DAO

Avant-propos

Refaire - Poèmes de Typhaine Garnier

Date du document : 2023

Les textes de Refaire sont des poèmes 3 en 1, les deux colonnes pouvant se lire successivement, ou bien comme un tout fendu au milieu. Idéalement, la lecture devrait progresser simultanément dans les trois directions, ce qui est évidemment impossible.
Certes, les deux franges du poème dessinent les contours d’une faille, les bords hérissés d’une déchirure, mais cette béance centrale n’est pas que la trace tragique d’un défaut ou d’un manque, elle est aussi la possibilité du jeu, de l’indécision et de la pluralité des sens (significations et directions).
Ainsi la difficulté de lecture n’est pas une défaite programmée, c’est au contraire une incitation à circuler dans tous les sens, comme à la surface d’un tableau ou d’un vitrail.

L’ensemble, la chaîne des poèmes, progresse par boucles : chaque texte est en effet à la fois circulaire (se « mord la queue »), concentré indéfiniment sur son obsession propre (une scène, un nœud de sensations hors tout continuum), et relié aux autres par la récurrence de figures et de motifs, le tout suggérant si on veut une histoire.
« RE », fermant chaque texte et ouvrant le suivant, est le maillon, en même temps que l’emblème de cette écriture, qui s’efforce de re-configurer (non re-présenter) quelques morceaux de vie en les transformant en objets de langage partageables.
Ces objets sont bariolés, bricolés à la di-able, approximativement rapiécés… On a colmaté avec ce qu’on avait sous la main (phrases d’emprunt, bribes de chansons, scènes de films…), rafistolé comme on a pu. Le résultat, hésitant entre l’éberlué et le burlesque, fixe précairement dans une forme instable ce qui tout à la fois obsède et se dérobe.

***

(On trouvera la suite de Refaire dans le numéro de Mettray d’automne 2024, avec un hommage rendu à Mettray (à la fois la revue et le lieu). L’auteur rectifiera elle-même ces documents au fur et à mesure de l’avancée de l’ouvrage.)

Publié le 18 août 2024 dans document texte DAO

Vide-Grenier - Typhaine Garnier, dessins d’Onuma Nemon

Date du document : 2014

Grande braderie des fétiches, liquidation des souvenirs les plus chers. En vrac défilent, retapés en objets de langue, motifs de l’enfance, choses du cœur et déboires du corps, dans une traversée éberluée de l’affolant fourbi de la vie, vaguement classé ici en chapitres (« Fragile », « Tout-venant », « Ne pas ouvrir », « Fins de série »).
Les dix « Vracs » d’Onuma Nemon (encre de Chine sur Arches, 2018 et 2023) n’illustrent pas, ils sont plutôt la rêverie du texte, en une série de paysages mentaux dont les lignes précises et les détails minutieux ne prennent cependant forme en aucun objet identifiable.
Les choses surgissent et disparaissent dans un même mouvement joyeux. Liquidation dit flux, dévalée de prose rapide. Entre distanciation grinçante et sensualité éberluée, l’écriture bazarde vite, sans s’apitoyer. Les souvenirs sont affublés d’un costume bouffon, l’intime emballé dans la rhétorique kitsch des petites annonces. Et bien sûr, l’emballage craque, farci d’éléments exogènes (amorces de récits, bouts de dialogues, couplets de chansons, réminiscences diverses...). Le modèle explose en même temps que les objets évoqués : bon débarras !

https://lurlure.net/vide-grenier

Éditions Lurlure Emmanuel Caroux 7 rue des Courts Carreaux 14000 Caen (France)

Publié le 19 décembre 2023 dans document DAO texte

7 haïkus du matou - Typhaine Garnier

Ces textes d’apparence japonisante – façon Hergé : c’est du français en costume japonais, mais exagéré, caricatural et (involontairement ?) bouffon – avaient pour ambition de tenter une autre transposition du haïku. Plutôt que la version occidentale habituelle (l’insipide sandwich de 5/7/5 syllabes), je voulais trouver une forme qui restitue au moyen de l’alphabet latin quelque chose de la dimension graphique et de la polysémie (et polyphonie), c’est-à-dire de la densité du haïku, associant l’idéogramme et l’écriture syllabaire.

Le résultat est un hybride, une sorte de chimère qu’on ne sait par quel bout ni dans quel sens prendre, ni s’il faut l’articuler ou seulement voir. Les signes font parfois rébus. Une syllabe s’étoile dans plusieurs directions. Des lignes sémantiques horizontales apparaissent en travers des verticales, mais furtives, hasardeuses. Le tout a un caractère enfantin, car c’est bien un jeu, un exercice d’assouplissement, où tous les coups (aïe) sont permis (alors que le haïku traditionnel obéit à des règles formelles strictes). D’où le sujet, sans doute : le chat Zoneille, agile et malicieux comme tous les jeunes de son âge, comme le chat à l’encre de Chine d’Onuma Nemon qui s’est glissé dans ces pages. À moins que ce ne soit l’influence de Maurice Roche, lu assidument à ce moment-là.

Publié le 22 septembre 2023 dans document texte DAO

L’amour naissant (poème Touareg, P. P. Njegos) - Joël Roussiez

Fatima de taille est pure merveille, elle va à la fontaine sa cruche sur la tête, elle va et le village s’en étonne, c’est elle qui doit le faire, n’est-il pas là pour s’en occuper. Lui, c’est Istvan, sa taille est pure merveille aussi, son beau visage rayonne de santé, ses yeux sont des éclairs, il se prélasse sur la couche, Fatima doit y aller à la fontaine. Mais elle rencontre là Jabban, Jabban qui est serviable et beau comme un regard où perle la rosée.

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Publié le 22 septembre 2023 dans document texte DAO

Chevaux aimés (Bardes du Khorassan, Ostad Elahi) - Joël Roussiez

Comme une âme qui s’en va un petit air de flûte dans l’assemblée avait éteint les paroles et quelques uns marchant dehors baissaient la tête sous leurs turbans. Mais les chevaux piaffaient dehors, une tension dans le troupeau irritait et de même dans l’assemblée circulaient des jurons. Le cercueil resta dans l’église, et quand le musicien chanta «il est parti, ils est parti! Que les lointains l’accueillent» on entendit des pleurs et quelques gémissements. .…

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Publié le 22 septembre 2023 dans document texte DAO

Célébrages. Poèmes de Typhaine Garnier

Date du document : Février 2023

Au fil des mois, la nature ressort ses appâts, et chaque fois on s’y laisse prendre. Avant-printemps : premiers chatons aux branches nues, primevères, etc. Surprise, ravissement, on est ému comme si on avait oublié ces « tours » pourtant vus autant de fois qu’on a d’années ou presque. Il y a de quoi enrager. Les « Célébrages » sont les chromos d’un calendrier perpétuel qui tente de fixer cela une bonne fois pour toute, et qu’on n’en parle plus. Heureusement, c’est raté.

Arno Schmidt : « Le plus fiable, ce sont encore les beautés de la nature. Ensuite les livres, puis un rôti braisé choucroute. Tout le reste est versatile et vain. »

On se reportera ici même aux Absolus de Onuma Nemon, petites et très anciennes proses dont le projet était proche de cet ouvrage-ci, tout récent.

Publié le 28 avril 2023 dans document texte DAO

Refaire. Poèmes de Typhaine Garnier

Date du document : Février 2023

Ce texte est extrait d’un travail en cours intitulé « Refaire ». Même s’il y est question de choses vues, de paysages et de personnes aimées, refaire n’est pas revoir : foin des nostalgies (sauf surjouées pour rire : « Ô… ») ! Il s’agit de faire du neuf, et si possible en forme, avec de l’informulé : fatras de souvenirs, pelote de sensations, magma d’émois, etc.

Pour ça, on a fabriqué un moule, censé aider à faire consister. Description du moule :

  1. Le texte est disposé sur deux colonnes et apparaît donc lézardé d’un vide central ;
  2. Les colonnes doivent pouvoir être lues séparément, mais une lecture globale (ligne à ligne) doit également être possible ;
  3. Le texte s’ouvre par un verbe à infinitif (par exemple faire) et se termine par les lettres « re » qui forment avec le premier un second verbe (refaire), invitant à une nouvelle lecture.
  4. Les lignes sont des vers grosso modo réguliers (le plus souvent octo ou décasyllabes).

Le but : que ça ne colle jamais. Ne pas adhérer, mais aérer. Que la droite contredise la gauche, la mine d’ironie, la glose de commentaires oiseux ou obscènes, en déforme symétriquement les phonèmes, bref, la malmène d’une manière ou d’une autre. La faille béante au milieu du texte n’étant pas frontière étanche, les deux côtés se contaminent aussi l’un l’autre. Et bien sûr, aucun n’est le « bon ». La vérité est au milieu : dans l’interstice.

Typhaine Garnier

Il faut lire également Les Pages Perdues de OR

Publié le 12 février 2023 dans document texte DAO

Au Verger des Anciens - Récits de Joël Roussiez

Date du document : 2016. La Rumeur Libre

Au lecteur,

S'il est bon de faire entendre des histoires, il faut préciser que les nôtres, Lecteur, ne sont pas à entendre au sens ancien qui veut dire comprendre mais au sens moderne qui passe par l'oreille car, dit Cicéron : « le discours doit chercher le plaisir de l'oreille », ce que rapporte Aulu-Gelle. C'est donc lorsque tu liras par les yeux que tu entendras par les oreilles ce que disent ces paroles dégelées, selon Rabelais. Ainsi sache, lecteur très cher, que ce que nous racontons, c'est pour la musique !
Mais sache encore que nous ont guidé quelques maîtres anciens qui prirent soin de nous offrir quelques fruits et, dégelant nos doigts gourds, corrigèrent nos maladresses en ces temps divers, ou d'hiver, où rien n'est plus agréable à l'oreille que d'être frottée par d'autres…
À bon entendeur donc, salut ! Et qu'il en soit pour toi comme du feu roi François dont Martin Du Bellay écrivit : « toutesfois jamais adversité qui luy peust advenir ne luy abaissa le cœur ».

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Publié le 16 janvier 2022 dans document texte DAO

Petites proses inédites de Joël Roussiez

Date du document : 2020

Derrière la vitre de la maison (raga Durga, P. Istrati)

Le jour se lève enfin, sous les rafales de pluie, la lumière s’adoucit et doucement s’éclaircit alors que le vent se calme un peu en remuant les feuilles qui tombent et tournent loin au-dessus de la prairie, portées par les souffles intermittents qui passent ou s’enfuient… La fuite se propage au solitaire comme l’escapade à l’homme qui vieillit et le voyage entrevu comme une croisière mouvementée tente une jeune mère à la fenêtre de la maison. Elle regarde le remuement des branches et les feuilles qui s’envolent : je partirai un jour et que ce soit dans la tempête sera très amusant… Elle relève ses cheveux pour dégager son regard, elle observe dans le vague un petit buisson déraciné qui roule par à-coups dans l’herbe malmenée. Le vent pousse devant lui et l’âme le suit… Sur un lit de fleurs, je dormirai, écoutant les oiseaux de la prairie, les cailles, les perdrix…

Derrière les Vitres de la maison est extrait de Voyager Sans Partir (non publié),

Invitation des fleurs de Invitation Des Fleurs (non publié).

Souvenir Anatolien ne fait pas partie d’un volume constitué.

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Publié le 30 octobre 2021 dans texte DAO document

Des Portes du Paradis à l’Enfer

Date du document : 1959-1970

On est passé des Portes du Paradis, ce roman d’Andrzejewski écrit d’une seule phrase de plus de cent pages sans ponctuation, qui raconte la Croisade des Enfants, ouvrage paru en 1959 en Pologne, ce pays dont Guyotat est si proche par sa mère, à la longue phrase de Eden, Eden , Eden, paru en 1970.

Stanislaw Brzezinski. Cerisy.

Des Portes du Paradis à l’Enfer
Des Portes du Paradis à l’Enfer

Publié le 25 novembre 2020 dans texte DAO

Vivre sa vie - Texte de Joël Roussiez

Date du document : 2018

Vivre sa vie (JL Godard, C. Hoebecrau)
Encombrée par un corps qui ne me convient pas, j’aime mon visage et la forme de mes reins. Quand je marche dans la rue, les regards s’arrêtent sur ma croupe et la honte me saisit d’être ainsi construite que j’attire la concupiscence. Mon humeur n’est pas capricieuse sans raison, je suis à l’intérieur d’un corps qui ne me convient pas, un peu trop gras ici et trop d’os par là. Je ressemble aux femmes anciennes. J’ai des formes, dit-on pour me complimenter.

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Publié le 25 avril 2020 dans texte DAO document

La Longue Lettre - José Izquierdo

Date du document : 1972

LE GROUPE DE LA FOLIE-MÉRICOURT

Le groupe de la Folie-Méricourt (nommé ainsi parce qu’il s’était constitué autour de Monique Charvet, qui habitait alors avec Ermanno Krumm rue de la Folie-Méricourt), était constitué uniquement de filles : Monique, Ariane, Mina, Laurence, Rio, Marie, Françoise, Ophélie, Anna, et de Frédéric/que, à la fois androgyne et albinos, élevé toute sa vie comme une fille par ses parents, et depuis fort indécis. Il faut préciser que tout ce groupe-là passait tout de même l’essentiel de son temps à Sainte-Anne, pavillon Magnan ou ailleurs.

Ermanno et les autres garçons, comme José Izquierdo (patient chronique lui aussi de Sainte-Anne), ne pouvaient suivre que des lignes tangentes par rapport au polygone du groupe, devenu parfois hexagonal et producteur d’Hexagones Monions, qui provoquaient des crises particulièrement violentes chez Monique en l’envahissant.

À son arrivée à Paris en 1970, Ermanno Krumm, bien que familier des Novissimi et passionné par Denis Roche avait composé de magnifiques longs poèmes lyriques à la fois épiques et élégiaques : Endymion, Atala, Dédale... sans la moindre ombre formaliste, dans une sorte d’heureuse joie antique préservée. Ce sont ces poèmes-là, découpés en strophes qu’il offrait aux terrasses de café avec Monique en faisant la manche.

Monique de son côté a écrit beaucoup de textes et composé plusieurs recueils, mais malgré plusieurs tentatives il n’y a jamais eu de possibilité de publications aux Éditions des Femmes ni de véritable rapprochement avec le groupe_Psychépo_. Elle traduisit à un moment Verdiglione à la demande de François Wahl et de Tel Quel.

C’est peu après avoir composé D’Hors en particulier, qu’elle s’est suicidée sur le bord de la mer en 1974.

Le groupe de la Folie augmenté de quelques électrons libres a beaucoup créé également de Romans à Usage Interne, qui mettaient en scène une sorte de situation catastrophique entre des membres du groupe, où le dialogue avec les Morts avait une grande part.

Ces ouvrages, peu volumineux, étaient destinés en principe uniquement aux protagonistes, mais peu à peu le cercle de la diffusion s’était élargi à d’autres amis.

Quant à la Grande Lettre de José Izquierdo (c’est sous ce nom qu’il se présentait à Sainte-Anne, mais on n’a jamais su si c’était véritablement le sien ou un surnom), elle représentait plusieurs milliers de pages et une “adresse” litanique ininterrompue tout le long de son séjour à l’hôpital.

Ici ce sont les tout premiers feuillets tapés par Mina.

M. Ey...

Publié le 2 mars 2020 dans texte DAO document

Nouveau Spicilège de Joël Roussiez - Ensemble de textes inédits

Date du document : 2020

On se reportera impérativement au site de la Rumeur Libre, l'éditeur de Joël Roussiez pour trouver les derniers volumes parus, et en particulier l'ensemble de récits Au Verger des Anciens.

Une bien jolie vie I et II sont extraits de Livres de courtes proses III et Vivre sa Vie de Livre de courtes proses II. Ce sont des recueils inédits…

NDLR

Publié le 11 janvier 2020 dans texte DAO document

Ode à la Joie - Joël Roussiez

Date du document : 2011

Joie, joie, belle étincelle (Schiller, Goethe, Ono No Komachi)

Qui chevauche sans bruit à l’aurore d’un jour, qui va joyeusement par un matin radieux, qui fait tinter les boucles du harnais, et qu’entends-on dans le feuillage des bois, c’est la rivière au bruit de gravier fin, nous y prendrons un bain, dépêche-toi, je veux sentir ta main... Le chemin est étroit ainsi cheminent-t-ils l’un derrière l’autre, la chaleur monte parmi les fougères et les herbes hautes qui penchent sous la rosée et mouillent leurs chausses.

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Publié le 30 décembre 2019 dans texte DAO document

La fille de Murasaki - Joël Roussiez

Date du document : 2011

La fille de Murasaki (Dai Ni No Sami)
La fille de Murasaki se souciait des personnes souffrantes et, de son écritoire, songeait à leur douleur. Un homme de deuxième rang vint lui rendre visite : qui tisse dans vos yeux ce brouillard de tristesse ?

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Publié le 30 décembre 2019 dans texte DAO document

A propos de Rhizomatique, de Stéphane Breton

Date du document : Après 1984

à propos de Rhizomatique de Stéphane Breton

Il y a toujours un grand bonheur aphoristique : celui de partir avant de développer, ou de cristalliser et de fuir. De fouetter plutôt que d’enserrer en risquant contraindre.

Même si Stéphane Breton (dont je ne sais rien, pas même son âge), m’en veut de le réduire de cette manière, c’est avec cette sorte d’emportement de non-philosophe que je l’ai lu, les branches brisées derrières soi, les feuilles ouvertes, désas- tre ou apocalypse, mais l’univers encore heureusement frais de ses blessures comme on est à vingt ans.

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Publié le 30 décembre 2019 dans texte DAO document

Rhizomatique - Stéphane Breton

Date du document : 2017

Avant-propos

On couche des mots pour saisir une idée, une forme, une expérience, un sentiment, une impression.

On tente ainsi de découvrir un essentiel. On apprivoise alors des réalités, des mondes, des imaginaires.On parcourt de nouvelles terres.

Ce travail d’écriture, de semis, de tamisage, est le résultat de rencontres, d’échanges réels ou rêvés avec des passagers de la vie – passés ou présents. Sans eux, rien ne serait réellement possible.

Les lignes de cet ouvrage sont le passage à une brièveté qui m’est chère car elle est une correspondance sans destinataire connu. Ne pas s’appesantir, juste s’appuyer pour rebondir, aller en-deçà et au-delà. Un même mouvement. Une brièveté faite pour effleurer un inachevé, tisser des liens vers des horizons indéterminés.Une reformulation permanente pour saisir ce qui est, ce qui advient.

Comme un rhizome, ces lignes s’entrelacent, se ramifient dans tous les sens. Elles se transforment l’une l’autre et peuvent parfois se traverser. Elles ne sont ni linéaires ni hiérarchisées. Elles s’efforcent de se connecter de manière hétérogène et de se perturber de façon imprévisible. Elles sont rhizomatiques.

J’espère que vous aurez le temps de passer sur ces mots comme un marin sur les mers sans rien espérer ni vouloir. Peut-être même dans un état de confusion, de veille troublée, de conscience narcotisée, il pourrait se passer quelque chose que vous seul estimerez alors singulier. Un intérêt pourrait se dévoiler. Une intention se produire. Une question se poser. Un rien exister.

Paris, novembre 2017

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Publié le 30 décembre 2019 dans texte DAO document

J'ai tout arrangé - Joël Roussiez

Date du document : 2011

J’ai tout arrangé : (Shakespeare, R. Musil)
J’ai tout arrangé pour ma disparition, mes livres, mes papiers sont à la disposition de mes proches. Je ne lègue pas mon meilleur lit puisqu’aujourd’hui ces choses n’ont plus de valeur. Je ne lègue donc rien que des écrits d’auteurs et quelques uns de moi.

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Publié le 12 décembre 2019 dans texte DAO document

Le pont du Gui - Autour de la Cosmologie O.N.

Rendons hommage à ceux qui, selon le projet de la Cosmologie, peuvent réellement transformer les œuvres et les rendre meilleures à savoir d’abord Didier Morin qui a rendu ce site possible avec Alexandre Ronsault, et Bernard Plossu, rencontré grâce à lui, qui nous relie vraiment au début du double enchantement de la marche et de l’écriture avec la Beat Generation.

Bernard Plossu a eu cette infinie générosité de se déplacer pour photographier quelques-uns des territoires minuscules du Quartier Saint-Michel de la Cosmologie, dont La Flèche (reproduite sur la couverture des États du Monde), et la rue dite Sauvage que l’on trouve en particulier dans Roman, écrit en 1968. On trouvera ici un choix de ces photographies.

NDLR

Le pont du Gui

Publié le 12 décembre 2019 dans photographie DAO document

La Flêche et la rue des armuriers des Faures - Autour de la Cosmologie O.N.

Date du document : 2016

Rendons hommage à ceux qui, selon le projet de la Cosmologie, peuvent réellement transformer les œuvres et les rendre meilleures à savoir d’abord Didier Morin qui a rendu ce site possible avec Alexandre Ronsault, et Bernard Plossu, rencontré grâce à lui, qui nous relie vraiment au début du double enchantement de la marche et de l’écriture avec la Beat Generation.

Bernard Plossu a eu cette infinie générosité de se déplacer pour photographier quelques-uns des territoires minuscules du Quartier Saint-Michel de la Cosmologie, dont La Flèche (reproduite sur la couverture des États du Monde), et la rue dite Sauvage que l’on trouve en particulier dans Roman, écrit en 1968. On trouvera ici un choix de ces photographies.

NDLR

La Flêche et la rue des armuriers des Faures

Publié le 12 décembre 2019 dans photographie DAO document

Les Spicilèges de Roussiez - La lecture, une forme de conversation

Date du document : Novembre 2017

Les Spicilèges de Roussiez

 

En complément du texte de Joël Roussiez paru dans le numéro de la revue Mettray consacré à la lecture, nous vous offrons celui-ci à lire, d’une texture différente et totalement inédit.

Nous ne saurions trop vous inciter à lire ses ouvrages récents : Au verger des Anciens, récits parus à la rumeur libre, et le grand roman picaresque autour du pirate Farfali, aux éditions de L’Arbre Vengeur.

 

NDLR

 

 

La lecture une forme de conversation,

Si l’on se propose de dire quelque chose sur la lecture, on ne peut faire l’économie de considérer qu’elle est devenue silencieuse ; et c’est à ce qui se passe dans ce silence qu’on va particulièrement s’intéresser. On interprète généralement cette situation comme celle d’un le lecteur qui reçoit passivement les signes émis; s’il est silencieux, c’est qu’il reçoit, tel est le raisonnement.

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Publié le 3 octobre 2018 dans texte DAO document

Alain Vallet : Encres - Janvier 2018

Défricher-Déchiffrer

Ces encres ont la particularité d’être des palimpsestes de nus anciens. En effet il y a eu d’abord des nus académiques, réalisés dans un atelier près de la maison de Victor Hugo. Ces nus avaient la particularité d’être dégagés par l’entour : au lieu de la construction académique habituelle à partir du modèle comme centre, le peintre les avait laissé deviner dans une sorte de bénéfice de la lumière. Il a ensuite repeint par dessus (travaillant aussi sur des répulsions huile-encres), dégageant cette fois-ci des blancs comme des lumières dans un taillis, des trous dans un mur ou des déchirures dans un drap. Au-delà de Pyrame et Thisbé, je ne peux m’empêcher de penser ici aux notations des Choses Vues de Victor Hugo lorsqu’il dessinait un nu aperçu par la fente d’un mur, écrites en espagnol et en abrégé de telle sorte que n’importe qui ne puisse les déchiffrer.

O. N.

Alain Vallet : Encres
Alain Vallet : Encres
Alain Vallet : Encres
Alain Vallet : Encres
Alain Vallet : Encres
Alain Vallet : Encres
Alain Vallet : Encres
Alain Vallet : Encres

Publié le 3 juin 2018 dans peinture calligraphie DAO document

L'Orchestre Rouge & Borer chez Lip

J'ai retrouvé au milieu de mes archives professionnelles ces deux coupures de presse de Libération qui dataient du début octobre 1973 et que j'avais collées ensemble, précisément au retour d'un long séjour à Varsovie.

Quelques années plus tard j'ai eu la chance de connaître Alain Borer comme enseignant.

Stanislaw Brzezinski

Langennerie à Chanceaux-sur-Choisille

Publié le 6 janvier 2018 dans document DAO

Cézanne revu - Texte de Anne Guelvilec

Date du document : 2014

(Anne Guelvilec écrit de petits récits (non destinés à la publication) où souvent les voix et les personnages, bien que distincts, s’enchevêtrent.) Elle est née à Quimper. Après des études de peinture au Canada, elle vit à Paris. Elle a bien connu Thomasine Wallace à la fin de sa vie à New York.

« Jeanne, ma sœur Jeanne, comment nous vois-tu devenir ?
— Plusieurs voix me conseillent d’être gentille avec tous ces artistes.
— C’est toi, Jeanne, on a voulu que ça soit toi qui serves de modèle. C’est bien de toi qu’il s’agit ! Monet adorait les nuances azurées avant de les perdre, vermillons et garances, les teintes pures d’un seul jet, des épiphanies, les multiples rapports des choses visibles avec le ciel et la terre, l’harmonie lumineuse d’un grand système de vérité cosmique. Et Cézanne, souviens-toi : “J’ai épousé la mansuétude.” C’est autre chose. “Il n’y aura pas de Sainte-Victoire définitive de la vérité, mais en tout cas elle est peinte.” Rends-toi compte ! C’est à tout ça que tu peux participer.

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Publié le 11 novembre 2017 dans document DAO texte

Terre-à-terre - Ouvrage poétique de Gilles Venier

Date du document : Éditions Encres Vives 2017

On ne saurait trop recommander de lire (d'entendre), ce lyrique Chant du Monde, qui dans la fraîcheur magnifique de son inventaire fait penser à toute l'époque Linnéenne de Paul-Armand Gette, ce redoutable explorateur des lisières et zones de bordures, friches et autres…

NDLR

Publié le 6 novembre 2017 dans document DAO texte

Arseguel, Membre-Fantôme - à propos d'Autobiographie du bras gauche

Date du document : 15 août 2017

(Autobiographie du bras gauche. Éditions Tarabuste. 2017.)
Je pense ici bien sûr à Michaux qui à cause d’un problème de bras cassé, avait tout à coup découvert “Michaux côté gauche”. Beaucoup moins à Twombly et aux évidences qui ont surgi dans les années 70 de devoir écrire ou peindre mal comme un gaucher (qui plus est, dans un bon milieu). Le Twombly d’Arseguel, c’est Tapiès.
Ce serait plutôt, dans le versant populaire, la plus grande rapidité dans le sport, comme le Fante de 1933 fut une mauvaise année, avec son héros qui veut devenir un champion de base-ball, et masse sans cesse son bras gauche (auquel il parle pour l’encourager), avec l’Onguent de Sloan.“J’avais fière allume à l’époque, la souple démarche d’un tueur à gages, la décontraction typique du gaucher, l’épaule gauche légèrement tombante.” “Mais Le Bras me permettait d’aller de l’avant, ce cher bras gauche, le plus proche de mon cœur.”
Je pense aussi à cette nouvelle de Maupassant où un pêcheur perd son bras arraché par le filet : comme l’expédition sera longue, il le conserve dans la saumure au milieu des poissons et le célèbre par un enterrement au retour.

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Arseguel, Membre-Fantôme

Publié le 27 août 2017 dans document DAO texte

Front des Artistes Plasticiens 1972 - Préparation de la contestation de l’Expo Pompidou

Date du document : Printemps 1972. Paris

Alain Sebag (relit le projet de Statuts) : Nous soulignons notre indépendance de tout courant politique, mais nous ne somme spas a-politiques. Les problèmes moraux liés à notre pratique nous entraînent à un rapprochement avec les groupes ouvriers.

Nave : C’est un problème de fond, et non pas de forme. Est-ce qu’il faut mettre ou non le terme socialisme dans les statuts ; il faut définir notre engagement politique.

Alain Sebag : Ce texte est le cadre minimum du F.A.P. ; c’est celui qui a été adopté lors de la dernière assemblée générale.

Nave : Dans les statuts nous avons parlé “d’association pour la défense des intérêts moraux et sociaux des artistes, sans distinction raciale, religieuse ni idéologique… pour de nouveaux rapports sociaux et culturels dans une perspective socialiste.” C’est clair !

Philippe : Ce qui est important c’est la réfutation d’un “saut qualitatif” réformiste.

Nave : C’est mal exposé. Il faut marquer notre désaccord avec la “non-distinction idéologique” (à savoir le danger d’Ordre Nouveau, de l’U.D.R. et de tout le boy-scoutisme).

X1 : “Pour le socialisme”, c’est trop vague, et ça ne signifie rien si c’est uniquement dans les statuts : c’est du beurre.

X2 : Comment définir une action socialiste ? Comment dépister les fachos ? Est-ce que vous allez demander leur carte à ceux qui viennent ? Vous définissez un idéal, mais comment le suivra-t-on ?

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Publié le 22 août 2015 dans document DAO texte

Avec Obstination - Texte de Joël Roussiez

Date du document : 2012

Ce portrait-là est rempli d’une description impeccable, d’une trame tellement recroisée dans ses traits de burin qu’elle échappe à elle-même ; et va se “répandre une volupté comme d'un lit défait... ”.
Elle est digne des portraits de femmes faits par Plossu, quelque chose de très attentif et de très rapide, une voyance en coin d’œil, un entrevu foudroyant, et d’autant plus précis que le regard n’insiste pas, n’écrase pas la personne considérée, elle incipit : “Elle commença son récit en baissant le visage sur son bol vide”. Ce n’est pas non plus la parodie de La vierge au bol en Thimotina Labinette : rien de caustique ni de cynique.
La première phrase pourrait venir d’un Chant de Maldoror : “Le rictus amer d'une femme étrusque au nez presque droit, les cheveux bouclés en masse le long de l'oreille cachée par des sortes de lauriers pour retenir la chevelure glissante ; un œil pour finir mais conquérant, voilà telle qu'elle m'apparut au lever du jour, passant devant ma maison, seule sur la route déserte et marchant.
Oh, oui certes, Roussiez est plein de vies et d’époques diverses, et plus ça va plus je crois (c’est-à-dire j’applaudis) à cette hantise des temps chez lui. On parle toujours dans les fictions et chez les parapsychologues de “vies antérieures”, et jamais des vies postérieures, or les époques apparaissant chez Roussiez sont des époques rabotées, devenues parfaites pour l’emboîtage et projetées en perspective ; Roussiez est un menuisier du temps. Son moyen-âge futur est un moyen-âge nettoyé. Peut-être que l’Éternel Retour c’est ça.
Avec obstination et douceur, cette description, effectivement, ce commentaire. “Je vous aime”, voilà ce qu’il dit, je vous aime. Scorsese ne dit pas ça, mais Cassavettes le dit, et Bruno Dumont, et Bernard Plossu.
On avance dans son texte qui ne sent pas le roussiez comme à travers les laies d’Un balcon en Forêt. Avec ces répétitions que le pseudo-pur styliste enlève mais que Gracq conserve en pierres de soutien latérales du chemin, car avec ça il fore, il avance, il troue la forêt dans ce grand vortex, cette spirale du temps.
O. N.

Avec obstination

(hommage à Krleza)

Le rictus amer d'une femme étrusque au nez presque droit, les cheveux bouclés en masse le long de l'oreille cachée par des sortes de lauriers pour retenir la chevelure glissante ; un œil pour finir mais conquérant, voilà telle qu'elle m'apparut au lever du jour, passant devant ma maison, seule sur la route déserte et marchant. C'est son profil qui me frappa et c'est pourquoi je me levai rapidement pour faire sa connaissance. Il était tôt et il ne fallait pas l'effrayer, aussi laissais-je mon chien filer au devant d'elle pour l'accueillir. « Mais pourquoi se rictus amer » lui demandais-je plus tard lorsqu'elle eut accepté un bol de café. « J'ai quitté des lieux sombres où le temps ne passait pas, la pourriture chaude m'a éloignée et je marche pour me défaire d'une sorte de boue... Je vivais dans une ville aux lourdes colonnes et aux temples sobres ; la vie y était sereine, tranquille, pétrie d'habitudes et de calme. C'était une vie sans calcul qui se déroulait comme il convient sans malheur excessif, ni joie intempestive. On y disait les paroles qu'il fallait : va donner aux poules et aux lapins, ou bien : la vie n'est pas vaine qui s'accomplit chaque jour. Un beau jour on mourait et nous étions en deuil ; les cérémonies étaient courtes et sincères sans faste ni larmes abondantes... » Ses traits étaient doux et son regard puissant, les formes de son cou, de ses épaules et de ses bras, étaient rondes et agréables comme remplies d'une chair ferme et chaude qui venait sourdre de la peau et répandre une volupté comme d'un lit défait...

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Publié le 28 mars 2012 dans document DAO texte

La Mesure du Tombeau - (Hommage à Verlaine)

Date du document : 2012

Ce texte aussi beau que du Gracq est du Travailleur Roussiez.

O. N.

La mesure des tombeaux

(hommage à Verlaine)

Nous sommes auprès du tombeau et scrutons les alentours où il n'y a rien, rien d'autre que nous ici et nous le savons bien, puisque nous sommes venus dans cet endroit seuls. Nous n'avons pas souhaité être accompagnés, il nous semblait que c'était à nous de faire la démarche, d'y aller nous-mêmes malgré la difficulté. Il a fallu traverser la plaine où guettaient des lanceurs et des piocheurs, il faut faire attention, nous a-t-on répété, lorsqu'ils te prennent, tu n'en a plus pour longtemps. Et nous avons répondu qu'on n'en avait de toute façon plus pour longtemps... Le tombeau est vide, il est fait en béton banché d'une seule pièce hors le couvercle qui est entreposé sur deux chevrons juste à côté. J'ai apporté mon mètre ruban, il faut mesurer le tombeau en longueur, largeur et profondeur, l'étude doit le spécifier. Pour mesurer la profondeur, il va me falloir descendre à l'intérieur... Je regarde les environs, il n'y a personne qu'une lande déserte de bruyères et d'ajoncs; un arbre court sur la gauche est si décharné qu'il ne peut rien dissimuler, un autre à trente mètres de même ; à côté se trouve une pierre assez grosse..., assez grosse pour cacher quelqu'un, je le pense et me le dis. Et puis je chante : des arbres et des moulins sont légers sur le vert tendre... Que faire, la crainte s'est insinuée en moi tout doucement alors que je chantais, elle est descendue et s'est emparée de quelques endroits, dans le ventre peut-être ou bien dans les épaules... Quelqu'un y guette quelque chose, c'est moi qu'il guette, je ne sais..., et s'il surgissait... Je tombe en rêve dans le tombeau que l'on bouche, personne ne m'entends plus, la lande est silencieuse... Descendre m'inquiète.
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Publié le 24 février 2012 dans document DAO texte

D'après “Discipline” de Throbbing Gristle - Vidéo originale d’Amélie Derlon Cordina

Date du document : 2010

15’30’’

Notes :

En automne, dans un paysage sylvestre isolé, un cycliste enveloppé par cette nature, la
traverse, la gravie et redescend, on le suit jusqu'à le perdre.

C’est le partial et imparfait portrait d’un homme-à-vélo dont on ne sait pas où il va, ni d’où
il vient, comme continuellement entre un point A et un point B. Il pourrait être un natif de
Tlön ("Ficciones" de Borges), sans futur ni passé, juste continûment dans un présent. Nous
le prenons en cours de route, le suivrons, puis dans la descente nous le laisserons et lui
nous sèmera.

Ce film naît de THROBBING GRISTLE, de leur morceau « Discipline »* filmé au Kezar
pavillon à San Francisco, en 1981. Genesis Breyer P’Orridge envisagé comme un «demi-
sage» : sa dévotion pour le « I want discipline » qu’il use. Mon film est une libre
interprétation de ce moment, faisant de cette transe une tentative de sport à haut niveau.
Pour un cyclisme aux acharnés héros : Jewey Jacobs ("Le Surmâle" d’Alfred Jarry), le
Chronos (Maurice Roche) ou les échappées de « Sunday hell » (Jorgen Leth).

Amelie Derlon Cordina

Pour ceux que ce travail intéresse ou passionne, la première projection de Mange tes morts de Amélie Derlon Cordina (film vidéo le plus récent, et postérieur à Discipline), aura lieu dans le cadre de l’exposition collective :

To Hug a Snake
Exposition en résonance avec la 11ème Biennale de Lyon.
du 10 septembre au 15 octobre 2011
Vernissage vendredi 9 septembre à partir de 18h30
Subsistances, 8 bis quai St Vincent, 69001 LYON.

Publié le 5 septembre 2011 dans document DAO video

Les rubans et la Croix - Texte de Joël Roussiez

Date du document : 2011

Une barque se dandine sur le lac tranquille, de petites vagues cognent sa coque solide qui glisse contre le quai de bois et les roseaux. Son havre est étroit mais agréable, la berge est douce, couverte d'herbe verte en pente légère jusqu'au seuil d'une jolie chaumière de pierres. Des bouquets de roses surgissent dans le feuillage épais et sombre des rosiers rustiques; on entend le chant d'une flûte picolo et dans l'âtre brûle un bon feu; si la journée est belle, resplendissante même, le matin reste froid car nous sommes au printemps. Le printemps au bord du lac perd très lentement la fraîcheur de l'hiver mais l'automne résiste et garde longtemps les chaleurs de l'été. « Quand l'automne sera là, je ne serai plus là », une jeune fille le chantonne, sa sœur joue de la flûte; allongée sur le lit, elle accompagne les paroles joyeuses. Une soupe légère mijote, la mère repasse une ceinture de dentelle, ensuite il faudra faire le chemisier, « ma fille se marie avec sa chemise de lin ! », et puis « pom-pom-pom ! » rentre le tonton, « j'apporte le jasmin et les fleurs d'oranger », « pose-les ici » et voilà qu'il s'assoit. Oui, il prendra bien un bol de café, ça fait une tirée du château jusqu'ici... La flûte joue doucement avec un peu de précipitation, c'est la mélodie des amants qui dit: si tu me quittes alors je meurs et si tu restes, je vais mourir sur l'heure...

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Publié le 1er août 2011 dans document DAO texte

L’âme du visage - Texte de Joël Roussiez

Date du document : 2011

Suite de ces petits textes comme fragments d’Éternité, dont Roussiez a le secret.

O. N.

L'âme du visage

Nous passons l'éponge, effaçons ainsi ce qui s'est passé, du moins on veut le croire car sur nos visages se marquent imperceptiblement les émotions que nous vivons; sur ce tableau des impressions s'inscrivent donc les choses que nous avons vécues, non les choses matérielles mais en quelque sorte l'empreinte qu'elles laissent sur nous; et encore faudrait-il dire que passant par notre système émotif, elles lui donnent des impulsions qu'il transmet à notre peau ou grave, selon l'expression de Jean. Ceci expliquerait le vieillissement de ces dernières qui se rident tout doucement comme des parchemins... Pourquoi emprunter à l'extérieur l'état de nos cœurs, peut-être parce que nous ne sommes sûrs de rien, que nous ne souhaitons aussi rien exprimer de particulier, peut-être parce que nous ne sommes qu'une caisse qui résonne aux impulsions; en bref, nous déménageons ainsi sans cesse de nous-mêmes mais comme il est impossible de quitter nos corps, nous restons en surface, suspendus en quelque sorte entre deux lieux; c'est ainsi que la peau se fripe... L'explication des vieux était toujours amusante et le jeune Louis aimait bien les faire parler. C'est d'eux qu'il tenait ce qui semble avoir été un savoir profond « bien qu'au fond, disait-il, ce ne sont que des anecdotes »... Toute vie est transposée de sa caverne originelle vers un conteneur social, répétait le vieux Jean par exemple et Louis écoutait cela qui avait des résonances en lui mais lesquelles, on ne le sait pas. Pourquoi le vieux Jean portait-il le pantalon large des marins, ce qu'il n'avait jamais été, parce que, disait-il, le ventre du navire était sa patrie. « Je suis citoyen des pays de l'absence de gloire , je travaillais dans les soutes avec mes comparses mais ne va pas croire qu'on se sent protégé à l'intérieur de ces murailles et de ces forts, suivant l'expression qui désignait pour nous les machines et la salle de l'entreprise pour laquelle je travaillais qui fabriquait en acier des véhicules automoteur; ne va pas le croire ou t'imaginer qu'à l'heure du casse-croûte et dans l'agitation de la journée, une tranquillité s'installait dans nos cœurs comme celle du paysan qui travaille ses champs. Au contraire, Louis, il y avait dans notre fébrilité quelque chose de trop agité, on le sentait sans pourtant souhaiter suspendre l'activité de l'usine ou bien encore souhaiter partir de ce poste qui nous fermait cependant au dehors et au reste des entrepôts... » Le jeune Louis écoutait ces discours étranges qu'effaçaient les jours nouveaux sur le tableau des événements qu'on tenait à jour à la maison des informations.... C'était une bâtisse, dira-t-on, à trois volets de containers sur une longueur de cent cinquante trois mètres; elle était conçue pour être déplacée suivant les besoins, ainsi sa structure était faite de colonnes et traverses en carton pour être légère. Louis, pour parler aux gens des archives et des informations qui écoutaient avec plaisir ses enthousiasmes de jeune homme, s'y rendait plutôt vers la fin de la journée quand le travail ralentit...

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Publié le 17 juin 2011 dans document DAO texte

Le Barde Chante ce qu’il peut - Texte de Joël Roussiez

Date du document : 2011

Le barde chante ce qu'il peut

Nous placions nos dieux dans les angles de nos pièces afin qu'ils ne dérangent pas et veillent ainsi discrètement sur nos vies. On plaçait haut leurs figures afin qu'elles dominent la pièce entière, cacher nos gestes à nos dieux n'avait guère d'importance mais on souhaitait pouvoir se retourner sur eux et les apercevoir à tout instant. Nous n'avions pas de rituel par lesquels nos vies auraient pris les contours d'une routine douce et prévisible, nous n'attendions aucun retour du temps, ainsi nous fallait-il une présence constante et cependant discrète... Lors de nos voyages, on emportait leurs figures dans des boîtes dont une des parois manquait afin qu'on puisse les voir plus facilement; certaines boîtes avaient un petit système qui permettait à la figure de tourner et de présenter ainsi tantôt sa face, tantôt son profil de manière analogue à celle qui paraissait à nos yeux dans les angles de nos pièces... Nos maisons n'étaient pas grandes mais on y ménageait de grandes ouvertures car il fallait que la nature y entrât le plus possible, sans cela ce qu'on craignait le plus, c'était l'enfermement.

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Publié le 17 juin 2011 dans document DAO texte

Ô chauds soupirs - Texte de Joël Roussiez

Date du document : 2011

Ô chauds soupirs! (Louise Labé)

J'entends à l'intérieur une bête qui grogne et secoue mon cœur sur toute la longueur de ma poitrine et je médite alors sur le temps court de ma vie. On peut être d'un autre avis et me trouver un temps à vivre long mais il me semble que j'approche de la fin et cette bête qui grogne bat le temps qu'il me reste. Elle ne grogne en effet que par à-coup mais assez régulièrement comme si..., comme si quoi? Me dis-je en me prenant les mains et secouant la tête, cela porte à méditer et cependant méditer sur quoi, quoi donc dans mon cœur bat et qui ou quoi grogne ou ronge sous les os du thorax? Qu'on me ronge les organes est une chose curieuse car je ne sens que peu de douleur et il m'est donc difficile d'imaginer un animal vivant sous l'enveloppe cutanée. Pourtant je sens que mes forces déclinent doucement et que, dès le matin, j'ai des affaiblissements de jambe qui m'obligent à m'asseoir assez vite avant de reprendre le cours normal du réveil. Pourrait-on chasser une bête pareille avec des poisons et des drogues?

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Publié le 17 juin 2011 dans document DAO texte

Trois Petits Tours et puis s’en vont… - Souvenir de la Petite Maison

Date du document : 13 Mai 2011

Turn turn turn c’est une chanson de The Byrds, groupe américain des années soixante, c’est un air qui tournait dans ma tête, c’est le titre de cette exposition. Turn turn turn c’est les paroles de l’Ecclésiaste. Turn turn turn ce pourrait être le titre de l’homme qui tombe, une image phonographique, une gravure rock’n’roll, Icare et le onze septembre avec ces slhouettes qui chutent le long des buildings en flammes. Turn turn turn c’est review, un présentoir à images, un piège à regard conçu plus pour agacer l’oeil que pour magnifier la troisième dimension, c’est le tour d’un monde en chute libre. Turn turn turn c’est Chutier, un croisement entre pellicule cinématographique et ruban tue-mouches, l’idée d’un film possible, un hommage à Gil Wolman, une pensée à Jean Luc Godard « qu’est ce que j’peux faire, j’sais pas quoi faire ». Turn turn turn c’est Aux étoiles, Le portrait ovale, un retour sur mes premières images,trace contre trace avec la photographie, des images amoureuses. Turn turn turn c’est dessins d’atelier (ma vie ouvrière), tombeau/jardinière aux dessins tracés pendant vingt-cinq ans de vie d’usine, Ne travaillez jamais écrivait sur un mur Guy Debord, et pourtant l’artiste ne parle que de travail, travaille tout le temps, c’est des moments détournés au travail quand la vie est ailleurs, juste masquée par le bruit des machines. Turn turn turn c’est tout ce temps passé à reproduire, tracer, graver, résister en somme à ce « désespoir de l’art et son essai désespéré pour créer l’impérissable avec des choses périssables , avec des mots, des sons, des pierres, des couleurs afin que l’espace mis en forme dure au delà des ages » ( J.L.G. Histoire(s) du cinéma). Turn turn turn c’est la fin de l’Artothèque, trois jours d’exposition, ma petite révolution de mai.
Vincent Compagny 2011.
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Trois Petits Tours et puis s’en vont…
Trois Petits Tours et puis s’en vont…
Trois Petits Tours et puis s’en vont…
Trois Petits Tours et puis s’en vont…
Trois Petits Tours et puis s’en vont…

Publié le 14 mai 2011 dans document DAO texte

Tombeau - Texte de Joël Roussiez

Date du document : 2010

Un tombelier ouvrait des tombes dont il tirait les dalles par des cordes liées à son tombereau, poussant, « han, han! » ses boeufs à l'aide d'un grand fouet tandis que les roues suivaient un sol accidenté qui forçait parfois le char sur lequel l'homme se maintenait en s'agrippant d'un bras aux ridelles, tantôt à droite, tantôt à gauche, et poussant, poussant toujours ses boeufs, « han et han! », dans un paysage mouvementé où la terre en mamelons s'étendait sous l'horizon comble de nuages échevelés et distords.

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Publié le 6 avril 2011 dans document DAO texte

Parfois L’Hiver - Texte de Joël Roussiez

Date du document : 2010

Nous buvions des chocolats dans des cafés aux plafonds bas, ornés de cuivre brillant et
d’éclairages diffus, dans lesquels des gens pauvres jouaient aux courses sirotant des cafés bientôt froids et s’excusant d’être là au chaud tandis que dehors il faisait froid, très froid parfois si bien qu’il glaçait dans les rues mouillées et que ces pauvres hésitaient sur le pas de la porte avant de disparaître rapidement derrière les vitres embuées derrière lesquelles nous buvions.

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Publié le 6 avril 2011 dans document DAO texte

Une journée maussade - Texte de Joël Roussiez

Date du document : 2011

Une journée maussade où nous étions en rade dans le doux Ar Ménez, toute voile pendue ainsi que du linge mouillé, en attente du vent au milieu des coteaux, un jour de printemps où le clapot même était sans force; un jour donc où nous étions venus là pour aborder la côte en baie de Trez où se trouve une passe pour gagner la mer des Gascons en évitant le tour du Nez, gagnant ainsi du temps sur l'Amiral pour le rejoindre après un repos qu'il ne voulait accorder. Les hommes étaient dans un état lamentable, leurs corps se traînaient sur le pont; dix jours de navigation dans la tempête les avaient mollis...

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Publié le 6 avril 2011 dans document DAO texte

Aux temps de la fleur et des épines - Texte de Joël Roussiez

Date du document : 2011

Croquant des oeufs comme le bon sauvage, à pleines dents et se réjouissant, il faisait bon en ces temps se lever tôt, accompagnant le jour venant mais encore pris par la nuit, au chaud et se restaurant en jouissant du parfum des choses et de son corps réveillé. C'était au temps de la fleur et quasi au printemps; les bêtes avaient le poil brillant et les oiseaux une voracité fantastique. On fournissait en graine et en fourrage pour les dernières fois, les granges étaient maintenant presque vides ; on s'occupait de les balayer et d'y entreprendre quelques réparations.

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Publié le 6 avril 2011 dans document DAO texte

Ainsi qu'il en est - Texte de Joël Roussiez

Date du document : 2011

La vie allait comme s'il sonnait des cloches, tristes mais d'une grande beauté et, sur ce fond, s'improvisait une mélodie complexe qui se simplifiait par ce qu'on aurait pu appeler « ce procédé ». On marchait dans des territoires boueux, en plaine hongroise si l'on veut, à la fin de l'hiver droit devant où le ciel changeant ne cessait de nous tirer.

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Publié le 6 avril 2011 dans document DAO texte

Compact de Maurice Roche - Édition en couleurs de 1997

Date du document : 25 Janvier 1995

Il s'agit ici de la première maquette des 85 premières pages composées par la maison d’édition La Petite École, qui a co-produit et co-édité avec Tristram la première version historique de Compact en couleurs tel que Maurice Roche avait souhaité pouvoir le réaliser depuis 1966. La conception graphique était de Anne Drucy.

Publié le 2 janvier 2011 dans document DAO texte

Chasse Duchamp - Chasse de Pâturage à moutons

Date du document : 2010

Dans un souci de scansion acupuncturale des campagnes, le collectif DAO a décidé à la suite des intempéries récentes de drainer champs, ruisseaux, canaux et sentiers de montagne. En réponse à l'urinoir urbain, on remarquera que la chasse, opérant une révolution complète, se retrouve parfaitement à l'endroit.

Chasse Duchamp

Publié le 28 novembre 2010 dans document DAO photographie

Amélie Derlon

Date du document : Octobre 2009

Il y a une nonchalance dans la vidéo, celle qui sans doute exaspère lorsqu’elle devient maniérisme, mais il y a surtout comme le tapis du temps qu’elle retire sous le pas des acteurs, comme pour passer de l’existence à l’essence, comme pour creuser ce qui d’habitude ne jouit que dans son emportement.

Le cinéma c’est l’art du mouvement, l’émotion première du saisissement de la vie en fuite, avec les fabuleux débuts de la chronophotographie, la vie même en train de naître sur la pellicule grâce à ce spasme, cette saccade de la griffe, diastole et systole, obturation et lumière. Au contraire, dans son lisse non fractionné, la vidéo creuse le temps, l’évide, pouvant tomber tout aussi bien dans la nuit et dans la vacuité. L’acteur est sur un tapis roulant : il court sur place.

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Commentaire de plusieurs œuvres d’une jeune artiste de Marseille, entre autres vidéaste, qui a travaillé avec Didier Morin.

NDLR

Publication : Amélie Derlon

Publié le 1er août 2010 dans document DAO texte

Des radis de Bègles à la Rosière de Pessac - Freud. Introduction à la psychanalyse

Date du document : 1916. Traduction française S. Jankélévitch. 1922

Et de Cendrars, dans L'Homme Foudroyé :
(à propos des surréalistes)
“Je n'aimais pas ces jeunes gens que je traitais d’affreux fils de famille à l’esprit bourgeois, donc arrivistes jusque dans leurs plus folles manifestations.”
(à propos de Charles-Albert Cingria et par extension de Gide)
“Ah ! Ces pédérastes (1), le pauvre et génial raté !”
(1) “Pour la définition de ce terme voir les pages 671 et 672 du Journal d’André Gide (Bibliothèque de la Pléïade. N.R.F. Paris 1941). Oh ! Chochote, que de mensonges, de complaisances, de clichés, d’hypocrisies, de crises de nerfs, de vantardises, de poses, de vanités, de larmes de crocodile, d’esthétisme, d’art, de morale dans ce journal intéressé tenu par un hystérique qui écrit devant son miroir : « Chaque pensée prend un air de souci dans ma cervelle ; je deviens cette chose laide : un homme affairé. » (page 195).
Je sors ahuri de cette lecture de 1332 pages comme si j’avais relevé les inscriptions de 1332 pissotières de Paris que sont les chapelles littéraires. André Gide : le maquereau des grands hommes. Il lui faut tout le Panthéon : Goethe, Shakespeare, Dostoïevsky, Stendhal l’Égotiste et l’exemple du Journal des Goncourt pour le mettre en train ; mais quand il y est, il enfilerait le piano, et vous le place. Quel maniaque !”
Geneviève Vivian

Des radis de Bègles à la Rosière de Pessac

Publié le 27 juillet 2010 dans document DAO texte

Chronophotographie n°1 - Christian Roger

Date du document : 1984

On se souvient des photos de Christian Roger réalisées pour l’ouvrage consacré à Gaudier-Brzeska par les éditions Tristram, mais on connait moins bien ses photographies au temps de pose excessif qui donnent à ses personnages des allures de fantômes dans un univers familier à la fois nocturne et cristallin.

Ici il s'agit de deux chronophotographies réalisées pour le numéro O du bulletin DAO.

Isabelle Revay

Chronophotographie n°1

Publié le 10 octobre 2009 dans document DAO photographie

Aux Étoiles - Vincent Compagny, document 1

Date du document : 1986

Vincent Compagny travaille dans la communication le jour et s’acharne à la défaire le reste du temps, tâche qui est la définition même de la poésie.
Ainsi dans les usines on a vu des magasiniers détruire des accessoires de luxe qu’ils étaient obligés de trimballer du soir au matin et qui faisaient leur exploitation.
Donc Vincent Compagny soit attente aux objets dans sa façon de les disposer de façon parodique, pléthorique (dépradation de leur immédiateté utilitaire, fonction retard du signe), soit rature le médium photographique en l'attaquant, en y portant des embus de sens, en défaisant la transparence, en forçant par la gravure un présent qui bouscule le passé argentique.
Les apparences sont contre lui.

Isabelle Revay

Aux Étoiles

Publié le 10 octobre 2009 dans document DAO

Aquarelle de la fin du XXème Siècle - Alexandre Bonnier

Date du document : 1985

Alexandre Bonnier, homme des grandes fêtes des Beaux-Arts de Lille, contemplateur de la chute de la manne céleste à Mâcons en mangeant des cuisses de grenouille, créateur avec Giacomoni du Centre de l’Environnement et surtout des Trois Départements des Écoles d’Art après 1968 bien avant que n’arrivent au galop les rabatteurs du milieu, culturistes généraux ou autres champions de la gonflette, puis que ne s’y engouffre le pire bataillon des distributeurs d’u.v. en rondelles, couilles d'anges, huberts-chiâssepot-incestueux, drac-queens et connards barbants ; Alexandre l’homme de la Mort en Rose Majeur.

O. N.

Aquarelle de la fin du XXème Siècle

Publié le 8 octobre 2009 dans document DAO peinture

Pax

Date du document : 1969

Ce film est contemporain de toute l’activité du Groupe des Adolescents de la Cosmologie et figure ici en lien avec le film énigmatique de Nany Machin : Aube-Matière.
Court métrage 16mm Noir & Blanc muet de Roland Collas.
Scénario et Réalisation Roland Collas.

Publié le 12 avril 2009 dans document DAO video

Troupeaux et Voyage - À propos de Joël Roussiez

Date du document : 2009

À chaque fois qu’on rencontre un Horrible Travailleur, il périme tout un pan de la vaine production d’alentour, la rend caduque, et on ne peut que s’en réjouir. Autant de débroussaillé ; nous sommes dans un territoire de l’Inscription et toute découverte dans un autre endroit est toujours bénéfique. Autant de temps gagné. La fraternité est de mise.
Avec Joël Roussiez tout est mouvement comme dans la pensée chinoise où “les réalités que simulent les mots ne sont pas des choses arrêtées mais des mouvements”(1). Implosion, explosion et dispersion que la spirale du Voyage Biographique emporte, ou mouvement des marcheurs cosmopolites à travers les méridiens du monde de Nous et nos troupeaux.

1. Nous et nos troupeaux
“ « Cosmos terrien de vie » je dis.”
“Avançons sans peur aucune, sans crainte des coups, ne cherchons rien
Croisons des hommes qui ont cherché et s’en reviennent
Des qui s’en revenaient, n’avaient rien vu…”

Les paysages des Troupeaux sont comme ceux de Cozens, lui-même tellement chinois dans sa technique tachiste avec cet effet d’éloignement qui abolit la césure entre esquisse et dessin achevé, ce miracle ophtalmique permettant de faire disparaître autant les grossièretés de la tache que les finesses de l’exécution attentive. De loin le dessin devient une tache modulée et la tache un dessin vigoureux, tous deux pris dans le même ravissement de l’œil.
Ce génie de l’esquisse est partout présent dans les traversées des paysages de Roussiez où des notations extrèmement précises sur les couleurs, les climats ou les coutumes de certaines populations (voire les “marques” mécaniques) alternent et glissent avec de vagues affairements : intrusions humaines laborieuses ou énigmatiques dans “une sorte de camp de matériaux variés”.

http://www.larumeurlibre.fr/

Publication : La Main de Singe

Publié le 7 mars 2009 dans document DAO texte edition

Éthique de la Description - Joël Roussiez

Date du document : 2009

Approche d'une éthique de la description.
Il faudrait dire qu'elle n'est pas représentation, ceci par exemple de Semprun(1) est à rejeter comme facticité « Il ne peuvent pas comprendre, pas vraiment, ces trois officiers. Il faudrait leur raconter la fumée : dense parfois, d'un noir de suie dans le ciel variable. Ou bien légère et grise, presque vaporeuse, voguant au gré des vents sur les vivants rassemblés, comme un présage, comme un au revoir.
Fumée pour un linceul aussi vaste que le ciel, dernière trace du passage, corps et âmes des copains
... » Le passage en italiques permet de bien comprendre ce qu'il ne faut pas faire pour rendre compte et offrir au lecteur une impression juste. Il faut être prés de la chose, or on s'en éloigne lorsque on veut « raconter la fumée », on ne raconte pas une chose, on la rend présente, c'est le rôle de la description.

etc.

Publié le 2 mars 2009 dans document DAO texte

Voyage Biographique. Final 2 Magnifique - Joël Roussiez

Date du document : 2008

Ce texte fait partie de l’ouvrage à paraître Le Voyage Biographique de Joël Roussiez.
Une abeille voulait manger de la confiture, elle est tombée dans un piège. Les deux enfants ont vissé le couvercle, elle bourdonne à l'intérieur du bocal. Les deux enfants la regardent puis ils vont se promener dans la nature parmi les herbes hautes et les champs ondoyants. Ils brandissent leur trophée au bout de leurs bras, le portant tour à tour et le collant contre l’oreille pour écouter « bzz, bzz, bzz » ce qui ressemble à la mer. Leurs pieds les emportent et les promènent sur une lande, des animaux y bourdonnent, des mouches et des abeilles volent parmi les bruyères ; dans le ciel des oiseaux planent au-dessus des falaises. La mer est en bas. On en a le vertige. Les falaises se cassent contre le bleu des eaux, tombent du ciel, s'éloignent de la terre et se prolongent sous les vagues, le blanc devenant glauque puis sombre, puis noir. Des courants sombres disparaissent dans les profondeurs, des ombres fluides coulent sous l’épaisseur des eaux en dessinant des croupes ... Un roi chevauche dans la plaine ondoyante; un enfant se colle à son dos et serre sa taille puissante. La nuit tombe et les enveloppe de formes sombres, des ombres les caressent et s’effilochent à leur passage « on dirait qu’elles les retiennent ». Le roi filait sur sa monture, l'enfant s’agrippait derrière son dos, tous deux fuyaient sur la lande sauvage. Ils chevauchaient sur les collines innombrables et regagnaient ainsi le château dans lequel la reine inquiète attendait. Le roi se dépêchait car il craignait la nuit et l'inquiétude de la reine. Il courait sur sa monture sombre. L'enfant disait : « j'ai peur! On me pince, on me griffe» ... « Ce n’est rien, ce n’est rien » disait le roi en se hâtant. Leurs ombres passaient rapides parmi les forêts sombres, sur les chemins, longeant d'étranges marais où serpentaient des formes sur le sol qui se dressaient d'un seul coup, occupant toute la route, menaçantes comme des bandits de l'ancien temps, puis elles s'éclipsaient absorbées par des trous, entrainées par la boue des marais où elles se noyaient. Des arbres pas très grands fouettaient les corps effrayés de créatures qui fuyaient ; ils harcelaient les hommes aussi bien que les bêtes, ils gesticulaient dans les toiles de la nuit et s’y débattaient en sifflant de manière lugubre. Alors d'un seul coup, le soleil se mit à resplendir, il remplit de clarté l'espace d'une lande qui descendait en pente douce jusqu'aux rochers surplombant modestement la mer qui roulait à leurs pieds. Les enfants déposèrent leurs trophées et se mirent à creuser. Ils firent un trou, ils y placèrent le bocal. A l'intérieur, l’abeille bourdonnait et se heurtait à la cloison de verre. Parmi la bruyère et l'herbe sèche, ils reposaient ensuite enlacés. Leurs souffles soulevaient sans hâte leurs poitrines endormies et parfois on entendait la plainte heureuse d'un soupir satisfait. D'autres fois, c'était comme un frisson qui traversait leurs peaux. Une peur égarée passait par là et les secouait un peu. Puis ils se réveillèrent, ils s'étirèrent longuement devant la mer étale comme un lac. Lorsqu'ils se levèrent la brise caressa leurs visages et les rafraichît, alors ils jouèrent ... On roule l'un sur l'autre en se laissant descendre le long de la pente. On se laisse emporter par son poids, c'est vraiment drôle. A deux, ça va plus vite. On a le tournis, la tête se dévisse, c'est ma tête, c'est la tienne. Nos têtes se mélangent, nos cheveux s'emmêlent. A l’intérieur du crâne, ça bourdonne, ça va de plus en plus vite.

Publié le 2 mars 2009 dans document DAO texte

Musil Définitif

Date du document : Septembre 2004

Cet article de Joël Roussiez est paru dans l'Atelier Du roman N°39

Formellement :
Je ne traiterai pas de la fameuse ironie de R. Musil qui a déjà été souvent analysée et que l’on peut voir s’annoncer dès le début du livre par la référence à la météorologie énoncée de manière scientifique mais disqualifiée aussitôt par des personnifications et par un récapitulatif amusant « autrement dit, si l’on ne craint pas de recourir à une formule démodée mais parfaitement judicieuse : c’était une belle journée d’août 1913 . » Ce début bien connu en reprend de similaires ; chez Scarron par exemple : « le soleil avait achevé plus de la moitié de sa course et son char, ayant attrapé le penchant du monde, roulait plus vite qu’il ne voulait. Si ses chevaux eussent voulu profiter e la pente du chemin, ils eussent achevé ce qui restait du jour en moins d’un quart d’heure…. Pour parler plus humainement et plus intelligemment, il était entre cinq et six quand une charrette entra dans les halles du Mans. » ou chez Sénèque (d’après Paul Veynes) : « Déjà le dieu du soleil avait raccourci son trajet, déjà le sommeil voyait augmenter son horaire et la Lune…En d’autres termes c’était déjà octobre… ». J’avancerai néanmoins par ces exemples que, chez R. Musil, ce procédé est moins ironique qu’il n’y paraît, c’est à dire qu’il est moins essentiellement critique. Car, s’il semble être d’abord un moyen d’amuser et de s’amuser par une distanciation, il est peut-être aussi l’expression d’une joie à découvrir dans la formule surannée une justesse tout aussi grande que dans la description météorologique qui précède. Il s’agirait alors, davantage qu’une ironie, du plaisir de voir s’accomplir par la langue et la pensée une sorte d’unité. On pourra remarquer ainsi qu’il sert la description de la ville qui suit, laquelle ne présente aucune distanciation mais au contraire amplifie la présence émotionnelle de la ville par l’emploi de nombreux adjectifs impertinents, de métaphores et d’un phrasé mélodieux caractéristique du lyrisme. C’est ainsi que derrière distanciation et humour, ce roman affirme un lyrisme qui trouvera son exaltation thématique dans l’amour fraternel * et l’Autre Etat.

Publication : Contre-Feux (archives)

Publié le 7 mars 2008 dans document DAO texte

Voyage Biographique. En passant par les Chiens - Joël Roussiez

Date du document : Hiver 1987

Quoi qu’il en soit des déclarations d’intention toujours un peu excessives, voire présomptueuses, il faudrait considérer, ce texte, Voyage Biographique, comme une sorte de réponse à la vogue de l’autobiographie qui hanta, il y a plus de vingt ans, les auteurs du Nouveau Roman qui me semblèrent alors renoncer à l’ensemble de leur projet pour revenir au psychologisme ou pour le moins au sujet fondateur qu’ils avaient combattu.
C'est donc une matière autobiographique, la mienne, qui est traitée dans ce récit par l’intermédiaire de motifs (certaines peurs ou formes de sensualité par exemple) et au moyen d’une improvisation filtrée mais continue et régulière. Il s’agissait de donner aux motifs leur élan pour les dégager des limites, personnelles ou autres, et les faire vibrer en quelque sorte dans l’extérieur, le monde ou le cosmos, suivant ce qu’on acceptera…
L’impression forte d’être traversé par des sensations, des impressions, des émotions neutres, c'est-à-dire sans véritable objet, ni sujet, d’être en quelque sorte absorbé par l’extérieur, sans intériorité donc, domine ce récit qui livre ainsi une sorte de denrée affective, proche de l’enfance (dont on ne livre, à titre d’exemple, que le tome 1 de l’ensemble qui en comporte 5).
Joël Roussiez

*

Une sorte de chose tourne inlassablement, inlassablement comme si elle cherchait à se détendre et comme si elle souffrait. Elle tourne sur elle-même, sur son propre corps, elle se contorsionne dans une pièce sombre. Le monde dehors est à peine audible. On entend le souffle lent d'une chose qui halète ... Il fait chaud, très chaud, sous les couvertures. Je tourne inlassablement. Une main semble venir de loin et s'approcher de mon visage, une main qui tient un révolver et en appuie le canon sur ma tempe. Au loin, pas très loin, il y a mes pieds. Je ne m'en soucie pas. Ils sont l'un sur l'autre, croisés. Les jambes serrées nerveusement, suivent les pieds et maintiennent ainsi l'ensemble du corps en équilibre, en équilibre pas très libre, les jambes l'une sur l'autre pour maintenir le corps qui semble tourner sur lui-même. Plus haut, c'est à dire plus près de mes yeux, les cuisses s'aplatissent puis s'écartent, s'aplatissent puis s'écartent, inlassablement. Plus près encore, c'est le bas-ventre qui frémit légèrement. Au milieu, le sexe roule d'un côté, de l'autre, roule et gonfle un peu. Le ventre bat imperceptiblement sous la pulsion du sang qui passe, qui descend du cœur ou en remonte, qui suit un tuyau , un chemin tout tracé sous la peau; la peau blanche et veinée de violet bat aussi par endroit. En se rapprochant encore, c'est la poitrine qui monte, qui descend avec deux renflements, deux renflements de seins qui se froissent, se défroissent…Une palpitation à peine régulière soulève l'ensemble. Puis une main glisse, ce n'est pas vraiment une chose, elle monte le long du corps, caresse des formes, s'arrête parfois, attend, se pose sur un sexe d'homme. Elle monte, ensuite elle descend. Je ne suis ni bien, ni mal, je ne vois rien d'autre que le bout d'un nez lorsque j'essaie d'apercevoir tout un corps, un corps qui se cache sous les couvertures, qui semble vouloir tourner sur lui-même, une cuisse contre une autre cuisse pour se maintenir en équilibre. Alors, je ferme les yeux lourdement et quelque chose s'en va au loin, une chose qui tourne sans aucune raison en dehors d'un corps, en dehors de moi…

Publication : “La Main de Singe” Louis Watt-Owen

Publié le 19 février 2008 dans document DAO texte

ON : Parcours

Date du document : Décembre 2007

Sphère Biographique. La Fin.
O. N. est né en 1948. Origines : Cuba, Andalousie, Tziganes.
1954 : En même temps que l’écriture, la Cosmologie se met en place, de façon secrète.
À partir de 1966 On fait des études de photographie, marqueterie, reliure, et se prépare à devenir bibliothécaire avant de se diriger vers les arts plastiques.
De 1966 à 1968 On est producteur d’émissions radiophoniques et crée le premier café-théâtre de province où On expérimente ses premiers essais dramatiques (sous l’influence notamment de Jean Vauthier, qu’On rencontre alors), et où ont lieu des représentations d’Arrabal, Gripari, Obaldia, et des montages poétiques autour de la Beat Generation, le Dadaïsme, Cendrars, etc. On est assistant-décorateur d’Andréou sur le Don Quichotte de Paisiello et participe à Sigma (Bordeaux), mais également à des travaux dans le cadre du tout nouveau Service de la Recherche situé alors Centre Pierre Bourdan. En dehors de ça happenings. Travaux de décoration théâtrale à l’étranger. La Cosmologie se cristallise sous forme d’un délire mystique et se constitue en Cinq Continents, mais reste une élaboration secrète.

Publié le 30 décembre 2007 dans document DAO texte

Tout doit disparaître !

Date du document : 2007

Voilà ce qui était écrit sur le calicot, l’immense banderolle ballante dans le grand hall de marbre blanc aux vitres brisées de “Isla de Os”, cette sorte de domaine fabuleux, banderolle déchirée par endroits, salie, et que le vent passant malmenait par bouffées, au milieu des restes fossiles et des entassements de boîtes d’archives parmi d’autres colonnes de papiers en partie effondrées, des cadres soucieux ou brisés contenant des peintures, une grande diversité de vieux meubles de rangement en mauvais état, une incroyable collection d’œuvres d’art de tous les pays, et tout au fond une grande caisse en bois de la longueur d’un homme allongé et de la hauteur d’un garçon de douze ans, fermée partout sauf sur sa face avant, avec une séparation horizontale comme pour y dormir, si elle n’eut été encombrée d’une quantité de cartons à dessins, de plaques de bois et de métal gravées, de calligraphies enroulées et de toutes sortes de feuilles de papier en vrac.

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Publié le 9 octobre 2007 dans document DAO texte

Le Coffre de Cuba

Date du document : 2007

Sphère Biographique. Inventaire Final.

Contenu du Coffre de Cuba

Contrairement à ce qu’avait cru voir dans un premier temps Isabelle Revay, le coffre de Cuba contenait un double fond dont Alcide Bali et moi avons fait l’inventaire.

En surface on trouve empilées à droite diverses sortes de paquets de cigarettes aux marques inconnues : “Everest”, “Attack”, “Old Toad” ou “Saint Georges” et “Saint Michel”. En réalité il s’agit de bâtonnets de chocolat au lait.

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Publié le 9 octobre 2007 dans document DAO texte

En forme d'Éditorial - Le Dit d'Hier et des Deux Mains

Date du document : Aujourd'hui

Le Dit d’Hier et des Deux Mains

Les deux prêtres discutent dans la pièce et je ne suis pas là. C’est cinq ans avant que j’apparaisse dans ce monde ; il est question de la Vallée des Ombres, de la Chine, du musée des Horreurs avec cordes et hâches qui ont servi à tuer, et de cette image d’un chien qu’on a chassé mangeant un étron trop glaireux sur les traces du Christ et faisant la grimace ; il y a des fleurs qu’on voit dans le jardin par la croisée et je n’existe pas.

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Publié le 8 juillet 2007 dans document DAO texte