux qui ne sont pas assez tendus tombent d’eux-mêmes. Puis je reprends l’ensemble la plupart du temps au magnétophone de poche, cette fois-ci en marchant. Quand je ne cours pas (“katas, sac, corde” suivant les saisons), je travaille aussitôt “dans la foulée” de l’entraînement : le corps “entraîne” l’écriture. Mais la nouvelle diction doit être reprise à son tour par l’écrit, car la voix et l’exaltation ne sont pas une preuve d’efficacité, de même que le bonheur d’écrire ne prouve rien de la qualité de l’écriture, comme disait à peu près Gracq. En tout cas, il y a une cadence, une prosodie explicite.
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Comment Vous Dites ? - Projet Radio-Crâne Nocturne
Date du document : 2003
— Le projet radiophonique O N ! est une des Extensions de la Cosmologie Onuma Nemon, liée à ses aspects polygraphiques et polyphoniques, au même titre que la monstration de quelques travaux plastiques originaux, la réalisation d’une ou deux “Machines Conjuratoires”, sculptures ou dispositifs de grande taille, ou les lectures publiques sans auteur faisant intervenir voix et images vidéo et cinématographiques.
— Pour cela il est essentiel qu’il puisse être réalisé au moment de la parution de l’ouvrage. Car il permet, comme le C. D. par une sorte “d’écoute optique” (Stephen Heath) une “méthode de lecture” de la structure éclatée du texte.
— Les “Nuits” seront un travail spécifique pour la Radio. Les extraits choisis sont inédits, et ne font pas partie du volume publié par les Éditions Verticales. Ils consistent dans un Monologre de La Grosse, elle-même sautant d’un registre à l’autre, changeant sans cesse de ton (on peut éventuellement utiliser plusieurs voix), mais permettant du moins, dans cette “unité” de rassembler et de “tenir ensemble” (comme la ficelle de Gutemberg autour du pavé de composition qui empèche le texte de “retomber en pâte”) des éclats issus de diverses émissions des années 50-60.
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Des radis de Bègles à la Rosière de Pessac - Freud. Introduction à la psychanalyse
Date du document : 1916. Traduction française S. Jankélévitch. 1922
Et de Cendrars, dans L'Homme Foudroyé :
(à propos des surréalistes)
“Je n'aimais pas ces jeunes gens que je traitais d’affreux fils de famille à l’esprit bourgeois, donc arrivistes jusque dans leurs plus folles manifestations.”
(à propos de Charles-Albert Cingria et par extension de Gide)
“Ah ! Ces pédérastes (1), le pauvre et génial raté !”
(1) “Pour la définition de ce terme voir les pages 671 et 672 du Journal d’André Gide (Bibliothèque de la Pléïade. N.R.F. Paris 1941). Oh ! Chochote, que de mensonges, de complaisances, de clichés, d’hypocrisies, de crises de nerfs, de vantardises, de poses, de vanités, de larmes de crocodile, d’esthétisme, d’art, de morale dans ce journal intéressé tenu par un hystérique qui écrit devant son miroir : « Chaque pensée prend un air de souci dans ma cervelle ; je deviens cette chose laide : un homme affairé. » (page 195).
Je sors ahuri de cette lecture de 1332 pages comme si j’avais relevé les inscriptions de 1332 pissotières de Paris que sont les chapelles littéraires. André Gide : le maquereau des grands hommes. Il lui faut tout le Panthéon : Goethe, Shakespeare, Dostoïevsky, Stendhal l’Égotiste et l’exemple du Journal des Goncourt pour le mettre en train ; mais quand il y est, il enfilerait le piano, et vous le place. Quel maniaque !”
Geneviève Vivian
Des Nouvelles de Pol’O - Le Bêtisier
Date du document : 7 Décembre 1998
Peu avant ce courrier, Sylvie Martigny, Onuma Nemon et Jean-Hubert Gailliot avaient publié dans Le Monde un article critique à propos de la NRLG (que l'on trouverai ici ainsi que le texte original non “réduit”), pour en dénoncer le formalisme sous des enjoliveurs prestigieux.
Il faut préciser que P. O. L. avait été averti de l’article par Gailliot qui avait largement raboté les aspects les plus violents du texte original. Et que par sa tendance à avoir toujours le cul entre deux chaises (et les appendices qui pendent ?) Le Monde avait cru bon de contrebalancer cet article critique par une défense un peu mièvre du si bien nommé Kéchichian. Toutefois P. O. L. renvoya aussitôt les volumes des deux auteurs (pour O. N. il s'agissait de Tuberculose du Roman et pour Gailliot sans doute de La Vie Magnétique ?) qui avaient été acceptés. Au téléphone P. O. L. précisa qu’il ne saurait accepter les textes d’écrivains qui critiquaient d’autres auteurs de la maison.
O. N. lui fit remarquer que cela soulignait l’aspect d’écurie (pire que l’école et à l’opposé de tout mouvement) de ses protégés, pour craindre la moindre contradiction et un texte plutôt tendre, par rapport à des distributions de baignes à la Cendrars, lui véritable homme de mouvement, mais P. O. L. maintint son refus.
Etc.
Marc Bohor.
États de veille. Radiophonie - Livre de Nycéphore
Date du document : 1969
Texte destiné à la radio dont la seconde partie a été perdue (on a rajouté le commentaire de cette perte, pris ailleurs, à la fin).
Marc Bohor
états de veille 1969
(paysages aperçus sous les paupières)
I.
Désormais on prendra des bains de sable.
Tout d’abord des animaux familiers ; puis le paysage devient féérique sous des pluies d’étincelles, douces manières d’amusement, traversées de tombes aimables, pâleurs roses, chutes liquides, coussins fadasses. Plus au fond : crépitements rouges, apparitions d’or et de teintes pailles, fulgurations oranges, motifs crémeux, mosaïques de carreaux bientôt en décomposition ; puis ces ensembles sont bientôt soufflés par les courants d’air frais de la soirée malgré les dispositions équilibrées balancées de part et d’autre d’axes médians, eux-même rapidement délités, filant, et le tout est repris sous la lancée statique d’arcs-en-ciel, ensuite diffusés sous forme de voix, d’ondulations de sang, de poussière bleue, quantité invraisemblable de formes parmi lesquelles jaillissent des bulles d’or avec des sons stridents.
À présent ce sont des champignons avec des sillons comme enduits de pommade, des serpentins colorés qui traversent et balaient l’espace de l’œil à travers des tissements de brume.
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Je viens vous dire bonjour - Amères Loques, Livre de nouvelles de Nicolaï
Date du document : 1976
Texte publié dans le recueil Ogr par Tristram, en 1999.
Henri & les Skyboys - Amères Loques, Livre de nouvelles de Nicolaï
Date du document : 1979
Henri et les Skyboys
Louis été déjà allé plusieurs fois à New-York avant d’avoir idée d’y faire venir travailler Henri ; il en avait même ramené des cartes peintes de deux anciens buildings, cartes toutes en hauteur de près d’une trentaine de centimètres sur dix à peine de large représentant l’Équitable Building et le Metropolitan Life Insurance Building.
Il était là au moment où les régiments de Noirs de Harlem combattants de l’Enfer s’engouffraient sous l’arc de triomphe près du Flat Iron, défilant de la 23ème à la 42ème en passant devant le spectaculaire rideau de pierres précieuses de Central Park tandis qu’un speaker fou dont la voix était diffusée par des haut-parleurs dans les rues vendait des appartements bucoliques de Queens à 150 000 dollars comme des petits pains. « Vendez-leur, disait-il, cet espoir des éléphants dans la ville qui renversent les bâtiments comme les acheteurs submergent les annonceurs ! » C’était avant que les Italiens chassent tous les noirs vers Harlem. Cole était là, et Georges aussi.
« Mon sang dans votre bouche, votre sexe dans mes veines : quelle chance ! Mes gestes réinterprêtés par votre corps. »
*
Ces textes ne font pas partie du choix opéré pour la publication du volume OGR chez Tristram en 1999. Ils ne sont pas placés ici dans l’ordre du volume définitif.
I. R.
Nathalie Danse - Les Enfants. Lignes des Escholiers Primaires. Nycéphore & Nathalie
Date du document : Après 1984
Apothéose des Classeurs - Livre Poétique de Nycéphore 1964-1984 Poème n°36
Date du document : Décembre 1965
36. Apothéose des Classeurs
Je vois les Classeurs d’ici faire ;
Ce sont des guelfes, dont les palmes
Sont bleues ; armés de leur calame,
Ils sont bourreaux de Lucifer.
Macrobe est parmi eux ; Saturne,
Sénèque, et le vieillard Gaïus ;
Ils ont des formes de théâtre ;
Ils s’entretiennent tous les quatre,
Et parfois se lèchent l’anus.*
Ils classent de petites choses,
Des soucis, puis, de loin en loin
Des fragments, des gueules de roses,
Des nappes de sang, et du foin.
L’un d’eux, venu de Forêt Noire,
En Octobre, pour traverser
Sur l’arête, puis par la foire,
Vient ici pour tout renverser.
Un Autrichien gauche du Rhin
Exécute quelques calculs,
Pris d’assaut par des échecs nuls,
Reconnaissant qu’il n’est plus rien.
Classant soixante-dix couronnes
Du Un septembre Sept-Cents Quinze,
Les cahiers écrits par les Faunes
Sur leur méthode, et sur leur sinze.
Certains, aux clartés de l’Époque
Forment des spectres empoisonnés ;
Claudius est là ; voilà sonner
Les cloches, et pour Duncan les cloques !
etc.
Ce poème a déjà été publié en 1966 dans Saint-Michel & Saint-Augustin, un fascicule littéraire bordelais, puis dans les “livraisons” du Livre Poétique par Tristram-Dao dans les années 80.
Terre de Grogne - Livre Poétique de Nycéphore 1964-1984 Poème n°35
Date du document : Décembre 1965
35. Terre de Grogne Les hommes dans les forêts tirent
Sur leurs caoutchoucs indécents ;
C’est bon comme le somme est bon !
Dans le glossaire de leurs veines
Levant une aile ensanglantée
Entre leurs deux très gros poumons.
Seules les races se fondront
Dans l’herbe en fin de matinée
Plus chaude et fourrée de soleil.
À l’instant, le seul givre n’est
Que cette tension souveraine
Nous embarassant de buées !
Quand s’allument toutes les plaines,
Grappes noires de sensations
En bas du chemin gras de boue,
C’est une lueur dynamite,
Un humanisme paysan
Pris d’une confusion humide.
Leur soupe de poireaux s’avale
Avec des cailloux sans couleurs ;
Inaltérables forces, bris. *
etc.
Ce texte, jadis édité dans un version ultérieure plus longue (596 vers) par Tristram & DAO, dans la première partie du Livre Poétique qui faisait partie des “livraisons périodiques”, retrouve ici sa première version de 393 vers.
Il s’agit d’enfermer Dieu dans un cristal, une bouteille. La litanie produit une nappe de signifiance (plus qu’une musique) sans aucun sens nominal.
De la connotation pure sans aucune dénotation ?
Il y a des actions, même des héros, mais la question n’est pas là. C’est un bain incantatoire.
D’autres poèmes ont ainsi, à la façon japonaise, enclos quelques parcelles d’or dans une laque obscure.
Le but était pour certains lieux magiques détruits depuis (le Phœnyx d’Arlac, des passages secrets du Peugue et de la Devèze, le Grand entrepôt de Lescure…), de les sceller hermétiquement, quitte à les rendre définitivement incompréhensibles pour ceux qui ne les auraient pas connus (et qui de toute façons vont disparaître aussi), inaccessibles à jamais et lancés dans le vide pour un tournoiement infini jusqu’à ce qu’une machine à remonter le Temps surgisse.
Crampes. (extrait : Jo. Ciel Astral) - La Tribu des descendants d’Ossip, le Tzigane.
Date du document : 1976
Un temps Jo avait pensé à un Grand Mouvement du Cirque qui annoncerait le XXIe Siècle, réunirait toutes les familles du Cirque et qui se serait appelé &. Il renonça : trop de rivalités, trop d’excès oral du bourgeois, des activistes, des marchandises !
Dans l’ampleur du projet de Jo, il y avait un côté “bombe à retardement” qui incitait l_es plus proches_ à l’empêcher de le réaliser (et si par hasard ç’avait été formidable ?)
Chacun des domaines qu’il maîtrisait avait ses opposants, et l’étendue de son territoire les avait ainsi décuplés.
À Tue-Tête - Livre Poétique de Nycéphore 1964-1984 Poème n°33
Date du document : 1940
**33. À Tue-Tête
V**ois, dans ce premier jour d’Allemagne dernière
**I**lluminé enfin des frises de l’Enfant
**V**ibrant son souffle de cristal et de lanières
etc. À : ce commencement de l'énigmatique Acrostiche trop gorgé de sang. Que signifie pour nous : “Vive le Père Cédent !” Connivence de chambrée ? Opération dentaire faite par le maréchal-ferrant comme c’était coutume ?
Les doigts pleins de sang, l’Artilleur Tesson, pris de l’énervement de tout maculer autour de lui, avec cette encre dont il est peu sûr, dont on suit l’hésitation en même temps que l’épuisement le long de la colonne d’acrostiche. (Détails sur l’original.)
Au fur et à mesure que l’encre disparaît de la plume, l’assurance semble venir un peu. C’est sûrement la première calligraphie du caporal que cette calligraphie d’Initale, le début d’une pratique, l’incision de l’incipit au milieu des attaques (ici réelles).
Avec toutes les maladresses, l’exposé de la double fragilité de celui-ci dans la Neige et toujours menacé.
I. Revay
Crampes. Éco (extrait) - La Tribu des descendants d’Ossip, le Tzigane.
Date du document : 1975-1984
“L’ordre règne à Santiago.”
Òn y voyait le profil d’une femme maigre aux traits émaciés vêtue kaki avec un bandeau dans les cheveux portant une mitraillette également kaki moulée contre elle.
« C’est pour éviter les cheveux dans les yeux au moment de tirer, le bandeau ?
— Quel modèle !
— Quelle couverture !
— C’est fait pour brouiller la vue.
— Moi j’ai connu des modèles nus qui hurlaient lorsqu’on rentrait dans leur loge après la pose alors qu’ils étaient en train de se rhabiller ! dit Basta.
— Le mi-nu c’est toujours plus cochon, dit la dame en bleu ; le nu c’est un déguisement parfois ; ce sont les douze coups de mi-nu !
— Ohhhh ! »
etc.
Mémoires du Caporal Paul Tesson - Livre Poétique de Nycéphore 1964-1984 Poème n°32
Date du document : 1939
Cette suite de vers écrits au dos de cartes postales répond dans le Livre Poétique de Nicolaï au poème de 23 vers À Garde ! 32. Mémoires du Caporal Paul Tesson
Toujours dans les sentiers les rares ambroisies,
L’obligation du front aux coulères soudaines ;
“Mon Colonel, voici vous offrir l’hérésie
D’un réserviste plein de poudres et de haines !”
etc.
Chaumière du Nord (extraits) - Livre Poétique de Nycéphore 1964-1984 Poème n°31
Date du document : Septembre 1965
Ce poème de 132 vers répond à Anna Shern dans le Livre Poétique de Nicolaï.
I. Revay
31. Chaumière du Nord
Chaumière, chevreuils et hunter
“On chasse les rats !” dit Guillaume
Dans les prairies des économes
Alors qu’il attendait Gessler.
On guettera notre volaille ;
“Shooting is my plus grand pleasure !”
Blotissement que hait Blücher,
Vandale au présent de mitraille.
Et au-delà, cristallisés,
Récursoires des morts en crise,
Les arbres, splendeurs irisées,
Sucre et chocolat par endroits.
etc.
En Crise (extraits) - Livre Poétique de Nycéphore 1964-1984 Poème n°29
Date du document : 23 Mars 1965
À ce poème de 108 vers de Nycéphore répond dans le Livre Poétique de Nicolaï Catéchèse.
I. Revay
29. En Crise
[................................................]
*
Les fastes de l’égorgement
D’une truie blanche dans la cour ;
Sous nos yeux son débordement
De vanne atroce sans secours.
L’enfer dans une faille vide,
Le hurlement populacier ;
Dans une carène d’acier
L’horreur toute neuve sans ride.
Les cadavres en rangs serrés
Que l’on projette en bas des pentes ;
Et puis tout seul ce vieux sacré :
Astapovo : fièvre quarante !
etc.
Dimanche en Hiver (extraits) - Livre Poétique de Nycéphore 1964-1984 Poème n°27
Date du document : 1965
Ce poème fait pendant à Le Rêve de l’Œil Mort dans le Livre Poétique de Nicolaï.
I. Revay
27. Dimanche en Hiver
Tranquille enthousiasme à falloir
Qui colle mon œil mort pleurant.
Chassons les ombres des couloirs
Gouvernant des délicatesses
Où les lettres grattées sont grises.
Dans les dimanches d’hébétude
Des abrutis y scient des planches,
Bouffées pliées de galon vert ;
On transporte des billes noires ;
Buvards, lœthé, après-midis.
etc…
Du Lycéen - Livre Poétique de Nycéphore 1964-1984 Poème n°26
Date du document : 1965
Ce poème de 40 vers fait pendant chez Nicolaï à Mon Dragon_, poème de la même longueur_.
I. Revay
26. Du Lycéen
Oh ! Notre voie au tombeau sale,
Officielle en quelque portion ;
Cercles de la malédiction,
Tonneau puant qui nous dévale.
Asile (extraits) - Livre Poétique de Nycéphore 1964-1984 Poème n°24
Date du document : 1965
Ce poème fait pendant chez Nicolaï à Ave Maria d’un Domini_, de la même longueur._ I. R.
24. Asile
Haine du draconcule au fond des établis ;
Puis en sortant devant les terrasses : gentianes,
Surprises des pensées aux souffles affaiblis,
Apodes hors des crasses à ramper. Ô campanes ! [………………………………………………]
Les Yeux (extraits) - Livre Poétique de Nycéphore 1964-1984 Poème n°30 (extrait)
Date du document : 1965
Ce poème de 91 vers fait pendant à Prière Acceptable dans le Livre Poétique de Nicolaï. I. Revay Noël
Arrière les Lucifériens,
Saprémie de poisons putrides !
Dans les sentes de cuir humide
On se désoriente d’un rien.
On vient de choisir le sapin
Bien loin des parcs à escargots
Chez Gootfried, le Tristan des Goths,
En Alsace, avec des grappins
etc.
Isba Nicolas - Livre Poétique de Nycéphore 1964-1984 Poème n°28
Date du document : 8 Février 1965
Ce poème fait pendant chez Nicolaï au poème Ombres_, du même nombre de vers._ I. Revay
28. Isba Nicolas
De mon veston, levée la poudre,
Lançant mon couteau au soleil
Sur le chemin qui nous voit sourdre
Quand j’aurai beaucoup faim d’orseille.
René - Livre Poétique de Nycéphore. 1964-1984. Futur Antérieur. Poème n°23
Date du document : 1965
Ce poème de 18 vers fait pendant chez Nicolaï au poème Description d’un couple correct_, également de 18 vers._ I. R.
23. René
J’écris assis dans mon cercueil ; les morts vont vite !
Aux prés fleuris les Alpes du Bel Enfer.
Ressac et sursaut, et berceau, et sacre ;
Chaucer en route pour Canterbury.
La vie me sied mal ; la mort m’ira mieux,
Ganglions d’aisselle, prune murmurée ;
Les joies énormes dans les ombres secrètes ;
Mottes de terre de Caïn.
Écoles - Livre Poétique de Nycéphore. 1964-1984. Futur Antérieur. Poème n°21
Date du document : 1965
21. Écoles !
O le temps laborieux, l’ombre de l’écriture
Mauve passée au blond futur des confitures !
Il avait son étoile et sa carte, et enfin :
Elle, au vent bleu devant la barrière en bois fin !
Si vous montez soudain l’escalier sous la voûte,
Vous meurtrit en plein front l’odeur du sang, les croûtes.
De loin on reconnait la trouée dans ses mains
(Il éprouve un défaut de langue, c’est certain.) ;
Donnez-lui à baffrer la pisse sur du pain !
Ossip le Tzigane - Les Grands Ancêtres
Date du document : Après 1984
Pour ce qui est des Orpailleurs, les Garimpeiros étaient arrivés par la mer d’abord, du côté de Montpellier, et ils remontaient avec leurs retrouvailles vers l’acqueduc des Arceaux ; mais pour eux ni prostitution ni mecs armés ni violence. Curieusement il y avait toujours eu des orpailleurs dans les Cévennes et sur le Gardon. Et ça revint à la mode après 1968. En dehord du Gard beaucoup de chercheurs dans l’Ariège et dans la Dordogne, recherche minière essentielle devenue linguistique et posturale comme on le verra plus loin.
Bien avant cela Ossip qui mesurait 2m 06, né en 1820 participa à la ruée vers l’or dans le Far East en Mandchourie qui eut lieu de l’autre côté du détroit de Berring en même temps qu’au Far West, avec la mème exploitation féroce et intense.
Ossip était fort comme un Auguste ; chaque nuit il faisait son enfant naturel, se réveillant seulement en sursaut avant l’aube comme devant un foyer en feu. À la fin du XIXème il participa à la création de la République formée de chercheurs d’or russes, chinois, finlandais et français. On dit qu’il fut un créateur de cette épopée chantée fantastique des Russes en territoire chinois.
Intermède CH 2 - Tuberculose du Roman
Date du document : 1972
Ce texte a été repris dans la partie Schola de l’Ourcq des États du Monde (Ligne des Escholiers Primaires. Ligne de Didier. Saison de la Terre. )
« Et toi, qu’est-ce que tu crois qu’il fait là-dedans ? dit Smilet.
— Est-cccccccccccccccce que j’chsais ! » dit CH.
John continuait à marcher en avant-garde, et CH et Smilet étaient restés à l’arrière, à discuter.
« Qu’est-ce que tu crois qu’c’est, cette volonté de couper à travers prés?
— .... ....
— C’t’une métaphysique du crime. On peut le suivre dans son mouvement, c’est tout. C’est pas à cause de John que tout est dans la colle. I_l est le seul à être vraiment dans le temps_ ! C’est une phrase courte qu’il scande dans sa marche sans le savoir. S’i s’arrêtait, j’suis même plus sûr qu’il existerait ! Gamin, il disparaissait dans le charbon des trains. I fait partie de la mécanique de nos bagnoles, tu vois ! À conduire sa Terraplane d’une main et à tirer de l’autre. Rien n’obligeait vraiment à ce qu’il soit là. Aucune Histoire des Etats traversés ne prédispose à ça ; il est passé tangent à chacun. C’est pour çà, qu’i veut qu’on aille de plus en plus vite.
— Ch’sais pas, moi, dit CH. Ch’suis plutôt du genre sensible !
Intermède CH - Tuberculose du Roman
Date du document : 1972
Ce texte a été repris dans la partie Schola de l’Ourcq des États du Monde (Ligne des Escholiers Primaires. Ligne de Didier. Saison de la Terre. )
« On ne peut pas avancer comme ça sans progrès, dit John.
— Co-co-comment ça demande CH. ?
— Cent trente six moins cinquante-sept, soixante dix-neuf. (Elle avait déjà pillé deux banques). Comme un enfant de sept ans. Ça va pour les curés, pas pour nous ; c’est le jugement, qui compte.
— On pouvait pas partir d’ailleurs que du milieu du pré, dit L., puisqu’on y était ; ni aboutir autre part qu’ici. Pour se repérer jusqu’au bord du lac, ensuite, ça, c’est une autre histoire !…
— Co-co-comment ça i s’appelait, le gars ?
— Manvantara, un truc comme ça. Leurs familles, c’est d’un compliqué !
— Si vous m’aviez laissé tirer un peu du lait de cette vache, au moins ! »
[………………………]
Gravures - Livre Poétique de Nycéphore 1964-1984 Poème n°16 (extrait)
Date du document : 4 janvier 1965
Ce texte, comme tous ceux des Livres Poétiques font partie des Livraisons réalisées par Tristram & Dao dans les années 1990.
I. Revay
A. Prés
[…………………………………]
*
Ils sont sortis des trous d’orage,
Sanglants de crimes furieux
Sur les verts prés hantés de rage
Et grouillants de vers jusqu’aux cieux.
Les chemins sont pleins de grouillis,
De grouillements de plantations ;
Des espèces dans le brouillis
Naissent par les exaltations.
Hypostase - Livre Poétique de Nycéphore. 1964-1984. Futur Antérieur. Poème n°15
Date du document : Décembre 1964
15. Hypostase
Dans le cercueil d’Hypostasie
Des chérubins brillent de hargnes ;
Lambeau, je bruis de l’Allemagne
Et dépasse des hérésies.
D’où portes-tu cette oriflamme
Issue d’un mort qui croirait digne
(On guette au coude, on sort les lames !)
D’laisser l’Empire au fils d’un cygne ?
Nous livrons ici la deuxième page d’un long poème de l’Auteur, “Hypostase”, auquel fait pendant “Lueur” de Nicolaï.
I. Revay
Portrait de Jésus - Les Adolescents. La Bande à Jésus. Hiver
Date du document : 1974
Jésus tient son surnom d’une part de spasmes qui l’ébranlent issus de “la porte du Ciel”, d’autre part de la jouissance qu’il retire des clous.
Pour ce qui est des spasmes, il commence par ressentir une douleur vague au sommet de la tête, à ce point précis qu’en acupuncture on appelle “porte du Ciel” et que les pratiquants de iaïdo mettent à profit pour se grandir. Il lui semble que cette partie du crâne est moins épaisse que le reste, d’une consistance à peine faiblement cartilagineuse comme la fontanelle du bébé. Cependant cette portion de la paroi crânienne exerce une pression sur son cerveau telle qu’il est obligé de saisir ses cheveux à cet endroit et de les tirer de toutes ses forces pour soulever cette région et faire cesser la compression en faisant sauter les sutures comme s’il voulait se soulever lui-même par là. La douleur y est très violente et c’est là que commencent les spasmes : sa cervelle entre en ébullition. De là la sensation descend par la nuque, suit la colonne vertébrale, se répand dans les bras et les jambes, semblable à la secousse électrique que reçoit un foudroyé ; en même temps sa gorge se serre, sa poitrine se contracte et d’après ce qu’on lui a dit son visage s’anime, ses regards s’allument d’un feu étrange et sa physionomie prend une expression de stupidité sensuelle ; il éprouve un frémissement intérieur dans la verge et par une légère pression de sa main sur son bas-ventre il augmente l’intensité du spasme et en prolonge la durée.
Notre-Dame en brouillon - Livre Poétique de Nycéphore 1964-1984. Futur Antérieur
Date du document : 1964
Texte déjà publié en 1966, puis en 1991 dans le cadre d’un ouvrage consacré à J.-N.-A. Rimbaud.
I. Revay
14. Notre Dame en Brouillon
Ciel pâle où je descends, je passe, plus de fleurs,
Bas, au-delà de la Place Ducale, en boue
Je crois qu’on reste fort par les yeux, pas de joue ;
Ombre d’église d’or et d’eau crue, ses rumeurs
Vertes dans le barrage à l’embarras gastrique ;
Mais je reste debout, moi fumeur de sapin,
Pauvre hêtre aux durées croustillantes de trique,
Qui ne fait que mâcher sa tête dans son pain !
Voir ! Plutôt les constats. La voie ferrée. Dioscures,
Laissez-moi reposer doth dépend à l’esprit,
Malgré toi ! Son dos vient à plat que ces fumures
Dans une obscurité orangée de crédit !
Plaine - Livre Poétique de Nycéphore 1964-1984. Futur Antérieur
Date du document : 1964
13. Plaine
À quelle faim terrible au soir il répondait :
« Je n’aurai désormais de noire que la chère
Foi donnée répandue à la plaine en jachère ! »
Lançant de sa main pure et digne quelque dé.
Nany se coupe - Les Adolescents. Été. 1
Date du document : 1975
À chaque fois que je me rase, je songe à la coupure que je me suis infligée voilà peu en voulant me couper la gorge, comme on marche sur des couleuvres peintes qui tout à coup partent en sifflant et sont des vipères. Et lorsque je revisse le manche de mon rasoir, curieuse synesthésie, ce sont les bronzes du monument aux Girondins qui surgissent ! Ainsi on se vrille sur soi et on creuse, quelle que soit l’heure du jour, indépendamment de toute actualité, des circonstances matérielles, et au-delà de toute nécessité, bondissant hors de la pièce exiguë où l’on se trouve. Voilà deux ans à peine, je me postais ainsi à l’écart sur les rochers brûlants de la route de Jerez pour ne pas en perdre les mérites, constatant une fois de plus la platitude des images devant les spires de cette réalité poussiéreuse, tout en ignorant comment les absorber et les retenir à tout prix !
Une tasse… - Livre Poétique de Nycéphore 1964-1984. Futur Antérieur
Date du document : 1964
9. Une tasse…
Une tasse nous tient ; rien de l’hellébore ;
Toute une après-midi assise à remâcher
Tant que la neige fond, contre le vieux clocher,
Qu’on est allé y quérir quelque cartilage.
Je me repose ainsi qu’un vieillard qui jugule
La machine à broyer le café des fumeurs ;
La neige tombe vite, et le soir cathédrale,
L’Absent de tous ses vœux dans le noir des humeurs
Année des Adolescents. Zinaïda & Nicolas - Les Adolescents. Été
Date du document : Avant 1984
Extrait de la version définitive de la Cosmologie (en dehors des États du Monde)
Le 6 janvier
Z. N. Zinaïda s’est endormie sur le livre de contes de l’Épiphanie où les noirs tellement aptes à ramasser les déjections dans les rues et à les jeter dans le fleuve où ils vont ensuite se laver, s’étaient déguisés en boeufs bouffons dans les arènes, aussitôt piétinés par les taureaux ; puis d’autres défilaient et dansaient en costumes carnavalesques avec des clochettes et le visage enduit de cirage noir sur noir, guidés par le chef, le chorizo, dit aussi “le boudin”, entrant dans les maisons pour réclamer les restes de tripes du cochon mort et s’enguirlandant avec, tout dégoulinants de graisse et de sang ; puis il vendent à la criée ce dont personne ne veut : la couenne, les poils, le groin, la queue, tandis que d’autres pour montrer la puissance de leur machoire d’âne soulèvent ce qu’il y a de pire autour d’eux : plots de béton, armatures, bureaux d’écoliers, sacs de guano de cent kilos. Quand ils passent les habitants crient “To ! To !”, qui est le cri du cochon, ou imitent la chèvre, ou leur crachent dessus, y compris les indiens qui ne travaillent pas dans les champs. Puis pour se détendre après tout ça ils vont blanchir les murs à la chaux. On dirait une histoire de sa mère. Le 8 Février
Z. N. Demain Nicolas veut assister au récital de son ami Dominique Merlet au Grand-Théâtre. Il a rêvé d’un horrible jugement et que Zinaïda enceinte de Nycéphore était reçue chez lui, dans sa maison qu’il occupait avec une Zinaïda qui n’était plus Zinaïda ! Une maison du côté du Dorn avec ses quinze galciers autour du glacier géant du Gorner, immense reptile allongé. Le chien savant qui fait des bonds sur la route. Et les filles féministes qui viennent frapper à la porte ! Nicolas leur explique que c’est une distraction du chien.
Coupure de Prima Donna - Orphelins.Groupe Folie-Méricourt.Automne.1
Date du document : 1973
Extrait de la version définitive des États du Monde (en cours de réduction)
Autant ce regard sur le Roman de Marie Vetzera jeté vers l’arrière à partir du 7 octobre 1972 s’envole avec la force du négatif hallucinatoire par cette fin primaire du hercynien au-delà des portes rouges de la conduite intérieure, en arrière, jusque sur les hauteurs froides et silicieuses de la Forêt Noire, au-dessus de l’essence, du lin, de la culture industrielle du chanvre et du houblon, s’enroule dans les plis des drapeaux claquant un instant au-delà des stations, se mélange avec les slogans, se combine aux calicomanies gothiques, autant vous voilà complètement projeté vers l’avant, ce goût que vous dites, d’un mouvement caoutchouteux et tendre ailleurs qu’en elle, semblable au jeune pigeon duveteux que Prosper avait vu errer sur les décombres du Phœnyx, à travers les tamaisies sauvages du parc abandonné de la maison détruite, les repousses d’érables et les herbes folles, ricin et toutes sortes de raisin sauvage vert et violet ; oisillon égaré, cou plumé, tête chauve et œil de perle noire, pattes à rares plumetis.
Chaque nuit Prosper avait une épreuve à franchir avant d’atteindre la Forêt Noire. Une fois c’étaient 8 chiens féroces qu’il lui fallait renouveler pour sa garde, devenus des sortes de boucliers, cauchemar qui se concluait par des brûlures stomacales et une puanteur pourrissante excrémentielle le réveillant en pleine nuit avec une terrible envie de vomir. Une autre fois c’étaient des serpents géants, des boas, qui s’étaient insidieusement glissés, déployés, déroulés menaçants autour des pieds d’une petite fille qu’il n’avait pas, le temps qu’il grave ses initiales sur un tronc. Il se précipitait, disant à celle-ci de ne pas bouger, tranchant les têtes de serpents à coups sourds de hachette. Une autre fois, malgré les travaux énormes entrepris dans le grand salon circulaire du Phœnyx, c’étaient des failles qui subsistent et des infiltrations au plafond de l’entrée. Chaque nuit avait sa progression négative, comme s’il ne cessait d’avancer vers une régression toujours plus terrible.
Prosper advenait sans répétition ; il n’a jamais imité personne ; il se posait en soldat, avec sa logique du chaos et de la défaite, ses difficultés gastriques ; sortant de l’enfer abdominal de la guerre de 14 et d’une obscurité où tout se coagule et se confond pour débarquer sur le théâtre aux cent mouvements, ce froid de neige, ces vents gris ; torturé par ses chifres : 4444, 2 fois et 2 & 4, cherchant une forme désespérée mais absolue, invisible mais répandue partout au milieu de cette glaciation de la vue, tournant la tête de 3/4 arrière vers la droite, vers la Bavière et ses petits lacs, puis plus avant vers la Bohème.
Martin le Monteur - Aube & Nany. Terre. 5
Date du document : 1973
Extrait de la version définitive des États du Monde (en cours de réduction)
Martin, le monteur a 29 ans depuis deux mois exactement, ce 11 novembre 1973. Il sent le Chili pris dans un piège autocratique comme celui d’Arturo Hui. Jusqu’à son anniversaire il était immortel ; plus maintenant. Il se souvient de la phrase qu’elle lui a dit à propos d’Allende en bas de la rue Washington après lui avoir acheté un gâteau : “Vous n’êtes plus un collégien !”
Il a attendu longtemps que Nany le rejoigne tout en faisant des dérushages et des débuts de mixage ; il devait lui amener des bruits de littoral andalou enregistrés voilà quatre ou cinq ans qu’il voulait filtrer, écouter à plusieurs vitesses, essayer de décrypter. Ne le voyant pas venir, il va partir. Nany se sera probablement trompé de studio.
Martin aime les instruments rarissimes, vielles ou autres, reconstitués et construits d’après des tableaux, des fresques ou des sculptures.
Toute la journée il a été nappé d’informations qui ne l’accrochent pas (car il considère que chacun a son son, selon le plus dénominateur non commun), à part les bandes enregistrées de Wafa du 7 octobre dernier faisant état d’attaques d’appareils sionistes dans la région de Ain Atta au Sud-Liban et de la riposte des commandos palestiniens ayant détruit la station radio en langue arabe installée à Jérusalem. Puis d’un bombardement sioniste sur le mont Hermon. À par ça “Le vent, Léon, le feu, les bruits du petit matin dans la rue du Cardinal-Lemoine, le culte d’un blanc vaudou, un safari…” Le plan de la table de mixage sembla s’incliner jusqu’à tomber, prise dans une durée de pestilescence masochiste affreuse, surchargée des confidences dramatiques venues des quatre coins du monde. Rien qui saute à l’oreille, qui d’un coup fasse jaillir le mort hors du trop-plein des veillées mortuaires, ces innombrables veillées que constituent la plupart des dramatiques radiophoniques comme cette mauvaise parodie de Guitry où ce dernier figurait comme personnage en majordome pétomane dans une pièce anale où l’on ne faisait que manger. Ou encore comme celle de cette nuit dont le narrateur assistait à la mort d’une mère Marie ou d’une tante Lulu lors d’une première séance de cinéma ; et il hésitait à assister à la deuxième séance pour revoir ça alors qu’il avait rendez-vous avec sa plus jeune fille, déjà atrocement malheureux d’avoir assisté voilà quelque temps à une opération inutile et sans nécessité aucune sur le corps de son autre fille plus agée ; c’était totalement catastrophique et il pleurait énormément. Toujours est-il qu’il revenait à un moment, et c’était pour la messe funèbre tenue à l’église, totalement effondré. Puis il sortait dans une ville de fantaisie, de fréquence fantasmagorique, féérique, de connivence avec des filles qu’on retrouve en douce des autres… méandres, méandres, commerce, immense traîneau dans la neige en relation avec des femmes connues.
Graffiti (Interview) - La Bande à Jésus. Été. 4
Date du document : 1973
Extrait de la version définitive des États du Monde (en cours de réduction).
« Marette : C’est les deux premières notes ça ; c’est le la et c’est “pouec pouec”. Hi ! Hi ! Hi !
Françoise : Elle est con, Marette ! C’était la poésie des cafés de Poitiers à ceux de Dijon. Les alcolytes anonymes comme dit Jérôme. Avant y’avait eu les rencontres avec Raoul dans le Brabant, mais son bouquin a été publié grâce aux “provos” et pas grâce à Queneau qui l’avait soutenu. De ton côté, toi Nany, tu rencontrais Engel après “Dans la jungle des villes”. Après avoir été séparés, on a été surexposés.
Riri : Les “Provo” sont devenus les “Kabouters”, après l’échec de leur mouvement. Moi j’ai rencontrés à Amsterdam Roel Van Duyn. Ses références c’était Marx, Kropotkine, Paul Goodman et Dada. Comme je prépare un bouquin sur la dissolution des avant-gardes, ça m’a intéressé. Ils traînaient peu avec les situationnistes qu’ils trouvaient arrogants et méprisants, stupides, sauf Constant, l’architecte, vite exclu du groupe.
Françoise : Y’a l’Orange-free-state. Ils occupent des centaines de maisons abandonnées et les restaurent. On ne les expulse pas.
Anne : Puis y’a les free-clinics.
Françoise : Moi j’ai vu surtout les fermes biologiques à la campagne, leurs magasins coopératifs et gratuits de produits naturels qui servent de lieux d’agitation et leurs services d’aide aux vieux.
Riri : Les Kabouters organisent le Provotariat d’avant-garde avec leur journal Panique. De la main gauche on installe l’utopie dans le vieux monde, comme un champignon qui va proliférer ; de la droite on attise le feu et on attaque l’ennemi. Ils sont en lien avec les Diggers à San-Francisco…
Anne : Ringolevio, c’est un bouquin que Jésus adore.
Riri : Puis avec It et Oz en Angleterre.
Françoise : À Londres c’est l’été dernier, non, qu’il y a eu le procès d’Oz ?
Lettre de Jean-Yves Jouannais à Tristram - L’Infâmie
Date du document : 2 novembre 1995
Saint-Michel - Livre Poétique de Nycéphore 1964-1968. Texte n°5.
Date du document : 22 Mars 1964
5. Saint-Michel
Jean, Norbert, Manolo,
Le gourdin à la main
Sali dès le matin,
S’en vont à leur boulot.
Et la robe des ânes
Par la rue Traversane,
Au-dessus des barquettes
Couvre mal leur quiquette.
Il auront un peu d’or
Qui descend sur le port,
Le gras-double qu’on trouve
Sur la marché des Douves,
Un reste de guano
Et du churrizano,
Le cassoulet de Jules,
La saucisse d’Hercule,
Place du Maucaillou,
Du graillon barbaillou
De Sœur Marie-Thérèse
Dont ils baffrent les fraises,
Un tonneau de piquette,
Un lapin, la sanquette,
Et des frères Moga
Le pâté noir bien gras,
Une soupe à l’oignon
De chez Napoléon…
Publication : Mettray n°7. Automne 2004
Troupeaux et Voyage - À propos de Joël Roussiez
Date du document : 2009
À chaque fois qu’on rencontre un Horrible Travailleur, il périme tout un pan de la vaine production d’alentour, la rend caduque, et on ne peut que s’en réjouir. Autant de débroussaillé ; nous sommes dans un territoire de l’Inscription et toute découverte dans un autre endroit est toujours bénéfique. Autant de temps gagné. La fraternité est de mise.
Avec Joël Roussiez tout est mouvement comme dans la pensée chinoise où “les réalités que simulent les mots ne sont pas des choses arrêtées mais des mouvements”(1). Implosion, explosion et dispersion que la spirale du Voyage Biographique emporte, ou mouvement des marcheurs cosmopolites à travers les méridiens du monde de Nous et nos troupeaux.
1. Nous et nos troupeaux
“ « Cosmos terrien de vie » je dis.”
“Avançons sans peur aucune, sans crainte des coups, ne cherchons rien
Croisons des hommes qui ont cherché et s’en reviennent
Des qui s’en revenaient, n’avaient rien vu…”
Les paysages des Troupeaux sont comme ceux de Cozens, lui-même tellement chinois dans sa technique tachiste avec cet effet d’éloignement qui abolit la césure entre esquisse et dessin achevé, ce miracle ophtalmique permettant de faire disparaître autant les grossièretés de la tache que les finesses de l’exécution attentive. De loin le dessin devient une tache modulée et la tache un dessin vigoureux, tous deux pris dans le même ravissement de l’œil.
Ce génie de l’esquisse est partout présent dans les traversées des paysages de Roussiez où des notations extrèmement précises sur les couleurs, les climats ou les coutumes de certaines populations (voire les “marques” mécaniques) alternent et glissent avec de vagues affairements : intrusions humaines laborieuses ou énigmatiques dans “une sorte de camp de matériaux variés”.
Publication : La Main de Singe
Biblio - Poème 0 du Livre Poétique de Nycéphore 1964-1984
Date du document : 1964
0. Biblio
A. Jourdain
(détruit par le cousin “Néné”, sauf ce lambeau ; bagarre.)
Mathias, la rue du Porc, le gourdin à la main,
En 3837, pour le matin ;
L’aube rosit le fleuve et la robe Epiphane,
Tandis qu’à leurs sabots par la rue Traversane,
Les pires de chez nous: Jean, Norbert, Manolo,
Se rendent aussitôt livrés à leur goulot,
Tressant cette Entreprise embrayant des barquettes
Où traînent des boulons trop gras pour les liquettes
Pendant que le Grand-Prêtre avec sa tiare d’Or
Remontait la Garonne et descendait au Port.
Mais on le pèlera de sa pourpre en nos Douves,
Puis on en traînera dans la Ville-qu’on-pave
Sa lame d’or gravée d’un “Sancto Domino”,
Quand l’Equateur n’est plus qu’un ridicule anneau!
Jusqu’aux Abattoirs bleus du Dimanche en soirée,
Le carreau non lavé titrant ses diarrhées.
La pâleur de ses traits, sa tristesse, qui, mieux
Qu’un suaire le cerne, os débile et piteux,
Les Machabbées et les Momies s’en entrechoquent,
Bandeau d’horreur à sa vue noirâtre et ses cloques.
Armes broyantes d’or, du bouclier ouvert
De plaies délicieusement crues ! devant l’Enfer.
Enfin la Toute-Puissance avant les feux, l’âtre !
(“O l’hostie salutaire oblongue et bien douceâtre !”
Son coeur soudain surpris et creux par toutes gouttes
Qui tombent des forêts tant qu’il court sous leurs voûtes.)
Publication : Revue Mettray n°7. Juin 2004
Éthique de la Description - Joël Roussiez
Date du document : 2009
Approche d'une éthique de la description.
Il faudrait dire qu'elle n'est pas représentation, ceci par exemple de Semprun(1) est à rejeter comme facticité « Il ne peuvent pas comprendre, pas vraiment, ces trois officiers. Il faudrait leur raconter la fumée : dense parfois, d'un noir de suie dans le ciel variable. Ou bien légère et grise, presque vaporeuse, voguant au gré des vents sur les vivants rassemblés, comme un présage, comme un au revoir.
Fumée pour un linceul aussi vaste que le ciel, dernière trace du passage, corps et âmes des copains ... » Le passage en italiques permet de bien comprendre ce qu'il ne faut pas faire pour rendre compte et offrir au lecteur une impression juste. Il faut être prés de la chose, or on s'en éloigne lorsque on veut « raconter la fumée », on ne raconte pas une chose, on la rend présente, c'est le rôle de la description.
etc.
Voyage Biographique. Final 2 Magnifique - Joël Roussiez
Date du document : 2008
Ce texte fait partie de l’ouvrage à paraître Le Voyage Biographique de Joël Roussiez.
Une abeille voulait manger de la confiture, elle est tombée dans un piège. Les deux enfants ont vissé le couvercle, elle bourdonne à l'intérieur du bocal. Les deux enfants la regardent puis ils vont se promener dans la nature parmi les herbes hautes et les champs ondoyants. Ils brandissent leur trophée au bout de leurs bras, le portant tour à tour et le collant contre l’oreille pour écouter « bzz, bzz, bzz » ce qui ressemble à la mer. Leurs pieds les emportent et les promènent sur une lande, des animaux y bourdonnent, des mouches et des abeilles volent parmi les bruyères ; dans le ciel des oiseaux planent au-dessus des falaises. La mer est en bas. On en a le vertige. Les falaises se cassent contre le bleu des eaux, tombent du ciel, s'éloignent de la terre et se prolongent sous les vagues, le blanc devenant glauque puis sombre, puis noir. Des courants sombres disparaissent dans les profondeurs, des ombres fluides coulent sous l’épaisseur des eaux en dessinant des croupes ... Un roi chevauche dans la plaine ondoyante; un enfant se colle à son dos et serre sa taille puissante. La nuit tombe et les enveloppe de formes sombres, des ombres les caressent et s’effilochent à leur passage « on dirait qu’elles les retiennent ». Le roi filait sur sa monture, l'enfant s’agrippait derrière son dos, tous deux fuyaient sur la lande sauvage. Ils chevauchaient sur les collines innombrables et regagnaient ainsi le château dans lequel la reine inquiète attendait. Le roi se dépêchait car il craignait la nuit et l'inquiétude de la reine. Il courait sur sa monture sombre. L'enfant disait : « j'ai peur! On me pince, on me griffe» ... « Ce n’est rien, ce n’est rien » disait le roi en se hâtant. Leurs ombres passaient rapides parmi les forêts sombres, sur les chemins, longeant d'étranges marais où serpentaient des formes sur le sol qui se dressaient d'un seul coup, occupant toute la route, menaçantes comme des bandits de l'ancien temps, puis elles s'éclipsaient absorbées par des trous, entrainées par la boue des marais où elles se noyaient. Des arbres pas très grands fouettaient les corps effrayés de créatures qui fuyaient ; ils harcelaient les hommes aussi bien que les bêtes, ils gesticulaient dans les toiles de la nuit et s’y débattaient en sifflant de manière lugubre. Alors d'un seul coup, le soleil se mit à resplendir, il remplit de clarté l'espace d'une lande qui descendait en pente douce jusqu'aux rochers surplombant modestement la mer qui roulait à leurs pieds. Les enfants déposèrent leurs trophées et se mirent à creuser. Ils firent un trou, ils y placèrent le bocal. A l'intérieur, l’abeille bourdonnait et se heurtait à la cloison de verre. Parmi la bruyère et l'herbe sèche, ils reposaient ensuite enlacés. Leurs souffles soulevaient sans hâte leurs poitrines endormies et parfois on entendait la plainte heureuse d'un soupir satisfait. D'autres fois, c'était comme un frisson qui traversait leurs peaux. Une peur égarée passait par là et les secouait un peu. Puis ils se réveillèrent, ils s'étirèrent longuement devant la mer étale comme un lac. Lorsqu'ils se levèrent la brise caressa leurs visages et les rafraichît, alors ils jouèrent ... On roule l'un sur l'autre en se laissant descendre le long de la pente. On se laisse emporter par son poids, c'est vraiment drôle. A deux, ça va plus vite. On a le tournis, la tête se dévisse, c'est ma tête, c'est la tienne. Nos têtes se mélangent, nos cheveux s'emmêlent. A l’intérieur du crâne, ça bourdonne, ça va de plus en plus vite.
Le Cirque B. B. et Mouilleseaux le débile - Ligne des Escholiers Primaires. Nycéphore. Été
Date du document : 1970
(Il s'agit d’un petit Extrait du Chapitre 6 de l'Été)
C’était bien de vouloir partir ainsi. Mais qui se satisferait de ce simple redoublement de soi-même, de cette ombre portée en avant, idéale et nocturne, de cette infra-mince connaissance du monde ? Puis quel lecteur s’attardera sur cette Aventure matinée d’Argentine ?
« On continue, on verra bien ! »
*
Pendant ce temps de préparation du mouvement, entre le retour de Cádiz et la Grande Fugue aux Amériques, alors que je continuais à bien fournir le répertoire, à rencontrer d’autres comédiens, à choisir régisseur et techniciens et à améliorer ma connaissance de la photographie, mon frère Nicolaï travaillait comme magasinier à la Régie dans les champs du Bouscat.
Comme il était stipulé dans le contrat qu’on ne pouvait recevoir
d’argent sans déplacement (faiblesse théorique et a priori latin de l’oncle lointain, qui n’avait pas compris la vitesse immobile), et comme d’autre part la ville de départ ne pouvait être considérée comme une halte, nous subvenions ainsi chacun à notre façon à nos besoins.
Magasinier ? Aucun grand écrivain ni artiste ne l’y autorisait. Il se fixait à peu près les mêmes objectifs possibles que Nany : expéditionnaire, bibliothécaire, etc. Il avait bien supporté pourtant de teindre des chats, tout le printemps de l’année précédente, sur la rive gauche de la Garonne, bien qu’il n’y ait jamais eu de “modèle exemplaire” dans ce sens-là non plus, travail plutôt repoussé par tous ceux qui les idolâtrèrent ! Mais magasinier ! La violence du sabotage était donc nécessaire pour résister au siphon de la connerie. Elle était poussée au centuple par Saïd. Et je vins les rejoindre à quelque temps de là.
Jojo l’Alcolo - Ligne des Escholiers Primaires. Le Singulier. Automne
Date du document : 1983
L’Effondrement de la Carte
“Mon Papa, il est bien malade, retourné, devenu lamade et baveur de bile, débile. Prenait Festale, avant de connaître les jumeaux Kay, les fils de Violet. À présent plus rien, c’est foutu.
Les Kay vivaient sur le port, là où Charlie était au trimard ; leur père était broc. C’est à huit ans qu’ils se sont vus ; il y avait là José aussi, José Arès ; ils faisaient de la boxe avec le curé Bonnet , à La Flèche.
La dernière fois, il a chu dans le fossé avec Jack “the Hat”, un bon irlandais, un pot’ de prison des Kay (le “Hat”, pour cacher qu’il est chauve, et peut-être donneur).
On voit bien, à le suivre de dos, à l’importance de ses trapèzes pour un homme de la balle, tout le passé ardu de sa vie de cirque, les ours gris argent en hiver, la fréquentation de la neige (moins dangereuse que celle des Kay), l’arrachage et la plantation des piquets d’amarres.
Il a pas été connu de tout temps. Ainsi, du moins. Ni connu les Kay. “Vice ignoble” disait Mamie. Salles de jeux. Leslie Hot et Lili Spot. Phrénésie ! Alcool de contrebande. Serments d’Hippocrites ! Dipsomane, qu’on lui crachait !
Le docteur Dugoujon est venu, lui qui buvait que de l’eau, un jour de crise. On le chirurgica en ivrogne, comme un avare, à Saint-André. Jivago n’était pas là.
Ensuite, plus les Kay débarquaient, plus ses blessures se compliquaient. Tout un tas d’autres apparitions lui tombèrent dessus à la suite, par “infiltrations”, insidieusement : Le Fisc, Le Cadavre de Terry Martin, La Dent Creuse de La Loi, Le Maître, Pete Bondurant…
Lambo à Staphysagria - Les Grands Ancêtres. Don Qui. Été
Date du document : 1984
VUE DE LOIN, la citadelle grise gigantesque dans les nuages avec une irradiation blanche verte, des nuages gris-verts, et dessous le sommet de la colline. Au-delà la nacre d’huître des crêtes de vagues tout autour de l’île, les glauques ourlets. Un idiot dans la voiture à côté de la mienne qui roule sa langue, gratte l’arrière de sa tête de sa main droite, bras torsadé, et qui enfonce en tournoyant sans cesse son index gauche dans son oreille gauche. Rien ne dira le bien fourni de ces nuées pas plus que l’immense cavalcade d’énormes cumulus sur la gauche doublant les arbres de la vallée. Là pour le coup devant le film la langue est pauvre. J’arrive dans mon quartier.
Au film par contre échappe l’ampleur de la lumière orageuse sur toute la vallée, cette pénétration de l’or à travers toutes les couches du vert, la façon dont le clocher d’église repose sur un autre terroir de verts profus ; cela, seuls la peinture et le dessin peuvent le déployer.
Incroyables liserés blanc magique fuligineux des nuées grises, ces hauteurs de château, sans doute après l’équinoxe, cette vibration de craquelures à mesure qu’on avance dans la voie de la vallée, ces tressements, ces chevelures en zigzag, ce boisseau de foudres : non certes l’écriture ne peut en rendre compte. Voilà le bloc où se trouve mon bureau.
Osiris Usines - Les Escholiers Primaires. Ligne de Nicolaï. Été. 6. Usines
Date du document : 1970
L’Usine des Rêves
C’est extraordinaire ! La terre s’est retournée mieux qu’avec une défonçeuse double. Il neige ! C’est l’Usine des Rêves.
Voilà un plan d’exode massif qui passe, pour celui qui veut en finir avec l’Usine Seconde, sans se rendre compte qu’il tire sur son pousse-pousse un tas de tonneaux inutiles.
La connerie de tous les abrutis du siège s’était feutrée ce matin-là mieux que de la passion des roses rouges. J’étais sorti du lit avec un rêve antédiluvien coincé dans mon cervelet, et une gêne de ce côté-là, reptile ou herbe, pris d’une desmopathie générale. Les Bouriates ne m’étaient encore qu’un horizon à perte de vue tandis que Saîd avait perdu depuis longtemps ses ancêtres kabyles ; j’en viendrais un jour par procéder de point à point sur une carte, et uniquement comme cela. Ai-je encore une fourrure de glouton ? Voyons.
Du coup, je n’entendais plus les discussions, mais des voix, et celles-ci comme en hauteur, ou après avoir plongé profondément.
(Dans les hauteurs des monts kabyles en été, m’a dit Saîd, on entend sous les étoiles des voix dans les buissons, dans l’extrême fraîcheur de la Nuit : ce sont celles des jeunes recrues qui vont partir à l’armée, et qui chantent des mélodies d’amour en s’accompagnant à la harpe.)
Dentiste & Bacon - Ligne des Adolescents. Aube et Nany. Été. L’Académie
Date du document : 1969
Nany.
(Le Dentiste me convoque dans l’ancien saloon où il travaille, et au lieu des réparations prévues avant mon récital de gospels autour des Apôtres chez La Grosse, qui a une grande terre, un peu plus bas, alors que je me préparais même à lui en entonner un du bon négrier John Newton, il m’impose un énorme appareil (paraît-il “nécessaire à mon registre”) en citrine transparente et résine polyesther, mais d’une construction extrêmement lourde et comportant des sortes de roues ou de “cales” aussi grosses que des demi-pommes, qui me forcent les joues plus encore que ne le fera le futur Barrault dans le rôle d’Opale, de Renoir, et les blessent.
Usines et Défaillances - Les Escholiers Primaires. Ligne de Nicolaï. Été.
Date du document : 1978
Enfant, j’ai débarqué à l’île Seguin. Ensuite, devenu karatéka, lorsque j’ai de nouveau travaillé en usine, c’était uniquement pour notre communauté et pour préparer l’installation de mon “Camp du Gers” avec Maître O, en attendant de pouvoir rejoindre les autres en Afrique et aux Amériques. J’ai alors énormément volé, saboté et détruit de matériel ; cela faisait partie de nos consignes. Je glandais au lieu de travailler, provoquant les abrutis, les frappant entre les rangées de pièces, semant les objets n’importe où, brisant les plus précieux. D’autres du groupe sont venus travailler avec moi occasionnellement : Le Gitan, Pipo, Walter, Nany El Niño, et même une fois Osiris, mais le jour où il est venu, il neigeait et l’Usine a fermé, ça tombait mal !
Noir et Blanc
Date du document : 2004
Cette nouvelle est de Claire Viallat. Elle fait partie d’un volume en cours d’élaboration.
“La journée s’annonçait claire”. Or, il se trouve que L’Ombre est partout, à la fois savante et tactile ; elle fait partie du sujet et de l’objet autant qu’elle s’en détache. Hombre = c’est l’Homme en espagnol. On dit souvent d’une femme qu’elle est l’ombre de son père ou de son mari : “La fille de…”, “La femme de …” Mais si l’on sait que l’ombre c’est l’âme, ça voudrait dire que c’est ce qui leur échappe de meilleur. Comment dès lors ne préfèrerait-on pas lâcher la proie pour l’ombre ? Le réel du grand Autre chez Lacan, en somme.
Claire Viallat reprend ici une énigme ancestrale.
Comment suivre la ligne de crête de la sagesse entre ombre et lumière, et ne pas basculer au Pays des Morts (il n’y a pas d’ombre au Paradis), engloutie dans ce double anonyme du sujet, comment ne pas disparaître dans l’autre innommable dont les oreilles de loup pointent dans tout autoportrait (“l’autre-au-portrait”), trou de suspens vibratoire de la discontinuité dans le temps, latence prête à bondir sur l’apparence manifeste.
Ou bien, dans le plus pur démon de Midi à l’ombre courte, comment emprunter un passage cristallin vers l’au-delà ou l’Amour danse grâce au cadran solaire d’Arsène Lupin dans le Triangle d’Or ?
Ombre élastique, ombres des personnages à une autre heure que celles des arbres, dans Marienbad, hors-champ total des ombres d’Hiroshima qui sont les seules à rester alors que les corps (qui les ont portées ?) ont disparu après la lumière aveuglante.
Femme sans ombre de Richard Strauss (1864-1949), ombre de Peter Schlemihls qui s’échange dans une triangulation avec âme et bourse.
Puis topologie, topologie : la science de nouer des ectoplasmes ?
Onuma Nemon. Octobre 2008
NOIR ET BLANC
Si au lieu d’une figure vous mettez l’ombre seulement d’un personnage, c’est un point de départ original, dont vous avez calculé l’étrangeté.
Gauguin à Emile Bernard, 1888-1891, Pierre Cailler, Genève, 1954.
Tous excellent à donner un contrepoint de chair, de vie, au fantôme qui occupe le centre du récit, et qui transforme la vision du monde autour de lui.
Critique du film « L’Adversaire » de Nicole Garcia par Aurélien Férenczi, Télérama n°2746.
L’ « ombre représente la somme des domaines du réel que l’homme ne veut pas voir ni reconnaître en lui-même et qui lui sont, de ce fait, non connus donc inconscients. L’ombre représente le plus grand danger pour l’être humain car il ignore son existence, il ne la connaît pas. C’est l’ombre qui fait que nos désirs et nos aspirations ainsi que le résultat de nos efforts se manifestent finalement dans le sens contraire de ce que nous attendions. Les manifestations de l’ombre sont projetées par l’homme sur le monde extérieur où elles prennent la forme du « mal ». Cette projection lui évite de voir que la source de ce mal est en lui, ce qui l’effraierait trop. Tout ce que l’homme ne veut pas, ne supporte pas, n’aime pas incarne son ombre, elle est la somme de tout ses refus.
Thorwald Dethlefsen, Rüdiger Dahlke : Un chemin vers la santé, ed° Randin-Aigne, 1990, Suisse.
Memo. Compendium prépondérant - Ligne du Chaos. Printemps
Date du document : 1978
Compendium prépondérant.
Tra lala lalala lala ! ”(Saute d’un pied sur l’autre) “Tra lala lala lala ! Tra lala lala lala ! Compendium prépondérant d’un saut d’un pied sur l’autre à travers la forêt. Tra lala lala lala ! Vent froid contenant quelques
blancheurs, encore, de l’hiver passé. Figures de la Moi assez ! Et masques empreints de carbone. Ordures sans pourrissement possible. Arrière, formes fixes du fantasme répressif. Rétro, tout ça !
Memo.Cauchemar-Appendice de MaPa - Ligne du Chaos. Printemps
Cauchemar-Appendice de “MaPa”
Après cela, Memo eut un cauchemar en souvenir de son père : révulsion hideuse de l’Anus qui pend, comme une poche, un cancer, un fœtus, et dont il note le nom latin fourni comme banalement par le médecin : …ictère … … legumine…… Poche bleuâtre et violacée, lac sanguin mort, balancelle, suspensoir d’organe, petit sac ignoble, hémorroïde monstrueux et cancer avéré dans un double retournement de Mœbius, une réversion absolue de nacelle qui soutient cet œuf monstrueux du cul.
Memo. MaPa - Ligne du Chaos. Printemps
Date du document : 1978
Memo Bande à Part
Memo se réfère toujours à sa “Mamie”.
Mapa : c’est sa carte du Monde des Morts, où il circule, car il est le Dieu des Quatre Chiens (Dico, Duco, Facio, Fero). Il devient Onan dans le “Nomadisme” de l’Ourcq.
Memo intervient rarement hors de l’Au-Delà dont il est un Travailleur ; il avait pour intention, Vivant, de revoir sa vie ; il ne l’a pour ainsi dire passéé qu’à essayer de la refaire ; partant de là, il a été nommé responsable de cette fonction pour la Vie des Morts : d’en modifier les embranchements. Il voudrait toujours de la vie extraire “ce qui cloche” et garder le cohérent ; ou bien garder la “crête” en extrayant le vrac et le mauvais ; ou bien encore garder le “tenable” et extraire journal et récifs ; ou bien former des proses et des rouleaux à l’aide des vracs de devenirs ; ou bien composer des dossiers par année où l’on puisse injecter les étoilements de Dico, les poteaux thématiques de Duco, la puissante reviviscence par lambeaux de Facio, les rêves de Fero avec leur cohérence.
La seule chose sur laquelle il ne puisse pas intervenir, c’est “la partie
illuminée”.
Les Parques dans le Parc de Doña Ana - Les Adolescents. Été. Huelva
Date du document : 1969
Les Parques filent dans le Parc
L’air fluide de la lumière semblable
(On l’a dit)
Pour le ski nautique à
Cette douceur violine :
Antiennes anciennes puis
Médigo et la Mojo - Les Adolescents. Été. Cádiz
Date du document : 2000
À l’occasion d’un voyage de Ian McCoy en Andalousie, Garcia Medigo a mis en place avec lui “La Mojo Nation”, piraterie internaute héritée de Flint, des aventuriers des mers du XVIIIe qui rêvaient de contrées libérées du joug de l’Administration, du partage peer-to-peer et des marins de Pynchon. Répartissant les données sur les ordinateurs de trois millions d’internautes répartis sur toute la planète qui partagent leur disque dur, ils travaillent sur le projet Seti@home à la recherche de preuves d’une vie extraterrestre dans les signaux issus de radiotéléscopes. Chaque portion de signal interprétée multipliée par trois millions dépasse la puissance des meilleurs supercalculateurs.
Hunefoy - Les Grands Ancêtres. Ligne de Don Qui. Été. Staphysagria
Date du document : 1986
Vous me permettrez d’intervenir du moins en ce point où je fonds avant d’atteindre l’Île Staphysagria de toutes les Utopies Sexuelles qui m’est destinée ! D’autrefois, je conçus que ma vie s’était organisée en séquences (d’où le récitatif du projet) : à chaque nouveau voyage (dans l’espace, le temps, l’esprit), fût-il minime et imperceptible aux autres, devait correspondre une nouvelle partenaire, quelles que soient les conditions (l’accompagnement, l’entourage) du déplacement.
Nycéphore. Cádiz - Les Adolescents. Été
Date du document : 1988
“Vivrai-je jusqu’en 2028 ? La quarantaine est le moment de ce navire bleuâtre, bien différent dans ce cas de celui où je me trouvais à Cádiz, prêt alors à refaire la traversée de Colomb, mais avant cela préparant tous les éléments techniques pour la venue de la troupe sur ce site.
Hier Héraklès est descendu de sa coupe sur le quai, après avoir tué Orthros, le berger Eurytion et Géryon, le fils de Chrysaor. Il a débarqué avec lui tout le troupeau de Géryon et il va remonter par la terre jusqu’à la Grèce.
Galère, drakkar, nef de Byzance, caravelle, vaisseau de premier rang puis brick de guerre, lougre, tartane, frégate et enfin cinq mâts… Prêt à pouvoir construire une naumachie intensive au-delà de toutes mesures des bougies décimales, en coupant au milieu du flux qu’il absorbe comme un buvard.”
La Rábida. Matinée des Moines - Les Grands Ancêtres. Ligne de Don Qui. Printemps
Date du document : 1970
Matinée des moines invités
Elle leur dit à tous ces moines venus en enquête spirituelle depuis la Rábida, ici face au Santoña, qu’Onan est sûrement déjà mort d’inanition.
Le pénitencier de Santoña, en face, est à présent devenu invisible à travers cette averse de rideaux. On ferme la fenêtre : éclairs féroces, parquet mouillé, pressentiment de l’année qui tourne.
Nycéphore. La Défaillance - Les Escholiers Primaires. Ligne de Nycéphore. Automne
Date du document : 1979
Texte Inédit. Travail de réduction en cours.
Nycéphore sortit du cabinet d’Acupuncture de Jean Shatz rue de l’Université, une après-midi d’automne de 1979, et se rendit chez le libraire bibliophile dont ce dernier lui avait parlé près de Solférino. Il fit d’abord les cent pas dans les alentours, indécis, pris d’on ne sait quelle crainte d’une découverte, avant de se rendre devant la boutique, comme on se dilapide en marchant. Dehors, à même la rue, le libraire avait disposé sur un étal des rangées de livres de poche que les étudiants devaient lui piller régulièrement ; Nycéphore hésita encore à franchir les deux marches du seuil puis enfin il se présenta à l’homme à la face palpitante dont un tic relevait sans cesse la commissure droite des lèvres. Dans ce capharnaüm où il vivait exclusivement on trouvait Balzac, Hugo, mais surtout au-delà tout le romantisme européen et les décadents. Puis des livres à reliure verte scolaire, des livres de prix à tranche dorée, avec des étiquettes et des numéros : donations de bibliothèques, ainsi de suite. Manies, phobies du personnage chiffon à la main, crainte des taches de tous ordres, raréfaction des moindres gestes comme de se lever pour aller ouvrir le tirage du poèle, retourner un carnet sur la table.
A. G. 26 du Mai 1968 - À propos de certains Conseils de l’Ordre des Architectes
Date du document : 26 Mai 1968
Tract Original
Prise de Son à Laredo - Les Adolescents. Aube & Nany. Été
Date du document : 1967
Laredo. Samedi 5 août 7h1/2.
Cher passant du Styx,
Je voulais t’écrire allongée sur le sable de “notre” coin ; promesse que je ne tiendrai pas puisque je suis sur mon lit : beaucoup trop de vent dehors !
Je n’ai pas osé tourner la tête pour te voir partir ; ainsi tout à l’heure tu m’accompagneras sans le savoir dans le vieux village aux rues de cendres grises. Je voudrais tant te donner la main et caresser tes cheveux !
Après t’avoir quitté j’ai couru acheter des timbres et faire provision d’enveloppes violettes (pour toi) ; mais il n’y a nulle part possibilité de trouver des bandes magnétiques vierges, comme tu me l’as demandé ; le mieux sera que tu en récupères encore à la Radio. Je suis d’autant plus désolée que nous n’ayons pu enregistrer le vent sur la plage, ton départ, notre dernière promenade en ville… que Jacqueline était bien là, avec son magnéto, à nous attendre au “Las Vegas” depuis une demi-heure où nous n’avions pas su la voir.
Nous avons rencontré aussi Loco, l’ancien videur à la “Rana Loca”, l’été, pendant ses vacances. C’est un gars du C. R. E. P. S., tu sais, un Anarchiste, un copain de Jésus et de toute sa bande : Minet, Gérard, Bernard… Ces temps-ci, il adore faire des blagues au téléphone ; il nous a dit qu’il pouvait t’aider pour infiltrer des lignes dans des immeubles, avec un magnéto. En partant il nous a donné une carte de sa boîte.
Le Groupe à Bilbao - Les Adolescents. Été
Date du document : 1986
Ce texte figure dans Quartiers de ON ! paru en 2004 aux éditions Verticales, augmenté de ses étoilements plastiques, inserts et éléments sonores.
Nany Machin. Nord & Sud - Les Adolescents. Été
Date du document : 1989
Ce texte figure dans Quartiers de ON ! paru en 2004 aux éditions Verticales, augmenté de ses étoilements plastiques, inserts et éléments sonores.
Nany Machin, c’est mon nom, je veux tout embrasser, tout emporter au fur à mesure, sans recours, sans aucun retour possible en arrière.
Parce que sorti sans blessures de la fosse aux lions, je suis un fleuve plus impitoyable que le torrent de feu qui fit envoyer à Rimbaud un bas à varices le 27 mars 1891, que l’écriture directe empruntant même sa graphie à l’immédiateté intensive n’est pas tout de moi, mais d_oit être dite_.
C’est Commode, le premier, qui, loin d’une humeur facile, signalé plutôt par ses débauches et ses emportements, m’incita par son exemple à ce
travail, craignant sans doute moi-même l’athlète qui viendrait m’inscrire historiquement dans mon bain de langue, étranglant les projets en cours, liés ensemble comme trois masses de biens jamais dépensés.
Je fais en sorte de laisser un interligne suffisamment aéré (comme les Pyrénées), ce que la loi interdit dans les actes authentiques, de façon à pouvoir intercaler un fragment oublié tel qu’“étranglant”, quatre lignes au-dessus de celle-ci.
C’est d’un Vrac qu’il s’agit donc, apparemment irréductible, et cependant toujours possible à reprendre dans le mouvement biographique, on le verra.
Il est bon de préciser aussi qu’il n’y a pas d’autre raison à ce récit que l’Aventure où nous fûmes lancés d’abord à quelques-uns changeants et mouvants, devenus des milliers malgré moi ou du moins bien au-delà de moi, par la transcendance d’un Grand-Oncle Gitan de Buenos Aires, enfoui dans la plupart de nos mémoires de famille, mais qui ressurgit sous la forme d’un cadavre baroque par l’intérmédiaire d’un Notaire,
personnage important du Cours de Gourgue à Bordeaux, et, pour moi, proche de Mauriac et de tous les chais un peu frais de la ville.
Nathalie & Nijinsky - Les Escholiers Primaires. Ligne de Nathalie. Été
Date du document : 1986
Ce texte figure dans Quartiers de ON ! paru en 2004 aux éditions Verticales, augmenté de ses étoilements plastiques, inserts et éléments sonores.
À partir d’ici, en vidéo, dans le Studio Soudain où Nathalie vient se faire photographier en dansant, sur plusieurs écrans simultanés, le corps d’un arbre, vu par chacun des points d’articulation du corps : tête, épaules, hara, coudes, bite, chevilles.
(Arbre vu par épaule droite puis coude gauche.)
Nijinsky : “Il y avait d’abord l’ours dansant, l’ours énorme surgi d’entre les branches, et Kyra riait de le voir attraper ce minuscule écureuil qui venait de s’enfuir de chez nous, par la fenêtre, d’où on regardait, sur cet étang, ce lac, ce bief. Mais l’ours ensuite se mit à vouloir dévorer notre chatte ! Il se mit à l’absorber une première fois, puis elle ressortit de son estomac, galopa devant lui. Il était de nouveau en train de l’engloutir, lorsque je décidai de sortir de la maison pour la sauver. Je montai sur un pic, et là, d’un plan plus général, j’aperçus soudain un énorme boa, enroulé dans les rochers du bord ; je le signalai à ma femme qui se trouvait un petit peu plus bas ; je lui jetai des pierres et des choses diverses pour l’exciter, et celui-ci fit vibrer sa langue au-dessus de l’eau ; c’est à cet endroit que je reconnus sa tête ; jusque là je ne voyais que la confusion des courbes, des nœuds, des sentiments et de leurs passages…
Redescendu dans l’assemblée, je portais un col de clergyman qui m’allait véritablement à ravir, combiné avec ma veste chinoise à col mao, et un manteau du même genre, col officier. C’étaient trois successivement cols de même type. Mon père devait être un officier du passé simple.”
(Arbre vu par pied droit) (Arbre vu par Hara) (Arbre vu par bite)
Romantisme du Bus - Les Adolescents. Été. Le Lycée
Date du document : 1989
Texte inédit
Le trajet vers le Lycée c’était d’abord le trajet en bus pour nous tous, Nicolas parmi nous, et l’Idiot au crâne difforme de la rue Courteault spécialiste de Chateaubriant autant que de Lamartine qui parlait de ces habitudes au bas de la Morgue d’entreposer sur un bateau surmonté d’un pavillon noir par couches les cadavres des assassinés entre des couvertures de paille. Et on traversait toute la ville dans ce foutu bus puant sous les averses, tant il pleut à Bordeaux, avec partout des indondations à cause de ce temps pourri, de ce ciel de là-bas qui crève comme un phlegmon. On y faisait des concours à qui donnerait le plus de métaphores excrémentielles sur sa mère, incarnée comme une matoose, une merdouse. C’était à qui la détaillerait le mieux, filandreuse, émiettée, puant les œufs pourris ou l’acide chlorydrique comme des épinards hâchés, etc. On imaginait comme papoose Dieu son mari, vieux personnage incapable et barbu, grincheux et chieur en diable lui aussi à cause des intempéries qu’il dispersait sur Bordeaux, sans doute recouvert de la farine algérienne, uniquement préoccupé de précipitations aqueuses sur la ville, car Bordeaux est une Indochine, une cuvette malséante et putride.
On avait aussi des chansons pour les quelques grues qu’on tracassait dans le trajet, vendeuses des Noga et autres :
“Pouffiasse du lendemain grise,
Matinée de crise…” ainsi de suite.
Puis il y avait ce voyageur qui riait avec nous, obsédé par les contiguités fécales dont il nous parlait : manger un camembert bien puant assis sur le trône tout en débourrant ; il faisait souvent le trajet en notre compagnie, en imper mastic quelconque, un journal plié à la main.
Nycéphore chez Soudain d’Arlac - Les Escholiers Primaires. Ligne de Nycéphore. Été
Date du document : 1976
Ce texte figure dans Quartiers de ON ! paru en 2004 aux éditions Verticales, augmenté de ses étoilements plastiques, inserts et éléments sonores.
Mon unique photo lauréate et prise dans les bois d’Arlac près de chez Soudain (fils de Houdin et de Boudini, originaires de colons du Soudan), cicerone pour la récolte des cicatrices, voilà où je m’enfonce, avec la sale humidité, les graminées coupantes, sans savoir encore si j’ai quelque chose de commun avec le narrateur précédent, gomme qui rit de sa beauté morale et de sa difformité physique. Je me souviens de mon enfance au milieu des essaims d’abeilles d’Abel.
Avec le Rolleiflex, j’avais eu du moins la chance de découvrir “la visée ventrale”, l’appareil chaud tenu sur l’abdomen, comme en venant plus tôt le matin en vélo à Arlac, “l’énorme crabe rouge abstrait” sur un champ de blé de Dufy Dingo dans la revue “A la Page”, et la salle des pas perdus.
Je me rendais là-bas avec ce vélo sur lequel j’avais fixé un guidon étroit, le vent violent plissant la chemise de nylon, poignets vers l’intérieur, position rentrée ; secouée.
Puis au retour chez moi, toute l’eau avait envahi le débarras de l’ancien Couvent où nous logions, alors que je me sentais déjà tellement floué (quoiqu’il en soit, je boulonne !) de n’avoir obtenu, pour toute récompense de mon premier prix de photographie qu’un séjour de quinze jours de nettoyage et de restauration d’une ferme au Kansas où se promettait de m’accueillir un couple super sympa (“...et si vous avez fini assez tôt, vous pourrez vous amuser avec nous à faire les courses le week-end dans le patelin avec toutes les sortes de gens et de commerces typiques, et, pourquoi pas, on pourra même vous offrir une bonne bière !”)
Point d’aboutissement de multiples écoulements et de gouttières romanesques, le débarras, chambre noire, que l’eau inonde. L’eau, l’eau envahit tout comme la révolution des bourgeois charcutiers et marchands de grain l’église St-Pierre et la chapelle du Martyre, l’eau dont le niveau monte depuis les fossés du jardin désolé en contrebas. Heureusement, je trouve un tuyau de plomb qui curieusement surnage, et, le tirant, je retourne un lavabo qui me sert de coque de noix et me permet de pagayer jusqu’à regagner la chaussée.
Chez les Sœurs, on s’affole aussi : tous les Saints flottent.
Nicolaï chez Soudain-Tendance - Les Escholiers Primaires. Ligne de Nicolaï. Été
Date du document : 1978
Ce texte figure dans Quartiers de ON ! paru en 2004 aux éditions Verticales, augmenté de ses étoilements plastiques, inserts et éléments sonores.
J’avais rêvé, en entrant dans le monde de la photographie, de devenir reporter-criminel, mais pour rien au monde je ne voulais finir en tireur commun avec une chaîne cernant les pieds cadenassée autour de la colonne du Durst, comme tous ceux qui travaillaient là-dedans et qui n’avaient même pas le droit d’aller pisser : on leur apportait un pot en plastique (il n’y avait pas de tireuses !), ni même, version luxe, à faire des diapos de fonds de papillons et de fleurs le week-end comme en commettaient le couple Soudain, tellement parfaits, tellement anglo-saxons (or pâle) et tellement cons, avec la sangle de leurs deux Rollei passant en travers de leurs deux Lacoste.
« I doit être tourné vers la Noël, un tel film, un tel crâne de caméra, et y’a des individus glauciers qui mijotent dans le scénario ! »
La caméra est tombée. On va pas la laisser tourner par terre tout l’été. Il ne faut être en retard ni sur le rêve ni sur l’instruction d’une découverte philosophique due à une substance non numérale. On ne peut non plus laisser passer ça sans bouger du pif. Aussi la présence du petit con à mobylette derrière Arlette et moi, sur l’Intendance, face au porche du premier Studio Soudain, m’énerve.
« Qu’est-ce qu’il y a ?
— C’est parce que vous me fixez, je bouge pas. »
J’avais la chance d’être mineur. Je l’ai fixé sans hésiter d’un coup de lame et davantage, un mois plus tard. Qu’on annonce la bonne nouvelle ! Ensuite, on pourrait filmer les inondations. Il y a eu à peine un entrefilet, personne n’a cherché.
Le Théâtre de Rétif - Esplanade des Girondins. 1989
Date du document : 1989
Ce texte figure dans Quartiers de ON ! paru en 2004 aux éditions Verticales, augmenté de ses étoilements plastiques, inserts et éléments sonores.
« Qui mourrai-je de quoi ? D’une inattention portée au temps, bonheur attendu de rien, attenant à rien, et dont rien ne peut rendre compte ? D’une simple vasodilatation de l’âme… »
Il était dix-sept heures quarante, de l’autre côté de la Révolution, bord droit, au mois de Mars, et la surface presque chaude de l’herbe de l’Esplanade recevait de grandes tracées d’ombres en rayures sans véhicule.
Sur le bord même de la Révolution, à gauche, sur les terrasses du quai de Calonne interdit aux piétons la nuit, il y avait des accidents en contrebas, à l’endroit du parapet du Château-Trompette en cours de démolition, des brûlots divers (la bête prise, les bleus sans liesse), et le remblais en surplomb etait empli d’un attroupement de citoyens, arrêtés au-dessus de la situation.
Les sans-culottes et les officiers municipaux chassaient les voyeurs venus là d’un double geste énervé des mains, du genre : “Tirez-vous, sales rapaces, agioteurs du malheur !”
Nicolas voyait ça par son fiacre, mais surtout par la fenêtre de droite vers l’Esplanade (qui n’était encore qu’une esquisse au milieu des ruines, un trapèze immense irrégulier et tordu), il observait ces ombres esseulées, sans origine, et se retourna plusieurs fois sur la gauche, de plus en plus vivement, dans le but d’en surprendre les émetteurs fugaces.
Mais il ne vit rien, rien qui soit susceptible de les projeter.
Communication de Toulouse 23 Mai 1968 - Tract Original Beaux-Arts de Toulouse en Grève. Page 3
Date du document : 23 Mai 1968
Feuilletons ! 1 - (fragment)
Date du document : 14 juillet 1968
Ce texte fait partie d’une suite dite “Feuilletons !” de 1968 et 1969, ensemble non destiné à la publication, dont nous donnons un fragment.
La tour sombre du sapin, au bout de l’allée.
Nathalie parlait de très loin,
Unie à d’autres difficiles signes
Inclinés, se déversant en limaille.
Propriétés des retours
De rameaux bruissants
Sous les ombres du vent.
La Mort du Tsar - Les Adolescents. Été. Théâtre Lycéen
Date du document : 1966
Ce texte figure dans Quartiers de ON ! paru en 2004 aux éditions Verticales, augmenté de ses étoilements plastiques, inserts et éléments sonores.
Voici l’exemple d’une des pièces que les Lycéens jouèrent à propos de la Révolution Russe en 1967 au “Théâtre du Styx” qui devait devenir la fameuse roulotte de Sainte-Croix.
Docteur Botkine. Bien sûr, on peut toujours rêver le domaine secret et sain de l’Intelligence. Mais moi c’est pas de la mer Noire où règne Sérapis, dont je veux vous parler, c’est de bien avant Sosso, du temps du plâtre et de la mort du jeune Nicolas.
Domestique Troup. Non, non ! Vous avez perdu ! Vous voyez : l’as de pique est tombé sur le valet de pique. (Il rit) Et donc c’est fini pour Sosso ! Son propre mal a été pire que lui. Cette sorte de variole bureaucratique sévit.
Docteur Botkine. Ce Caton de basoche de Kerensky, où est-il, au fait ? Balayé par Lénine, c’est ça ?
Domestique Kharitonov. Il est rendu à ses asperges vivaces et bleuies, bourré des idées saugrenues d’un généralissime de foire ! Tandis que vous, Docteur, vous voilà encore obligé de vous traîner avec vos maux de reins, et vos pieds gelés sur les fleuves !
Je vais vous parler moi de la mort du père Empereur de l’Industrie, (Macha au fond, en robe noire, s’avance) toujours si digne avec ses pantalons à liseret qui lui affinaient la taille et allongeaient sa silhouette ! Et je vous parlerai aussi du plus petit Alexis Nicolaévitch, inclu comme une matriochka dans le Père Nicolas, cet Industriel Hongrois de Libourne. Ils lui en voulaient parce qu’il était soi-disant du côté des “Blancs”.
Docteur Botkine. C’était pourtant un grand ami des Sales chez qui j’étais souvent, des Inventeurs. De grands Inventeurs et de dignes gens. De bons amis à moi aussi. Ils ne parlaient pas allemand, ils étaient orthodoxes. Le petit-fils fait du cinéma, aujourd’hui.
Macha. Mettons que la vie soit un brouillon, et qu’on recommence. Mais les autres, les Demi-Deuils, les Millions de Marchés, les Installations de Machines à Tortures dans les Instants, les Représailles, non ! Jamais ! Je sais maintenant : il faut éviter tout ce qui glisse et qui caractérise, tout ce qui est crachat et ne se résout pas dans un cri uni. Sinon on se tait, on prend d’autres manières que les siennes, dans la soie ou dans le meurtre, on se résigne. Alors là, la vie serait propre, on recommencerait, on arrangerait une pièce, comme ici, avec des fleurs, une masse de lumière et des petites filles pleines d’espoir.
(Un silence.)
Nicolaï et Macha. Hôtel Saint-François - Les Adolescents. Été
Date du document : 1975
Ce texte figure dans Quartiers de ON ! paru en 2004 aux éditions Verticales, augmenté de ses étoilements plastiques, inserts et éléments sonores.
« Alors Flahaut lui dit : “Hortense, calmez-vous ! Paluchez-vous d’un seul doigt.” » Macha lisait ça à Don Jujus, les cuisses écartées sur le lit, Macha qui venait de Mouch, en Turquie ; elle était douce au toucher. Lui était plutôt dru, et orienté vers l’Orient. Rosa, à Caen, lui en avait parlé, ancienne copine à elle du Conservatoire.
Elle le masturbait sur elle, elle avait deux petites roses (rouge, blanche) prises dans son bracelet de la main gauche ; les secousses ne les firent jamais tomber. L’œil unique de la caméra portative de Jujus allait et venait. Et rang’ ! Et rang’ ! Elle était là, dans l’hôtel Saint-François, pour travailler avec le Groupe du Théatre du “Styx” du Lycée, juste en face, rue du Mirail, qui à présent avait son bus près de l’Académie, et pour préparer le départ à Cádiz. Lui venait du groupe des Anartistes qui habitaient une sorte d’entrepôt dans la zone des marais de Sainte-Croix ; il avait rencontré Macha avec moi à l’Académie ; ils se plurent momentanément. Ensuite, dès qu’elle aurait les mains libres, elle devait écrire un papier sur la prochaine fermeture de La Roquette, d’ici quatre à cinq ans. Elle se souvenait de ses copines prisonnières mineures, quand Laurence y était, qui regrettait son chien, son seul ami. Quand l’une d’elles recevait une lettre d’amour elle le lisait à toutes les autres et chacune faisait son commentaire ; ça durait parfois des heures autour d’une mince feuille griffonnée.
Dans la chambre à côté un autre comédien de ses amis, surnommé “Aubusson”, comme les compagnons, de son vrai nom André Névrose, et affublé d’un énorme tarin, sans déroger là où un marquis n’aurait pu vendre du drap, puisait tout le feu d’une pièce où il était question d’un texte inachevé volé dans un coffre à soie et d’un autre composé de ses résidus.
Lucerné - Sphère Critique
Date du document : 2008
Texte publié d’abord sur le site de La Main de Singe et paru augmenté dans la revue Fusées n°14.
Pierre-Alain Lucerné est devenu fou en plein soleil, en jouant au tennis, une vraie folie Nietzschéenne, dionysiaque, ni obscure ni coupable, dieu incorporé conduisant à l’exaltation. Là-dessus il a rencontré (était-ce une chance ?) le docteur Ferdière qui avait traité Artaud. Et quand Lucerné lui a raconté qu’il avait des files de mots qui se débobinaient sans cesse dans sa tête, jour et nuit, l’autre a presqu’exulté et lui a dit en quelque sorte : “C’est bien, continuez !”
J’ai rencontré Pierre-Alain Lucerné en novembre 1975 sur l’incitation de Christian Prigent, alors que je me trouvais à Tours, pour échapper à cette ville à plus d’un titre nauséuse. Beauté du conflit mondial du schizophrène qui faisait croire qu’on était en guerre avec ces âmes de tuffeau, crayeuses, meringuées, mièvres. À la suite d’une erreur de lecture dans la lettre de Christian, j’avais cru lire au lieu de Lucerné “Lemarrié”, ce qui fit beaucoup rire Lucerné, car s’il était une chose que lui avait bien asséné son thérapeute, c’était “Surtout ne vous mariez pas !”
Du reste, les avantages que Lucerné voyait dans la vie à deux se résumaient, me disait-il, lorsque l’une des deux personnes du couple était malade, à ce que l’autre puisse aller chercher des médicaments à la pharmacie. Il ne me parla jamais de son fils, dont je savais qu’il le voyait régulièrement chaque semaine et ne s’intéressait que de très loin aux enfants de sa compagne d’alors.
Il fit partie des rares à qui je parlais alors de la Cosmologie, jamais montrée à ce jour, et il m’aida même à en définir certains territoires.
Publication : Fusées n°14
Journal de Lydou - Les Adolescents. Lycée de Terraube
Date du document : 1975
Ce texte figure dans Quartiers de ON ! paru en 2004 aux éditions Verticales, augmenté de ses étoilements plastiques, inserts et éléments sonores.
À Terraube
(Importance de “l’Europe plate et froide”.)
Journal de Lydou
24 août
La pluie était très forte, quand nous avons décidé (“Un… deux… trois !”) avec Aube de quitter notre abri pour rejoindre Papa sur le port. Un pauvre chien perdu courait en travers, et en nous voyant surgir, il aboya furieusement, appeuré ; son écho lamentable se répandait dans le lointain. Au loin, la tempête faisait rage, et un bâteau mal amarré alla donner du nez dans la jetée où il se brisa comme un œuf, avec un fracas terrible de craquements multipliés.
Soudain, tout se calma ! Et dans ce cadre tourmenté ce fut comme si tout recommençait.
Dimanche 30 décembre
Claude et Loulou nous achètent des bonbons.
Claude ne m’appelle que Mademoiselle.
Le soir, j’écris à Monique R., Annette P., Marie-José M., Nadine C., Liliane C., Liliane D., Nady F., Marie-Thérèse G., Colette K., Jacqueline L., Lucile M., Monique N.
Cet après-midi, avec Christiane D., nous avons recherché les endroits I (c’était avant tout, avant même les paroles I ). Nous rappellions les quoi ? Il faut dormir.
*
L’année Suivante
Mardi 1er janvier
À trois heures, Christiane D. arrive et nous faisons un devoir d’anglais dans ma chambre par la fenêtre. On rit bien. Puis elle me fait un souvenir (celui qui est à la page précédente), quand Papa arrive et me demande “si il se fait, cet anglais ?” Alors vite Christiane D. tourne la page et fait semblant de faire de l’anglais. Là : “walking back from the school ”. Ensuite on part.
Jeudi 17 janvier
Jean-Pierre Moustéou devait me porter les photos d’identité (il est collé), mais c’est Monique Dégans qui les a prises avant lui. L’après-midi, nous allons à Gauge et on discute avec Alain F. et Jean-Pierre Moustéou. Il y a aussi M. Olivier Larronde, qui est poète ; c’est un ami de Jean. Il est vieux ; il a 36 ans.
Le matin, j’ai donné la lettre de C. et de Christiane D. à une externe.
Astrobade - Les Escholiers Primaires. Ligne de Nicolaï. Été. Lycée
Date du document : 1979
Ce texte figure dans Quartiers de ON ! paru en 2004 aux éditions Verticales, augmenté de ses étoilements plastiques, inserts et éléments sonores.
Astrobade
Gastrobas adorait voler le pain à la cantine du Club des Coqs Rouges ; il le volait par tronçons de miches, en prenant le bout dur. Le Club était toujours resté dans l’ancien bâtiment-entrepôt d’un crépi doré qui abritait jadis le tissu en énormes coupons d’un commerçant juif aujourd’hui ruiné, à l’angle de Sainte-Eulalie.
Basile, Zinopino, Morisson - Les Escholiers Primaires. Ligne de Nicolaï. Été. Lycée
Date du document : 1979
Ce texte figure dans Quartiers de ON ! paru en 2004 aux éditions Verticales, augmenté de ses étoilements plastiques, inserts et éléments sonores.
Le voyage à Pau
Au Lycée, on adorait tous Basile, le conducteur de bus des voyages
scolaires en fin d’année. Le reste du temps il nous apprenait les passes de foot et officiellement il était factotum.
Il était du coin. Il adorait, surtout l’hiver, avant le jour, péter à la hauteur de l’usine à gaz après s’être gavé de champignons du Sud-Ouest, fureur mégalomaniaque lui donnant l’illusion d’empuantir tout le paysage et imprégnant tellement son siège qu’il en conservait tout du long une aura d’une infection persistante à couper au sabre !
Il nous tenait des discours sur tout pendant le voyage : la Bible qu’il connaissait par cœur, et surtout la Genèse et le problème de la Trinité et du semblant, version italienne. Il nous disait que pour eux, le semblant c’était pas du bidon, c’était même tout l’inverse. Il aurait adoré travailler dans un Hospice mais il avait pas les diplômes.
L’arbre tordu, la veste rouge, il trouvait ça beau, le désordre sur la voie et la route parallèles, par ce temps gris pluvieux couvert : et surtout ce jour-là un morceau déchiré de carton, un vieux chiffon, du poil avec un con, un fion, un tronc, des tétons, un étron…
Il s’agissait du fil même sur lequel les perles de sa folie étaient enfilées.
Par contre tous les lycéens haïssaient cette visite à Lacq, cette “partie utilitaire” du voyage de fin d’année, après Pau, la poule au pot, le roi Henri, Sully-les-Mamelles, l’entrée en pente du château. C’est pour cela qu’on tua cette conne de gallinacée de prof d’Histoire, qui croyait nous faire rire en retournant ses paupières, avec l’aide de Basile, et qu’on en jeta les morceaux par les fenêtres du bus, en désordre !
Portrait de Nicolas - Les Adolescents. Ligne de Nicolas. Été. Lycée
Date du document : 1979
Ce texte figure dans Quartiers de ON ! paru en 2004 aux éditions Verticales, augmenté de ses étoilements plastiques, inserts et éléments sonores.
Daniel : “Nicolas n’aime pas du tout Nicolaï. Tout juste s’il lui parle. Par contre il s’entend très bien avec Nycéphore, surtout pour notre projet du “Styx”. Mais Nycéphore et Nicolaï pensent tous les deux que leur frère Didier, s’il avait vécu, aurait pu être comme ça.
De la même façon qu’en sculpture je reprenais des mises en scène précédentes de personnages en bas-reliefs, des maquettes que j’avais déjà disposées dans la salle de modelage ou des figures découpées et rapportées. Nicolas, lui, utilisait ce qu’il appelait ses “papiers bohémiens”, écrits en route et enfoncés dans les poches. Chacun de nous deux assemblait à sa façon des morceaux autonomes. On était déjà dans la double articulation sans sauce romantique. On se sentait frères de Mozart. C’était un baladin d’adoption qui fumait, buvait, et écrivait énormément. Un très bon poète incapable de la moindre réalisation matérielle. Il rêvait d’épouser une Gitane, c’était son but dans la vie, et pour cela fréquentait les roulottes de tous les campements rencontrés. Étant par excellence un Sujet du Bord, qui zigzague en tzigane, ce projet des “Enguirlandés” l’enthousiasmait.
La première fois que Nicolas est venu de Libourne (son père avait une industrie là-bas), j’ignorais qu’il eût un frère mort. Il m’a simplement parlé de sa maison, d’une façon sommaire : de la porte sur la cour, puis de l’ouverture générale vers le village d’abord par le grand portail, ensuite par la route remontant au nord ; au sud et à l’arrière il y avait d’immenses champs, des prés herbeux, et au loin les faubourgs grisâtres et roses pâlis.
C’est dans ces faubourgs qu’il a rencontré Claude qui vit près des décharges, “Fouailleur” minier qui perce avec le croc l’amas gelé des détritus à la recherche d’un élément rare, sépare le Ciel et la Terre à l’aide de ce trait et grâce à lui du Chaos se tire. Dans la famille de Claude, il ne leur restait plus que la roulotte, et la compagnie des gitans vivant des frites et de la vente des animaux ; autant partir ! Autant suivre cette ligne toute de contiguités à présent, cette ligne de chant du récit que heurtent les récifs, ces blocs primaires la trouant.
Manifeste de Mai 68 - Tract Original Beaux-Arts de Paris en Grève
Date du document : 15 Mai 1968
Commission Beaux-Arts Toulouse 20 Mai - Tract Original Beaux-Arts de Toulouse en Grève
Date du document : 20 Mai 1968
Texte du 20 Mai 1968. Toulouse - Tract Original Beaux-Arts de Toulouse en Grève
Date du document : 20 Mai 1968
Motion des Archis du 22 Mai - Tract Original Beaux-Arts de Paris en Grève
Date du document : 22 Mai 1968
Jany-Janus - Les Gras. Printemps. L’esplanade des Girondins
Date du document : 1978
Ce texte figure dans Quartiers de ON ! paru en 2004 aux éditions Verticales, augmenté de ses étoilements plastiques, inserts et éléments sonores.
L’Esplanade rutilait de mille feux, miroirs des carroussels et des labyrinthes que venaient à peine embuer les fumées graisseuses qui flattaient le palais des nouveaux dieux.
Jany-Janus tenait le Palais des Glaces.
(Jany-Janus était une prostituée révolutionnaire anthropophage qui avait mangé son frère pour posséder les deux sexes à la fois ; à partir de là, hermaphrodite aux deux versants elle devint et s’offrit d’abord à Paris comme un travelo jeunot recto-verso, sur les Boulevards, porte Saint-Martin, Saint-Denis, et notamment à toutes les sorties des théâtres de ces mêmes boulevards avant de venir s’installer à Bordeaux.)
Charlotte au Sang - Les Gras. Printemps. L’esplanade des Girondins
Date du document : 1978
Ce texte figure dans Quartiers de ON ! paru en 2004 aux éditions Verticales, augmenté de ses étoilements plastiques, inserts et éléments sonores.
Sous-bois, déséquilibre, cassures, pour Charlotte Corday. Toujours de cordée, jamais de Montagne. À Glatigny, chez l’auteur des “Glaneuses”, où elle avait sa chambre, et passant de chez lui chez Roncerailles, dans ce trou de chaumière loin de l’Ami du Peuple qui donna naissance à cet autre poète aussi faux que Larronde.
Elle a vécu du manoir au château ; on s’appelait d’un lieu à l’autre.
Sa Trinité est plus de métal blanc que de dorure, multiplicité prise dans le rythme ternaire de la course Augustinienne. Elle est plus proche des coupes farouches de son grand-oncle Corneille que des serpents sinueux de Racine.
Elle craint ce “trop” qui vient en elle, cet afflux de sensations, d’harmonie, de bien-être, cette surabondance dangereuse (qui va basculer), cet excès d’odeur (comme un fauve migraineux), de réminiscences qui la soufflètent, etc.
Toute sa vie elle a gardé sa cartographie de faiblesse rainurée de bois tendre, visible en glacis sous son teint diaphane comme à la fenêtre étroite donnant sur une cour obscure elle calquait de petits dessins qu’elle appliquait sur la vitre ; par là encore, comme avec les crayons de couleur de Glatigny, elle était proche d’Arthur. Par ces muscles involontaires elle faisait circuler à vif les hontes et rages de l’époque rougissant de riens pour les autres. Elle avait des visions en coin d’œil aussi, à la Frankie Adams, au printemps, sur le sol poudreux des chemins ou faux vives lancées sur le sol chez elle : pas de parquet, du carrelage ; pas de plafond, des solives ; une vaste cheminée.
Voyantes : Marie-Anne Parlôthes - Les Gras. Printemps. L’esplanade des Girondins
Date du document : 1978
Ce texte figure dans Quartiers de ON ! paru en 2004 aux éditions Verticales, augmenté de ses étoilements plastiques, inserts et éléments sonores.
Esplanade
Dans ce Cabinet de Voyance où Camille s’est rendue peu avant avec Basta, pour connaître soon-avenir, chez Marie-Anne, il y avait des insécables et rugueux retours archaïques datant d’on ne sait quel ineffable. Déjà, tout enfant, chez les Vistandines, elle allait vers les visions comme on va vers le précipice, et aujourd’hui chez ceux qui la consultent, elle ne fait surgir vers le futur que ce qui était déjà là en eux, notamment avec son MUTUS-NOMEN-DEDIT-COCIS de cartomancienne à cadences paires.
Elle les jette sur le Minotaure au fond du Labyrinthe, mais pas de lamento d’Ariane, pas de pelotte, pas de moyen de se faire pelotter dans le tréfonds.
C’est ainsi qu’elle a vu pour le Tsar un siècle à l’avance : Tannenberg, les gourances de Raspoutine, les bolcheviques en dahuts, pattes gauches du côté de la pente… elle agrémente après-coup l’archaïque. Et c’est pour cela qu’à Bruges on l’a traitée de sorcière.
Une fois elle rêva pour Charlotte d’une paire d’yeux se mouvant seuls près de morceaux de corps aux diverses couleurs indépendants et de paquets de poils également autonomes, ainsi que de bouquets de feu et de lumière, mais dans la liaison formidable d’une phrase grandiosement organisée qui lui fit voir clairement l’efficacité du “génie” qui lui servait les phrases dans l’obscurité, car elle lui avait été dictée dans sa perfection d’un seul trait qu’elle lança en se levant.
C’était le portrait de Marat, qu’elle décrit comme un castrat qui chante dans son bain de sang.
Crimes de la Barrière - Les Escholiers Primaires. Extensions de la Ligne de Nicolaï. Terre
Date du document : 1984
Ce texte figure dans Quartiers de ON ! paru en 2004 aux éditions Verticales, augmenté de ses étoilements plastiques, inserts et éléments sonores.
Ensuite Camille et Basta (désormais son mari) s’attardent à Bordeaux avant de se rendre au bord de la mer, vers Andernos ou Le Porge, les plages des pauvres, ou bien Arcachon, Le Cap Ferret, preuve d’un luxe inaccoutumé. En s’arrêtant à Bordeaux, ils vont voir Aube, à Bruges, chez le grand-père “aux doigts gros comme des saucisses de Toulouse” et les cousins Artaud, un peu tarés ; tandis que la palette des après-midi mal vernis s’avance, ils doivent subir les baisers mouillés ; ils se voudraient prestes, attentifs, mais ils sont disparates. Puis comme il n’y a pas de place chez elle, pour dormir tranquille, Aube leur a trouvé la maison vide d’une amie, pour une nuit, rue Vercingétorix, vers la Barrière d’Ornano, pas loin de “chez Sambo”.
C’est le jour de ses vingt ans, et Camille se repose sur le bord du lit, après, rue de Bègles, paumes en pronation serrant le bois des montants, et projetant la tête humérale en avant et vers le haut, le cubital antérieur et le premier radial épanouis de part et d’autre ; et, grâce au reflet, sur le rebord du muret humide au-delà de la terrasse où la pluie cesse à peine sur le fond des branches désastrées de platanes, les restes d’ocre-sienne et clair, la tête penchée, son dos rond et puissant de sirène (comme elle a coutume de s’asseoir sur le bord du bassin), ou de pianiste (tout à l’heure sur sur son tabouret), dominant, arche puissante, si bien lié à la fragilité de l’ensemble, aussi surprenant que le soudain profil d’Isis éclatant tout au long des salles du pavillon égyptien du Louvre, impossible à imaginer à partir de la vue des hanches de face, fessiers puissants de gymnaste sortant d’un plan inattendu sur l’ébauche, peut-être la danseuse de Degas aussi.
Chemin de Maître-Jean - Les Escholiers Primaires. Le Singulier. Automne
Date du document : 1989
Ce texte figure dans Quartiers de ON ! paru en 2004 aux éditions Verticales, augmenté de ses étoilements plastiques, inserts et éléments sonores.
Rue Maître-Jean : La Clinique. Elle devait recevoir la visite d’un ami. Sonnette, arrivée sur gravillons ; Marguerite est bien là. À moins que ça soit Madeleine…
L’Idiot à Béthanie - Les Escholiers Primaires. Le Singulier. Automne
Date du document : 1973
Ce texte figure dans Quartiers de ON ! paru en 2004 aux éditions Verticales, augmenté de ses étoilements plastiques, inserts et éléments sonores.
La présence obsessionnelle de ma pensée à des tâches quelconques était un signe de déséquilibre, ou bien était-ce au contraire le fait de les exécuter machinalement, tenant compte du fait que nous cherchons le déganguement du primaire par les ruptures d’Univers.
Je devins immobile.
Marie-Anne Parlôthes avant Cádiz - Les Escholiers Primaires. Ligne de Nycéphore. Terre
Date du document : 1978
Ce texte figure dans Quartiers de ON ! paru en 2004 aux éditions Verticales, augmenté de ses étoilements plastiques, inserts et éléments sonores.
Les Enfermés (ils ne partiront pas !)
Nycéphore
J’ai rendez-vous avec Marie-Anne à trois heures à la Clinique. Je lui ai téléphoné hier à midi depuis le petit bureau de poste de Saint-Augustin alors qu’il allait fermer, et j’ai visiblement retardé l’enfilage de manteaux du couple de vieux qui doit être employé là depuis la fondation.
Ô Femme, voix profonde ou suraiguë, bombement de son sexe si finement perçu à chaque modulation vocale ! Théodosius ! Marie-Anne avait en effet comme “doublure” grasseyante son délicieux accent austro-hongrois, grave. “C’est elle-même. Viens chez moi à six heures.” “Si c’est possible, j’aimerais mieux qu’on se voie ailleurs ; je ne tiens pas tellement à voir ton père.” (Son père s’était opposé à son départ avec nous et toute la troupe de théâtre de Cádiz.) “Bon, et bien, retrouvons-nous à l’Hôpital de Jour ; c’est boulevard Wilson, près de la Radio ; j’ai eu une dépression nerveuse ; on peut se voir demain à 15h, si tu préfères.”
La dernière fois que j’avais rencontré Marie-Anne, c’était pour la fête chez Walter H. lors de la préparation de l’Opération Cádiz (entrecôtes et ceps en sous-sol), lors de la descente des flics ; elle était saoûle, et je ne sais plus qui l’avait embrassée ni comment elle était rentrée chez elle.
*
Je suis à l’Hôpital vers 15h 30. Là, d’autres pensionnaires aux yeux bouffis, comme ourlés, gonflés à l’hélium, gestes neuroptisés atrocement lents la cherchent sans la trouver. L’âme d’Elcé exaltée par le jeûne.
Elle n’y est plus, et pourtant, elle attendait avec impatience sur le pas de la porte vers trois heures moins le quart, selon ce que tous me disent, héroïsme qui emplissait les fenêtres d’une crainte indéfinissable.
On regarde au sous-sol, et de nouveau dans les étages, dans sa chambre.
Les Infirmières :
« Qui êtes-vous ? Vous êtes de la famille ? (L’une rougit violemment.)
— Elle doit être rue Maître-Jean, dans l’autre clinique ; elle devait rendre visite à un ami. »
Maurice à Buenos-Aires - Les Grands Ancêtres. Ligne de Don Qui. Été
Date du document : 1986
Ce texte figure dans Quartiers de ON ! paru en 2004 aux éditions Verticales, augmenté de ses étoilements plastiques, inserts et éléments sonores.
Avant de mourir, Maurice a eu envie de se rincer l’œil (plus d’un siècle qu’il n’a pas pris de bain !). Il est venu en tant que globe-trotter, trotter chez l’Oncle à Buenos Aires, histoire de ne pas se refroidir en mourant et de mourir au chaud (il refuse d’être cryogénisé : rien que l’idée le refroidit !).
Stamp - Les Grands Ancêtres. Ligne de Don Qui. Terre. Guerre des Étoiles
Date du document : 1984
Ce texte figure dans Quartiers de ON ! paru en 2004 aux éditions Verticales, augmenté de ses étoilements plastiques, inserts et éléments sonores.
Fondamental du défaut, il était, Stamp ! De la courbe du mérite par rapport à la courbe analogique, par rapport au son ; c’est-à-dire : il n’y a jamais de modulation ! Toujours l’un ou l’autre. Ça commence comme ça, comme un Roman Paresseux, une façon simple de se citer à la troisième personne, qu’il aime. Ensuite son enquête a progressé en fonction des fréquences…
(Les questions sont posées par une sorte d’inspecteur Dupin : « Est-ce que le 0 change à telle ou telle fréquence ? Est-ce que le 1 est impossible à telle hauteur ? », etc. Au fur à mesure, il annonce à qui veut chercher. En disant simplement : « Dépêchez-vous ! Il est en train d’agoniser ! » Ça part de là.)
Stamp a tout son appareillage de cryogénisation installé autour de lui depuis son encéphalite récente. Le docteur Pentoja a pour consigne de l’emballer et de l’expédier à Buenos Aires rejoindre la collection de Martó au premier bip de sa part.
Technique de reportage en des pays exotiques. Fondations de phrases ininterrompues, en suspension, passage d’une grille à une autre rapidement, sans que le sens soit vraiment délivré.
Monologue enregistré : (Ferré : “les bras des émigrants qui n’ont jamais de pain d’avance.”)
“Je n’avais “pas à pas” envie de boire ; me sens tout sale. Extérieur Mexique, et mousson. Pluie qui allait durer deux mois. Mais plutôt envie d’une tartine de fromage de brie (rot : “Heurrh !”), avant d’avoir fini le chapitre. Je branchai la télé ; il était déjà 22 heures ; je soulevai le combiné, j’attendis… qu’une de ces voix de femmes paraisse devant l’écran de télévision, baisse sa tête, et montre son crâne complètement décousu, plein de cicatrices de petite vérole, à angles droits. Un frisson me parcourut tout le long de son échine, et remonta comme une voie unique, au sexe. Elle raccrocha ; je posai le combiné, j’allumai une cigarette, je finis par trancher la mie en menus morceaux, j’éteignis le tube, et en me laissant tomber dans le sopha, je gardai le verre à la main. Là-dessus, je me levai et je m’en allai.
Personne ne m’attendait à la Gare. De l’intérieur, je me sentais plutôt bien. J’évitai tous les miroirs, où je me serais sans doute paru plus grand, et amaigri comme une fente de machine à sous, avec un sérieux coup de vieux, au pistolet. Même les cuivres des Chevrolet.
“Ça marche ?” m’aska quelque homme qui n’allait pas du tout dans la même direction que moi. Pas de réponse. “Le zinc… somme d’habitude… moi non plus.” Et la voix s’éteignit. Je venais d’apprendre qu’elle…
La personne marchait vite ; j’en ai bien vu trois ou quatre de ce genre dans la semaine.
Je quittai la Gare décentrée.
Commission Critique du 26 mai 1968 - Tract Original Beaux-Arts de Paris en Grève
Date du document : 26 Mai 1968
Docteur Marto & Frères - Les Grands Ancêtres. Ligne de Don Qui. Été. Buenos-Aires
Date du document : 1984
Ce texte figure dans Quartiers de ON ! paru en 2004 aux éditions Verticales, augmenté de ses étoilements plastiques, inserts et éléments sonores.
Ici le morceau rythmique de la fin est représentatif de la façon dont la langue devient le portrait filmique lui-même de la disparue, mitraillage kaléidoscopique.
I. Revay
Ça y est : par deux trous dans le cercueil ils descendent le corps de la mère directement dans le congélateur. Le mari et son frère de 14 ans enfant de chœur sont arrivés par surprise la nuit à l’Hôpital ; ils ont atteint le corps dans la chambre froide, lui ont administré des piqûres d’antigel par voie intramusculaire, l’ont enlevé : une ambulance les attendait. Puis, dès la maison de la Plaza Constitución, ils ont mis l’épouse dans le cercueil avec de la neige carbonique et ensuite ils l’enveloppent dans du papier cellophane pour la mettre dans le congélateur. Ils font partie de la secte Orphiste.
Elle est passée des communs à la crypte, la grotte, la crupta, la crotte qui a été recreusée dans sa voûte pour pouvoir ouvrir le couvercle.
Le Docteur garde sa femme cryogénisée avec lui, parce qu’elle n’a pas voulu d’enfant, comme un espoir lointain, et, enfermé dans cette crypte, il passe son temps à se projeter sans cesse d’anciens films de sa vie en 9,5 mm noirs et blancs, au-dessus du bourdonnement du corps mort. Monica était la sœur de Monique, de la Folie-Méricourt, musicienne accomplie comme elle. Il est né en 48. En 84, il était persuadé que le monde allait se retourner, il pensait qu’on allait rentrer dans le Siècle d’Or et l’Ère d’Orphée, et pour rentrer dans ce Siècle d’Or, il lui fallait absolument cryogéniser son épouse et tous les êtres chers de sa famille.
Ensuite toutes les personnes mortes de la Tribu de Prosper et des Frères Naskonchass lui ont été fournies par les Docteurs Civière, Decaisse et Dufourgon sis place de La Monnaie, les plus mauvais de Bordeaux. Comme ils s’occupaient beaucoup de ceux-là, tous en sont morts assez rapidement. Quant au Docteur Pantoja, il se chargeait de l’export des corps.
À présent, au centre de la crypte, le gros congélateur est celui de Roméo et Juliette, puis vient celui des amants Colomb et Souley, de Bordeaux, et ensuite toute la liste des cadavres du Docteur ; ça fait un bruit d’Enfer !
Brouillon de l’Acte II - Le Dauphin
Date du document : 1964
Brouillon de l’Acte V (2) - Le Dauphin
Date du document : 1964
Brouillon de l’Acte V (1) - Le Dauphin
Date du document : 1964
L’archivage lui-même de ce drame en vers n’ayant pas encore été fait, nous ne sommes pas en mesure de dire s’il s’agit du plan définitif.
Isabelle Revay
Liste des Personnages. 2 - Le Dauphin
Date du document : 1964
Liste des Personnages. 1 - Le Dauphin
Date du document : 1964
Les personnages une fois mis en scène étaient “rayés”;
I. Revay
La Communion de Nycéphore - Les Escholiers Primaires. Ligne de Nycéphore. Printemps
Date du document : 1960
Motion sur la Manifestation du 25 Mai 1968 - Tract Original Beaux-Arts de Paris en Grève
Date du document : 25 Mai 1968
Motion 22 Mai 1968 - Tract Original Beaux-Arts de Paris en Grève
Date du document : 22 Mai 1968
A. G. 20 Mai 1968 - Tract Original Beaux-Arts de Paris en Grève
Date du document : 20 Mai 1968
Motion 20 Mai - Tract Original Beaux-Arts de Paris en Grève
Date du document : 20 Mai 1968
Le Mouvement ! - Les Grands Ancêtres. Ligne de Don Qui. Automne
Date du document : 1984
Ce texte figure dans Quartiers de ON ! paru en 2004 aux éditions Verticales, augmenté de ses étoilements plastiques, inserts et éléments sonores.
Où il est encore question de la prosodie, d’Aragon autant que du Maimonides Hospital, mais surtout du “duende” des fuyeurs des Tribus diverses de la Cosmologie, des Incarnations et de la façon dont l’Inscription transforme les corps, de la théorie des veilleuses et de la formidable invention réclusive d’Aloysius Bertrand ou du peintre Luncarné.
I. Revay
Ne nous trompons pas : l’Oncle ne confondait pas l’emportement lourd, sans nuances, la célérité violente et massive du fascisme, avec la légèreté de ses chers “fuyeurs”. Il savait que la plupart des mouvements avaient lieu dans une vrille sur place, comme dans l’escalier d’ébène mauve d’Eliseo.
Disons de ce mouvement qu’il est simple, et qu’avec un vieux short ouvrier, un débardeur noir et des chaussures de fortune, en courant sur les plateaux aux ossatures crayeuses des Charentes, on peut y atteindre. Aux moments où tout paraît désespéré, dans la pire Guerre, le plus désastreux conflit, la course offrant un peu de sueur assez tôt, avant les tâches, et l’illumination revenait.
On avait de ces bonheurs simples du Dimanche, avec le coq ; des
bonheurs fermiers, des bonheurs contigus à la terre même ; rien de plus compliqué.
Le Mouvement tenait à cela : retrouver dans les premières lueurs
matinales toute l’archéologie de la Tribu, tout le mérite des Poussées Ouvrières.
Commission Enseignement 19 Mai 1968 - Tract Original Beaux-Arts de Paris en Grève
Date du document : 19 Mai 1968
Nicolas, toujours vers l’Est - Les Adolescents. Ligne de Nicolas. Été
Date du document : 2000
Ce texte figure dans Quartiers de ON ! paru en 2004 aux éditions Verticales, augmenté de ses étoilements plastiques, inserts et éléments sonores.
Il y est question de Rimbaud, de Pasternak et Jivago, d’Apollinaire, de Hugo et d’Aragon, de “la plus banale romance” et de la transmigration prosodique. Puis encore de la verrité comme épaisseur du verre qui résiste à la vue, dont il est question ailleurs dans l'ouvrage.
I.Revay
À nous dans un multiple mouvement les grands pans de la pensée de l’irréel, les électrochocs de Fernande (que rappeleront si bien les spasmes de la petite chienne coker Pépita, gueule bavante dans les copeaux de bois), et ses faux bijoux du “Caillou du Rhône” ! Je suis devenu Sergueï Kaltoukine ! Ni plus ni moins “un personnage” (“Jean, laissez-moi arriver aussi !” germentent les cupidités, vous avez vu ? Valeurs poncives de l’écrit. Tout ça pour en placer d’autres, gros éléments, fournis en quiproquo.), le jour où j’ai découvert que la majorité de mes poèmes préférés, jusqu’au rythme octosyllabique de leurs franchises hivernales (auxquelles je tenais tant !), avaient déjà été écrits en mieux par Boris Pasternak.
Dans ce temps-là, Lola La Noire (grise sur la plage) fuyait la nuit dans les monts de Castille en chantant des idioties, folle, déliée :
“Qui pue tant du cu et
Perd ainsi son beau cerveau,
Son sage servage en cerceaux ?”
Je ne connaissais alors que l’art de la liste, et la compagnie de poètes russes alcooliques déambulant au petit jour, feulant de moins en moins jusqu’à la puissance fabuleuse sans objet peint, raclant le vers pour atteindre l’insignifiance sans cataplasmes ni connotations, plus ondulatoires que corpusculaires, la bouche embrassant avec angoisse forte la loi, la pressant de leurs bras sur les deux bords avec leur habitude cosaque de cavaliers de fer soumis à l’endurance, rapeux.
Roman - Tome Romanesque de Nycéphore
Date du document : 1968
On pourra lire ici le premier chapitre d’un des deux seuls Romans de la Cosmologie Onuma Nemon. L’autre, au titre imprononçable (“Phœnyx, Styx, X”), de 1969, fait partie du Tome de Nicolaï.
Il s’agit bien sûr d’un faux roman familial, mais dont les personnages, ces sortes de “Grosses Têtes” allaient donner naissance à une partie des Tribus de la cosmologie.
Dans le texte sur le Roman publié sur le site de “La Main de Singe”, Onuma Nemon présente les trois moments de la décomposition romanesque dans son travail. Le deuxième temps est celui de sa maladie et de son éparpillement : “Tuberculose du Roman”, recueil de nouvelles de 1972. Puis enfin “Je suis le Roman Mort” de 1991 qui se trouve aujourd’hui dans le premier temps du Chaos des “États du Monde” (condensation définitive de la cosmologie).
À l’origine il y avait eu le projet de composer un volume en regroupant ces trois temps. On lira la raison du choix de “Roman” seul dans “Paroles d’Auteur” du site des éditions Verticales ; on y trouvera également quelques explications quant à l’importance du parcours géographique dans Bordeaux.
“Roman” et “Tuberculose du Roman” ont été diffusés en “livraisons” par Tristram dans les années 90.
Avant cela en 1969-1970 il avait été unanimement refusé par tous les éditeurs auxquels il avait été adressé : de Gallimard à Minuit en passant par Bourgois et bien d’autres.
Isabelle Revay
1. Je suis né peu après la deuxième guerre mondiale dans le quartier Saint-Michel de Bordeaux surnommé “La Flèche”, où la plupart de ceux qui n’avaient pas été exterminés par les bombes furent décimés, en particulier les enfants, par la famine, la tuberculose et le joyeux bataillon des maladies exotiques, depuis la malaria jusqu’à la “grippe espagnole”.
Avec mon père, qui était devenu vernisseur au tampon faute de mieux, nous franchissions tous les petits quartiers et villages dans l’Amilcar à la recherche de travail : Saint Michel, Saint-André, Saint-Benoît, Saint-Nicolas, Saint-Bruno, Saint-Augustin ou Saint-Jean d’Yllac... Nous n’eûmes cette Amilcar qu’à la naissance de Didier, grâce à une invraisemblable générosité de l’abuelo (que notre haine surnommait l’Autre), qui pensait qu’on ne pouvait pas transporter un nourrisson sur la charrette à bras ; il garda dès lors cette dernière pour les seules livraisons en ville, et sur les pavés, ou aux alentours immédiats, mais ne proposa pas pour autant de nous réintégrer dans la maison familiale d’où le mariage de mes parents les avait chassés.
La recherche était souvent longue, et il finissait par faire froid sinistrement, dans la voiture ; nous nous arrêtions régulièrement dans la descente du bief de Bourran, avant le pont, chez des Ferrailleurs Gitans, que mon père connaissait, et qui lui indiquaient parfois des adresses de brocanteurs où il y avait des tables à revernir, des buffets à refaire, des portes à plaquer. Le chef de cette tribu avait acquis une réputation d’Hercule, le grand jour où il avait éjecté en désordre sur la rue cinq gendarmes à la fois venus inspecter son vieux camion gondolé !
Don Qui à Buenos-Aires - Les Grands Ancêtres. Ligne de Don Qui. Été
Date du document : 1989
Ce texte figure dans Quartiers de ON ! paru en 2004 aux éditions Verticales, augmenté de ses étoilements plastiques, inserts et éléments sonores.
Nouvelles du Tío de Buenos Aires
Buenos Aires s’est appelée dans l’Antiquité Buenos Eros, car elle était la capitale d’un Eros primordial antérieur à toute division des sexes, Chaos et Genèse.
Domingo, frère d’Eliseo, réfugié à Buenos Aires (on vous dira l’Histoire de la Ville), est un Fou du Cinéma. C’est le mari exilé de la Tía, restée habiter rue du Port parce que c’est de là qu’il est parti et elle attend qu’il revienne par-là. Il était parti pour faire fortune ; il a fait fortune, il est resté. Il veut saisir la Vie entre ses mains. C’est un collectionneur, et en particulier des Inventions-Ancêtres du Cinéma : zootrope, praxinoscope, etc. Il n’a pas eu d’enfant et vit la plupart du temps dans l’Obscurité, surtout depuis qu’il est devenu aveugle, même s’il distingue un fond gris-doré, “là votre main, et même un peu de votre visage, de près…”
C’est l’Oncle des Dimanches Après-Midi. Il s’est dit qu’en se gardant, lui l’apôtre du Mouvement Généralisé, des influences de la Tribu, il conserverait la nécessité impérieuse de la Recherche des Dimanches Après-Midi, cette exigence dont participe également la Radiophonie d’une façon non négligeable. Non pas l’exigence dans son énoncé, mais dans sa matière, dans sa sensualité (idée qui imprègnera le projet “Aube-Matière” de Daniel) : parfums, extase, vibrations, type d’oppression, inclinaisons de la lumière, coïncidences d’Ouranos et de la Terre déployés.
Commission d’Études du Diplôme d’Architecte - Tract Original
Date du document : 18 Mai 1968
Crise Mystique du Dépôt de Bus - Les Adolescents. Ligne de Nicolas. Été
Date du document : 1966 & 1971
Ce texte figure dans Quartiers de ON ! paru en 2004 aux éditions Verticales, augmenté de ses étoilements plastiques, inserts et éléments sonores.
Crise Mystique du Dépôt des Bus
Celui qui vient du Dépôt des Autobus passant sous des platanes et des tilleuls sur les Boulevards vers le cimetière, mais de l’autre côté sous les pins parasols de l’allée des Pins (il ne s’en souvient guère !) a vu “Irène soignant saint Sébastien” mais moins intéressant que les Commandements qui lui furent dictés.
C’est Nicolas Zemacks, toujours soigneux, pli et revers sur un pantalon de laine gris, fine silhouette issue de l’Est, brume et toux incessante de fumeur invétéré, suivi par une quantité d’insectes et d’animaux de toutes sortes, notamment les blattes.
Il dit : “Dieu, j’attends des jours le fade artifice des rosaces défleuries, des Rois de Gloire qu’on défenestre, et le Carnaval éprouvé, pour noter sur un terrain d’égalité les tombes aux teintes détestées jadis enfant.
Par une romance mécanique sotte aux pieds nus du joli village, j’appelle à boire le sang noir des victimes qui circule dans le rocher, les ombres confondues des Jeunes Filles dans la cire et des Anges demeurés.
Orphelin, j’ai grandi en perpétuant cette féérie !”
Il va.
Ce paquet de chair étroite comme un gnome rouge, choit.
Belles noctambules, arômes indiens, piments désunis.
Champ où le seul jeu est le croquet avec des maillets d’os et des boules de peau.
Chaque cri lance un écho vers une cible invisible.
Rbsprr - Histoire Deux. Visionnaires
Date du document : 1989
Ce texte figure dans Quartiers de ON ! paru en 2004 aux éditions Verticales, augmenté de ses étoilements plastiques, inserts et éléments sonores.
Rbsprr !
« Est-il déjà levé ?
— Est-ce qu’il a mangé des légumes ? » disaient les filles.
Arriver dans une ville inconnue en Montagne effarée de paquerettes sur des parterres d’herbe grasse et mouillée, découvrir l’âme soleilleuse de chacun à chaque fois dans la circulation effrénée des reflets, voilà quel était son réveil ébahi.
Aujourd’hui dix heures de sommeil comme un hérisson se déplie, éblouissement de rosiers sur jachère, fouillis de thym, orties, blancheurs éparses, éclatement violet, tandis que le menuisier se plaint auprès du voisinage d’avoir dû refaire les plâtres à cause des cahots des carrioles de condamnés qui ébranlent tout à partir du pavé, “Bon-Ami” accompagné par le chien Black conduit les filles herboriser à Issy, manger sur les prairies de Meudon ou flâner dans les allées les plus retirées et profondes des Champs-Élysées où l’on voit Médée qui traîne en robe de deuil auprès des petits pavillons. Déjà on n’allait plus à dos d’âne dîner dans l’herbe à Robinson.
Mais en dehors de cette journée exceptionnelle, en bon père de famille qui craint les femmes et l’argent, il préfère généralement à tous ces endroits le jardin paysagé de Duplay : ainsi on a le monde entier chez soi.
Nus sur le pré, les sans-culottes découvrirent qu’ils avaient des sentiments, je l’ai déjà dit (prenez des notes !). Rbsprr n’avait que de la vertu.
Que cherchait Rbsprr en remontant du regard cette chair blanche jusqu’à l’embouchure ? À discerner l’effet de contagion de la scarlatine sur les punaises ? Il était touché par ces yeux cernés sur ses joues rondes, ce nez à peine épaté, cette chevelure ébouriffée de fraîcheur, soulevée par le
printemps. Il ne cherchait certainement pas la version Or ; plutôt la version fragile de l’argent, sinon sa version orange de la simplicité.
Appel à tous les Diplômables - Tract Original
Date du document : 18 Mai 1968
Déféodalisation de la profession d’Architecte - Tract Original
Date du document : 18 Mai 1968
Saïd vers Strasbourg - Les Escholiers Primaires. Extensions de la Ligne de Nicolaï. Automne
Date du document : Tours 1984
Ce texte figure dans Quartiers de ON ! paru en 2004 aux éditions Verticales, augmenté de ses étoilements plastiques, inserts et éléments sonores.
Saïd. Vers Strasbourg !
Mañana : “Alors que “j’en décousais” avec Macha, Saïd mettait la
dernière main à son système concernant la classification des esquives, et voulait le confronter à l’expérience d’Habersetzer, qu’il devait rencontrer le week-end même à Strasbourg, avant d’en faire un matériau chorégraphique qui puisse servir soit d’intermède (comme au temps du
Roi-Soleil), soit en l’intégrant au travail dramatique et en particulier à la
chorégraphie des Andalous.”
Pendant qu’il travaillait, Claudia l’observait de tout près (les dents, les cheveux), en réservant sur son visage des zones de prélèvement pour son univers, fait de petits morceaux, d’intenses instants, pris ici ou là, et jointoyés, comme d’autres se font une robe de patchwork. Sa Carte du Tendre allait de Pantin au Chemin Vert où elle était née.
Voici la classification des esquives à laquelle était parvenu Saïd :
– côté/déplacement latéral du buste
– déplacement/retrait du buste/rotation
– absorption par le hara
– retrait arrière du buste
– déplacement/rotation/retrait 1/4 de cercle du pied du côté du coup
– rotations du buste
– rotations de la tête :
. sur son axe
. en effectuant 1/2 cercle d’un côté ou de l’autre
En ce qui concerne les contre-attaques, il me semblait que sa typologie était presque exhaustive, en tout cas bien plus complète que celle de R. Habersetzer.
Rouen & Cæn : plusieurs incarnations. - Les Anartistes. Toyrangeau. Saison de la Terre
Date du document : 1982
Ce texte figure dans Quartiers de ON ! paru en 2004 aux éditions Verticales, augmenté de ses étoilements plastiques, inserts et éléments sonores.
(Usines de la Toussaint)
À Rouen passe au petit jour le cortège d’un jeune homme de 25 ans qui va être fusillé, plein d’émotion et de malfaisance. Il a la sensibilité infinie de vérité de celui qui a rédigé le procès de Jeanne d’Arc, ici-même.
Il a été amené de Fresnes dans la nuit. Long couloir de la cathédrale d’acier :
« Au revoir Béraud ! Adieu Combel ! »
Voiture Amilcar noire jusqu’au poteau dressé au bas d’une butte de gazon, surplombant le fleuve.
Il refuse le bandeau sur les yeux. Il crie à ceux qui le mettent en joue:
« Courage ! » Et il est tombé.
Anoxies du bonheur, erreurs de la colère, envolées…
*
Toyrangeau : “Je devais me lever très tôt à Rouen, parti de Tours hier avec Nini Ruth pour retrouver entre autres Nicolaï et Charette à l’Atelier des Décors (il montait un spectacle là-bas, comme souvent, et ailleurs ; il y connaissait tout le monde ; on devait y choisir des éléments de décors pour Cádiz entre autres) et je m’éveillai en sursaut (il faisait crûment froid), croyant que la petite pendule sur la table de nuit m’avait oublié. Il n’en était rien et son battement cardiaque me parut assourdissant, s’associant à une douleur fulgurante du deltoïde qui provenait d’un effort fait en rêve, de transport de caisses très lourdes, que je venais d’abandonner précipitamment. J’enfilai aussitôt un tricot de laine angora et replongeai.
Toyrangeau à Rouen - Les Anartistes. Saison de la Terre
Date du document : 1982
Ce texte figure dans Quartiers de ON ! paru en 2004 aux éditions Verticales, augmenté de ses étoilements plastiques, inserts et éléments sonores.
Léonard et des pipes
“Voici une voiture américaine défoncée, blanche, sale ; puis tout un vieil autobus de défoncés à leur tour, les poches pleines de doses, avec dans les pognes des frontignans de Graves, qui traverse la ville arrivant droit du mont Tessin.
Darnes soudaines du cauchemar ! Plus de julot vedette, ni de sexe à la fleur d’anis. Dès qu’elle boit trop, elle perd son bikini, Nini. “Donne-nous un an, et je partirons ! Sinon je m’avangerai !” Multiples pluriels, chez elle. On a raclé ce seul argument par quoi elle aurait pu être émue, Nini Ruth :
« C‘est par ici, qu’il est mort ! »
Nini nous parle du grand mort et du petit mort, de sa conception dans le Vent par la bouche ouverte, alors qu’elle survolait, là-haut, le Château, grâce au rhume et à la codéïne. J’adore quand on parle de Léonard, avec Nini.
“Je porterai toujours ce sourire de visage envisagé pendant le voillage, et sans jamais me dévêtir ! L’excessive force de la lumière est à ce prix. Tout est comme une neige silencieuse désormais.”
« Il aurait lu ça dans Milan, tu vois ! Un milan, un vautour... Le
vautour, c’est la Mort, c’est la Mère. Les souvenirs d’enfance sont
débauchés par elle.
— Quand j’étais couché dans Marie, près du couvent Sainte-Monique, la première nuit, j’ai pensé : “Voilà que j’épouse la mer Maorte ! Sacré coup au cœur !” » dit Nicolaï.
La Grande Concentration de Douai - Folie-Méricourt vers le Nord. Terre
Date du document : 1991
Ce texte figure dans Quartiers de ON ! paru en 2004 aux éditions Verticales, augmenté de ses étoilements plastiques, inserts et éléments sonores.
Dans cette énorme Concentration de Douai, on trouve toute sorte de pédants, dont Sévèrimus, ce rat de bibliothèque délirant sur l’intertextualité de Rimbaud, qui parle ailleurs des correspondances entre les “Intimités d’un Séminariste” et “Le Petit Chose”.
Chaque porte qu’on ouvre donne sur un conférencier, un causeur, un débat…
Se tient entre autres, dans une des salles, le “Congrès international de sciences Onomastiques”.
Toute une Tribu puante de singes, de vieux josués d’incantations se pressent dans l’assemblée, à dialecter. Sévèrimus, s’excitant, relance de plus belle ses éternels arguments sur l’intertextualité. Et cette fois sur les emprunts de Rimbaud à Vigny, repris par deux choreutes. Ce n’était pas souvent qu’un rat de bibliothèque de son acabit trouvait à être entendu.
« Des Peaux-Rouges criards les avaient pris pour cibles, Les ayant cloués nus aux poteaux de couleurs. Rimbaud.
— Aux harpons indiens ils portent pour épaves Leurs habits déchirés sur leurs corps refroidis. De Vigny.
— Parfois, martyr lassé des pôles et des zones, Rimbaud.
— À celui qui soutient les pôles et balance L’équateur hérissé des longs méridiens. De Vigny.
— Plus fortes que l’alcool, plus vastes que nos lyres... Rimbaud.
— Plus rare que la perle et que le diamant ; De Vigny.
— J’ai heurté, savez-vous d’incroyables Florides... Rimbaud.
— Un soir enfin, les vents qui soufflent des Florides L’entraînent vers la France et ses bords pluvieux. Un pêcheur accroupi sous des rochers arides Tire dans ses filets le flacon précieux.(....) Quel est cet élixir noir et mystérieux. De Vigny.
— Si je désire une eau d’Europe, c’est la flache Noire et froide où vers le crépuscule embaumé Un enfant accroupi plein de tristesse, lâche Un bâteau frêle comme un papillon de mai. Rimbaud.
— Qu’il est sans gouvernail, et partant sans ressource, De Vigny.
— Me lava, dispersant gouvernail et grappin. Rimbaud.
Groupe de la Folie-Méricourt à Arras - Les Orphelins Colporteurs. Saison de la Terre
Date du document : 1989
Ce texte figure dans Quartiers de ON ! paru en 2004 aux éditions Verticales, augmenté de ses étoilements plastiques, inserts et éléments sonores.
Théâtre d’Arras
(Toute la Bande de la Folie-Méricourt, Monique en tête, avec Ariane, Frédéric/que, Rio, etc. fuit vers le nord, parallèlement à Orphée, qu’elles entr’aperçoivent de temps à autre, une ou deux fois, de loin, harassé de neige alors qu’elles-mêmes coupent régulièrement à travers champs, franchissant les clôtures et les barbelés. Elles se rendent à la Concentration du Nord répartie dans les grandes villes autour des Trous Noirs Miniers : Loos, Liévin, Herzelle, Douai, Arras… et jusqu’à la mer du Nord.
Des discussions cruciales se tiennent, animées par “les plus rapides” à travers toutes ces villes : dans les cafés, les maisons, toutes halles et toutes salles disponibles. À chaque maison qu’on franchit, chaque porte qu’on ouvre, une bouffée de débats et de cons bus surgit ; cela porte sur les champs les plus divers, depuis les discussions sur le cinéma, animées par Dupin et Hœyliss, jusqu’aux plus grandes finesses prosodiques de la poésie. Les groupes ne sont pas préformés, chacun circule d’un lieu à l’autre, s’arrête comme cela lui convient et participe ou non aux débats.
À Arras, une pièce se joue où des personnages qui vont du Moyen-Âge à la Révolution interviennent pêle-mêle.)
Arras
(Magloire vient d’être dénoncé par l’ouvrière en linge Rimbaud)
Magloire : « Par mon âme, en automne, on en tuera trois cents !
Morgue : — Certes, Madame, ce sera un grand festin, que les Ours se gavant pour l’Hiver, si bons danseurs dans 95% des forêts.
Le Réseau Osiris 44 à Dijon - Les Gras. Ligne de Henri. Terre
Date du document : 1986
Ce texte figure dans Quartiers de ON ! paru en 2004 aux éditions Verticales, augmenté de ses étoilements plastiques, inserts et éléments sonores.
Cela étant, supposons qu’un associé de Champlain qui n’ait connaissance ni du témoignage de Skorzeny depuis le pic du Gran Sasso, ni de la plus belle carte de neige paillettée d’argent et d’or de Henri, décroche son appareil. Après une double présélection (espace, puis temps), il se trouve relié à un sélecteur de zone situé dans la zone des neiges 22, qui sera plus tard installée par un de ses descendants (le terrible Henri, destiné malheureusement à mourir dans une humidité des neiges qu’il a toujours détestée, en Côte-d’Or, à la recherche du secret d’Aloysius et de Bruges). Les chercheurs discriminateurs de cette zone sont représentés sous la même forme que ceux de la zone 44, c’est-à-dire par des chercheurs dont le champ d’exploration possède deux parties, a’ et b’. La partie a’ donne accès à des lignes auxiliaires qui sortent de la zone après avoir traversé un circuit de discrimination temporelle, et aboutissent chacune à un sélecteur de zone géographique situé dans le centre nodal 33, alors que la partie b’ donne accès à d’autres sélecteurs de plusieurs milliers de plateaux à la fois géographiques et géologiques. On ne peut pas parler pour autant de “mémoire”.
La soupe pré-biotique du Net - Sphère Critique
Date du document : 2008
Texte paru dans la revue Fusées n°14
1. Idée Le chercheur autrefois souvent trouvait ses idées parmi les ombres du plafond, dans la rêverie ; et elles surgissaient de collisions incongrues ; aujourd’hui il est fixé sur un écran. Ce n’est pas du tout la même chose. Voilà ce que me dit un ami mathématicien.
Je pensais du coup à Lagrange, ce mathématicien à qui la musique servait de clôture, d’abri à l’inspiration : passée les trois premières mesures il partait dans son univers sans plus rien pour troubler ses élucubrations ni gêner l’agencement de ses hypothèses.
L’idée se forme par tournoiements dans le vide, adhérences, accrétions successives ; elle se balade, va dans le hasard des roulis, mais si tout de suite le tissu social la retient, il bloque cette errance ; elle n’a plus la chance de ce hasard des roulis et l’idée disparaît avant même de prendre corps. Sans doute ce que Denis Roche appelait “signifiant baladeur”.
Aujourd’hui il y a ce fait démocratique indiscutable qu’une découverte peut être offerte immédiatement à une foule d’autres chercheurs dans le monde grâce au Net, mais en même temps elle est livrée pieds et poings liés, sans le temps d’un rebond, et sans que le chercheur ait eu le temps d’amasser en lui assez d’inactuel.
L’aspect chronique du compte-rendu empêche le bondissement de la crise. Il faut garder la chance d’une surprise de la pensée, de la perte d’une lettre, d’une découverte, d’un surgissement.
Kafka affronté à cela aurait abandonné immédiatement certaines des pierres anguleuses que roule son journal. Par exemple, quand il parle de “La fille au visage plat, dont la robe grossière ne commence à se déplacer que tout en bas, dans l’ourlet. Quelques-unes sont habillées ici comme les marionnettes qu’on vend pour les théâtres d’enfants à la foire de Noël, c’est-à-dire que leur robes sont faites de ruches et d’or collés et cousus à points lâches, de sorte qu’on peut les découdre d’un coup et qu’elles se disloquent entre vos doigts. La patronne, avec sa chevelure d’un blond mat fortement tirée sur un bourrelet certainement dégoûtant, avec son nez descendant en pente raide suivant une direction qui se trouve dans un rapport géométrique quelconque avec ses seins tombants et son ventre tendu, se plaint de maux de tête provoqués par le fait que c’est aujourd’hui samedi, qu’il y a bien du tapage et que ça n’en vaut pas la peine.”
Mercredi 15 Mai 1968 12H - Doocument original ENSBA de Paris
Date du document : Mai 1968
Osiris à Dijon - Les Gras. Ligne de Henri. Terre
Date du document : 1986
Texte inédit
Osiris, écharde des dieux rend visite à Henri à Dijon
Quand Osiris voyage, c’est avec Isis, (qui n’est pas la Sabine qu’on croit, c’en est une autre, qui se nomme parfois Linda Lovelos !). Il voyage également en compagnie d’Orphée. L’arrêt sous le pont, toute cette poésie-là, ça c’est quand Osiris se rend chez Henri. Il a pour but de créer un ballet avec Isis et de mettre au point un réseau télégraphique efficace avec les Enguirlandés et les Conjurés Clignotants de la Tour Eiffel.
Ça commence toujours à la fin par la difficulté d’ingestion du café, et la démesure des entrelacs vertigineux de métal dans les hauteurs prodigieuses de la Nuit au-dessus, jusqu’à l’excès d’acide nitrique du steak venu des cuisines du Tartare ingurgité à Midi qui produit des anthrax…
Un rien d’Hiver suffisant à dissoudre et confondre toute son énergie depuis le petit café bleuâtre au-delà de Lyon vers la Côte-d’Or, jusqu’ à la terrasse du cimetière aux abords de la ville : épines du désert, chardon, croissants et tour ; puis sa voix (l’esquive est un don des dieux, il se souvient aussitôt des étoiles d’argent et dorées chues de la petite carte envoyée par Henri), pour ne plus laisser que la forme horrible.
Lambeaux de Roman dans les Andes - Les Grands Ancêtres. Ligne de Don Qui. Automne
Date du document : 1991
Texte inédit
“Vive le Roman de Brut, le Wace tendre !”
« Qu’avez-vous fait aujourd’hui ? », demande le moine des Andes de Mendoza aux Jeunes Croisés. À travers les différents graphes du passage du Col, ils se sont rendus vers des énoncés fondateurs. Ils y ont rencontré l’Homme Invisible, avec son nez, si différent de Gogol, en carton-pâte, qui peut fondre si bien sous la pluie, la neige de Tamié, et qui est ce qui apparaît d’abord, rouge et luisant entre les pansements, qui dépasse. Sa bouche, quant à elle, dévore tout le bas de la figure. Ils lui ont demandé comment il avait pu réussir à rater l’expédition dans le Grand Magasin (celui des Marx) où l’on trouve tout, pour finir par se projeter dans des conditions pires, le degré au-dessous, dans l’antique magasin du vieillard. Pourquoi n’attend-il pas la nuit suivante ? C’est la même opposition qu’entre “Le Bonheur des Dames” et la petite boutique d’en face, ou le magasin du père Lalouette. Le bonheur, c’est comme la modernité : toute parodie en est immédiatement visible.
Les examens de Droit. Verso - Document original
Date du document : 11 juin 1968
Les examens de Droit. Face - Document original
Date du document : 11 juin 1968
On assassine - Document original
Date du document : 12 juin 1968
Érec & Énide Mariés Alpestres - Les Orphelins Colporteurs. Ligne de l'Hospice. Automne
Date du document : 1991
Ce texte figure dans Quartiers de ON ! paru en 2004 aux éditions Verticales, augmenté de ses étoilements plastiques, inserts et éléments sonores.
L’invocation de Léopardi n’est pas pour rien dans cette cristallisation des Voix qui représente (avant le Continent O final) l’aboutissement de la Cosmologie en sa forme poétique, emportant à la fois les “États” désubjectivés, la dimension épique et une narrativité qui procède par sauts, en pointillés.
On distinguera cette Vérité, ici dite “Voix de basse, grave, noire, en même temps qu’un essoufflement de marche sur la Neige” de la Verrité, résistance du défaut du verre à la vue, présente en de multiples endroits de “Quartiers de ON !” et dont on donnera ici même une condensation.
Lucinda Véron-Féret
Chalet des Mariés Alpestres (Érec et Énide)
Chez Clotilde. Printemps
Clotilde : « Prenons galoches à taches rayées. Bouchons avec une
rissole. Un batteur soulève la batteuse avec ses reins. »
Énide : « Le requiem du requin blanc,
l’ours dans son blanc suaire,
albatros, miracle de plumes,
vastes prairies liquides de Krill…
Prends la garde près des orages
(Seules, les Nuées envisagent) ;
Voici les mythes d’autrefois,
Inexplicables de parfum,
Inouis, pullulants, sauvages.»
Désormais, à cette hauteur, toute saison a disparu, dans cet endroit qui lave l’œil de la poussière des âges filtrant le soleil à travers les yeux des morts pour en obscurcir l’éclat et qui, par une perception sporadique de détails isolés, brise les shèmes imposés faisant écran à l’émerveillement.
La présence des Mariés Alpestres, devant le chalet de Clotilde, ressemble à un transport au cerveau, une trépanation, la vrille de la mèche à l’aplomb de l’oreille dans un angle de 15° vers l’occiput. Leur retard à surgir est semblable à celui de la compréhension des ravages de l’amour. On ne peut plus y surseoir, voilà ce qu’ils disent, et cependant, à travers leur esprit, courent encore transversalement des allongements répétés, des lâchetés, des faiblesses.
“Nous répugnons à l’albinos, avec sa blancheur diffuse, à la tristesse de la ville de Lima, qui porte le deuil blanc de ses tremblements de terre, au surnaturel marmoréen de ce mort-là, aux processions du dimanche blanc de Pentecôte et à la grandeur sauvage des “Blancs Chaperons” rapportée par Froissart d’entre ses feuilletés et les résonnances des condensateurs par où sa voix passe, mais, plus encore qu’aux manteaux de neige sur l’épaule des fantômes, à cette étendue, à cette ubiquité dans le temps, mythique, à cette majesté, cette pureté, cette effroyable divinité de silence, peuplée de sens, remplie de l’absence des couleurs et de la fusion de toutes les races qu’est la Neige !”
Érec : « Laissez-moi toucher la lumière blanche
Et voir, sur la même ligne :
Le mal, moindre bien ; le bien, moindre mal.
Tenus entre les deux mains.
Dieu est un climat :
Par exemple la première chute de neige,
Un été indien,
Ou le bruit du vent contre la porte*. »
(*Beatles : “Christmas”)
Corine Lepet & Tatia Mathy - Les Orphelins Colporteurs. Ligne de l'Hospice. Terre
Date du document : 1991
Texte inédit
Mario : “C’est à ce moment-là que je reçois le télégramme ne
comportant qu’un diagramme qui m’appelle auprès d’une jeune fille, Corine Lepet, résidant dans une station d’hiver près d’Innsbruck toute l’année. Le diagramme dessine l’onde de choc d’un projectile fusiforme.
Madre de Dios ! Quel flux ! S’agit-il d’une assignation (dès la page 9999 !) dans cette commune située à 1040 mètres d’altitude, ou bien du cri du fauconnier pour déloger le gibier d’un buisson, sinon de la coupure qui fait si bien communiquer deux dépressions ensemble ? Plutôt du “trobar clus”.
À travers l’écarté des feuilles : le flaquement des ailes et le cri des grues, malgré la grève.
Myriam Dyndee - Les Ophelins Colporteurs. Ligne de l'Hospice. Terre
Date du document : 1988
Ce texte fait partie de “Quartiers de ON !” paru en 2004 aux éditions Verticales
Avant d’arriver au chalet des Alpes, Mario était bloqué par la chute de neige sur l’autoroute, avec Myriam Dyndee qui partait aux Indes. Elle voulait de là-bas prier pour eux, envoyer de la pensée positive au Mouvement, et “se rincer avant cela dans la blancheur” !
Il lui dit (il se voyait la sauter à toute force sur le siège arrière dans des ondulations et des pressions de son tube comme un arum précieux et contourné, s’imaginait qu’elle le suce tête de ballon fou avec des retraits formidables,
l’aspiration terrible du vide, les mille ressources de la muqueuse et les dix mille détours de la langue, jusqu’à la fracassante gelée, qu’elle le branle avec une brassée de fleurs exotiques, les mouvements du bassin et des hanches des poignets, et les crépitements cristallins des pas de danse des doigts sur le terrain de la concentration pelvienne, pour le moins !)
Equitable Building - Les Escholiers Primaires. Ligne de Nycéphore. Automne
Date du document : 1991
Texte inédit
La Déliaison
Roland Bergotte est assis au café en bas de l’Equitable Building à New York en compagnie d’un vieil ami à lui, André, qu’on voit souvent par ici, sommeiller sur les pailles, aux terrasses, ou rêvassant sur les quais de l’Hudson. Ils tiennent une sorte de conférence improvisée en compagnie de Nycéphore, qui ne parle pas beaucoup, et de Nathalie, assise en retrait, qui doit exécuter ce soir une danse d’un sommet à l’autre du building, exercice préparatoire à son numéro périlleux au sommet de l’antenne radio de l’Empire State Building. Tout un cortège de curieux, de journalistes et d’admirateurs se presse devant l’immeuble, répandu sur la place et depuis les rues avoisinantes, descendu en masse des voitures et tramways.
Mais taisons-nous et écoutons plutôt.
André : « Vous serez sans doute d’accord sur ceci que le texte littéraire et le texte du rêve ne se rapprochent que sur un point : celui d’être tous les deux présentés à travers l’élaboration secondaire. »
Roland : « Oui ; ce qui réclame de distinguer plus avant dans le texte la poésie qui est une danse au-dessus des mots dressés dans leur verticalité sensique et dans l’oubli de la chaîne métonymique (c’est du moins ce que j’ai trouvé à propos de “ces mots-objets sans liaison” dans “Les Absolus”), ce qui fait du Chinois la langue poétique par excellence, écriture et sans doute pensée déjà imprimante avant l’invention de l’imprimerie, parce que constituée d’une évidence de “blocs” ; au contraire de l’écriture alphabétique occidentale pour laquelle est indispensable le “saut qualitatif” de cette dé-liaison de la chaîne, faute de pouvoir passer aux caractères mobiles de Gutenberg. C’est également a contrario la “ficelle de Gutenberg”, ficelle de l’élaboration secondaire qui fait tenir ensemble les caractères, empêche que la page ne tombe “en pâte”, et résiste aux pressions primaires. La poésie trouve son acuité de cette tension extrème entre les deux poussées. Eros & Thanatos à l’œuvre. »
Il boit un peu de son lait-fraise, puis il reprend :
« La poésie, bien que traversant par son chanfrein toute l’histoire de la langue, présente donc le grand intérêt des discontinuités, du “délié” d’un geste dans l’espace, d’attitudes qui “ne font pas” histoire, ni préhistoire, ni lien ni sauce.
Et pour revenir à ce projet de La danseuse au sommet de l’Empire, que Nathalie Pelleport ici présente va bientôt réaliser (dont la performance de ce soir sera déjà un grand préalable), et que notre ami Nycéphore Naskonchass poursuit depuis Now Snow (et sans doute bien avant !), il est proche du raccourci sauvage de la sculpture de Degas, cette plasticité féroce, terriblement incarnée et redoutablement articulée, au désir entre autres, mais ni viande ni pure idéalité ridicule (du type Ecusette de Noireuil pour cette bourrique d’André Breton) ; plutôt formule de Rêvité (la Vérité qu’on retourne), d’un ensemble de mouvements et de leur possibilité contingente d’enthousiasme dans leurs articulations réciproques.
Mariage de Aube & Nany - Les Adolescents. Ligne Aube & Nany. Été
Date du document : 1992
Ce texte figure dans Quartiers de ON ! paru en 2004 aux éditions Verticales, augmenté de ses étoilements plastiques, inserts et éléments sonores.
On voit ici (mais qui sait lire aujourd’hui ?) la multiplicité des écritures invitées (comme les invités au mariage) sur des registres tous différents, portées par tout un tas de personnages mythologiques traditionnels ou bien qui font partie des Tribus de la Cosmologie et qu’on retrouve ailleurs : Monique, de la Bande de la Folie-Méricourt (autour de laquelle entre autres se centre le recueil de Nouvelles de 1972 intitulé “Tuberculose du Roman”) ; Lydou, la compagne de Jean Sales le cinéaste, amie d’enfance de Aube qui habite le chateau de Terraube ; Maître Ho, un Chinois avec des disciples japonais qui organise des stages dans le Gers dont un des plus fameux participants est Saïd Hadjl… tout un bariolage d’étangetés qui constitue les cortèges. Et, parmi les allusions obscènes de rigueur dans ce genre de cérémonie : “…le vent fait claquer la chemise (“Remballe ça ; on ne s’en servira pas aujourd’hui” - raccourci - .)” pour un raccourci de détumescence que n’importe qui trimballe parmi les éméchés que toute fête excite, on trouve l’une des amorces des États du Monde en tant que tels : sensations, visions fugaces que personne ne saurait porter, comme on se demandait à l’invention de “La Paluche” de Beauviala : “quel corps peut porter cet
œil ?”
On se demande surtout qui sera capable de produire la théorie de cette énormité où curieusement on trouve moins de citations d’auteurs disparus, malgré la quantité des références et des allusions, que de courants du présent, courants qui sont dans l’océan des auteurs vivants, toutes nations confondues, les remous opérationnels d’une écriture en train de se faire et que l’auteur nomme pressent, à la fois ce qui urge et ce qui s’inscrit aujourd’hui, mais que masquent bien sûr les huiles de la surface.
Lucinda Véron-Féret
Mariage de Aube & Nany
(Lydou est là, l’amie de Aube, venue pour son mariage.)
Lydou : “Bien-être global au lever : jonquilles, coucous… se penchent !
Puis faim d’après-midi : brumes nombreuses au bas des arbres,
Toujours dansants dans les prairies.
Éden latéral : aucune explication ;
Foulard de soie de la surprise,
Selon si Déméter ramène Perséphone :
Pluie, ou faiblesse, ou changement de tenue !
Plus jamais le facteur Antonin Triptolème,
Dans la lumière tiède du petit matin
(Entre le Printemps & l’Été), avec toutes ses sacoches de blé :
“Antonin, canne de nain !”, chantaient les gosses.”
Nous survenons au Château de Terraube par la route trop blanche, presque peinte, comme certaines façades sur la route de Saint-Puy, sauf l’Ecole. Les six mille amis approchent du village pour le mariage d’Aube et de Daniel, quittant les tentes, les cavernes, les buissons, les rochers, les tours et les citernes. Il y a ceux qui viennent d’Auch, de Fleurance et Condom, les élèves de maître Ho venus de Tokyo et ceux de Cádiz, d’Ampuero, de Laredo, de Santoña.
Suzuki : « Allez ! On marche, on mange. »
De grands chiens et des petits chiens les accompagnent, des petits chiens perdus et de grands chiens sauvés dans les premiers coucous d’entre les touffes et par les cîmes.
(Aube : “Je me suis levée ce matin à l’aube, et suis sortie me caresser à l’eau des calices de pêchers. Visage de bonheur du bébé à travers son verre, en
compagnie de tante et moi, quand nous avons petit-déjeuné, au Moulin. Puis je suis partie accompagner les chasseurs de la métairie et rentrée seule à pieds dans l’air frais où flottent les glycines. Une violente envie de peindre m’a saisie mais je ne voulais pas manquer ton arrivée; et puis ça ne convenait pas pour le jour du mariage.”)
Hasegawa : « Tu y es allé, là-dessous ? »
Suzuki : « Oui. Les corps étaient tout pleins d’eux-mêmes, les bras gonflés dans les chemises, membres charnus et ronds. Longtemps, je suis resté au bas du mur de la construction surchauffée (“il avait le feu au plafond !”) jamais poursuivie, au pied des piscines, somnolent, hirsute et près des ivrognes au sac ouvert, humide. La roue de la loterie du village tournait dans un grésillement d’attente. »
Yukio : « Mon souffle devient lourd. Je n’atteindrai pas le Château. Pardonnez-moi de n’avoir pas rempli mes devoirs de civilité. Je vais en souriant à la rencontre de la mort. »
(Cri terrible de la lance entendu par Hakuin, et de Breton surpris dans les chiottes). Il récite cette “chanson d’Aube” avant de mourir :
“3 octobre 33 hommes 33 maîtres.
Baguette qui fait vibrer le gong.
Ho !
Épée précieuse du roi-diamant,
Lion au poil d’or tapi sur le sol,
Perche à explorer munie d’herbes
À son extrémité qui fait ombre.
Ho !
Shikan !
Ta !
Za !”
Motion de Bourges. Mai 68 - Document original
Date du document : 29 Mai 1968
Débuts à l’Académie - Ligne des Adolescents. Aube & Nany
Date du document : 1974
Ce texte est inédit
En arrivant à l’Académie, Nany fut enthousiasmé par le ballet des étudiants transportant des panets avec des maquettes de déco-volume dessus ; tout ce va-et-vient effervescent correspondait à la préparation de l’exposition qui aurait lieu en fin d’année ; ces maquettes représentaient rarement de grands ensembles architecturaux ; simplement des aménagements de pavillons ou de villas, mais il n’avait jamais vu un tel agencement de matériaux “propres” sans trace de colle, sauf sur ses maquettes d’enfant d’avions et de bateaux : vitres de rhodoïd, bristol blanc des parois, menuiseries de balsa et de peuplier… l’œil glissait parfaitement là-dessus, et par ces villas à ciel ouvert on pouvait apercevoir jusqu’au moindre aménagement des salons, chambres, cuisines et salles de bains : petit poufs de carton recouverts de tissu, lavabos et faïences issus des chambres de poupées, achetés chez Verdeun, rideaux aux fenêtres. Parfois, projet de luxe, on apercevait une piscine. Il était ébahi par ce luxe en Gulliver admirant des demeures miniatures, presqu’à chercher leurs habitants, ébahi par la tenue printanière des étudiants, les chemises de coton bleues, l’époustouflant lilas mauve fleuri, la verdeur d’amande des tilleuls, celle plus soutenue des marronniers avec les cloches blanches pour des Pâques perpétuelles, le vernis des pavés de l’entrée et le crissement du gravier sableux de la cour arrière aux rares cailloux grisés, et par l’énorme fraîcheur recelée par l’énorme bâtisse de pierre de l’ancien Couvent Bénédictin des frères défricheurs.
Ces matériaux, ces tenues, cette mise à dispositon de tous les ateliers, bénéfiques, son ombre rapide et fraîche la première fois qu’il fut dans la galerie du premier étage, projetée sur les arbres en contrebas (ressurgis avec la même intensité quand il en parle), il ne ferait plus tard qu’à peine les entrevoir, prenant des œillères au fur à mesure pour focaliser sur les actions, mais il aurait perdu cette vision périphérique, cette exaltation ronde du monde et de l’œil, comme l’éblouissement des rayons sur le pont en venant, puis sur une montre au poignet d’une fille venant en face, et cette voiture aux enjoliveurs clinquants qui curieusement avait gardé ses phares pour rouler en plein soleil (feu droit plus puissant que le gauche) en toute incongruité avec la verdure partout exultante et la félicité poudreuse plus loin vers les coteaux.
Toute cette magie de la pratique se perdrait avec la restriction du champ, car il ne trouverait aucun plaisir à faire des maquettes aussi bien en déco plane qu’en déco volume.
Dojo - Les Escholiers Primaires. Extensions de la Ligne de Nicolaï
Date du document : 1993
Ce texte est inédit
Yaka esquive par l’intérieur le tsuki droit de Yushi presque tous les jours dans le petit pavillon et simplement le bas mauve du kimono à peine relevé à la saison des jonquilles par boisseaux, le saisit et frappe empi-jodan, puis il retourne le bras droit en crochet, saisit Yushi derrière le crâne qu’il abaisse vers son genou droit la première fois les pommettes roses : elle osait à peine bouger sur le sol qui frappe hiza-geri shudan au plexus ; enfin il l’achève en prolongeant la saisie de son bras droit par une clé et en frappant tetsui-jodan à la nuque. Sa spécialité d’habitude ce sont les atémi sur la paroi dorsale après des revers tournants…
Yuki esquisse son favori : un mae-geri avec un retrait immédiat il était venu pour son éditeur aussitôt, à la fois esquive et “charge” sur l’autre côté pour lancer une frappe en geri ou tsuki ; mais il ne réussit pas à le placer ; donc au lieu de retirer le mae-geri, il le transforme en yoko-kekomi droit, plongeant, gedan. Yoko recule jambe droite avec gedan-baraï bras droit, puis enchaîne kizami-tzuki jodan gauche à la tempe, prolongeant la rotation amorcée par l’esquive.
Tenshin frappe Hiroo d’un coup de poing droit des kentos à la base du nez (jinchu ? keigo ?), frappe low-kick avec le tibia sur le fascia lata et le quadriceps gauche, et remonte du dessus des orteils aux testicules (kinteki ?).
Ping a l’habitude de la combinaison fiacres de cuir rouge à roues rouges mawashi-ura-mawashi héritée de Maître Nambu, mais cette fois-ci il redouble mawashi-geri droit une fois aux mollets, une fois au visage de Juve ; Juve esquive le il a fermé la porte sur la salle de danse second, poursuivant le cercle vers l’intérieur et frappe à son tour mawashi-geri jodan droit ; il va pour enchaîner tsuki du même côté, et regrette, voit passer une ombre immense un mawashi-jodan esquivé, qu’il aurait dû faire, suivi par uraken-tenshin de l’autre poing, en cédant à la courbe rue Morgue. Ping au lieu d’absorber sort du cercle et pigeons-paons par groupes esquive en latéral à 45°, et au moment où Juve on voyait toutes les filles en bas et collantes culottes noires trian…repose son pied frappe du pied gauche en pression du talon dans le creux poplité droit de la jambe droite à peine en appui pour la balayer et enchaîne dans le même temps en gyaku-tsuki à la tempe droite de Juve…gulaires.
Jane Nose - Les Escholiers Primaires. Ligne de Nicolaï. Automne
Date du document : 1973 et 1976
Texte inédit. Ne pas oublier que les “Saisons Logiques” de la Cosmologie n’ont rien à voir avec celles du calendrier. Ici l'action se passe au Printemps, mais le récit fait partie de l'Automne dans la Ligne de Nicolaï.
« Tu veilleras sur moi ? »
Toute petite si triste avec sa bouche menue qui me pompe si bien la langue dans l’ombre nous glissant dessus en même temps que sa sensualité ; elle “qui ne desserrait pas les lèvres” tout à l’heure, me dit à présent : “J’ai envie de toi !”, mais je refuse, dans ce béton, laissant seulement glisser mes vêtements avec la nuit, me retrouvant tout nu contre elle, éprouvant ma queue de plus en plus tendue, jusqu’à la porter, la soulever toute depuis son entrecuisses, noir et maigre, les seins plats, têtons réduits à deux ronds, que j’embrasse, et que j’étire doucement sous le soutien-gorge de soie mauve, après avoir reniflé lentement ses aisselles…
J’aime les femmes à la tombée du soir en automne, le sens du corps, ce sursaut avant le silence définitif, aussi sauvage que la morsûre d’un loup à leur cou ; depuis cette jeune et rare architecte à travailler en mobylette qui me montrait ses entassements de cailloux du Quercy ; son nom… oublié, son prénom aussi ; seule l’odeur de mon sperme encore frais dans sa bouche, mais trop acide pour mon goût ; elle que je fuis en courant, sous les lancées des feux de boutiques, dans l’horreur incendiaire des luminaires de vitrines, extase citrique ! Jusqu’au repli enfin dans la bêtise alcaline et douillette…
Quel Docteur Noir me conseille là ? Quel jour de guillotine et de bouquets d’heureuses formules… Ce sont les zèles des bords, les autres bouches, le charme incomparable, de ce qui retombe aussitôt !
L’amour comme une chute, entre ses jambes en flaques grasses, le long de ses collants noirs qu’il faut nettoyer à l’eau en vitesse avant qu’elle aille récupérer ses enfants chez les Sœurs.
« Vous mangerez avec moi ? »
Au secret de son dos musculeux et fort, désirable parmi les pupitres dans le dortoir, mais pauvre quand tombe le soir, inattendu ; sa culotte que je baisse puis remonte aussitôt ; des fesses fortes, des seins bien pris ; la Fauve qui n’a pas assez à manger dans son foyer, ni bien, et dont le père fut emporté après une crise plus terrible que les autres, lui qui ne mangeait ni ne parlait depuis des années, devenu grabataire dans son lit, refusant à tout jamais de se lever, de sortir dans la cité, capturé à la fois par quatre infirmiers à la sortie du taudis : “croyez pas que je vais crever : j’suis pas si bête !”
Monde Dic, Duc, Fac, Fer & Memo - Ligne du Chaos. Printemps
Date du document : 1992
Ce texte figure dans Quartiers de ON ! paru en 2004 aux éditions Verticales, augmenté de ses étoilements plastiques, inserts et éléments sonores.
“Cher Monsieur Luc, je vous remercie de votre courrier à propos de la cathédrale de Cadiz, mais contrairement à Baltrusaïtis, je ne suis pas un spécialiste de l’Herméneutique en la matière, et je ne pense pas pouvoir vous aider avant votre départ dans votre Projet Nomade Souverain, que ce soit en Andalousie ou aux Amériques.
Si j’ai écrit des petites choses à propos de la cathédrale d’Auch et de l’Hospice de la Charité à Séville, c’est au hasard de lignes biographiques et d’itinéraires du Jour des Morts. Je procède par termes aimants qui attirent à eux et arrachent ci et là des bribes de parcours, des morceaux de puzzle du Temps.
Duco.
P. S. N’oubliez pas que je ne suis qu’un chien.”
*
Duco suit en reniflant la ligne de fuite des Cathédrales et de la Toussaint, à Auch. Il sait que la ligne est un cheveu, qu’il ne faut rien imaginer, partir de la Vérité. Il regarde cette carte reçue de Aube, envoyée du Moulin du Mas pour annoncer son mariage : un gant blanc de main gauche, dont la couture, ourlet rouge du bord du poignet se scinde au milieu du dos de la main pour monter en arborescences veineuses jusqu’aux extrémités des doigts ; il songe à la semaine passée par La Fée Numida et Ulittle Nemo à Styx, à relever des empreintes des lignes de leurs quatre mains, à l’aide d’encre de taille-douce.
Il fait froid à Auch, pour le jour des Morts, en traversant le pont de Lagarrasic, puis suivant la double allée des platanes par l’autre rive et remontant les escaliers d’Artagnan le long des torchis de l’ancienne ville, passant sous les immenses magnolias au moment de la volée des cloches jusqu’à atteindre la cathédrale de 18 heures 30.
Arrêt au sommet. À peine décalé de l’axe du grand escalier, le sapin se dresse, spontanément ; accrochés de part et d’autre sur ses branches : tous les feux de la ville en dessous.
À gauche la grande avenue lance une guirlande illuminée vers Toulouse.
C’est le Noël des Morts, qui ne coïncide pas avec le nôtre.
Dans les chapelles retirés, l’étau splendide des verrières d’Arnaud de Moles, le cœur splendide de Jésus, rubis de la fournaise. Au centre, les stalles de chêne du grand chœur que Duco connaît si bien : musiciens, bouffons et rondes joyeuses se tressant avec les démons, les serpents et les monstres à travers les veines du bois.
Là comme à Reims, les ogives sont lancées tellement haut qu’elles disparaissent dans les lointains jusqu’à atteindre des profondeurs séculaires, se prolongeant en grottes verruqueuses suintantes et démesurées de plusieurs milliers de mètres de haut ; caverne de Reims, cathédrale creusée jusqu’au ciel paléolithique où tournoient les abîmes des rosaces tourbillonnantes.
On sera tous transparents, dans l’illimité, jetés dans l’océan de fleurs sur l’autel, des fleurs plus brillantes même que les veilleuses et que les cierges !
Antonin - Ligne des Adolescents. Aube & Nany. Le Mariage d’Aube
Date du document : 1976
Ce texte figure dans Quartiers de ON ! paru en 2004 aux éditions Verticales, augmenté de ses étoilements plastiques, inserts et éléments sonores.
Campagne/Compagne - Les Orphelins Colporteurs. Quintette de Campagne
Date du document : 1976
Ce texte figure dans Quartiers de ON ! paru en 2004 aux éditions Verticales, augmenté de ses étoilements plastiques, inserts et éléments sonores.
Luc. Campagne/Compagne
C’est dans le Château de Terraube, chez Lydou, alors que je venais assister au mariage de Aube avant de me joindre à leur troupe pour Cádiz, que j’ai trouvé “son” journal à côté de “l’Avis aux Campagnes” lancé par Rbsprr.
Ce “Girondin” Amateur des Jardins et Amoureux des Contrées avait recherché pendant des années son amie intime disparue. Un rêve lui fit voir que la géographie de l’aimée s’était épanouie dans l’Univers, et qu’il suffisait qu’il retrouve là tel bosquet, ici tel flanc de coteau, pour que de ces repérages et de cette reconstitution mentale, elle renaisse ! Ainsi il traversa le Monde.
À un moment donné, il rencontra Orphée, dans le Gers, lui-même à la recherche d’Eurydice dans les rallyes que l’on sait, qui lui fit part de la mission errante des “Enguirlandés” ; il se sentit, à raison ou non, relever de cette immense migration infinie, et il continua ainsi, selon on ne sait quelles pérégrinations exactes, cette recherche à travers plusieurs pays, rencontrant parfois les membres de ceux qui portaient des tournoiements de lumières.
Il serait plus juste de dire qu’au lieu de lire j’assistai à son journal, car dans cette pièce à tapisserie de ton fruitif, en le lisant j’eus la sensation immédiate de rejoindre l’un de ceux que je suis. J’eus l’impression de découvrir un journal que j’aurais écrit. Que son auteur qui était resté là, celui que je fus et qu’il incarna, hanta ce château sans me nier pour autant. Je le retrouve aujourd’hui dans cette pièce curieusement fermée depuis le jour de ma naissance, par le hasard d’un enfant, ici mort dans un accident, un oncle de Lydou, tombé dans la mare aux pieds des remparts, l’hiver, et noyé sans qu’on l’entende.
Orphée dans le Labyrinthe du Pays des Morts - Les Gras. Automne. Extensions de la Ligne Prosper
Date du document : 1984
Ce texte figure dans Quartiers de ON ! paru en 2004 aux éditions Verticales, augmenté de ses étoilements plastiques, inserts et éléments sonores.
Orphée dans le Labyrinthe du Pays des Morts
(“Che sera sera.”Doris Day. Chanson de “L’homme qui en savait trop”avec James Stewart.)
Plan de la course essoufflé au sommet du labyrinthe.
Vent.
Temps froid.
À quelque chose. À une autre (époque dans la disparition) ! Mais je ne sais pas laquelle.
Lac de la pensée, que c’est beau ! Déproprié.
(Aurait souhaité atteindre ces passants d’un autre univers en parallèle auquel on ne peut avoir accès (mais dont ils désignent en même temps le bonheur possible impensable))
Prosper & Orphée au Pays des Morts - Les Gras. Automne
Date du document : 1984
Ce texte figure dans Quartiers de ON ! paru en 2004 aux éditions Verticales, augmenté de ses étoilements plastiques, inserts et éléments sonores.
Chambre de l’Hôtel où loge Orphée, au Pays des Morts
On ne peut vivre avec les Morts, mais on ne peut vivre non plus sans eux.
“Cette chambre est dans un carrefour électrique et joyeux ; elle a de multiples entrées qui ne se supperposent pas.
De multiples accès par le rêve.
Il n’y a pas de continuité logique dans la façon de l’atteindre, mais cependant la réunion de tous ces accès lui confère une entrée multiple, une infinité de correspondances entre les différentes torsions de plans.
Il y a entre autres une véritable “réception” située flanc droit d’un immeuble, au deux ou troisième étage. Ensemble très propre et très aéré ; meubles cirés et napperons.
La patronne est opulente ; beaucoup de draps ajourés de dentelles, jusque dans la tenue des femmes de chambre.
Orphée en Rallye - Les Grands Ancêtres. Mac Carthy. Saison de la Terre
Date du document : 1992
Ce texte figure dans Quartiers de ON ! paru en 2004 aux éditions Verticales, augmenté de ses étoilements plastiques, inserts et éléments sonores.
Orphée. Rallye de Mort
Un pote à moi retrouvé à Terraube et qui était commissaire sur cette course, m’avait demandé si je pouvais servir de copilote à un gars dont le sien venait de subir un très grave accident. Je n’avais pas tout de suite reconnu le paternel de Marie-Violante, (une ennemie d’enfance de Nicolaï perdue de vue depuis longtemps), malgré son pif écrasé et ses oreilles en choux-fleur, et pour cette fois-là, je ne pourrais éviter de grimper dans sa Datsun, “voiture sauvage” dont à l’époque il se servait encore en rallye.
Pour éviter de tourner deux pages à la fois et de se planter, le copilote précédent avait repris le vieux truc du rouleau de papier-cul bien solide comme “road-book”, sur lequel il avait redessiné tous les virages lors du premier parcours fait d’abord très lentement avec un repérage précis, y compris sur le kilométrage. Ce genre de notation de la route en sténo, avec quelle vitesse pour aborder et pour sortir, les diagonales éventuelles, me paraissait un furieux secret sur ce qui va arriver, magie d’un paysage surgissant d’un rouleau. On sait ce qui nous attend. C’est une architecture d’avant Monteverdi, d’avant l’irruption de l’émotion et son crash baroque de mille ruptures. Alors que même la voie de retour d’un parcours connu, par exemple, comme me l’a déjà fait remarquer Ulittle Nemo, est généralement impossible à prévoir à partir des seules remembrances de l’aller : c’est véritablement un paysage au-delà du miroir.
Avec ça on était attentif aux cahots, bien mieux que sur un carnet à spirales, on anticipait toute trajectoire sans risquer d’abîmer la voiture, et on pouvait réussir à arriver dans les meilleurs temps.
Pas besoin du nombre de pages ni de reporter les premières notes de la page suivante en bas à droite comme sur un carnet : seulement l’intitulé de la course et la distance à parcourir, figurant en haut. Un copain à moi ainsi s’est écrasé, parce qu’un musicien grec, copilote avait tourné par erreur deux pages à la fois, donnant un virage très rapide à gauche pour un très lent à droite.
Quand je conduis, je me dis souvent : “Je me suis soumis à elle pour l’Eldorado, parole de miel et lune de même, mais c’est La Mort qui me passionne, essaim vibrant des fureurs noirâtres. Nicolaï lui-même a connu trois femmes, mais surtout une Fée, en dehors, la Fée Noire des moutonnements de la Ruhr, et c’est bien grâce à elle, sur la prairie aux Ombres Noires, qu’il a pu entrevoir la demeure de La Belle Au Bois Dormant près de Hrad Smrti, la seule Fiancée capable de devenir La Future, mais que sa folie sexuelle l’a empêché à jamais de rencontrer. C’est La Mort que je tiens devant les yeux lorsque je conduis.”
Mort d’Eurydice - Les Grands Ancêtres. Ligne de Mac Carthy. Terre
Date du document : 1992
Ce texte figure dans Quartiers de ON ! paru en 2004 aux éditions Verticales, augmenté de ses étoilements plastiques, inserts et éléments sonores.
Gers. Mort d’Eurydice
Eurydice est disparue dans le Gers en même temps que sa voiture, sans qu’il y ait eu d’accident. C’était la compagne d’école de Lydou et de Aube. Elles ont connu et fréquenté les mêmes endroits ; toutes deux essaient à présent dans une concentration féroce, grâce à la machine de Georges le Fou, de retrouver sa mémoire grâce à leur mémoire commune possible, communale et primaire, transversale parfois.
Si elles y parviennent, elles atteindront également au lieu où elle se trouve actuellement
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Enfants Croisés - Histoire Deux
Date du document : 1975
Ce texte figure dans Quartiers de ON ! paru en 2004 aux éditions Verticales, augmenté de ses étoilements plastiques, inserts et éléments sonores.
II. Enfants Croisés
1. Nicolas
C’est à Cologne en Hiver, que Nicolas
Au Printemps, qu’Étienne,
Lançant les leurs, soulèvent, réunissent,
Baptisent et passent à pied sec.
Tout ce qui est émotion en Europe a fui !
Cologne-Mayence-Spire-Colmar-Rhin gauche,
Alpes, Italie du Nord :
Pillage, attaques, défections…
Gênes, Pise, Brindisi :
Déflagration psychique !
Anarchie des jeunes filles et des hommes mêlés
Au Panier :
On joue de la flûte ; on jette la flûte !
Les drapeaux claquent au vent de la Mer !
Les armateurs marchands ont baisé le cul du Diable ;
Frédéric en rachète sept cents :
Jouissance dans le Seigneur !
La Sardine - Poème de Joël Roussiez en réponse à Charles Cros
Publication : Site Joël Roussiez
Vendu plus de quarante cinq mille percherons - Extrait de Nous et Nos Troupeaux
On se reportera à l’émission de Veinstein du Lundi 23 Février 2009 sur France-Culture.
Publication : Contre-Feux (archives)
L’oie qui découvrit un écrivain - Pirate Farfali, tome II, partie 2, chapitre 1, page 7 - Joël Roussiez
Publication : Contre-Feux (archives)
Musil Définitif
Date du document : Septembre 2004
Cet article de Joël Roussiez est paru dans l'Atelier Du roman N°39
Formellement :
Je ne traiterai pas de la fameuse ironie de R. Musil qui a déjà été souvent analysée et que l’on peut voir s’annoncer dès le début du livre par la référence à la météorologie énoncée de manière scientifique mais disqualifiée aussitôt par des personnifications et par un récapitulatif amusant « autrement dit, si l’on ne craint pas de recourir à une formule démodée mais parfaitement judicieuse : c’était une belle journée d’août 1913 . » Ce début bien connu en reprend de similaires ; chez Scarron par exemple : « le soleil avait achevé plus de la moitié de sa course et son char, ayant attrapé le penchant du monde, roulait plus vite qu’il ne voulait. Si ses chevaux eussent voulu profiter e la pente du chemin, ils eussent achevé ce qui restait du jour en moins d’un quart d’heure…. Pour parler plus humainement et plus intelligemment, il était entre cinq et six quand une charrette entra dans les halles du Mans. » ou chez Sénèque (d’après Paul Veynes) : « Déjà le dieu du soleil avait raccourci son trajet, déjà le sommeil voyait augmenter son horaire et la Lune…En d’autres termes c’était déjà octobre… ». J’avancerai néanmoins par ces exemples que, chez R. Musil, ce procédé est moins ironique qu’il n’y paraît, c’est à dire qu’il est moins essentiellement critique. Car, s’il semble être d’abord un moyen d’amuser et de s’amuser par une distanciation, il est peut-être aussi l’expression d’une joie à découvrir dans la formule surannée une justesse tout aussi grande que dans la description météorologique qui précède. Il s’agirait alors, davantage qu’une ironie, du plaisir de voir s’accomplir par la langue et la pensée une sorte d’unité. On pourra remarquer ainsi qu’il sert la description de la ville qui suit, laquelle ne présente aucune distanciation mais au contraire amplifie la présence émotionnelle de la ville par l’emploi de nombreux adjectifs impertinents, de métaphores et d’un phrasé mélodieux caractéristique du lyrisme. C’est ainsi que derrière distanciation et humour, ce roman affirme un lyrisme qui trouvera son exaltation thématique dans l’amour fraternel * et l’Autre Etat.
Publication : Contre-Feux (archives)
Lœss - Livre Poétique de Nicolaï 1968-1984. Poème n°14
Date du document : Fin 1969
14. Lœss
A.
D’abord Damme !
Apothéose ! D’houles fleurs
Fourrant matines brugeoises crayeuses !
J’étais gisant, paupières lourdes
D’égrènements d’ifs dans le fond.
En sortant du tableau,
Me voici vain tissu :
Roses bourguignonnes du Quint,
Inbroglios cœruléens
Filant des cordes funambules.
Oranges bleuies, bouquets d’eau grasse,
Croix
Et candélabres d’argent,
Partout
Explosions farouches de lilas morts.
Ulysse par Ports et par Mer - Les Grands Ancêtres. Ligne de Mac Carthy. Terre
Date du document : Décembre 1968, 1978 et 1980
Ce texte fait partie de “Quartiers de ON !” paru en 2004 aux éditions Verticales et du Livre Poétique de Nicolaï dans OGR en cours de publication sur ce site.
Ulysse par Ports et par Mer
(Lunette Arrière de la Voiture)
Bel Ulysse, aux traits distingués sous les arbres
Avec difficulté,
Aux suées sous les ifs, les aunes, les yeuses
Par les rues emporté, pluvieuses, dans la voiture,
Sur la banquette arrière, balloté,
Vois comme le vide est bon, du quotidien pulpeux
Jouant d’harmonies symboliques
Dans l’éclairage phareux des quinquets.
Le Monde est magnifique de la Nuit ;
Ton vaisseau va, rapide parmi les toiles
Claquantes du ciel, les lueurs oranges
Dont les bougnats sont ailleurs.
Et c’est un incendie de millions de figures
Que ton visage sous les saccades de poulpes de lunes
Soudaines, aussitôt changeantes,
Aux tentacules électriques.
Chanson d’un Iralandadais - Les Grands Ancêtres. Ligne de Mac Carthy. Printemps
Date du document : 1978
Ce texte figure dans Quartiers de ON ! paru en 2004 aux éditions Verticales, augmenté de ses étoilements plastiques, inserts et éléments sonores.
Chanson d’un Iralandadais pinté dans les rues de Limer’ Hic !
Qu’est-ce que le Daily Mail disait du Home Rul ?
Accordé à l’Irlande ou non
Et de la Grêce, ce tas de ruines
Avec Aristote
ce loubard comme serviteur d’hôtel
En gilet crasseux qui nous réveille pour partir à Olympie.
Corn - Les Grands Ancêtres. Ligne de Mac Carthy. Hiver
Date du document : 1986
Ce texte figure dans Quartiers de ON ! paru en 2004 aux éditions Verticales, augmenté de ses étoilements plastiques, inserts et éléments sonores.
Corn
Avant de marcher, voyons où nous sommes (“Votons !” diraient certains). En Irlande, et nulle part ailleurs. Ce ne sont ni les beaux pâturages de l’Acadie, ni la fête baroque et débordante au boudin de Bâton-Rouge, ni la liaison impérieuse du Désert & Désir de Lawrence. À peine le riche fenouil des dômes d’herbe et des scansions démoniaques où traînent Corb, Ecca et Art, et que surveillent les paissantes Matrones porteuses de médicaments.
Et cependant la viande rentre à la fois par une même bouchée goulue entre les dents de ceux qui attendent, dans les oasis fertiles en compagnie des anges tutélaires porteurs de gâteaux de miel et d’excédents surnuméraires, que la série des moutons de l’hospitalité des Haoueitates soit épuisée avec le riz graisseux, pour retrouver le pouvoir de digérer et de faire un mouvement, faisant disparaître du même coup les gros boutons sur le nez et les furoncles derrière les genoux ; la viande rentre avec le tchocolalt
fourni sur les lapins grillés, sur les hauts plateaux du Mexique, dans la bouche d’où jaillissent les démons.
Ainsi l’attaque est bonne.
L’Olympe - Les Grands Ancêtres. Ligne de Mac Carthy. Printemps
Date du document : 1992
Ce texte figure dans Quartiers de ON ! paru en 2004 aux éditions Verticales, augmenté de ses étoilements plastiques, inserts et éléments sonores.
Olympe
Ça brasse dans le pub de “L’Olympe”. On dira plus tard. Ça tient beaucoup de l’Irlande pour les bagarres avec des fanatiques d’Hawthorne, et pour la boisson comme aux sous-bois l’ondée savoureuse sur les lierres, le jour de l’averse bienvenue. Mais surtout ça se transforme sans arrêt, se métamorphose ; les Dieux n’ont plus de tenue ; ils lisent et adorent Sarduy dans le texte depuis que l’Oncle leur a fourni “Cobra”, “Maïtreya”, “Colibri”, “Cocuyo” et “Pájaros de la playa” et encore plus depuis qu’il est parmi eux ; ils se moquent l’un de l’autre, passent l’un dans l’autre ; ils sont pires que des travelos ; ça c’est “la version Cabaret”.
Pleut donc ! Cyclistes au short en bâche (bonheur du relâchement des conduits, sans futur ni passé). On voit d’ici à travers le slip du Peuple Belfast la tête du gros John London cultivateur de potatoes s’annoncer vers les vitraux d’un de ses Pubs de la semaine !
Pluie ne peut être imaginée tant qu’elle ne chute pas. Seulement ses prémices ne suffisent. Par contre, son ballet nous entraîne partout, son mol ballant, ses lignées contre lesquelles le Grand Vernisseur lutte. Jackpot soudain de la manne !
Vision de Jean - Les Orphelins Colporteurs. Ligne de Jean
Date du document : 1989
Ce texte figure dans Quartiers de ON ! paru en 2004 aux éditions Verticales, augmenté de ses étoilements plastiques, inserts et éléments sonores.
Vision de Jean en Bretagne.
Champ de blé frissonnant doucement. D’un côté chaleur implacable, muraille de fougères de l’autre, et, par les trouées entre les chênes, les magnolias, marécages de l’estuaire ; noirs, immobiles.
Et dessus des cormorans qui se posent, décollent, avec lenteur, sinon ne bougent.
Exaltation du marcheur celte de part et d’autre : entre le noir et le blond doré, à la démesure de la passion, de la luxure, du viol divin, du désordre hagard si cher aux amis de Cuchulainn.
De ce côté-ci, entre les murailles de fougères et les ramures énormes retombantes des chênes ensorcelés de lierre par les Femmes-Sorcières des Hautes-Terres, l’estuaire est profondément noir avec quelques endroits de luisance gris boueux-marrons et des ombres rapides qui passent dessus en même temps que les lents cercles des ailes grises et ailes noires poussant des sortes de longs hooo ! de gémissements.
Puis les revoilà, ces chers oiseaux ratés par Cuchulainn, attendant immobiles sur la boue à fond jaune fixée comme au bord de la Boyne au centre de leurs petites ombres rondes.
Du côté du chemin du bois, bruyères et ajoncs, la clairière sent le carambar.
Enfance de Lugaid - Les Orphelins Colporteurs. Extensions de la Ligne Jean
Date du document : 1989
Ce texte figure dans Quartiers de ON ! paru en 2004 aux éditions Verticales, augmenté de ses étoilements plastiques, inserts et éléments sonores.
Enfance de Lugaid. Bretagne
(Ronces, fougères, immenses retombées de chèvrefeuilles :
Élément torsadé par rapport aux autres parfums,
Noisetiers)
Très verts !
On va là entre deux demeures,
Mais maintenues à bonne distance
Par ces murets comblés de terre où des arbres poussent
Et d’où le propriétaire surplombe le passant.
Rivières d’orties entre les maisons, de lierre, de houx extrêmes vernissés,
De petits chênes, de marronniers ;
Partout autour des maisons
L’herbe toujours entretenue avec soin, tondue,
Sans arrêt
(Creuser la mer, tondre la terre…),
Tandis que le ciel ne cesse d’arroser gentiment.
La Musique - Les Orphelins Colporteurs. Extensions de la Ligne Jean
Date du document : 1982
Ce texte figure dans Quartiers de ON ! paru en 2004 aux éditions Verticales, augmenté de ses étoilements plastiques, inserts et éléments sonores.
La musique.
À la Révolution, le citoyen-commissaire retourne les foins ; perte du bonheur disjoint ; tambours ; cocarde. La Bretagne résiste partout : Le Gallic et autres, Finis Terrae, Pleumeur, Côte Sauvage, partout…
Puis voici des Écoliers dans la cour de l’École Primaire pour la célébration de la Musique. Pas encore de névrites, ni de paquets de vers sous le scrotum. De jeunes princes volatiles, dignes armoriés de Bretagne, et que le retour ne préoccupe pas.
Leur corps est subtil. Certains sont adossés au mur pierreux du préau. Quelques-uns sourient comme on le ferait du progrès en Art ; mais tous se trouvent sans propos, à attendre…
« Quand sera-t-on vraiment soi-même ; quand d’autres viendront-ils en nous ? »
Osiris. Cádiz - Les Grands Ancêtres. Ligne de Don Qui Domingo
Date du document : 1984
Ce texte figure dans Quartiers de ON ! paru en 2004 aux éditions Verticales, augmenté de ses étoilements plastiques, inserts et éléments sonores.
Osiris. Cádiz
“Taraudons bien ta chair, lecteur, toi qui t’accroupis devant Baal : un d’entre les jours les plus soleilleux de l’ancienne Taris soudain couvert te mènera à ce tournoiement de l’Eté de la fin août où revient si fort à l’aube la nostalgie vaseuse du sable vert, tandis que la dernière déambulation grise dans le barrio del puerto sera abruptement suivie de la chaleur étouffante de “La Poêle à frire”, près de Séville.
Face à la baie, vois Didier, le frère mort de Nicolaï, pourri et ressortant sous forme de verrue plantaire à la base de son gros orteil gauche avant de resurgir plus tard en de multiples contaminations internes, pour disparaître enfin définitivement à Saint-Antoine de Padoue, dans cette même salle où viendrait tendrement le cercueil de leur père, momifié par Anubis.
Et moi, la nuit, qui répètais sans cesse : “Seth, c’est toi ?”
Il ne s’agit pas du plan d’une “structure”, mais de passages, de polyèdres de la pensée. Nous ramassons ici deux ou trois versants non oppositionnels deux à deux, à la façon dont nous collectons les images, chapelet d’aiguilles éparses sur le sol, à l’aide de la puissance d’un aimant traceur, et nous en regrouperons ensuite d’autres dans un nouveau dessin. Il n’y a rien qui ne se puisse démesurer, lecteur; tout est sans cesse à étirer ; la Nature est une pâte pour l’artiste, une pâte blanche, un pain non cuit.
Colomb : Embarcadère - Les Grands Ancêtres. Ligne de Don Qui
Date du document : 1978
Ce texte figure dans Quartiers de ON ! paru en 2004 aux éditions Verticales, augmenté de ses étoilements plastiques, inserts et éléments sonores.
Le Futur : « À peine descendu sur le quai pour quelques heures de nuit, puis en trop-plein de chair sur la place ; seul le boulanger pêtrissant, qui m’a donné l’heure sous une pluie plus ou moins épaisse selon les endroits, était levé avant l’aube. J’allai voir sur les Champs le balaiement du phare (comme ailleurs à Queyries, à Nantes, à Dunkerque…), lequel accueille le vaisseau Argô, devenu Le Lyncée, qu’Orphée doit quitter pour La Carabela La Niña, première chose magique reçue, en me lavant, par la fenêtre maritime ; alors qu’une fois à terre, ce fut le rougeoiement interne à l’Église reclose.
Près de là, le mitronm’a donné l’heure ; c’était le seul à œuvrer. Nous sommes à débarquer dans la saison qu’on sait du fameux foin, du fumier, du foitrail, le f de la raison, la moisson incluse dans la fenaison, comme Pollock trouva (et Monet avant lui) l’équivalent de la musication en peinture.
Voyage Biographique. En passant par les Chiens - Joël Roussiez
Date du document : Hiver 1987
Quoi qu’il en soit des déclarations d’intention toujours un peu excessives, voire présomptueuses, il faudrait considérer, ce texte, Voyage Biographique, comme une sorte de réponse à la vogue de l’autobiographie qui hanta, il y a plus de vingt ans, les auteurs du Nouveau Roman qui me semblèrent alors renoncer à l’ensemble de leur projet pour revenir au psychologisme ou pour le moins au sujet fondateur qu’ils avaient combattu.
C'est donc une matière autobiographique, la mienne, qui est traitée dans ce récit par l’intermédiaire de motifs (certaines peurs ou formes de sensualité par exemple) et au moyen d’une improvisation filtrée mais continue et régulière. Il s’agissait de donner aux motifs leur élan pour les dégager des limites, personnelles ou autres, et les faire vibrer en quelque sorte dans l’extérieur, le monde ou le cosmos, suivant ce qu’on acceptera…
L’impression forte d’être traversé par des sensations, des impressions, des émotions neutres, c'est-à-dire sans véritable objet, ni sujet, d’être en quelque sorte absorbé par l’extérieur, sans intériorité donc, domine ce récit qui livre ainsi une sorte de denrée affective, proche de l’enfance (dont on ne livre, à titre d’exemple, que le tome 1 de l’ensemble qui en comporte 5).
Joël Roussiez
*
Une sorte de chose tourne inlassablement, inlassablement comme si elle cherchait à se détendre et comme si elle souffrait. Elle tourne sur elle-même, sur son propre corps, elle se contorsionne dans une pièce sombre. Le monde dehors est à peine audible. On entend le souffle lent d'une chose qui halète ... Il fait chaud, très chaud, sous les couvertures. Je tourne inlassablement. Une main semble venir de loin et s'approcher de mon visage, une main qui tient un révolver et en appuie le canon sur ma tempe. Au loin, pas très loin, il y a mes pieds. Je ne m'en soucie pas. Ils sont l'un sur l'autre, croisés. Les jambes serrées nerveusement, suivent les pieds et maintiennent ainsi l'ensemble du corps en équilibre, en équilibre pas très libre, les jambes l'une sur l'autre pour maintenir le corps qui semble tourner sur lui-même. Plus haut, c'est à dire plus près de mes yeux, les cuisses s'aplatissent puis s'écartent, s'aplatissent puis s'écartent, inlassablement. Plus près encore, c'est le bas-ventre qui frémit légèrement. Au milieu, le sexe roule d'un côté, de l'autre, roule et gonfle un peu. Le ventre bat imperceptiblement sous la pulsion du sang qui passe, qui descend du cœur ou en remonte, qui suit un tuyau , un chemin tout tracé sous la peau; la peau blanche et veinée de violet bat aussi par endroit. En se rapprochant encore, c'est la poitrine qui monte, qui descend avec deux renflements, deux renflements de seins qui se froissent, se défroissent…Une palpitation à peine régulière soulève l'ensemble. Puis une main glisse, ce n'est pas vraiment une chose, elle monte le long du corps, caresse des formes, s'arrête parfois, attend, se pose sur un sexe d'homme. Elle monte, ensuite elle descend. Je ne suis ni bien, ni mal, je ne vois rien d'autre que le bout d'un nez lorsque j'essaie d'apercevoir tout un corps, un corps qui se cache sous les couvertures, qui semble vouloir tourner sur lui-même, une cuisse contre une autre cuisse pour se maintenir en équilibre. Alors, je ferme les yeux lourdement et quelque chose s'en va au loin, une chose qui tourne sans aucune raison en dehors d'un corps, en dehors de moi…
Publication : “La Main de Singe” Louis Watt-Owen
Colomb : La Rábida - Les Grands Ancêtres. Ligne de Don Qui
Date du document : 1992
Ce texte figure dans Quartiers de ON ! paru en 2004 aux éditions Verticales, augmenté de ses étoilements plastiques, inserts et éléments sonores.
La Rábida
La cafetière de cuivre rouge est bien chaude, maintenue par O’Koffee qui s’émeut les yeux humides devant les Monts ou l’ourlet gris, tous moines gras à célébrer le rassemblement efficace des lueurs divines autour de la Table du Petit Jour, à vouloir l’anonymat absolu dans une langue étrangère, la peau poreuse et ne faisant plus contour, lieu de passage et surface de renvoi, moulin à prières parmi les vents, clochette entre d’autres rumeurs alpestres !
« Tu peindras cet absolu, disent-il à l’Ogre Peintre, et ce sera plus magnifique encore que le Laocoon ! » Le matin laissait monter l’idéalité de la campagne, méditative, les différences de plans, germées... Lui pensait plutôt ailleurs bergère, accroc de chevalet dans la toile (“Je me lançais sur elle dans l’immense pièce par un mouvement projeté droit de la jambe, puis de santé le vent sur le ventre, en oblique, en descendant, sur la gauche.”)
Colomb : Dortoir de Santoña - Les Grands Ancêtres. Ligne de Don Qui
Date du document : 1992
Ce texte figure dans Quartiers de ON ! paru en 2004 aux éditions Verticales, augmenté de ses étoilements plastiques, inserts et éléments sonores.
Dortoir de Santoña
Cette brume dans la vallée, toute cette rumeur dans le Sud manque de terrain vague pour se retrouver étranger, comme dans le Nord.
À côté de soi, sur le lit, le Corps Inconscient, barbouillé de lettres, sombrant dans le sommeil, redevenu exceptionnellement prédateur, renard ; il faut un immense effort pour surnager… à l’aide du parfum soudain de petites roses et de belles de jour.
(“Moi, j’aime bien les lombrics. Mon frère pas trop ; mais il m’aide pour les poulardes, les grosses poulardes bien grasses !
C’est là que je donne le meilleur de mes petits bonds brillants dans les prés : je la poursuis féroce, et le frérot la guette calmement et lui saute dessus au passage. Y’a bien les pêches et d’autres fruits, mais ils sont peints moins romantiques qu’avant ; les raisins, surtout. Mon plaisir, c’est pas tellement de jouer au lancer de taupe, c’est plutôt pisser tous les cent mètres et de chier sur des pierres bien installées comme des stelles. J’ai fait ça tout le long du camp, en recouvrant les merdes des autres ; c’était amusant ! Mais y veulent plus !”)
Rosa - Nouvelles Irrépressibles. Livre de Nycéphore
Date du document : 1980
J’essaie d’attirer à moi une fille toute en rose : Rosa. D’autres sont collantes ; elle n’en a pas : je le sens sous l’index.
Horreur ! Les vêtements sont jetés dans de grands containers tandis que les objets personels des victimes sont amassés pour être triés, et on a du mal à convaincre les familles de quitter les lieux. Voilà très peu de temps il y avait encore de grosses rafales de neige à gros flocons par ces montagnes sur les bons gros autobus jaunes et les bulls. On aurait aimé vivre sous la terre où le soleil ne brille jamais et où dedans les maisons on replie les papiers de Noël aux mille reflets.
Malgré cela la petite Rosa me fait chanter. Ciel bleu, la merde au cul, crotte au ras embouchée. Signes frais sur les joues, maux intestinaux, logorrhée : toute cette écriture “découverte” sur elle ! De la danse en “Sylvie des forêts” elle a les salves, Rosa.
Le Réseau 44 - Ligne de Vivien de Nérac. Canada. Printemps
Date du document : 1991
Ce texte figure dans Quartiers de ON ! paru en 2004 aux éditions Verticales, augmenté de ses étoilements plastiques, inserts et éléments sonores.
Le Réseau Osiris 44 à Dijon
Cela étant, supposons qu’un associé de Champlain qui n’ait connaissance ni du témoignage de Skorzeny depuis le pic du Gran Sasso, ni de la carte de neige paillettée d’argent et d’or de Henri, décroche son appareil. Après une double présélection (espace, puis temps), il se trouve relié à un sélecteur de zone situé dans la zone des neiges 22, qui sera plus tard installée par un de ses descendants (le terrible Henri, destiné malheureusement à mourir dans une humidité des neiges qu’il a toujours détestée, en Côte-d’Or). Les chercheurs discriminateurs de cette zone sont représentés sous la même forme que ceux de la zone 44, c’est-à-dire par des chercheurs dont le champ d’exploration possède deux parties, a’ et b’. La partie a’ donne accès à des lignes auxiliaires qui sortent de la zone aprè avoir traversé un circuit de discrimination temporelle, et aboutissent chacune à un sélecteur de zone géographique situé dans le centre nodal 33, alors que la partie b’ donne accès à d’autres sélecteurs de plusieurs milliers de plateaux à la fois géographiques et géologiques. On ne peut pas parler pour autant de “mémoire”.
Colomb : Santoña - Ligne de Don Qui Domingo
Date du document : 1992
Ce texte figure dans Quartiers de ON ! paru en 2004 aux éditions Verticales, augmenté de ses étoilements plastiques, inserts et éléments sonores.
Santoña
« Cristoforonépatao !
— Berlitz ? »
Je ne comprenais pas ce que voulait me dire le prisonnier Chinois en train d’éxécuter ses Taos, le matin dans la cour. C’est que pour lui, Colomb n’était pas dans le Tao. Pas de fenêtre, pas d’autrui, pas de
lointain, pour le Tao.
« L’Été : le cœur, au matin ! Terre sera rendez-vous midi. Toi travail séries : corde, sac. Priorités ! Et longues suites poings et pieds (en ligne). Préparatoires ! Jamais extension absolue, au début ! Attention articulations ! Mouvements plus lents, d’abord ! Mais katas ou bunkaï : pas gym suédoise ! Hélas, Funakoshi lui-même ! Avant tout résistance ; tireur de substance parmi d’autres, et sans chef. Si vous réclamer concepts tout faits, moi pas donner ! Kisémé : sans sabre et sans poing. À gauche : centrale atomique ! Bunkaï difficile : formes intermédiaires perdues ! Musculation avec poids, si besoin, mais surtout : exercices forêt ! Semelles lestées, petits-haltères, charges légères chevilles et poignets. Ni abdos ni pompes, principe ! Tractions remplacées par escalades. Oui. Ça Japon ; mais pensée Chine ! Oui. »
Retour à la Rábida - Ligne de Don Qui Domingo
Date du document : 1991
Ce texte figure dans Quartiers de ON ! paru en 2004 aux éditions Verticales, augmenté de ses étoilements plastiques, inserts et éléments sonores.
Retour à La Rábida
Et voilà le moine O’Koffee, gros lard irlandais moins autruche que les autrichiens de la Rábida, en train de sauter dans sa robe obscène, sur les tréteaux du théâtre de l’embarcadère de Palos de Moguer, tête de faune dans sa mousse blanche de rasage jouant le rôle moqué de C.C. avant son départ, (à moins qu’il ne se moque de Y.K.) :
Colomb : Le Pénitencier de Santoña - Ligne de Don Qui Domingo
Date du document : 1991
Ce texte figure dans Quartiers de ON ! paru en 2004 aux éditions Verticales, augmenté de ses étoilements plastiques, inserts et éléments sonores.
Pénitencier de Santoña
Onan est déjà mort depuis longtemps et toute la racaille des gardiens phalangistes sur les plages ne pense qu’à mourir ; ils crient “Vive la Mort !” même en ronflant, tandis que la plupart de ceux qui veulent à tout prix s’embarquer ne pensent qu’à vivre, dussent-ils en périr. On voit déjà le cher Gérard dans son chalet de garde-forestier avec sa radio à ondes courtes surveillant les incendies soudains.
Les feux au mois d’août, à quatre heures, après un très gros orage ; cette cloche soudaine d’hiver et la veste mise sur les épaules (on oublie toujours le numéro de cette valse de Chopin, dont les bribes par la croisée). On hésite, entre le tchocolalt bouillant de pures fèves broyées et le vin chaud.
Ils sont plusieurs dans le Pénitencier à préparer ça : s’enfuir la nuit, par la plage, en barque (plusieurs sont marins) longer la côte jusqu’au Sud, à Palos de Moguer (où l’un d’entre eux connaît un moine) : ils trouveront bien moyen de s’embarquer pour quelque part, un autre monde !
*
« Qui jouit dans mes bras ?
J’ignore.
Résédas, jasmins, flots de roses ! »
(Il implorait en pleurant la
Flaveur de Sainte Anne, une nuit.)
Coquillages des dents, perdus
Dans un gouffre de soleil ;
À jamais nous vous cherchons,
Andalouses,
Comme parmi tous les orangers
Le citron !
Studebacker et Les Archaïsmes - Carte n°5. Annexe 1 & 2
Date du document : 1997
Ce texte est explicatif des tensions et des archaïsmes à l’œuvre dans le continent OGR de la Cosmologie et de la façon dont ces archaïsmes ont subsisté à la façon d'un enkystement.
Les archaïsmes de forme (alexandrins ou octosyllabes dans la première partie du “Tome Poétique”, construction romanesque traditionnelle de “Roman” et de “Phényx, Styx, X”), ne doivent pas être traités aujourd’hui à la façon du mensonge post-moderne. Il n’y a jamais eu, il n’y aura jamais de dépassement des nouvelles formes par les anciennes.
Du reste les formes dont il est question ici, ont été abandonnées par l’Auteur, comme les vieilles peaux des mues successives.
La particularité tient seulement à ceci que l’abandon a pris sans doute plus de temps que chez d’autres, et surtout que ces vieilles enveloppes ont continué parfois à insister en même temps que de plus “modernes” avaient vu le jour (par exemple certains poèmes de 1964 ou 1965 sont traités en vers libres, tandis que d’autres reprennent des formes traditionnelles ; plus rarement, mais cela a lieu aussi, les deux sortes de formes coexistent dans le même texte).
Autre particularité : elles ont subsisté alors que “l’environnement” de l’Auteur (radiophonie, contacts, spectacles, évènements) s’exprimait tout à fait autrement, comme un enkystement (à la façon du B.K. de la Tuberculose).
Cet enkystement avait sûrement à voir avec la présence du frère inclu en soi, persistant et s_a_ignant parfois à la façon d’une maladie dans le temps, d’une affection du Temps. Mais il ne s’y réduit pas.
De L’Homme Qui Rit à Studebacker - Carte n°5. Annexe 1
Date du document : 1997
Ce texte explicite en partie la tension au travail dans LOGRES.
Logres, pays des Ogres et territoire d’Arthur chanté par Calogrenant et défendu par Lancelot, (première ébauche de la Cosmologie actuelle), ainsi que OGR (qui fut le premier Continent émergé issu de la division de LOGRES), présentent tous les avantages de la contrainte dans un autre corps. C’est comme “L’homme qui rit” : un corps qui rit d’un rire imposé de l’extérieur alors que l’intérieur n’est qu’un conglomérat de morceaux tragiques. Là encore, toute l’importance du Moyen-Age et du désordre Celte, l’incapacité à faire cuirasse et encore plus armée.
Il y a un élément, une caractéristique, qui se conserve d’un continent à l’autre, de OGR à OR, du moins, et qui disparaît sans doute dans O, c’est la fulgurance, le trait foudroyant qui dans son zigzag procède à des associations apparemment saugrenues.
Ce trait de caractère bien sûr détermine toute l’œuvre graphique.
Alumbrados. La Rábida - Ligne de Don Qui Domingo
Date du document : 1991
Ce texte figure dans Quartiers de ON ! paru en 2004 aux éditions Verticales, augmenté de ses étoilements plastiques, inserts et éléments sonores.
Alumbrados
Y’avait d’abord eu le clayon* (*éclaircissons clayon : c’est comme un layon dans la ville, la fraîcheur soudaine des forêts aux grands fûts, devenue sensible dans la profondeur des vieilles rues espagnoles ou bien à Bruges) poussiéreux de l’Aube, ce cliquetis de la matinée dans le crâne au sommet du chemin duquel le cycliste, de très loin, paraissant immobile, semblait, avec les rayures circulaires rouges et vertes de son maillot, un bouchon de liège de pêche oscillant dans les ondes d’air chaud.
Elle leur dit, face aux légères effluves des marécages autour de la Rábida, pour le petit déjeuner si plantureux, silhouette des moines tressautant de parodie à travers les herbages (“qui s’avançaient trottinant et boitillant, sautillant et fôlatrant”), retroussant leur robe avec une consommation féminine (“pour jouer à saute-mouton, se cramponnant les uns aux autres, secoués d’une hilarité épaisse et fausse, se donnant des tapes sur le derrière, riant de leurs grossières malices, s’interpellant entre eux avec des surnoms familiers, chuchotant deux par deux, la main devant la bouche”), chacun d’entre eux traçant de sa voix séparée à travers le vent fort des algorithmes à partir de la théorie esthétique de saint Thomas, l’un tout à la vue de l’espace, l’autre tout à l’ouïe du temps, et cætera… ceci :
Aïeul Colomb 3 - Ligne de Don Qui Domingo
Date du document : 1992
Ce texte figure dans Quartiers de ON ! paru en 2004 aux éditions Verticales, augmenté de ses étoilements plastiques, inserts et éléments sonores.
Christo Foro
Déjà Christ lui-même, et cheminant pauvre avec son fils Diego, cassant la glace ou jetant les cendres dans le vide, construisant de mini-tactiques de guérillas contre la Dépression (sortir dans le froid, rencontrer son corps, rendre visite à un marin de Moguer pour retrouver sa voix), et tombant à genoux sur les marches du monastère et couvent de La Rábida, implorant de l’eau et du pain pour son fils et demandant à être reconnu dans ses folles aspirations.
Et l’étant enfin grâce à Juan Perez le prêtre-ouvrier-mécano (vie ordinaire et limitrophe) et à ses courriers vers Isabelle. Et cette expansion de Noël reconquit Grenade. Mais si un écuyer ne l’avait pas rattrapé au Pont de Pinos, l’Amérique n’existerait pas.
Marco Polo a regonflé le disque de Macrobius et les moines eux-mêmes arrondirent la Terre en dépit des Rois Catholiques.
Christo a vu les photos qu’il a rapportées de Cipangu et les idéogrammes de Cambalu ; c’est depuis Sagres que les limites du monde ont reculé.
Et toutes les flèches différentes volent pour se confondre dans le même horizon : Herman, Cortès, Francisco Pizarro, Vasco Nuñez Balboa, Alvarado : il s’agit de prendre l’Islam à revers avec l’aide du “Prêtre Jean”, à moins qu’il ne s’agisse déjà d’Arthur, en Abyssinie.
ON : Parcours
Date du document : Décembre 2007
Sphère Biographique. La Fin.
O. N. est né en 1948. Origines : Cuba, Andalousie, Tziganes.
1954 : En même temps que l’écriture, la Cosmologie se met en place, de façon secrète.
À partir de 1966 On fait des études de photographie, marqueterie, reliure, et se prépare à devenir bibliothécaire avant de se diriger vers les arts plastiques.
De 1966 à 1968 On est producteur d’émissions radiophoniques et crée le premier café-théâtre de province où On expérimente ses premiers essais dramatiques (sous l’influence notamment de Jean Vauthier, qu’On rencontre alors), et où ont lieu des représentations d’Arrabal, Gripari, Obaldia, et des montages poétiques autour de la Beat Generation, le Dadaïsme, Cendrars, etc. On est assistant-décorateur d’Andréou sur le Don Quichotte de Paisiello et participe à Sigma (Bordeaux), mais également à des travaux dans le cadre du tout nouveau Service de la Recherche situé alors Centre Pierre Bourdan. En dehors de ça happenings. Travaux de décoration théâtrale à l’étranger. La Cosmologie se cristallise sous forme d’un délire mystique et se constitue en Cinq Continents, mais reste une élaboration secrète.
Aube à Deux Ans - Les Adolescents. Ligne d’Aube. Hiver
Date du document : 1978
“Il va réveiller la fille !” elle entend. Elle se souvient de sa mère disant cela une nuit où Jean-Paul s’était mis à pleurer.
Mais non elle ne dort pas. Elle a deux ans à peine et elle entend qu’on parle d’elle et elle l’entend lui, qui pleure.
C’est son premier souvenir, clair, net, précis. Ils dorment tous les quatre dans la même chambre.
Aube est dans un lit de fer forgé peint en blanc, habillé d’un tissu bleu sur lequel elle regarde, lorsque le jour se lève ou pendant les siestes, les petits motifs rouges et jaunes cernés de filets noirs.
Elle y voit des balles, des ballons. Il y a des chiens aussi, quelques oiseaux, des poissons.
Aube à Tokyo - Les Adolescents. Ligne d’Aube. Terre
Date du document : 1978
11 000 mètres d’altitude. 900km/heure. Passage le long du cercle polaire, soleil de minuit, nuit pincée entre la lumière du couchant et celle du levant. Intense humidité stagnante. Nuit. Shinjuku.
Aube écrivait à Monique (qui aurait dû venir) que son expo à Tokyo le 26 août faisait partie de “Femmes et Histoire”. Mr Yamagishi lui offrait le luxe de montrer des morceaux de peau et de chair dans une galerie. “Les femmes ont créé 52% de toutes les formes de pensée humaine ; que les hommes assument au moins les 48% qui leur restent !” Elle avait envoyé un télégramme à l’ambassade de Russie Bd Lannes pour le soutien des femmes russes en lutte comme elle en enverrait quatre ans plus tard encore pour éviter le séjour en camp à Nathalia Lazareva. À Shigel elle avait dit : “You are not living in my body.” et “J’ai le droit de briser l’ordre des chapitres.”
À Tokyo elle fit de l’Ikebana avec Yemoto et d’autres Senseï ; mais tous ces Senseï et ces dames très courtoises de la bourgeoisie l’agaçaient comme un rebrousse-poil électrique sur un pelage de chat. Elle avait amené de la poudre de cacao Van Houten et du sucre en poudre pour leur faire des crèpes comme ils aimaient quand ils logeaient chez elle rue de Lancry pour des stages à Paris, avec Sankai Juku. En sortant dans la rue elle avait parlé avec un jeune garçon qui faisait partie d’un groupe politique contre la bombe atomique. Dans la rue elle acheta tout un tas de coupes, de bols et de baguettes. “Les choses, quand elle sont juste perçues, ne sont pas encore cochées.” Plutôt le futur pour son texte de présentation : “Les traversées des apparences se feront là, à travers ce gris.”
ON ! à Lyon n°2. Louis Watt-Owen
Date du document : Décembre 2007
Nice ! - Les Adolescents. Ligne d’Aube. Autres villes
Aube et La Sauvetat - Les Adolescents. Ligne d’Aube. Lycée
Hermana : la mère Goyer, la mort de Prosper - Les Gras. Ligne de La Grosse
Date du document : 1975
Prosper bombarde de bonbons - Les Gras. Ligne de Prosper
Joyelle & Hill. Terre - Les Adolescents. Le Parc
Ce texte figure dans Quartiers de ON ! paru en 2004 aux éditions Verticales, augmenté de ses étoilements plastiques, inserts et éléments sonores.
Hill et Joyelle
(Hill)
Patère, patère extrêmement creuse, patrimoine en soufflant ; la place du 14 juillet, pendant que les noirs mariés en blanc et frappés de stupeur se font filmer en couleurs devant les motifs du Parc ; le poudroiement du jet tournant, l’eau devenue vapeur, à la hauteur de ce phallus, de dos : un buste au-dessus du parterre massif de fleurs essentiellement rouges, roses et blanches. Tournoiement du jet d’eau, avec un frottement délicat continu, différant de ceux qui tournent par saccades ; frottement velouté flûté, près du flottement.
(et)
(Paradis où l’orgasme dure plus que les mille siècles que met un cheval à traverser l’ombre des arbres gigantesques de ce parc, de ce jardin-là. Parcadis. Îles ou Montagnes des Bienheureux qui grognent, où ça sent la sueur et le roussi, où les Indiens veillent, où l’on craindrait en arrivant d’être pris pour l’un de ces producteurs de borborygmes ou métèques sans droits.)
(Joyelle !)
Maman Lambrée au 30 novembre 2007 - Les Adolescents. Bordeaux-Paris
Date du document : 1975
Le Libraire Polyglotte (Les Deux Évangélistes) - Les Adolescents. L’Académie
Date du document : 1967 & 2000
Description d’un couple correct - Livre Poétique de Nicolaï. 1964-68. Poème n°23
Date du document : 1965
23. Description d’un couple correct
Jo ! Tout en paillons, le nez bleu, les pieds gelés,
Où s’en va-t’il donc désodésarticulé
Qui déploie son chocolat si beau de barrière ?
Vois-le s’enflant, envahir partout du derrière !
Qu’on regarde, violent et clair, surpris et dur,
Le beau récit, extrait puant de béton pur
Fourmillant vert, mousse d’esprit rêvée, d’idées
Qu’il fait, se dégageant par blocs et non ridées !
Enfin d’accroupissure, écarlate son Ouf !
Et puis s’assoit dessus de prose, comme un pouf.
Bruges en lambeaux - Brouillon de Poème
Date du document : 1966 et Octobre 1969
Ce texte, qui n’est qu’un fragment d’un plus grand texte, s’intégrait dans un projet demandé en 1969 par le Service de la Recherche (situé alors Centre Pierre Bourdan) ; il fut utilisé en partie bien des années après dans une émission des Nuits Magnétiques consacrée à Bruges.
D’autres morceaux allèrent nourrir le Livre Poétique de Nicolaï.
Suivent une notation rapide et une lettre de Nany à Aube, de la même époque.
Isabelle Revay
Ligne des Adolescents. - 1967. Dits d'Elles
Date du document : Novembre 1968
(Zinaïda) Alors il pleut beaucoup ; beaucoup de vent, un vent chaud. Le matin Nicolas me porte une jacynthe blanche. C’est Nicolas qui a eu l’idée d’une roulotte de théâtre à travers la France. Nany c’est plutôt le Moulin. Peut-être que nous fuirons dans le Nord comme Prosper ! C’est une idée d’Henri. L’anatomie du Parc Bordelais est très belle sous le soleil. Antón et Nicolaï arrachent des pancartes sur tout le trajet. Il dit qu’il ne sait pas même où il va ! Il pense sans cesse à son roman.
(Aube) Samedi matin il pleut, je couds, je lis des poèmes. Le repas a été assez peu supportable ches les cousins Artaud, à cause de Jacquie, de leurs grands-parents, d’Annie et surtout de cet abruti de Bambi, un de leurs copains ! Ils ne savent toujours pas qui a tiré des coups de fusils dans la vitrine l’autre nuit ; les gendarmes ne leur ont rien dit. En modelage statuaire il me donne une jonquille. Il m’a parlé de Lulu, la tante de Nycéphore qui était voyante et qui guérissait les “envies”. Il m’a donné un poème sur elle de Nycéphore.
(Lydou) Toujours tous les jardins à pieds, sans cesse, malgré sa fatigue. Ensuite nous allons tous deux chacun chez notre docteur ! (Il tousse encore beaucoup !) Le docteur nous parle d’un de ses collègues un peu fou, près de l’église Saint-Augustin, qui cherche à créer un cerveau infini : ça intrigue Jean. Sans cesse, allers et retours : Le Styx, les Abattoirs, la Cathédrale, le Jardin Public. Il parle de “L’Homme au crâne rasé”, de “La Source”, de “La Fin”.
(Aube) On pose pour des croquis habillés les uns les autres dans la salle de gravure ; il me fait la tête, mais il finit par me graver. Il veut repartir voir Nicolas à Paris ; j’insiste pour qu’il reste. Nous restons un moment accodés ensemble à la fenêtre de notre classe de fusain de l’an dernier, notre première année ! Il allait me dessiner lorsqu’il a soudain vu que je ne le choisissais pas pour modèle !
(Ramona) Il me souhaite ma fête avec un bouquet de violettes et un pot de sangria. Il boit énormément. Il complètement rompu avec sa famille ; il n’est pour ainsi dire jamais à Ste Monique. Nous n’allons pas au “Pétanque” ; il a su que je posais nue et ça l’a rendu furieux. Il fait beaucoup de vent le soir ; voilà deux jours il faisait beau sur les quais, le jour où l’inspecteur est venu.
Le Manifeste - Les Grands Ancêtres. Ligne de Don Qui. Île de Staphysagria
Cuba au Cube (Vigo, Klein, Isnard) - Les Grands Ancêtres. Ligne de Don Qui
Date du document : 1989
Ce texte figure dans Quartiers de ON ! paru en 2004 aux éditions Verticales, augmenté de ses étoilements plastiques, inserts et éléments sonores.
Voix d’OR
Été
(Ailleurs Colomb Croix Rouge !
Toujours Ailleurs les Enfants Croisés !)
Bain de l’Été répandu pulvérisé sur les muscles.
Tintin l’Aventurier Croix-Rose.
En 1946, il prend le Ciel, le Grand Ciel pur des punctures, et laisse la Terre à Claude Pascal
Monoton Son Mysticisme absolu sans Objet
Judao ! Waana ?
Plus loin : voix de l’Arc. Au-delà : zébrures Zen.
Dans ce monochrome YKB : fond Giotto.
L’assaut de vernis retenti dripping, au bord des auréoles, des drappés nocturnes, dans un squash des veinules. Cœur frappé ? Ça sert à quoi ? Inutile incendie de soi, gaspillage… Yang en excès. Folies désordonnées. Danse hystérique dans le salon. Rien de commun dans le cerveau ; même pas le sens. Peut-être initier plus tôt au Tragique, à la Prosopoppée dans le petit théâtre de bois peint construit derrière, à la hâte, sur la butte, au lieu de tout ce temps perdu, tout ça… (pffhvtt !)
Mathona parvient à Paris - Les Enfants. Ligne des Orphelins Colporteurs
Colomb 1 & 2 et Long John Silver - Les Grands Ancêtres. Ligne de Don Qui. Les Aïeux de Don Qui
Date du document : 1991
Ce texte figure dans Quartiers de ON ! paru en 2004 aux éditions Verticales, augmenté de ses étoilements plastiques, inserts et éléments sonores.
Colomb suivi de Long John Silver
Du boulevard les grises balayures s’étaient enfin enlevées de nos yeux, malgré nos regrets de cet amour tangentiel des croupes, dont la rotondité ne sert qu’à mieux compresser notre organe, en nous en étant déjà de nous-même défait, sans même y avoir pénétré.
Le signe du soleil fondant après les derniers bois était aussi celui où le vent redoublerait vers les reins (heureusement garnis de flanelle), en prenant pour ricochet la glaciation des ondes vipérines. J’étais enfin libre de faire jouir mon corps et mon âme (…………) des mêmes nervures de coque, défait du port où l’immonde silhouette d’un barbotis flasque disparaissait avec le bruit des chaînes qu’on mouille
Mais à peine passé le port, où le vent tombait, le soleil masqué jusque là rebondit au-delà de la fin de l’après-midi ! comme si nous changions d’univers ; la fatigue, la grande fatigue qui est la mienne, ajoute une grande saveur de viande meurtrie et d’os brisés à tout.
Argonautes 1 & 2 - Dieux et Antiques Héros
Bouillons du Dernier Cri - Livre Poétique de Nycéphore 1968-1984. Futur Antérieur. Poème n°15
Date du document : Fin 1969
15. Bouillons du dernier cri
La supposition est mince :
On voit clair !
À travers la barbe puante de poisson
Du moujik voleur de chevaux ;
Zinaïda la première.
Mille falots des exilés qui passent
Sur la grand’route de Sibérie,
Chaînes aux mains et aux pieds :
Promenade aux flambeaux des spectres.
Sur les côtés : cavaliers sabre au clair, révolver au poing.
Ombre.Cádiz. - Livre Poétique de Nycéphore. 1968-1984. Poème n°14.B.
Date du document : Août 1969
B. Cádiz
Des deux côtés de la route modeste : aceituneros, gaditans.
Plus loin : le cantaor,
Trou frais du soleil dans la toile ;
Gammes de l’ombre, noisetiers.
Tremblante de lentejuelas de oro,
Sa voix de Málaga !
Plus de cortèges à travers les volets
Ni sur les terrasses,
Dès qu’il chante ;
Sucs du vent et chaos des restes.
Carrés de pins, lignes de craies,
Virgules d’encre sur les ciments, vers la mer.
L’aveugle de loterie cesse les secouades sèches de sa sébile
De fer blanc, sur le trottoir.
Ombre.Buenos-Aires. - Livre Poétique de Nycéphore 1968-1984. Poème n°14.A.
Date du document : Fin 1969
14. OMBRE
A. Buenos-Aires
Avenida San-José :
Escabullisada !
San Martín : froid précieux du houx vert ;
Et le givre, tel qu’après un long sommeil.
O Argentina, tu fus toujours passive
De l’autre côté de la frontière, espérant,
Ocaro !
Nous on habitait plus haut
Sur le Monte Cristo.
A Buenos-Aires,
Rouilles géantes et sublimes,
Tous mes membres tremblent de prose.
D’une lenteur ébouriffée,
Depuis que j’ai quitté les huches d’abeilles,
Je refoule mes petites peaux contre les ongles ;
Calle Domingo s’enfonce en Automne
Dans une nuit logique de nacre, épaisse,
Usure honnête des familles, les feuilles,
Les boues…
On quémandait devant les bains publics,
Chambres ouvertes,
Les mosaïques mauves,
Pour pouvoir sauter dans le tramway en partance
(Le globe-trotter est-il vraiment mort ?)
Ombre.Ici. - Livre Poétique de Nycéphore. 1968-1984. Poème n°14.C.
Date du document : Fin 1969
C. Ici
Le soleil roule après les remparts ;
Comme on est malheureux dans ces caisses sanguines
Que le savon irrite !
Paralysie partielle loin des vitrines
Des anciennes races alourdissant ta lèvre ;
Machine pure, et déja hypocrite !
La Descente au Jardin - Livre Poétique de Nycéphore 1968-1984. Poème n°11
Date du document : Pâques 1969
11. La Descente au Jardin
Allons ! Totalité frugale,
Premier jour !
Toutes brillantes des ondées du rêve,
Offertes dans l’urne du matin,
Devant,
S’envolent, claquent,
Les tourterelles !
On ne revient jamais aux mêmes endroits du jardin.
(Toujours j’y replonge !)
Tête envolée sous le figuier
De dahlias, couleurs et désordres…
(Là-bas
Quatre Pavillons
Quinze mois,
Dernier somme ;
Masse de boue devers l’École ;
Carte des tertres de hasard.)
Le tilleul, puis
La touffe d’arums, puis
Le ciel d’eau intangible et nue,
Plus noire que sapinière.
L’Arrivée à Bordeaux dans le Tournant de 17 - Les Grands Ancêtres. Ligne de Vivien de Nérac
Une version totalement erronée de ce texte avait été donnée ici précédemment à la suite de disjonctions informatiques ayant effacé certains passages et interverti des paragraphes.
Cette version est la seule définitive de l’auteur.
Isabelle Revay
Anastasie, l’Anesthésie - Les Grands Ancêtres. Ligne de Vivien de Nérac
Verdun & Avant - Les Grands Ancêtres. Ligne de Vivien de Nérac. Verdun & Avant
Tout doit disparaître !
Date du document : 2007
Voilà ce qui était écrit sur le calicot, l’immense banderolle ballante dans le grand hall de marbre blanc aux vitres brisées de “Isla de Os”, cette sorte de domaine fabuleux, banderolle déchirée par endroits, salie, et que le vent passant malmenait par bouffées, au milieu des restes fossiles et des entassements de boîtes d’archives parmi d’autres colonnes de papiers en partie effondrées, des cadres soucieux ou brisés contenant des peintures, une grande diversité de vieux meubles de rangement en mauvais état, une incroyable collection d’œuvres d’art de tous les pays, et tout au fond une grande caisse en bois de la longueur d’un homme allongé et de la hauteur d’un garçon de douze ans, fermée partout sauf sur sa face avant, avec une séparation horizontale comme pour y dormir, si elle n’eut été encombrée d’une quantité de cartons à dessins, de plaques de bois et de métal gravées, de calligraphies enroulées et de toutes sortes de feuilles de papier en vrac.
(lire la suite…)
Le Coffre de Cuba
Date du document : 2007
Sphère Biographique. Inventaire Final.
Contenu du Coffre de Cuba
Contrairement à ce qu’avait cru voir dans un premier temps Isabelle Revay, le coffre de Cuba contenait un double fond dont Alcide Bali et moi avons fait l’inventaire.
En surface on trouve empilées à droite diverses sortes de paquets de cigarettes aux marques inconnues : “Everest”, “Attack”, “Old Toad” ou “Saint Georges” et “Saint Michel”. En réalité il s’agit de bâtonnets de chocolat au lait.
(lire la suite…)
Onuma Arpenteur-Cosmographe - Les Adolescents. Cádiz
Dits du Groupe - Les Adolescents. Paris-Cádiz
“En-Trains” - Ligne de Lydou & Jean. Été
Lancé à toute vitesse - Les Escholiers Primaires. Ligne Nicolaï. Terre
Taxi de Groupe - Les Adolescents. Bordeaux-Paris Académie
Date du document : 1972
Si je suis vivant - Les Adolescents. Bordeaux-Paris Académie.
Date du document : 1972
5 Octobre 1914. Frantz. - Les Grands Ancêtres. Ligne de Vivien de Nérac
Alcazar 1918 - Les Grands Ancêtres. Ligne de Vivien de Nérac
Zone Mixte des Alliages - Les Grands Ancêtres. Ligne de Vivien de Nérac
Voyous d’Ornano - Les Escholiers Primaires. Extension de la Ligne Nicolaï
Le Conflit du Milieu - Les Grands Ancêtres. Ligne de Vivien de Nérac
Index dispersé par les Obus - Les Grands Ancêtres. Ligne de Vivien de Nérac
Date du document : Hiver 1992
Août 14 ou Le Complexe du Homard - Les Grands Ancêtres. Ligne de Vivien de Nérac
Date du document : Août 2000
Ligne de l'Astronome. L'Été - Le Concours de Bourran
Date du document : Entre 1984 et 2000
Feux de Champagne-Artois 1915 - Les Grands Ancêtres. Ligne de Vivien de Nérac
Jo, Roi Brian Boru Pater Porc et la Matrule - Les Cinq Continents de Nycéphore. Cinquième Continent des Enfers
Date du document : 23 Septembre 1966
Enfants - Les Cinq Continents de Nycéphore. Deuxième Continent des Terres
Date du document : 26 Juin 1966
Campagnes - Les Cinq Continents de Nycéphore. Deuxième Continent des Terres.
Date du document : 1966
Les cinq continents sont la première division du monde de la Cosmologie. Ils sont écrits par Nycéphore et ont pour pendant dans l’Œuvre de Nicolaï “Dédié, Journal de Bord” destiné à Nycéphore et contenant également de longs poèmes.
Ici l’on trouvera les trois premiers poèmes du Second Continent, celui des Terres.
L’ensemble fait partie du Cahier des Études.
Isabelle Revay.
La Jeune Juive - Livre Poétique de Nycéphore 1968-1984. Futur Antérieur. Poème n°34
Date du document : Mars 1983
34. La Jeune Juive
L'Hiver, sucre lent qui fond, on erre, jusqu'à se taire,
Se terrer. L'air qui languit et qui tourne, c'est celui de
La jeune juive
Au-dessus des sombres nations, au fond de la vallée de la Ruhr.
« Oh ! Toute cette chute d'hosties vives dans la bouche, ce sont
Les gateaux de mon père pour les Pâques,
Les vitraux froids par endroits de l'Évangéliste
Mais d'une telle grâce !
Fin d’Été - Livre Poétique de Nycéphore 1968-1984. Poème n°21.
Date du document : 30 Décembre 1969
21. Fin d’Été
Des pins au carré maître où le dais se brise
Jusqu’aux vergues en croix de misaine,
Mâts que la foudre électrise quand Eux pleuvent pas !
Et poète qu’on ridiculise sans place, privé de plaies…
(«On s’en foutra, vers La Meuse, la Mienne !»)
Été - Livre Poétique de Nycéphore 1968-1984. Futur Antérieur. Poème n°20.
Date du document : Août 1969
Tu sortais du bas des immeubles
Courante au soleil près des bulls, dans la poudre,
En claquettes et maillot marin à rayures
Bleues, et les taches de rousseur.
Les soirs passés dans la dune
De Laredo : des olives, c’est tout ;
Pas un sou.
Rien ne reste à la haine des vignes
Où les chevaux de frise boivent les taches
De doux songes de plâtres.
Chaos 4 - Cortèges du Roman Mort
Date du document : 2000
La mise en page et les illustrations ne sont pas définitives.
Chaos 2 - Fero
Date du document : Entre 1984 et 2000
La mise en page et les illustrations ne sont pas défintives.
Chaos 1 - K. O.
Date du document : 2000
Version non définitive en ce qui concerne la mise en page et les illustrations.
En forme d'Éditorial - Le Dit d'Hier et des Deux Mains
Date du document : Aujourd'hui
Le Dit d’Hier et des Deux Mains
Les deux prêtres discutent dans la pièce et je ne suis pas là. C’est cinq ans avant que j’apparaisse dans ce monde ; il est question de la Vallée des Ombres, de la Chine, du musée des Horreurs avec cordes et hâches qui ont servi à tuer, et de cette image d’un chien qu’on a chassé mangeant un étron trop glaireux sur les traces du Christ et faisant la grimace ; il y a des fleurs qu’on voit dans le jardin par la croisée et je n’existe pas.
(lire la suite…)
Six Poèmes de Décembre 1968. C. La Montée - Livre Poétique de Nicolaï. 1968-1984. Pressent. Poème n°6C
Date du document : Décembre 1968
C. La Montée
Elle a cheveux de baillon tendre
Ramenés par ma main dont l’odeur…
Bruns, roux, forts, doux !
Œuvrée contre moi quand ses lèvres
De cruauté sur le morfil,
Or visible par la fenêtre
Où les yeux de l’Été pénètrent.
Parmi les fleurs elle est terrible !
Chaleur déversée des fumiers,
Nuque mordue au fond des greniers.
Nacre et ventre,
Étoiles de lait,
Cuisses ! Serpents, lianes,
O sa toilette, Osyris,
T’as vu ? !
Six Poèmes de Décembre 1968. B - Livre Poétique de Nicolaï. 1968-1984. Pressent. Poème n°6B
Date du document : Décembre 1968
Six Poèmes de Décembre 1968. A. Béthanie - Livre Poétique de Nicolaï. 1968-1984. Pressent. Poème n°6A
Date du document : Décembre 1968
A. Béthanie
J’ai 22 ans ; j’suis interné
Depuis deux ans. Pas de problêmes. Sont
Salement les mots qui partent d’ici
N’empêchés. Une fois fixés ils sont
Plus durs que béton : c’est embêtant !
Elle a menti ?
Summer - Livre Poétique de Nycéphore 1968-1984. Poème n°10
Date du document : 14 Février 1969
10. Summer
En boucles vers le summer, loin dans l’herbe
(Arvers, hunette en aventure),
Force des bataillons : elle à son môle,
L’autre au son noir attentif sous la cendre
Aux abois parmi les épines chues sur le sable.
Loups - Livre Poétique de Nycéphore 1968-1984. Poème n°9
Date du document : Janvier 1969
Ce poème a paru en 1969 dans “Mangane”, la revue des Voyous de Saint-Michel et fut diffusé également en radio.
Isabelle Revay
EZ’ - Livre Poétique de Nycéphore 1968-1984. Poème n°12
Date du document : Juin 1969
Ce poème a déjà été publié dans la revue “Mettray”.
Maison Lulu - Livre Poétique de Nycéphore 1968-1984. Poème n°8
Date du document : 31 Décembre 1968.
Feuilletons
Date du document : 1969
Serbes ! - Livre Poétique de Nicolaï. 1968-1984. Poème n°9
Date du document : 19 Février 1969
Age R - Livre Poétique de Nycéphore 1968-1984. Poème n°3
Date du document : 1968 et 1970
Now Snow ! - Livre Poétique de Nycéphore. 1968-1984. Futur Antérieur. Poème n°7
Date du document : 31 Décembre 1968.
Ce poème figure dans l'ouvrage “Quartiers de ON !”
Isabelle Revay 4. Now Snow
Adieu !
Façon dont l’omoplate bouge ;
Au-dessous ce désordre invraisemblable de sens :
Rouilles, buissons, vignes rouges
Sur le bassin du paysage cliché.
Adieu !
En retournant la tête vers
La nostalgie hivernale des cinco
En fixant la nécessité de refaire
Toute la langue et tout l’Univers en même temps (Chinois)
Adieu !
Anna Livia
«Vers la terre où coulent à flots le lait et le miel»,
Vers le mythe avant sa déception,
Vers les jambes avant leur faille,
Dans leur mouvement !
Adieu !
De la terrasse du château Neuschwanstein
Vers le paradis de la terre noire en bande
Et les landes plus ou moins grises
Et l’incertitude des rochers
(Abrupts ou autres) ;
Vers la vue non déçue, sans lange,
Vers le paysage sans mot :
Génial, donc innommé.
Joie Élevée - Livre Poétique de Nicolaï 1968-1984. Pressent. Poème n°3
Date du document : 1968
A. Charente
Monsieur Voiture
Fait son aventure
Que Nicolas
Dégueulass.
Hiver - Livre Poétique de Nicolaï 1968-1984. Poème n°7
Date du document : Décembre 1968
Les poèmes des Livres Poétiques sont indiqués ici par leur numéro, chaque poème correspondant au poème qui porte le même numéro chez le frère “en face”.
Isabelle Revay.
Le Génie de la Neige - Livre Poétique de Nicolaï 1968-1984. Poème n°8
Date du document : 1969
Les poèmes des Livres Poétiques sont indiqués ici par leur numéro, chaque poème correspondant au poème qui porte le même numéro chez le frère “en face”.
Isabelle Revay.
Mythes et Rages - Livre Poétique de Nicolaï 1968-1984. Poème n°2
Date du document : Août 1968 et fin 1970
Mythes & Rages - Livre Poétique de Nycéphore 1968-1984. Poème n°2
Date du document : Août 1968
2. Mythes & Rages
A. Z
La Noire Épouse de Mars ;
(Rapide différenciation sous les pêchers et les cerisiers en fleurs.)
La porte démolie, la couleur brune ;
Le studio divin défait & sale.
« Huan Ta Pu Na O ! »
Xuoti et Tlaloc.
Vite, le Matin des Orgies
De la Colêre des Auteurs, sinon…
Tous leurs thrésors, aussi mignons que Périmèle,
Doivent être tirés de Naos vers l’Autel
Et immolés !
lire la suite…
Innocence - Livre Poétique de Nycéphore 1964-1968. Texte n°37
Date du document : Juin 1966
Toussaint - Livre Poétique de Nycéphore 1968-1984. Texte n°13
Date du document : Hiver 1970
Souris ! - Livre Poétique de Nycéphore 1964-1968. Texte n°39
Date du document : Décembre 1967
Croisée - Livre Poétique de Nycéphore 1964-1968. Texte n°38
Date du document : 9.12.1967
Les Postures. - Par Maître Ho
Date du document : 1980
— J’ai très simplement tendance à considérer les postures comme une modulation plutôt que comme des moules fixes.
Une série de variantes déployées dans un cercle qui va, disons, de zen-kutsu à kiba-dachi, chacune représentant un angle différent.
S’il est facile de saisir pour un pratiquant le glissement dans un sens ou l’autre entre nekko-achi-dachi et ko-kutsu-dachi, cela peut être aisèment étendu (et pour ma part je l’ai fait) en gardant trois constantes : position verticale du tibia, position à demi avancée, le genou surplombant la moitié du pied ou position avancée genou au-dessus du gros orteil.
Crise - Livre Poétique de Nycéphore 1964-1968. Texte n°8
Date du document : 1964
Livre Poétique de Nycéphore
Les poèmes des Livres Poétiques sont indiqués ici par leur numéro, chaque poème correspondant au poème qui porte le même numéro chez le frère “en face”.
Isabelle Revay.
L'Automne de Paris - Livre Poétique de Nycéphore 1964-1968. Futur Antérieur. Texte n°7
Date du document : Automne 1964
Les poèmes des Livres Poétiques sont indiqués ici par leur numéro, chaque poème correspondant au poème qui porte le même numéro chez le frère “en face”.
Isabelle Revay. 7. L’Automne de Paris
Mon Dieu, ayez pitié de ce gouvernement
Très sain ; faites fleurir l’ombre sur les cafés.
J’aime les amoureux et les aucunement,
Les promesses qu’on dit et le caca qu’on fait !
Longtemps c’était le soir pendant cette saison ;
On vidait des cageots sur le bord des trottoirs,
On trottait tout le temps jusqu’à sentir le soir
Envelopper les reins des femmes sans un son.
Plafond des Dieux - Livre Poétique de Nicolaï. 1968-1984. Poème n°1
Date du document : Été 1968
Livre Poétique de Nicolaî
Les poèmes des Livres Poétiques (1964-1968 et 1968-1984) sont indiqués ici par leur numéro dans chaque volume, chaque poème correspondant au poème qui porte le même numéro chez le frère “en face”.
Isabelle Revay.
Futur Postérieur - Livre Poétique de Nicolaï. 1964-1968. Poème n°2
Date du document : 1964
Livre Poétique de Nicolaî
Les poèmes des Livres Poétiques (1964-1968 et 1968-1984) sont indiqués ici par leur numéro dans chaque volume, chaque poème correspondant au poème qui porte le même numéro chez le frère “en face”.
Isabelle Revay.
Octobre - Livre Poétique de Nicolaï. 1968-1984. Poème n°4
Date du document : Octobre 1968
Livre Poétique de Nicolaî
Les poèmes des Livres Poétiques (1964-1968 et 1968-1984) sont indiqués ici par leur numéro dans chaque volume, chaque poème correspondant au poème qui porte le même numéro chez le frère “en face”.
Isabelle Revay.
La Mouche - Livre Poétique de Nicolaï. 1964-1968. Poème n°4
Date du document : Été 1964
Livre Poétique de Nicolaî
Les poèmes des Livres Poétiques (1964-1968 et 1968-1984) sont indiqués ici par leur numéro dans chaque volume, chaque poème correspondant au poème qui porte le même numéro chez le frère “en face”.
Isabelle Revay.
École Toussaint - Livre Poétique de Nicolaï. 1968-1984. Poème n°5
Date du document : Novembre 1968
Livre Poétique de Nicolaï
Les poèmes des Livres Poétiques (1964-1968 et 1968-1984) sont indiqués ici par leur numéro dans chaque volume, chaque poème correspondant au poème qui porte le même numéro chez le frère “en face”.
Isabelle Revay.
L'Abordée - Livre Poétique de Nicolaï. 1964-1968. Poème n°3
Date du document : 1964
Livre Poétique de Nicolaï
Les poèmes des Livres Poétiques (1964-1968 et 1968-1984) sont indiqués ici par leur numéro dans chaque volume, chaque poème correspondant au poème qui porte le même numéro chez le frère “en face”.
Isabelle Revay.
L'Amante de la Meuse - Livre Poétique de Nycéphore. 1968-1984. Poème n°1
Date du document : Août 1968
Livre Poétique de Nycéphore
Les poèmes des Livres Poétiques (1964-1968 et 1968-1984) sont indiqués ici par leur numéro dans chaque volume, chaque poème correspondant au poème qui porte le même numéro chez le frère “en face”.
Isabelle Revay.
Ensemble Automne à la Revetizon ! - Livre Poétique de Nycéphore. 1968-1984. Poème n°4
Date du document : Octobre 1968
Livre Poétique de Nycéphore
Les poèmes des Livres Poétiques (1964-1968 et 1968-1984) sont indiqués ici par leur numéro dans chaque volume, chaque poème correspondant au poème qui porte le même numéro chez le frère “en face”.
Isabelle Revay.
Enfants Croisés - Livre Poétique de Nycéphore. 1968-1984. Poème n°5
Date du document : Novembre 1968
Livre Poétique de Nycéphore
Les poèmes des Livres Poétiques (1964-1968 et 1968-1984) sont indiqués ici par leur numéro dans chaque volume, chaque poème correspondant au poème qui porte le même numéro chez le frère “en face”.
Isabelle Revay.
Votez Dumas !
Date du document : 1848
Les Thaïs Hollandais - Brilleman-Paturel
Date du document : 2007
Vous avez parlé l’autre jour sur votre site du gymnase de la Porte Pouchet à Paris, et bien j’y ai vu les premiers thaï-boxeurs qui curieusement étaient des Hollandais, champions dans le domaine sans se prétendre des kami. Ce n’étaient ni Akebono ni Takamiyama chez les Sumoka.
Je connaissais Paschy que j’avais rencontré par l’intermédiaire de Didier entraîneur de l’équipe de France, lorsqu’il faisait ses premiers essais au cinéma.
Il me semble que c’est en 1979 qu’il a organisé une première rencontre entre des hollandais formés à la boxe thaï et des français (qui n’y connaissaient pas grand’chose).
Je me souviens surtout du combat de Brilleman (qui allait devenir, du reste, champion du monde de kick-boxing) avec cette capacité de ripostes foudroyantes.
Les premiers français ont dégagé comme si de rien n’était.
Anhelo - Les Cinq Continents de Nycéphore. Deuxième Continent des Terres.
Date du document : 1967
Ce poème (“Désir Violent”) surimpose les errances d’une figure Christique et de ses vagues apôtres désertiques à ceux de Fidel Castro sur la carte de Cuba.
L’ensemble fait partie du Cahier des Études.
Isabelle Revay.
Perceval - Livre Poétique de Nicolaï. Texte n°5
Date du document : 1964
5. Perceval
Fouaille dans les faveurs que je voudrais encore,
Le rubis, loups brasiers, du Graal des tournois ;
Et contre ma poitrine, aux mouvements d’émois,
Colonnes des Lucies que les Anges picorent.
Entretien avec Maître Ho - Documents de la Cellule Sabaki
— Quand est-ce que vous avez connu Onuma Nemon ?
— Je l’ai connu lors d’une compétition au stade de la Porte Pouchet, à Paris, dans les années 70. Très bon ! Mais il n’a pour ainsi dire pas fait de compétition, sinon universitaire, amicale. On aura su apprécier assez tôt, voir ses qualités inventives.
— Du reste, le karaté à cette époque-là était essentiellement universitaire ?
— Oui, c’était un moment de grande utopie. Je crois même que certains venaient pour apprendre le cri qui tue ou acquérir les méthodes infaillibles de Nat Pinkerton. On fréquentait les dojos comme les bibliothèques. C’était en tout cas une époque de recherche, d’expérimentation dans les arts martiaux tout à fait extraordinaire. Il y avait beaucoup d’échanges d’école à école. Oui, oui, on essayait beaucoup de choses qui paraîtraient peu orthodoxes aujourd’hui !
— De quelle école était-il ?
— Je crois savoir quelques petites choses sur sa biographie, et en particulier qu’il a abordé le karaté avec le shotokan comme à peu près tout le monde à ce moment-là, au tout début de sa découverte en France, avec Me Kase, rue de la Montagne Ste Genevière, en 65 ou 66. Nous n’étions pas dans le courant international, alors ! Puis vers 67, 68 peut-être, avec le Burdigala Club de la police à Bordeaux, ensuite avec Me Murakami et le shukokaï.
De là il a rencontré à Paris au Club Corvisart Truong et Dang, deux élèves de Me Nambu, créateur tout récent du sankukaï. Et c’est une école qui lui correspondait parfaitement physiquement : standard-stance, les esquives taï-sabaki, tenshin jodan-uke, tenshin gedan-baraï, tout en cercles, ce qui compte, très beau !
Ensuite il n’a pas suivi le Nambudo, trop éloigné du contact pour lui, que j’aimais pour d’autres raisons. Mais peu importe.
Entretemps il a travaillé avec Tokitsu, Kamahora, Tsukada… J’insiste encore, mais ce sont ceux qui cherchaient dans des directions nouvelles en France.
Portrait de Tsukada, Nambu et quelques autres - Article de la revue DAO
Maître Tsukada était vraiment l’inverse du gymnaste bio et refoulé à la Rouet. Dans les stages organisés par Maître Nambu à Calagogo ou à Martha’s Vineyard, il déambulait toujours cigarette aux lèvres en karategi court qui laissait voir des tatouages bleus et en raclant les zoori-getas, portant des lunettes fumées, les cheveux en brosse et un visage mitraillé de petite vérole. On avait l’impression qu’il était dans une aura de graffiti et qu’il sortait du quartier Yakuza.
Il était maigre mais avec une musculature d’écorché, très bien dessinée, pure objectivité avant le style de frappe, comme Truong, et il avait un kime foudroyant.
C’est du reste curieux comme à partir des années 75 à peu près la débilité de la musculation de force a repris le dessus dans les dojos français pour faire oublier leur faillite primordiale dans les arts de combat orientaux. On a voulu réintroduire les catégories de la boxe anglaise et le poids comme condition de pensée efficace.
Aube-Nany 1966 - Ligne des Adolescents
Date du document : Antérieur à 1984.
Aube-Nany 1966
Ce texte fait partie de la Ligne des Adolescents (de l’élément Feu et du Cœur) du Continent OGR, repris dans “Les États du Monde”. Il ne concerne essentiellement que l’activité de deux d’entre eux le long de l’année 1966, pris dans le groupe fluctuant de l’Académie.
Il est antérieur à 1984.
Isabelle Revay.
Cette année-là fut l’année d’Aube, et accessoirement celle de la bande au “Tonto”. Puis de deux ou trois évènements comme la mort de Catherine Brûlot, le scandale de Clémence Léllée, etc.
Cette année-là où Aube qui avait 17 ans passa en classe de 3e de l’Académie avec une moyenne de 16, elle se coucha toujours entre 23h et 1h du matin après avoir avancé des travaux attentifs qui sollicitaient tout particulièrement l’excellence de sa myopie dans le silence, une extrème concentration, comme les Études Documentaires.
S’il n’y avait pas ce genre de travaux en cours, elle poursuivait ses propres recherches de décoration théâtrale pour “Le Styx”, cet autobus peint mulicolore aménagé à l’initiative de Nicolas pour un projet de théâtre itinérant. Elle écrivait ses premiers textes dramatiques que Nany lui avait proposé de passer à la Radio (sous son nom à cause des foudres paternelles !) lisait, plus rarement écoutait des disques, écrivait aux uns et aux autres : amis, famille, répondait surtout, prenait un bain, se lavait les cheveux en faisant des essais de teinte en fonction de la lecture (“coloration Divagations”).
Ce volume est paru aux éditions Verticales, sous la direction de Bernard Wallet en 2004. On le retrouvera ici avec tous ses étoilements graphiques.