On a perdu le Nord ! - Hommage à Bernard Plossu
Date du document : 2012
Date du document : 2012
Date du document : 1969-1982
Publication: Mettray n°14
Date du document : 1976-1978
Eco
Patatras ! Monsieur Loyal, déséquilibré sur un coup de freins soudain, se relève en arc en basculant sur les talons vers l’arrière et en replongeant se réenfonce d’autant plus dans l’Asile Exotique de la Donzelle de Feu le Colonel qu’il prend toujours pour Sainte Thérèse de l’Enflant Iesos, où elle le dissocie de son désir, du filet de sa voix et de toutes ses humeurs d’un coup ! Du costume de Mr Loyal les étoiles tombent tout à trac et les rayures se mélangent : catastrophe.
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Le texte Eco est un extrait du volume de Crampes (1976-1978), qui raconte les “aventures réduites” (souvent contemplatives) des descendants à la cinquième génération des enfants naturels d’Ossip le Tzigane, un des Quatre Grands Ancêtres de la Cosmologie (comme les Quatre Cavaliers de l’Apocalypse). Ils sont tous d’âges différents, de l’Enfance à l’Adolescence et se sont dispersés après la mort de Jo, un des descendants de Jean-Baptiste, lui-même un des fils d’Ossip. Jo, figure patronymique de la Troupe de Cirque sur les bords de l’Ourcq.
(lire et voir la suite…)
Date du document : 2016
ÉTATS DU MONDE
La réalisation de cet ouvrage, publié par les éditions METTRAY, correspond parfaitement au projet initial de l’auteur. Il concerne le Pré, les Grands Ancêtres et les Gras.
Ce premier volume sera suivi de quatre autres volumes (Les Maigres, Les Enfants, Les Adolescents, La Bande à Jésus), qui seront publiés sous forme d’édition numérique sur ce site consacré à la Cosmologie Onuma Nemon, également créé par Mettray voilà une dizaine d’années.
En dehors des œuvres plastiques reproduites dans le texte, il y a une soixantaine de vignettes en couleurs et en noir et blanc destinées à être collées sur les emplacements désignés tout au long du livre, et qui participent à l’étoilement du propos.
Les États du Monde sont l’aboutissement le plus important de la Cosmologie, mais bien sûr ils sont à considérer dans le réseau d’ensemble des Voix et des territoires des autres ouvrages déjà publiés ou disponibles sur ce site. On trouvera dans le numéro de la revue METTRAY paru en Septembre 2016 une présentation du volume ainsi qu’un dossier de photographies réalisées par Bernard Plossu dans le Quartier Saint-Michel de Bordeaux qui revêt une grande importance dans cet ouvrage.
NDLR
Publication : Mettray Éditions
Date du document : 2014
Paru dans la revue Mettray n° 7, en Septembre 2014. Sans doute le commentaire le plus précis de l'horizon de la Cosmologie.
I. Revay
Date du document : 1974
Maison Lulu est ce recueil de 1974 construit autour de l’Asile de Maître Jean (où traînent entre autres Tatie Marguerite, Fernande du Phœnyx et l’ignoble infirmière Ovarine…), et du Cimetière de la Chartreuse, entrée discrète du Pays des Morts. Le sergent Newton et le lieutenant Copernic sont là avec leur Thunderbird orangée, qui mènent l’enquête à propos des idéogrammes fourchus buissonnant à travers une grande partie du monde. Le premier chapitre en a été jadis publié dans la revue Le Grand Os n°2.
NDLR
Date du document : Mars 2011
Surréalisme.
“Il y a quelque chose de mal digéré dans le surréalisme, disait Denis Roche et c’est un stade peu important de sa digestion.” C’est sans doute l’illusion de la profondeur : celle de l’inconscient comme boîte noire autant que celle de la plupart des représentations picturales de ceux qui se réclamaient de cette école.
Au contraire chez Max on est à peine dans une épaisseur indurée de la peau, à l’endroit où se fichent les échardes ou les pinces à clamper. On est chez les fouailleurs, ceux qui crochètent les tas d’ordures à la recherche d’un aliment, les gamines du Brésil ou d’ailleurs.
Les fous sont ailleurs : ils crochètent dans le déchet en rêvant du Paradis alimentaire de Pinocchio.
“Mais quoi qu’on fasse on ne ramènera aucun trésor au jour : on ne fait que retourner de l’ordure.” me dit un parano quelconque et lyonnais. Au contraire. Et ce que les gamines cherchent, ce n’est précisèment pas de l’ordure mais un morceau de vie. Il n’y a pas à aller chercher loin : c’est ici et maintenant. C’est sans doute la leçon à tirer des révolutions arabes Facebook. À quand chez nous ? À Caen les vacances, disait Devos.
“Ça va muscler !” Le Vide de la Plaque.
À Saint-Michel, lorsque “Nez-Rouge” l’air revêche au premier pastis du matin disait “Ça va muscler !” ça voulait dire que toute cette sorte de chaos qui s’était accumulé en lui depuis quelques jours allait trouver son expression sur un lit d’hôpital… _etc.
Pour lire la suite, reportez-vous au Ça Presse n°49 de juin 2011
Date du document : 2006
À Propos du Roman
— La littérature peut-elle être encore pensée en terme d’évolution, de révolution ? Autrement dit, face aux impératifs commerciaux qui tendent, semblent-il, à la niveler en la réduisant, par exemple, à ne plus ressortir qu’au seul genre du roman, reste-t-elle cet espace (que l’on dit sacré) de liberté, ce lieu de tous les possibles ?
— Le Roman, je l’ai fréquenté en trois temps : de façon traditionnelle dans Roman en 1968 (c’était un pari fait avec un groupe d’anciens lycéens). De façon déja désintégrée avec Tuberculose du Roman en 1972, et enfin en 1984 avec Je suis le Roman Mort qui en signale l’éparpillement.
etc.
Publication : Enquête sur le Roman. Éditions le Grand Souffle
Date du document : 2010
Reclus
Je pressens la jouissance du Mort, du disparu, comme un joyau absolu, de façon à la fois fulgurante et labile, instable et aussitôt évanouie qu’approchée. Ces papillons de certitude n’ont rien de morbide et volètent dans l’air joyeux des Adolescents* et de toutes les fêtes baroques de la Cosmologie*, car c’est le propre de l’Inscription, cette catégorie à définir et ce territoire à défendre tout à fait en dehors de la culture et de l’art.
Je ne suis pas un artiste car je n’ai jamais eu d’atelier ; je ne suis pas non plus un écrivain : rien qui me débecte autant que ce milieu-là (particulièrement en France aujourd’hui), ses truies, ses danseurs mondains, ses plagiaires, ses sociologismes et ses livres qui ne sont jamais que les cendres de la vie, au mieux un reportage correct.
lire la suite…
Publication : D’après modèle. Denis Laget et pratiques contemporaines
Date du document : 1976
Texte publié dans le recueil Ogr par Tristram, en 1999.
Date du document : 22 Mars 1964
5. Saint-Michel
Jean, Norbert, Manolo,
Le gourdin à la main
Sali dès le matin,
S’en vont à leur boulot.
Et la robe des ânes
Par la rue Traversane,
Au-dessus des barquettes
Couvre mal leur quiquette.
Il auront un peu d’or
Qui descend sur le port,
Le gras-double qu’on trouve
Sur la marché des Douves,
Un reste de guano
Et du churrizano,
Le cassoulet de Jules,
La saucisse d’Hercule,
Place du Maucaillou,
Du graillon barbaillou
De Sœur Marie-Thérèse
Dont ils baffrent les fraises,
Un tonneau de piquette,
Un lapin, la sanquette,
Et des frères Moga
Le pâté noir bien gras,
Une soupe à l’oignon
De chez Napoléon…
Publication : Mettray n°7. Automne 2004
Date du document : 2009
À chaque fois qu’on rencontre un Horrible Travailleur, il périme tout un pan de la vaine production d’alentour, la rend caduque, et on ne peut que s’en réjouir. Autant de débroussaillé ; nous sommes dans un territoire de l’Inscription et toute découverte dans un autre endroit est toujours bénéfique. Autant de temps gagné. La fraternité est de mise.
Avec Joël Roussiez tout est mouvement comme dans la pensée chinoise où “les réalités que simulent les mots ne sont pas des choses arrêtées mais des mouvements”(1). Implosion, explosion et dispersion que la spirale du Voyage Biographique emporte, ou mouvement des marcheurs cosmopolites à travers les méridiens du monde de Nous et nos troupeaux.
1. Nous et nos troupeaux
“ « Cosmos terrien de vie » je dis.”
“Avançons sans peur aucune, sans crainte des coups, ne cherchons rien
Croisons des hommes qui ont cherché et s’en reviennent
Des qui s’en revenaient, n’avaient rien vu…”
Les paysages des Troupeaux sont comme ceux de Cozens, lui-même tellement chinois dans sa technique tachiste avec cet effet d’éloignement qui abolit la césure entre esquisse et dessin achevé, ce miracle ophtalmique permettant de faire disparaître autant les grossièretés de la tache que les finesses de l’exécution attentive. De loin le dessin devient une tache modulée et la tache un dessin vigoureux, tous deux pris dans le même ravissement de l’œil.
Ce génie de l’esquisse est partout présent dans les traversées des paysages de Roussiez où des notations extrèmement précises sur les couleurs, les climats ou les coutumes de certaines populations (voire les “marques” mécaniques) alternent et glissent avec de vagues affairements : intrusions humaines laborieuses ou énigmatiques dans “une sorte de camp de matériaux variés”.
Publication : La Main de Singe
Date du document : 1964
0. Biblio
A. Jourdain
(détruit par le cousin “Néné”, sauf ce lambeau ; bagarre.)
Mathias, la rue du Porc, le gourdin à la main,
En 3837, pour le matin ;
L’aube rosit le fleuve et la robe Epiphane,
Tandis qu’à leurs sabots par la rue Traversane,
Les pires de chez nous: Jean, Norbert, Manolo,
Se rendent aussitôt livrés à leur goulot,
Tressant cette Entreprise embrayant des barquettes
Où traînent des boulons trop gras pour les liquettes
Pendant que le Grand-Prêtre avec sa tiare d’Or
Remontait la Garonne et descendait au Port.
Mais on le pèlera de sa pourpre en nos Douves,
Puis on en traînera dans la Ville-qu’on-pave
Sa lame d’or gravée d’un “Sancto Domino”,
Quand l’Equateur n’est plus qu’un ridicule anneau!
Jusqu’aux Abattoirs bleus du Dimanche en soirée,
Le carreau non lavé titrant ses diarrhées.
La pâleur de ses traits, sa tristesse, qui, mieux
Qu’un suaire le cerne, os débile et piteux,
Les Machabbées et les Momies s’en entrechoquent,
Bandeau d’horreur à sa vue noirâtre et ses cloques.
Armes broyantes d’or, du bouclier ouvert
De plaies délicieusement crues ! devant l’Enfer.
Enfin la Toute-Puissance avant les feux, l’âtre !
(“O l’hostie salutaire oblongue et bien douceâtre !”
Son coeur soudain surpris et creux par toutes gouttes
Qui tombent des forêts tant qu’il court sous leurs voûtes.)
Publication : Revue Mettray n°7. Juin 2004
Date du document : 1986
Ce texte figure dans Quartiers de ON ! paru en 2004 aux éditions Verticales, augmenté de ses étoilements plastiques, inserts et éléments sonores.
Date du document : 1989
Ce texte figure dans Quartiers de ON ! paru en 2004 aux éditions Verticales, augmenté de ses étoilements plastiques, inserts et éléments sonores.
Nany Machin, c’est mon nom, je veux tout embrasser, tout emporter au fur à mesure, sans recours, sans aucun retour possible en arrière.
Parce que sorti sans blessures de la fosse aux lions, je suis un fleuve plus impitoyable que le torrent de feu qui fit envoyer à Rimbaud un bas à varices le 27 mars 1891, que l’écriture directe empruntant même sa graphie à l’immédiateté intensive n’est pas tout de moi, mais d_oit être dite_.
C’est Commode, le premier, qui, loin d’une humeur facile, signalé plutôt par ses débauches et ses emportements, m’incita par son exemple à ce
travail, craignant sans doute moi-même l’athlète qui viendrait m’inscrire historiquement dans mon bain de langue, étranglant les projets en cours, liés ensemble comme trois masses de biens jamais dépensés.
Je fais en sorte de laisser un interligne suffisamment aéré (comme les Pyrénées), ce que la loi interdit dans les actes authentiques, de façon à pouvoir intercaler un fragment oublié tel qu’“étranglant”, quatre lignes au-dessus de celle-ci.
C’est d’un Vrac qu’il s’agit donc, apparemment irréductible, et cependant toujours possible à reprendre dans le mouvement biographique, on le verra.
Il est bon de préciser aussi qu’il n’y a pas d’autre raison à ce récit que l’Aventure où nous fûmes lancés d’abord à quelques-uns changeants et mouvants, devenus des milliers malgré moi ou du moins bien au-delà de moi, par la transcendance d’un Grand-Oncle Gitan de Buenos Aires, enfoui dans la plupart de nos mémoires de famille, mais qui ressurgit sous la forme d’un cadavre baroque par l’intérmédiaire d’un Notaire,
personnage important du Cours de Gourgue à Bordeaux, et, pour moi, proche de Mauriac et de tous les chais un peu frais de la ville.
Date du document : 1986
Ce texte figure dans Quartiers de ON ! paru en 2004 aux éditions Verticales, augmenté de ses étoilements plastiques, inserts et éléments sonores.
À partir d’ici, en vidéo, dans le Studio Soudain où Nathalie vient se faire photographier en dansant, sur plusieurs écrans simultanés, le corps d’un arbre, vu par chacun des points d’articulation du corps : tête, épaules, hara, coudes, bite, chevilles.
(Arbre vu par épaule droite puis coude gauche.)
Nijinsky : “Il y avait d’abord l’ours dansant, l’ours énorme surgi d’entre les branches, et Kyra riait de le voir attraper ce minuscule écureuil qui venait de s’enfuir de chez nous, par la fenêtre, d’où on regardait, sur cet étang, ce lac, ce bief. Mais l’ours ensuite se mit à vouloir dévorer notre chatte ! Il se mit à l’absorber une première fois, puis elle ressortit de son estomac, galopa devant lui. Il était de nouveau en train de l’engloutir, lorsque je décidai de sortir de la maison pour la sauver. Je montai sur un pic, et là, d’un plan plus général, j’aperçus soudain un énorme boa, enroulé dans les rochers du bord ; je le signalai à ma femme qui se trouvait un petit peu plus bas ; je lui jetai des pierres et des choses diverses pour l’exciter, et celui-ci fit vibrer sa langue au-dessus de l’eau ; c’est à cet endroit que je reconnus sa tête ; jusque là je ne voyais que la confusion des courbes, des nœuds, des sentiments et de leurs passages…
Redescendu dans l’assemblée, je portais un col de clergyman qui m’allait véritablement à ravir, combiné avec ma veste chinoise à col mao, et un manteau du même genre, col officier. C’étaient trois successivement cols de même type. Mon père devait être un officier du passé simple.”
(Arbre vu par pied droit) (Arbre vu par Hara) (Arbre vu par bite)
Date du document : 1976
Ce texte figure dans Quartiers de ON ! paru en 2004 aux éditions Verticales, augmenté de ses étoilements plastiques, inserts et éléments sonores.
Mon unique photo lauréate et prise dans les bois d’Arlac près de chez Soudain (fils de Houdin et de Boudini, originaires de colons du Soudan), cicerone pour la récolte des cicatrices, voilà où je m’enfonce, avec la sale humidité, les graminées coupantes, sans savoir encore si j’ai quelque chose de commun avec le narrateur précédent, gomme qui rit de sa beauté morale et de sa difformité physique. Je me souviens de mon enfance au milieu des essaims d’abeilles d’Abel.
Avec le Rolleiflex, j’avais eu du moins la chance de découvrir “la visée ventrale”, l’appareil chaud tenu sur l’abdomen, comme en venant plus tôt le matin en vélo à Arlac, “l’énorme crabe rouge abstrait” sur un champ de blé de Dufy Dingo dans la revue “A la Page”, et la salle des pas perdus.
Je me rendais là-bas avec ce vélo sur lequel j’avais fixé un guidon étroit, le vent violent plissant la chemise de nylon, poignets vers l’intérieur, position rentrée ; secouée.
Puis au retour chez moi, toute l’eau avait envahi le débarras de l’ancien Couvent où nous logions, alors que je me sentais déjà tellement floué (quoiqu’il en soit, je boulonne !) de n’avoir obtenu, pour toute récompense de mon premier prix de photographie qu’un séjour de quinze jours de nettoyage et de restauration d’une ferme au Kansas où se promettait de m’accueillir un couple super sympa (“...et si vous avez fini assez tôt, vous pourrez vous amuser avec nous à faire les courses le week-end dans le patelin avec toutes les sortes de gens et de commerces typiques, et, pourquoi pas, on pourra même vous offrir une bonne bière !”)
Point d’aboutissement de multiples écoulements et de gouttières romanesques, le débarras, chambre noire, que l’eau inonde. L’eau, l’eau envahit tout comme la révolution des bourgeois charcutiers et marchands de grain l’église St-Pierre et la chapelle du Martyre, l’eau dont le niveau monte depuis les fossés du jardin désolé en contrebas. Heureusement, je trouve un tuyau de plomb qui curieusement surnage, et, le tirant, je retourne un lavabo qui me sert de coque de noix et me permet de pagayer jusqu’à regagner la chaussée.
Chez les Sœurs, on s’affole aussi : tous les Saints flottent.
Date du document : 1978
Ce texte figure dans Quartiers de ON ! paru en 2004 aux éditions Verticales, augmenté de ses étoilements plastiques, inserts et éléments sonores.
J’avais rêvé, en entrant dans le monde de la photographie, de devenir reporter-criminel, mais pour rien au monde je ne voulais finir en tireur commun avec une chaîne cernant les pieds cadenassée autour de la colonne du Durst, comme tous ceux qui travaillaient là-dedans et qui n’avaient même pas le droit d’aller pisser : on leur apportait un pot en plastique (il n’y avait pas de tireuses !), ni même, version luxe, à faire des diapos de fonds de papillons et de fleurs le week-end comme en commettaient le couple Soudain, tellement parfaits, tellement anglo-saxons (or pâle) et tellement cons, avec la sangle de leurs deux Rollei passant en travers de leurs deux Lacoste.
« I doit être tourné vers la Noël, un tel film, un tel crâne de caméra, et y’a des individus glauciers qui mijotent dans le scénario ! »
La caméra est tombée. On va pas la laisser tourner par terre tout l’été. Il ne faut être en retard ni sur le rêve ni sur l’instruction d’une découverte philosophique due à une substance non numérale. On ne peut non plus laisser passer ça sans bouger du pif. Aussi la présence du petit con à mobylette derrière Arlette et moi, sur l’Intendance, face au porche du premier Studio Soudain, m’énerve.
« Qu’est-ce qu’il y a ?
— C’est parce que vous me fixez, je bouge pas. »
J’avais la chance d’être mineur. Je l’ai fixé sans hésiter d’un coup de lame et davantage, un mois plus tard. Qu’on annonce la bonne nouvelle ! Ensuite, on pourrait filmer les inondations. Il y a eu à peine un entrefilet, personne n’a cherché.
Date du document : 1989
Ce texte figure dans Quartiers de ON ! paru en 2004 aux éditions Verticales, augmenté de ses étoilements plastiques, inserts et éléments sonores.
« Qui mourrai-je de quoi ? D’une inattention portée au temps, bonheur attendu de rien, attenant à rien, et dont rien ne peut rendre compte ? D’une simple vasodilatation de l’âme… »
Il était dix-sept heures quarante, de l’autre côté de la Révolution, bord droit, au mois de Mars, et la surface presque chaude de l’herbe de l’Esplanade recevait de grandes tracées d’ombres en rayures sans véhicule.
Sur le bord même de la Révolution, à gauche, sur les terrasses du quai de Calonne interdit aux piétons la nuit, il y avait des accidents en contrebas, à l’endroit du parapet du Château-Trompette en cours de démolition, des brûlots divers (la bête prise, les bleus sans liesse), et le remblais en surplomb etait empli d’un attroupement de citoyens, arrêtés au-dessus de la situation.
Les sans-culottes et les officiers municipaux chassaient les voyeurs venus là d’un double geste énervé des mains, du genre : “Tirez-vous, sales rapaces, agioteurs du malheur !”
Nicolas voyait ça par son fiacre, mais surtout par la fenêtre de droite vers l’Esplanade (qui n’était encore qu’une esquisse au milieu des ruines, un trapèze immense irrégulier et tordu), il observait ces ombres esseulées, sans origine, et se retourna plusieurs fois sur la gauche, de plus en plus vivement, dans le but d’en surprendre les émetteurs fugaces.
Mais il ne vit rien, rien qui soit susceptible de les projeter.
Date du document : 1966
Ce texte figure dans Quartiers de ON ! paru en 2004 aux éditions Verticales, augmenté de ses étoilements plastiques, inserts et éléments sonores.
Voici l’exemple d’une des pièces que les Lycéens jouèrent à propos de la Révolution Russe en 1967 au “Théâtre du Styx” qui devait devenir la fameuse roulotte de Sainte-Croix.
Docteur Botkine. Bien sûr, on peut toujours rêver le domaine secret et sain de l’Intelligence. Mais moi c’est pas de la mer Noire où règne Sérapis, dont je veux vous parler, c’est de bien avant Sosso, du temps du plâtre et de la mort du jeune Nicolas.
Domestique Troup. Non, non ! Vous avez perdu ! Vous voyez : l’as de pique est tombé sur le valet de pique. (Il rit) Et donc c’est fini pour Sosso ! Son propre mal a été pire que lui. Cette sorte de variole bureaucratique sévit.
Docteur Botkine. Ce Caton de basoche de Kerensky, où est-il, au fait ? Balayé par Lénine, c’est ça ?
Domestique Kharitonov. Il est rendu à ses asperges vivaces et bleuies, bourré des idées saugrenues d’un généralissime de foire ! Tandis que vous, Docteur, vous voilà encore obligé de vous traîner avec vos maux de reins, et vos pieds gelés sur les fleuves !
Je vais vous parler moi de la mort du père Empereur de l’Industrie, (Macha au fond, en robe noire, s’avance) toujours si digne avec ses pantalons à liseret qui lui affinaient la taille et allongeaient sa silhouette ! Et je vous parlerai aussi du plus petit Alexis Nicolaévitch, inclu comme une matriochka dans le Père Nicolas, cet Industriel Hongrois de Libourne. Ils lui en voulaient parce qu’il était soi-disant du côté des “Blancs”.
Docteur Botkine. C’était pourtant un grand ami des Sales chez qui j’étais souvent, des Inventeurs. De grands Inventeurs et de dignes gens. De bons amis à moi aussi. Ils ne parlaient pas allemand, ils étaient orthodoxes. Le petit-fils fait du cinéma, aujourd’hui.
Macha. Mettons que la vie soit un brouillon, et qu’on recommence. Mais les autres, les Demi-Deuils, les Millions de Marchés, les Installations de Machines à Tortures dans les Instants, les Représailles, non ! Jamais ! Je sais maintenant : il faut éviter tout ce qui glisse et qui caractérise, tout ce qui est crachat et ne se résout pas dans un cri uni. Sinon on se tait, on prend d’autres manières que les siennes, dans la soie ou dans le meurtre, on se résigne. Alors là, la vie serait propre, on recommencerait, on arrangerait une pièce, comme ici, avec des fleurs, une masse de lumière et des petites filles pleines d’espoir.
(Un silence.)
Date du document : 1975
Ce texte figure dans Quartiers de ON ! paru en 2004 aux éditions Verticales, augmenté de ses étoilements plastiques, inserts et éléments sonores.
« Alors Flahaut lui dit : “Hortense, calmez-vous ! Paluchez-vous d’un seul doigt.” » Macha lisait ça à Don Jujus, les cuisses écartées sur le lit, Macha qui venait de Mouch, en Turquie ; elle était douce au toucher. Lui était plutôt dru, et orienté vers l’Orient. Rosa, à Caen, lui en avait parlé, ancienne copine à elle du Conservatoire.
Elle le masturbait sur elle, elle avait deux petites roses (rouge, blanche) prises dans son bracelet de la main gauche ; les secousses ne les firent jamais tomber. L’œil unique de la caméra portative de Jujus allait et venait. Et rang’ ! Et rang’ ! Elle était là, dans l’hôtel Saint-François, pour travailler avec le Groupe du Théatre du “Styx” du Lycée, juste en face, rue du Mirail, qui à présent avait son bus près de l’Académie, et pour préparer le départ à Cádiz. Lui venait du groupe des Anartistes qui habitaient une sorte d’entrepôt dans la zone des marais de Sainte-Croix ; il avait rencontré Macha avec moi à l’Académie ; ils se plurent momentanément. Ensuite, dès qu’elle aurait les mains libres, elle devait écrire un papier sur la prochaine fermeture de La Roquette, d’ici quatre à cinq ans. Elle se souvenait de ses copines prisonnières mineures, quand Laurence y était, qui regrettait son chien, son seul ami. Quand l’une d’elles recevait une lettre d’amour elle le lisait à toutes les autres et chacune faisait son commentaire ; ça durait parfois des heures autour d’une mince feuille griffonnée.
Dans la chambre à côté un autre comédien de ses amis, surnommé “Aubusson”, comme les compagnons, de son vrai nom André Névrose, et affublé d’un énorme tarin, sans déroger là où un marquis n’aurait pu vendre du drap, puisait tout le feu d’une pièce où il était question d’un texte inachevé volé dans un coffre à soie et d’un autre composé de ses résidus.
Date du document : 2008
Texte publié d’abord sur le site de La Main de Singe et paru augmenté dans la revue Fusées n°14.
Pierre-Alain Lucerné est devenu fou en plein soleil, en jouant au tennis, une vraie folie Nietzschéenne, dionysiaque, ni obscure ni coupable, dieu incorporé conduisant à l’exaltation. Là-dessus il a rencontré (était-ce une chance ?) le docteur Ferdière qui avait traité Artaud. Et quand Lucerné lui a raconté qu’il avait des files de mots qui se débobinaient sans cesse dans sa tête, jour et nuit, l’autre a presqu’exulté et lui a dit en quelque sorte : “C’est bien, continuez !”
J’ai rencontré Pierre-Alain Lucerné en novembre 1975 sur l’incitation de Christian Prigent, alors que je me trouvais à Tours, pour échapper à cette ville à plus d’un titre nauséuse. Beauté du conflit mondial du schizophrène qui faisait croire qu’on était en guerre avec ces âmes de tuffeau, crayeuses, meringuées, mièvres. À la suite d’une erreur de lecture dans la lettre de Christian, j’avais cru lire au lieu de Lucerné “Lemarrié”, ce qui fit beaucoup rire Lucerné, car s’il était une chose que lui avait bien asséné son thérapeute, c’était “Surtout ne vous mariez pas !”
Du reste, les avantages que Lucerné voyait dans la vie à deux se résumaient, me disait-il, lorsque l’une des deux personnes du couple était malade, à ce que l’autre puisse aller chercher des médicaments à la pharmacie. Il ne me parla jamais de son fils, dont je savais qu’il le voyait régulièrement chaque semaine et ne s’intéressait que de très loin aux enfants de sa compagne d’alors.
Il fit partie des rares à qui je parlais alors de la Cosmologie, jamais montrée à ce jour, et il m’aida même à en définir certains territoires.
Publication : Fusées n°14
Date du document : 1975
Ce texte figure dans Quartiers de ON ! paru en 2004 aux éditions Verticales, augmenté de ses étoilements plastiques, inserts et éléments sonores.
À Terraube
(Importance de “l’Europe plate et froide”.)
Journal de Lydou
24 août
La pluie était très forte, quand nous avons décidé (“Un… deux… trois !”) avec Aube de quitter notre abri pour rejoindre Papa sur le port. Un pauvre chien perdu courait en travers, et en nous voyant surgir, il aboya furieusement, appeuré ; son écho lamentable se répandait dans le lointain. Au loin, la tempête faisait rage, et un bâteau mal amarré alla donner du nez dans la jetée où il se brisa comme un œuf, avec un fracas terrible de craquements multipliés.
Soudain, tout se calma ! Et dans ce cadre tourmenté ce fut comme si tout recommençait.
Dimanche 30 décembre
Claude et Loulou nous achètent des bonbons.
Claude ne m’appelle que Mademoiselle.
Le soir, j’écris à Monique R., Annette P., Marie-José M., Nadine C., Liliane C., Liliane D., Nady F., Marie-Thérèse G., Colette K., Jacqueline L., Lucile M., Monique N.
Cet après-midi, avec Christiane D., nous avons recherché les endroits I (c’était avant tout, avant même les paroles I ). Nous rappellions les quoi ? Il faut dormir.
*
L’année Suivante
Mardi 1er janvier
À trois heures, Christiane D. arrive et nous faisons un devoir d’anglais dans ma chambre par la fenêtre. On rit bien. Puis elle me fait un souvenir (celui qui est à la page précédente), quand Papa arrive et me demande “si il se fait, cet anglais ?” Alors vite Christiane D. tourne la page et fait semblant de faire de l’anglais. Là : “walking back from the school ”. Ensuite on part.
Jeudi 17 janvier
Jean-Pierre Moustéou devait me porter les photos d’identité (il est collé), mais c’est Monique Dégans qui les a prises avant lui. L’après-midi, nous allons à Gauge et on discute avec Alain F. et Jean-Pierre Moustéou. Il y a aussi M. Olivier Larronde, qui est poète ; c’est un ami de Jean. Il est vieux ; il a 36 ans.
Le matin, j’ai donné la lettre de C. et de Christiane D. à une externe.
Date du document : 1979
Ce texte figure dans Quartiers de ON ! paru en 2004 aux éditions Verticales, augmenté de ses étoilements plastiques, inserts et éléments sonores.
Astrobade
Gastrobas adorait voler le pain à la cantine du Club des Coqs Rouges ; il le volait par tronçons de miches, en prenant le bout dur. Le Club était toujours resté dans l’ancien bâtiment-entrepôt d’un crépi doré qui abritait jadis le tissu en énormes coupons d’un commerçant juif aujourd’hui ruiné, à l’angle de Sainte-Eulalie.
Date du document : 1979
Ce texte figure dans Quartiers de ON ! paru en 2004 aux éditions Verticales, augmenté de ses étoilements plastiques, inserts et éléments sonores.
Le voyage à Pau
Au Lycée, on adorait tous Basile, le conducteur de bus des voyages
scolaires en fin d’année. Le reste du temps il nous apprenait les passes de foot et officiellement il était factotum.
Il était du coin. Il adorait, surtout l’hiver, avant le jour, péter à la hauteur de l’usine à gaz après s’être gavé de champignons du Sud-Ouest, fureur mégalomaniaque lui donnant l’illusion d’empuantir tout le paysage et imprégnant tellement son siège qu’il en conservait tout du long une aura d’une infection persistante à couper au sabre !
Il nous tenait des discours sur tout pendant le voyage : la Bible qu’il connaissait par cœur, et surtout la Genèse et le problème de la Trinité et du semblant, version italienne. Il nous disait que pour eux, le semblant c’était pas du bidon, c’était même tout l’inverse. Il aurait adoré travailler dans un Hospice mais il avait pas les diplômes.
L’arbre tordu, la veste rouge, il trouvait ça beau, le désordre sur la voie et la route parallèles, par ce temps gris pluvieux couvert : et surtout ce jour-là un morceau déchiré de carton, un vieux chiffon, du poil avec un con, un fion, un tronc, des tétons, un étron…
Il s’agissait du fil même sur lequel les perles de sa folie étaient enfilées.
Par contre tous les lycéens haïssaient cette visite à Lacq, cette “partie utilitaire” du voyage de fin d’année, après Pau, la poule au pot, le roi Henri, Sully-les-Mamelles, l’entrée en pente du château. C’est pour cela qu’on tua cette conne de gallinacée de prof d’Histoire, qui croyait nous faire rire en retournant ses paupières, avec l’aide de Basile, et qu’on en jeta les morceaux par les fenêtres du bus, en désordre !
Date du document : 1979
Ce texte figure dans Quartiers de ON ! paru en 2004 aux éditions Verticales, augmenté de ses étoilements plastiques, inserts et éléments sonores.
Daniel : “Nicolas n’aime pas du tout Nicolaï. Tout juste s’il lui parle. Par contre il s’entend très bien avec Nycéphore, surtout pour notre projet du “Styx”. Mais Nycéphore et Nicolaï pensent tous les deux que leur frère Didier, s’il avait vécu, aurait pu être comme ça.
De la même façon qu’en sculpture je reprenais des mises en scène précédentes de personnages en bas-reliefs, des maquettes que j’avais déjà disposées dans la salle de modelage ou des figures découpées et rapportées. Nicolas, lui, utilisait ce qu’il appelait ses “papiers bohémiens”, écrits en route et enfoncés dans les poches. Chacun de nous deux assemblait à sa façon des morceaux autonomes. On était déjà dans la double articulation sans sauce romantique. On se sentait frères de Mozart. C’était un baladin d’adoption qui fumait, buvait, et écrivait énormément. Un très bon poète incapable de la moindre réalisation matérielle. Il rêvait d’épouser une Gitane, c’était son but dans la vie, et pour cela fréquentait les roulottes de tous les campements rencontrés. Étant par excellence un Sujet du Bord, qui zigzague en tzigane, ce projet des “Enguirlandés” l’enthousiasmait.
La première fois que Nicolas est venu de Libourne (son père avait une industrie là-bas), j’ignorais qu’il eût un frère mort. Il m’a simplement parlé de sa maison, d’une façon sommaire : de la porte sur la cour, puis de l’ouverture générale vers le village d’abord par le grand portail, ensuite par la route remontant au nord ; au sud et à l’arrière il y avait d’immenses champs, des prés herbeux, et au loin les faubourgs grisâtres et roses pâlis.
C’est dans ces faubourgs qu’il a rencontré Claude qui vit près des décharges, “Fouailleur” minier qui perce avec le croc l’amas gelé des détritus à la recherche d’un élément rare, sépare le Ciel et la Terre à l’aide de ce trait et grâce à lui du Chaos se tire. Dans la famille de Claude, il ne leur restait plus que la roulotte, et la compagnie des gitans vivant des frites et de la vente des animaux ; autant partir ! Autant suivre cette ligne toute de contiguités à présent, cette ligne de chant du récit que heurtent les récifs, ces blocs primaires la trouant.
Date du document : 1978
Ce texte figure dans Quartiers de ON ! paru en 2004 aux éditions Verticales, augmenté de ses étoilements plastiques, inserts et éléments sonores.
L’Esplanade rutilait de mille feux, miroirs des carroussels et des labyrinthes que venaient à peine embuer les fumées graisseuses qui flattaient le palais des nouveaux dieux.
Jany-Janus tenait le Palais des Glaces.
(Jany-Janus était une prostituée révolutionnaire anthropophage qui avait mangé son frère pour posséder les deux sexes à la fois ; à partir de là, hermaphrodite aux deux versants elle devint et s’offrit d’abord à Paris comme un travelo jeunot recto-verso, sur les Boulevards, porte Saint-Martin, Saint-Denis, et notamment à toutes les sorties des théâtres de ces mêmes boulevards avant de venir s’installer à Bordeaux.)
Date du document : 1978
Ce texte figure dans Quartiers de ON ! paru en 2004 aux éditions Verticales, augmenté de ses étoilements plastiques, inserts et éléments sonores.
Sous-bois, déséquilibre, cassures, pour Charlotte Corday. Toujours de cordée, jamais de Montagne. À Glatigny, chez l’auteur des “Glaneuses”, où elle avait sa chambre, et passant de chez lui chez Roncerailles, dans ce trou de chaumière loin de l’Ami du Peuple qui donna naissance à cet autre poète aussi faux que Larronde.
Elle a vécu du manoir au château ; on s’appelait d’un lieu à l’autre.
Sa Trinité est plus de métal blanc que de dorure, multiplicité prise dans le rythme ternaire de la course Augustinienne. Elle est plus proche des coupes farouches de son grand-oncle Corneille que des serpents sinueux de Racine.
Elle craint ce “trop” qui vient en elle, cet afflux de sensations, d’harmonie, de bien-être, cette surabondance dangereuse (qui va basculer), cet excès d’odeur (comme un fauve migraineux), de réminiscences qui la soufflètent, etc.
Toute sa vie elle a gardé sa cartographie de faiblesse rainurée de bois tendre, visible en glacis sous son teint diaphane comme à la fenêtre étroite donnant sur une cour obscure elle calquait de petits dessins qu’elle appliquait sur la vitre ; par là encore, comme avec les crayons de couleur de Glatigny, elle était proche d’Arthur. Par ces muscles involontaires elle faisait circuler à vif les hontes et rages de l’époque rougissant de riens pour les autres. Elle avait des visions en coin d’œil aussi, à la Frankie Adams, au printemps, sur le sol poudreux des chemins ou faux vives lancées sur le sol chez elle : pas de parquet, du carrelage ; pas de plafond, des solives ; une vaste cheminée.
Date du document : 1978
Ce texte figure dans Quartiers de ON ! paru en 2004 aux éditions Verticales, augmenté de ses étoilements plastiques, inserts et éléments sonores.
Esplanade
Dans ce Cabinet de Voyance où Camille s’est rendue peu avant avec Basta, pour connaître soon-avenir, chez Marie-Anne, il y avait des insécables et rugueux retours archaïques datant d’on ne sait quel ineffable. Déjà, tout enfant, chez les Vistandines, elle allait vers les visions comme on va vers le précipice, et aujourd’hui chez ceux qui la consultent, elle ne fait surgir vers le futur que ce qui était déjà là en eux, notamment avec son MUTUS-NOMEN-DEDIT-COCIS de cartomancienne à cadences paires.
Elle les jette sur le Minotaure au fond du Labyrinthe, mais pas de lamento d’Ariane, pas de pelotte, pas de moyen de se faire pelotter dans le tréfonds.
C’est ainsi qu’elle a vu pour le Tsar un siècle à l’avance : Tannenberg, les gourances de Raspoutine, les bolcheviques en dahuts, pattes gauches du côté de la pente… elle agrémente après-coup l’archaïque. Et c’est pour cela qu’à Bruges on l’a traitée de sorcière.
Une fois elle rêva pour Charlotte d’une paire d’yeux se mouvant seuls près de morceaux de corps aux diverses couleurs indépendants et de paquets de poils également autonomes, ainsi que de bouquets de feu et de lumière, mais dans la liaison formidable d’une phrase grandiosement organisée qui lui fit voir clairement l’efficacité du “génie” qui lui servait les phrases dans l’obscurité, car elle lui avait été dictée dans sa perfection d’un seul trait qu’elle lança en se levant.
C’était le portrait de Marat, qu’elle décrit comme un castrat qui chante dans son bain de sang.
Date du document : 1984
Ce texte figure dans Quartiers de ON ! paru en 2004 aux éditions Verticales, augmenté de ses étoilements plastiques, inserts et éléments sonores.
Ensuite Camille et Basta (désormais son mari) s’attardent à Bordeaux avant de se rendre au bord de la mer, vers Andernos ou Le Porge, les plages des pauvres, ou bien Arcachon, Le Cap Ferret, preuve d’un luxe inaccoutumé. En s’arrêtant à Bordeaux, ils vont voir Aube, à Bruges, chez le grand-père “aux doigts gros comme des saucisses de Toulouse” et les cousins Artaud, un peu tarés ; tandis que la palette des après-midi mal vernis s’avance, ils doivent subir les baisers mouillés ; ils se voudraient prestes, attentifs, mais ils sont disparates. Puis comme il n’y a pas de place chez elle, pour dormir tranquille, Aube leur a trouvé la maison vide d’une amie, pour une nuit, rue Vercingétorix, vers la Barrière d’Ornano, pas loin de “chez Sambo”.
C’est le jour de ses vingt ans, et Camille se repose sur le bord du lit, après, rue de Bègles, paumes en pronation serrant le bois des montants, et projetant la tête humérale en avant et vers le haut, le cubital antérieur et le premier radial épanouis de part et d’autre ; et, grâce au reflet, sur le rebord du muret humide au-delà de la terrasse où la pluie cesse à peine sur le fond des branches désastrées de platanes, les restes d’ocre-sienne et clair, la tête penchée, son dos rond et puissant de sirène (comme elle a coutume de s’asseoir sur le bord du bassin), ou de pianiste (tout à l’heure sur sur son tabouret), dominant, arche puissante, si bien lié à la fragilité de l’ensemble, aussi surprenant que le soudain profil d’Isis éclatant tout au long des salles du pavillon égyptien du Louvre, impossible à imaginer à partir de la vue des hanches de face, fessiers puissants de gymnaste sortant d’un plan inattendu sur l’ébauche, peut-être la danseuse de Degas aussi.
Date du document : 1989
Ce texte figure dans Quartiers de ON ! paru en 2004 aux éditions Verticales, augmenté de ses étoilements plastiques, inserts et éléments sonores.
Rue Maître-Jean : La Clinique. Elle devait recevoir la visite d’un ami. Sonnette, arrivée sur gravillons ; Marguerite est bien là. À moins que ça soit Madeleine…
Date du document : 1973
Ce texte figure dans Quartiers de ON ! paru en 2004 aux éditions Verticales, augmenté de ses étoilements plastiques, inserts et éléments sonores.
La présence obsessionnelle de ma pensée à des tâches quelconques était un signe de déséquilibre, ou bien était-ce au contraire le fait de les exécuter machinalement, tenant compte du fait que nous cherchons le déganguement du primaire par les ruptures d’Univers.
Je devins immobile.
Date du document : 1978
Ce texte figure dans Quartiers de ON ! paru en 2004 aux éditions Verticales, augmenté de ses étoilements plastiques, inserts et éléments sonores.
Les Enfermés (ils ne partiront pas !)
Nycéphore
J’ai rendez-vous avec Marie-Anne à trois heures à la Clinique. Je lui ai téléphoné hier à midi depuis le petit bureau de poste de Saint-Augustin alors qu’il allait fermer, et j’ai visiblement retardé l’enfilage de manteaux du couple de vieux qui doit être employé là depuis la fondation.
Ô Femme, voix profonde ou suraiguë, bombement de son sexe si finement perçu à chaque modulation vocale ! Théodosius ! Marie-Anne avait en effet comme “doublure” grasseyante son délicieux accent austro-hongrois, grave. “C’est elle-même. Viens chez moi à six heures.” “Si c’est possible, j’aimerais mieux qu’on se voie ailleurs ; je ne tiens pas tellement à voir ton père.” (Son père s’était opposé à son départ avec nous et toute la troupe de théâtre de Cádiz.) “Bon, et bien, retrouvons-nous à l’Hôpital de Jour ; c’est boulevard Wilson, près de la Radio ; j’ai eu une dépression nerveuse ; on peut se voir demain à 15h, si tu préfères.”
La dernière fois que j’avais rencontré Marie-Anne, c’était pour la fête chez Walter H. lors de la préparation de l’Opération Cádiz (entrecôtes et ceps en sous-sol), lors de la descente des flics ; elle était saoûle, et je ne sais plus qui l’avait embrassée ni comment elle était rentrée chez elle.
*
Je suis à l’Hôpital vers 15h 30. Là, d’autres pensionnaires aux yeux bouffis, comme ourlés, gonflés à l’hélium, gestes neuroptisés atrocement lents la cherchent sans la trouver. L’âme d’Elcé exaltée par le jeûne.
Elle n’y est plus, et pourtant, elle attendait avec impatience sur le pas de la porte vers trois heures moins le quart, selon ce que tous me disent, héroïsme qui emplissait les fenêtres d’une crainte indéfinissable.
On regarde au sous-sol, et de nouveau dans les étages, dans sa chambre.
Les Infirmières :
« Qui êtes-vous ? Vous êtes de la famille ? (L’une rougit violemment.)
— Elle doit être rue Maître-Jean, dans l’autre clinique ; elle devait rendre visite à un ami. »
Date du document : 1986
Ce texte figure dans Quartiers de ON ! paru en 2004 aux éditions Verticales, augmenté de ses étoilements plastiques, inserts et éléments sonores.
Avant de mourir, Maurice a eu envie de se rincer l’œil (plus d’un siècle qu’il n’a pas pris de bain !). Il est venu en tant que globe-trotter, trotter chez l’Oncle à Buenos Aires, histoire de ne pas se refroidir en mourant et de mourir au chaud (il refuse d’être cryogénisé : rien que l’idée le refroidit !).
Date du document : 1984
Ce texte figure dans Quartiers de ON ! paru en 2004 aux éditions Verticales, augmenté de ses étoilements plastiques, inserts et éléments sonores.
Fondamental du défaut, il était, Stamp ! De la courbe du mérite par rapport à la courbe analogique, par rapport au son ; c’est-à-dire : il n’y a jamais de modulation ! Toujours l’un ou l’autre. Ça commence comme ça, comme un Roman Paresseux, une façon simple de se citer à la troisième personne, qu’il aime. Ensuite son enquête a progressé en fonction des fréquences…
(Les questions sont posées par une sorte d’inspecteur Dupin : « Est-ce que le 0 change à telle ou telle fréquence ? Est-ce que le 1 est impossible à telle hauteur ? », etc. Au fur à mesure, il annonce à qui veut chercher. En disant simplement : « Dépêchez-vous ! Il est en train d’agoniser ! » Ça part de là.)
Stamp a tout son appareillage de cryogénisation installé autour de lui depuis son encéphalite récente. Le docteur Pentoja a pour consigne de l’emballer et de l’expédier à Buenos Aires rejoindre la collection de Martó au premier bip de sa part.
Technique de reportage en des pays exotiques. Fondations de phrases ininterrompues, en suspension, passage d’une grille à une autre rapidement, sans que le sens soit vraiment délivré.
Monologue enregistré : (Ferré : “les bras des émigrants qui n’ont jamais de pain d’avance.”)
“Je n’avais “pas à pas” envie de boire ; me sens tout sale. Extérieur Mexique, et mousson. Pluie qui allait durer deux mois. Mais plutôt envie d’une tartine de fromage de brie (rot : “Heurrh !”), avant d’avoir fini le chapitre. Je branchai la télé ; il était déjà 22 heures ; je soulevai le combiné, j’attendis… qu’une de ces voix de femmes paraisse devant l’écran de télévision, baisse sa tête, et montre son crâne complètement décousu, plein de cicatrices de petite vérole, à angles droits. Un frisson me parcourut tout le long de son échine, et remonta comme une voie unique, au sexe. Elle raccrocha ; je posai le combiné, j’allumai une cigarette, je finis par trancher la mie en menus morceaux, j’éteignis le tube, et en me laissant tomber dans le sopha, je gardai le verre à la main. Là-dessus, je me levai et je m’en allai.
Personne ne m’attendait à la Gare. De l’intérieur, je me sentais plutôt bien. J’évitai tous les miroirs, où je me serais sans doute paru plus grand, et amaigri comme une fente de machine à sous, avec un sérieux coup de vieux, au pistolet. Même les cuivres des Chevrolet.
“Ça marche ?” m’aska quelque homme qui n’allait pas du tout dans la même direction que moi. Pas de réponse. “Le zinc… somme d’habitude… moi non plus.” Et la voix s’éteignit. Je venais d’apprendre qu’elle…
La personne marchait vite ; j’en ai bien vu trois ou quatre de ce genre dans la semaine.
Je quittai la Gare décentrée.
Date du document : 1984
Ce texte figure dans Quartiers de ON ! paru en 2004 aux éditions Verticales, augmenté de ses étoilements plastiques, inserts et éléments sonores.
Ici le morceau rythmique de la fin est représentatif de la façon dont la langue devient le portrait filmique lui-même de la disparue, mitraillage kaléidoscopique.
I. Revay
Ça y est : par deux trous dans le cercueil ils descendent le corps de la mère directement dans le congélateur. Le mari et son frère de 14 ans enfant de chœur sont arrivés par surprise la nuit à l’Hôpital ; ils ont atteint le corps dans la chambre froide, lui ont administré des piqûres d’antigel par voie intramusculaire, l’ont enlevé : une ambulance les attendait. Puis, dès la maison de la Plaza Constitución, ils ont mis l’épouse dans le cercueil avec de la neige carbonique et ensuite ils l’enveloppent dans du papier cellophane pour la mettre dans le congélateur. Ils font partie de la secte Orphiste.
Elle est passée des communs à la crypte, la grotte, la crupta, la crotte qui a été recreusée dans sa voûte pour pouvoir ouvrir le couvercle.
Le Docteur garde sa femme cryogénisée avec lui, parce qu’elle n’a pas voulu d’enfant, comme un espoir lointain, et, enfermé dans cette crypte, il passe son temps à se projeter sans cesse d’anciens films de sa vie en 9,5 mm noirs et blancs, au-dessus du bourdonnement du corps mort. Monica était la sœur de Monique, de la Folie-Méricourt, musicienne accomplie comme elle. Il est né en 48. En 84, il était persuadé que le monde allait se retourner, il pensait qu’on allait rentrer dans le Siècle d’Or et l’Ère d’Orphée, et pour rentrer dans ce Siècle d’Or, il lui fallait absolument cryogéniser son épouse et tous les êtres chers de sa famille.
Ensuite toutes les personnes mortes de la Tribu de Prosper et des Frères Naskonchass lui ont été fournies par les Docteurs Civière, Decaisse et Dufourgon sis place de La Monnaie, les plus mauvais de Bordeaux. Comme ils s’occupaient beaucoup de ceux-là, tous en sont morts assez rapidement. Quant au Docteur Pantoja, il se chargeait de l’export des corps.
À présent, au centre de la crypte, le gros congélateur est celui de Roméo et Juliette, puis vient celui des amants Colomb et Souley, de Bordeaux, et ensuite toute la liste des cadavres du Docteur ; ça fait un bruit d’Enfer !
Date du document : 1984
Ce texte figure dans Quartiers de ON ! paru en 2004 aux éditions Verticales, augmenté de ses étoilements plastiques, inserts et éléments sonores.
Où il est encore question de la prosodie, d’Aragon autant que du Maimonides Hospital, mais surtout du “duende” des fuyeurs des Tribus diverses de la Cosmologie, des Incarnations et de la façon dont l’Inscription transforme les corps, de la théorie des veilleuses et de la formidable invention réclusive d’Aloysius Bertrand ou du peintre Luncarné.
I. Revay
Ne nous trompons pas : l’Oncle ne confondait pas l’emportement lourd, sans nuances, la célérité violente et massive du fascisme, avec la légèreté de ses chers “fuyeurs”. Il savait que la plupart des mouvements avaient lieu dans une vrille sur place, comme dans l’escalier d’ébène mauve d’Eliseo.
Disons de ce mouvement qu’il est simple, et qu’avec un vieux short ouvrier, un débardeur noir et des chaussures de fortune, en courant sur les plateaux aux ossatures crayeuses des Charentes, on peut y atteindre. Aux moments où tout paraît désespéré, dans la pire Guerre, le plus désastreux conflit, la course offrant un peu de sueur assez tôt, avant les tâches, et l’illumination revenait.
On avait de ces bonheurs simples du Dimanche, avec le coq ; des
bonheurs fermiers, des bonheurs contigus à la terre même ; rien de plus compliqué.
Le Mouvement tenait à cela : retrouver dans les premières lueurs
matinales toute l’archéologie de la Tribu, tout le mérite des Poussées Ouvrières.
Date du document : 2000
Ce texte figure dans Quartiers de ON ! paru en 2004 aux éditions Verticales, augmenté de ses étoilements plastiques, inserts et éléments sonores.
Il y est question de Rimbaud, de Pasternak et Jivago, d’Apollinaire, de Hugo et d’Aragon, de “la plus banale romance” et de la transmigration prosodique. Puis encore de la verrité comme épaisseur du verre qui résiste à la vue, dont il est question ailleurs dans l'ouvrage.
I.Revay
À nous dans un multiple mouvement les grands pans de la pensée de l’irréel, les électrochocs de Fernande (que rappeleront si bien les spasmes de la petite chienne coker Pépita, gueule bavante dans les copeaux de bois), et ses faux bijoux du “Caillou du Rhône” ! Je suis devenu Sergueï Kaltoukine ! Ni plus ni moins “un personnage” (“Jean, laissez-moi arriver aussi !” germentent les cupidités, vous avez vu ? Valeurs poncives de l’écrit. Tout ça pour en placer d’autres, gros éléments, fournis en quiproquo.), le jour où j’ai découvert que la majorité de mes poèmes préférés, jusqu’au rythme octosyllabique de leurs franchises hivernales (auxquelles je tenais tant !), avaient déjà été écrits en mieux par Boris Pasternak.
Dans ce temps-là, Lola La Noire (grise sur la plage) fuyait la nuit dans les monts de Castille en chantant des idioties, folle, déliée :
“Qui pue tant du cu et
Perd ainsi son beau cerveau,
Son sage servage en cerceaux ?”
Je ne connaissais alors que l’art de la liste, et la compagnie de poètes russes alcooliques déambulant au petit jour, feulant de moins en moins jusqu’à la puissance fabuleuse sans objet peint, raclant le vers pour atteindre l’insignifiance sans cataplasmes ni connotations, plus ondulatoires que corpusculaires, la bouche embrassant avec angoisse forte la loi, la pressant de leurs bras sur les deux bords avec leur habitude cosaque de cavaliers de fer soumis à l’endurance, rapeux.
Date du document : 1989
Ce texte figure dans Quartiers de ON ! paru en 2004 aux éditions Verticales, augmenté de ses étoilements plastiques, inserts et éléments sonores.
Nouvelles du Tío de Buenos Aires
Buenos Aires s’est appelée dans l’Antiquité Buenos Eros, car elle était la capitale d’un Eros primordial antérieur à toute division des sexes, Chaos et Genèse.
Domingo, frère d’Eliseo, réfugié à Buenos Aires (on vous dira l’Histoire de la Ville), est un Fou du Cinéma. C’est le mari exilé de la Tía, restée habiter rue du Port parce que c’est de là qu’il est parti et elle attend qu’il revienne par-là. Il était parti pour faire fortune ; il a fait fortune, il est resté. Il veut saisir la Vie entre ses mains. C’est un collectionneur, et en particulier des Inventions-Ancêtres du Cinéma : zootrope, praxinoscope, etc. Il n’a pas eu d’enfant et vit la plupart du temps dans l’Obscurité, surtout depuis qu’il est devenu aveugle, même s’il distingue un fond gris-doré, “là votre main, et même un peu de votre visage, de près…”
C’est l’Oncle des Dimanches Après-Midi. Il s’est dit qu’en se gardant, lui l’apôtre du Mouvement Généralisé, des influences de la Tribu, il conserverait la nécessité impérieuse de la Recherche des Dimanches Après-Midi, cette exigence dont participe également la Radiophonie d’une façon non négligeable. Non pas l’exigence dans son énoncé, mais dans sa matière, dans sa sensualité (idée qui imprègnera le projet “Aube-Matière” de Daniel) : parfums, extase, vibrations, type d’oppression, inclinaisons de la lumière, coïncidences d’Ouranos et de la Terre déployés.
Date du document : 1966 & 1971
Ce texte figure dans Quartiers de ON ! paru en 2004 aux éditions Verticales, augmenté de ses étoilements plastiques, inserts et éléments sonores.
Crise Mystique du Dépôt des Bus
Celui qui vient du Dépôt des Autobus passant sous des platanes et des tilleuls sur les Boulevards vers le cimetière, mais de l’autre côté sous les pins parasols de l’allée des Pins (il ne s’en souvient guère !) a vu “Irène soignant saint Sébastien” mais moins intéressant que les Commandements qui lui furent dictés.
C’est Nicolas Zemacks, toujours soigneux, pli et revers sur un pantalon de laine gris, fine silhouette issue de l’Est, brume et toux incessante de fumeur invétéré, suivi par une quantité d’insectes et d’animaux de toutes sortes, notamment les blattes.
Il dit : “Dieu, j’attends des jours le fade artifice des rosaces défleuries, des Rois de Gloire qu’on défenestre, et le Carnaval éprouvé, pour noter sur un terrain d’égalité les tombes aux teintes détestées jadis enfant.
Par une romance mécanique sotte aux pieds nus du joli village, j’appelle à boire le sang noir des victimes qui circule dans le rocher, les ombres confondues des Jeunes Filles dans la cire et des Anges demeurés.
Orphelin, j’ai grandi en perpétuant cette féérie !”
Il va.
Ce paquet de chair étroite comme un gnome rouge, choit.
Belles noctambules, arômes indiens, piments désunis.
Champ où le seul jeu est le croquet avec des maillets d’os et des boules de peau.
Chaque cri lance un écho vers une cible invisible.
Date du document : 1989
Ce texte figure dans Quartiers de ON ! paru en 2004 aux éditions Verticales, augmenté de ses étoilements plastiques, inserts et éléments sonores.
Rbsprr !
« Est-il déjà levé ?
— Est-ce qu’il a mangé des légumes ? » disaient les filles.
Arriver dans une ville inconnue en Montagne effarée de paquerettes sur des parterres d’herbe grasse et mouillée, découvrir l’âme soleilleuse de chacun à chaque fois dans la circulation effrénée des reflets, voilà quel était son réveil ébahi.
Aujourd’hui dix heures de sommeil comme un hérisson se déplie, éblouissement de rosiers sur jachère, fouillis de thym, orties, blancheurs éparses, éclatement violet, tandis que le menuisier se plaint auprès du voisinage d’avoir dû refaire les plâtres à cause des cahots des carrioles de condamnés qui ébranlent tout à partir du pavé, “Bon-Ami” accompagné par le chien Black conduit les filles herboriser à Issy, manger sur les prairies de Meudon ou flâner dans les allées les plus retirées et profondes des Champs-Élysées où l’on voit Médée qui traîne en robe de deuil auprès des petits pavillons. Déjà on n’allait plus à dos d’âne dîner dans l’herbe à Robinson.
Mais en dehors de cette journée exceptionnelle, en bon père de famille qui craint les femmes et l’argent, il préfère généralement à tous ces endroits le jardin paysagé de Duplay : ainsi on a le monde entier chez soi.
Nus sur le pré, les sans-culottes découvrirent qu’ils avaient des sentiments, je l’ai déjà dit (prenez des notes !). Rbsprr n’avait que de la vertu.
Que cherchait Rbsprr en remontant du regard cette chair blanche jusqu’à l’embouchure ? À discerner l’effet de contagion de la scarlatine sur les punaises ? Il était touché par ces yeux cernés sur ses joues rondes, ce nez à peine épaté, cette chevelure ébouriffée de fraîcheur, soulevée par le
printemps. Il ne cherchait certainement pas la version Or ; plutôt la version fragile de l’argent, sinon sa version orange de la simplicité.
Date du document : Juin 2008
BAADER-MARS
Cette gravure sur bois a été réalisée grâce au soutien de l’URDLA, gravée et tirée dans leur atelier de Villeurbanne les 10 et 11 juin 2008. Elle est éditée en 14 exemplaires dont moitié du tirage réservé à l'auteur. Elle est en vente auprès de l’URDLA.
La xylographie a pour double source historique l’impression des images religieuses et des cartes à jouer cosmologiques ancêtres du Tarot (peut-être d’origine gitane ?)
Ici en dehors de l’évocation du Pendu (renversé) autant que d’un mort couché sur un plancher et du cadavre d’Holger Meins, il est question de Mars. Le dieu de la Guerre et la Planète Rouge convenaient autant que l’Or du dernier Empereur Mao pour une future activité de la Fraction Armée Rouge, dont le suicide collectif de quatre membres en deux jours n’a jamais bien été interprêté : en effet le Boeing détourné par quatre terroristes palestiniens, qui erra en traçant des V au-dessus de Chypre en hommage à Pynchon, et effectua un dessin savant au-dessus de Dubaï et Bahreïn, avant de se poser sur l’aéroport de Mogadiscio, en Somalie, n’avait pour but que de signaler aux détenus de la Bande à Baader une opportunité climatique et astrologique de fuir sur Mars dans la nuit du 17 au 18 octobre 1977. Les trous de balles que se firent volontairement dans le dos Andreas Baader et Jean-Carl Raspe à l’aide d’un pistolet ne servaient que de “prises d’air” et le cable de haut-parleur avec lequel Gudrun Ensslin se pendit permettait de maintenir la communication avec les amis Martiens tout le long de la téléportation. Irmgard Möller malheureusement ne put les accompagner, malgré les nombreux coups de couteau dont elle s'était perforée, faute d’avoir su inverser la carte des trous à faire qu’on lui avait transmise en droite-gauche. La Foudre, Initiale de Zeus et lettre du Dyable divise ici les deux Frères dans le même corps.
Elle regrette sûrement depuis d’être restée vivante sur terre.
Par contre Ingrid Shubert réussit bien à son tour la téléportation le 12 novembre 1977.
On se souviendra de la photo de la mort d’Holger Meins en novembre 1974 parue dans Libération, et de ce corps devenu squelettique et difforme à force de grève de la faim : 42 kg pour 1,85 m, et de ce qu'il disait dans sa dernière lettre : “Un des côtés de Engels : transparent. […] Ce n'est plus une question de matière mais de politique.” C’était un des premiers à avoir été téléporté et à avoir compris la transcription par la lumière, ce qui était aussi une façon de retrouver le corps des déportés pour ceux qui combattaient les anciens nazis, ou la méthode Kepax pour oublier les insupportables blessures.
Gudrun Ensslin, fondatrice de la R.A.F. avait cet avantage d’être Lion ascendant Capricorne et Dragon de Métal en Astrologie Chinoise et de pouvoir ainsi guider le groupe dans sa fuite céleste.
Publication : URDLA, Centre International de l’Estampe et du Livre
Date du document : Tours 1984
Ce texte figure dans Quartiers de ON ! paru en 2004 aux éditions Verticales, augmenté de ses étoilements plastiques, inserts et éléments sonores.
Saïd. Vers Strasbourg !
Mañana : “Alors que “j’en décousais” avec Macha, Saïd mettait la
dernière main à son système concernant la classification des esquives, et voulait le confronter à l’expérience d’Habersetzer, qu’il devait rencontrer le week-end même à Strasbourg, avant d’en faire un matériau chorégraphique qui puisse servir soit d’intermède (comme au temps du
Roi-Soleil), soit en l’intégrant au travail dramatique et en particulier à la
chorégraphie des Andalous.”
Pendant qu’il travaillait, Claudia l’observait de tout près (les dents, les cheveux), en réservant sur son visage des zones de prélèvement pour son univers, fait de petits morceaux, d’intenses instants, pris ici ou là, et jointoyés, comme d’autres se font une robe de patchwork. Sa Carte du Tendre allait de Pantin au Chemin Vert où elle était née.
Voici la classification des esquives à laquelle était parvenu Saïd :
– côté/déplacement latéral du buste
– déplacement/retrait du buste/rotation
– absorption par le hara
– retrait arrière du buste
– déplacement/rotation/retrait 1/4 de cercle du pied du côté du coup
– rotations du buste
– rotations de la tête :
. sur son axe
. en effectuant 1/2 cercle d’un côté ou de l’autre
En ce qui concerne les contre-attaques, il me semblait que sa typologie était presque exhaustive, en tout cas bien plus complète que celle de R. Habersetzer.
Date du document : 1982
Ce texte figure dans Quartiers de ON ! paru en 2004 aux éditions Verticales, augmenté de ses étoilements plastiques, inserts et éléments sonores.
(Usines de la Toussaint)
À Rouen passe au petit jour le cortège d’un jeune homme de 25 ans qui va être fusillé, plein d’émotion et de malfaisance. Il a la sensibilité infinie de vérité de celui qui a rédigé le procès de Jeanne d’Arc, ici-même.
Il a été amené de Fresnes dans la nuit. Long couloir de la cathédrale d’acier :
« Au revoir Béraud ! Adieu Combel ! »
Voiture Amilcar noire jusqu’au poteau dressé au bas d’une butte de gazon, surplombant le fleuve.
Il refuse le bandeau sur les yeux. Il crie à ceux qui le mettent en joue:
« Courage ! » Et il est tombé.
Anoxies du bonheur, erreurs de la colère, envolées…
*
Toyrangeau : “Je devais me lever très tôt à Rouen, parti de Tours hier avec Nini Ruth pour retrouver entre autres Nicolaï et Charette à l’Atelier des Décors (il montait un spectacle là-bas, comme souvent, et ailleurs ; il y connaissait tout le monde ; on devait y choisir des éléments de décors pour Cádiz entre autres) et je m’éveillai en sursaut (il faisait crûment froid), croyant que la petite pendule sur la table de nuit m’avait oublié. Il n’en était rien et son battement cardiaque me parut assourdissant, s’associant à une douleur fulgurante du deltoïde qui provenait d’un effort fait en rêve, de transport de caisses très lourdes, que je venais d’abandonner précipitamment. J’enfilai aussitôt un tricot de laine angora et replongeai.
Date du document : 1982
Ce texte figure dans Quartiers de ON ! paru en 2004 aux éditions Verticales, augmenté de ses étoilements plastiques, inserts et éléments sonores.
Léonard et des pipes
“Voici une voiture américaine défoncée, blanche, sale ; puis tout un vieil autobus de défoncés à leur tour, les poches pleines de doses, avec dans les pognes des frontignans de Graves, qui traverse la ville arrivant droit du mont Tessin.
Darnes soudaines du cauchemar ! Plus de julot vedette, ni de sexe à la fleur d’anis. Dès qu’elle boit trop, elle perd son bikini, Nini. “Donne-nous un an, et je partirons ! Sinon je m’avangerai !” Multiples pluriels, chez elle. On a raclé ce seul argument par quoi elle aurait pu être émue, Nini Ruth :
« C‘est par ici, qu’il est mort ! »
Nini nous parle du grand mort et du petit mort, de sa conception dans le Vent par la bouche ouverte, alors qu’elle survolait, là-haut, le Château, grâce au rhume et à la codéïne. J’adore quand on parle de Léonard, avec Nini.
“Je porterai toujours ce sourire de visage envisagé pendant le voillage, et sans jamais me dévêtir ! L’excessive force de la lumière est à ce prix. Tout est comme une neige silencieuse désormais.”
« Il aurait lu ça dans Milan, tu vois ! Un milan, un vautour... Le
vautour, c’est la Mort, c’est la Mère. Les souvenirs d’enfance sont
débauchés par elle.
— Quand j’étais couché dans Marie, près du couvent Sainte-Monique, la première nuit, j’ai pensé : “Voilà que j’épouse la mer Maorte ! Sacré coup au cœur !” » dit Nicolaï.
Date du document : 1991
Ce texte figure dans Quartiers de ON ! paru en 2004 aux éditions Verticales, augmenté de ses étoilements plastiques, inserts et éléments sonores.
Dans cette énorme Concentration de Douai, on trouve toute sorte de pédants, dont Sévèrimus, ce rat de bibliothèque délirant sur l’intertextualité de Rimbaud, qui parle ailleurs des correspondances entre les “Intimités d’un Séminariste” et “Le Petit Chose”.
Chaque porte qu’on ouvre donne sur un conférencier, un causeur, un débat…
Se tient entre autres, dans une des salles, le “Congrès international de sciences Onomastiques”.
Toute une Tribu puante de singes, de vieux josués d’incantations se pressent dans l’assemblée, à dialecter. Sévèrimus, s’excitant, relance de plus belle ses éternels arguments sur l’intertextualité. Et cette fois sur les emprunts de Rimbaud à Vigny, repris par deux choreutes. Ce n’était pas souvent qu’un rat de bibliothèque de son acabit trouvait à être entendu.
« Des Peaux-Rouges criards les avaient pris pour cibles, Les ayant cloués nus aux poteaux de couleurs. Rimbaud.
— Aux harpons indiens ils portent pour épaves Leurs habits déchirés sur leurs corps refroidis. De Vigny.
— Parfois, martyr lassé des pôles et des zones, Rimbaud.
— À celui qui soutient les pôles et balance L’équateur hérissé des longs méridiens. De Vigny.
— Plus fortes que l’alcool, plus vastes que nos lyres... Rimbaud.
— Plus rare que la perle et que le diamant ; De Vigny.
— J’ai heurté, savez-vous d’incroyables Florides... Rimbaud.
— Un soir enfin, les vents qui soufflent des Florides L’entraînent vers la France et ses bords pluvieux. Un pêcheur accroupi sous des rochers arides Tire dans ses filets le flacon précieux.(....) Quel est cet élixir noir et mystérieux. De Vigny.
— Si je désire une eau d’Europe, c’est la flache Noire et froide où vers le crépuscule embaumé Un enfant accroupi plein de tristesse, lâche Un bâteau frêle comme un papillon de mai. Rimbaud.
— Qu’il est sans gouvernail, et partant sans ressource, De Vigny.
— Me lava, dispersant gouvernail et grappin. Rimbaud.
Date du document : 1989
Ce texte figure dans Quartiers de ON ! paru en 2004 aux éditions Verticales, augmenté de ses étoilements plastiques, inserts et éléments sonores.
Théâtre d’Arras
(Toute la Bande de la Folie-Méricourt, Monique en tête, avec Ariane, Frédéric/que, Rio, etc. fuit vers le nord, parallèlement à Orphée, qu’elles entr’aperçoivent de temps à autre, une ou deux fois, de loin, harassé de neige alors qu’elles-mêmes coupent régulièrement à travers champs, franchissant les clôtures et les barbelés. Elles se rendent à la Concentration du Nord répartie dans les grandes villes autour des Trous Noirs Miniers : Loos, Liévin, Herzelle, Douai, Arras… et jusqu’à la mer du Nord.
Des discussions cruciales se tiennent, animées par “les plus rapides” à travers toutes ces villes : dans les cafés, les maisons, toutes halles et toutes salles disponibles. À chaque maison qu’on franchit, chaque porte qu’on ouvre, une bouffée de débats et de cons bus surgit ; cela porte sur les champs les plus divers, depuis les discussions sur le cinéma, animées par Dupin et Hœyliss, jusqu’aux plus grandes finesses prosodiques de la poésie. Les groupes ne sont pas préformés, chacun circule d’un lieu à l’autre, s’arrête comme cela lui convient et participe ou non aux débats.
À Arras, une pièce se joue où des personnages qui vont du Moyen-Âge à la Révolution interviennent pêle-mêle.)
Arras
(Magloire vient d’être dénoncé par l’ouvrière en linge Rimbaud)
Magloire : « Par mon âme, en automne, on en tuera trois cents !
Morgue : — Certes, Madame, ce sera un grand festin, que les Ours se gavant pour l’Hiver, si bons danseurs dans 95% des forêts.
Date du document : 1986
Ce texte figure dans Quartiers de ON ! paru en 2004 aux éditions Verticales, augmenté de ses étoilements plastiques, inserts et éléments sonores.
Cela étant, supposons qu’un associé de Champlain qui n’ait connaissance ni du témoignage de Skorzeny depuis le pic du Gran Sasso, ni de la plus belle carte de neige paillettée d’argent et d’or de Henri, décroche son appareil. Après une double présélection (espace, puis temps), il se trouve relié à un sélecteur de zone situé dans la zone des neiges 22, qui sera plus tard installée par un de ses descendants (le terrible Henri, destiné malheureusement à mourir dans une humidité des neiges qu’il a toujours détestée, en Côte-d’Or, à la recherche du secret d’Aloysius et de Bruges). Les chercheurs discriminateurs de cette zone sont représentés sous la même forme que ceux de la zone 44, c’est-à-dire par des chercheurs dont le champ d’exploration possède deux parties, a’ et b’. La partie a’ donne accès à des lignes auxiliaires qui sortent de la zone après avoir traversé un circuit de discrimination temporelle, et aboutissent chacune à un sélecteur de zone géographique situé dans le centre nodal 33, alors que la partie b’ donne accès à d’autres sélecteurs de plusieurs milliers de plateaux à la fois géographiques et géologiques. On ne peut pas parler pour autant de “mémoire”.
Date du document : 2008
Texte paru dans la revue Fusées n°14
1. Idée Le chercheur autrefois souvent trouvait ses idées parmi les ombres du plafond, dans la rêverie ; et elles surgissaient de collisions incongrues ; aujourd’hui il est fixé sur un écran. Ce n’est pas du tout la même chose. Voilà ce que me dit un ami mathématicien.
Je pensais du coup à Lagrange, ce mathématicien à qui la musique servait de clôture, d’abri à l’inspiration : passée les trois premières mesures il partait dans son univers sans plus rien pour troubler ses élucubrations ni gêner l’agencement de ses hypothèses.
L’idée se forme par tournoiements dans le vide, adhérences, accrétions successives ; elle se balade, va dans le hasard des roulis, mais si tout de suite le tissu social la retient, il bloque cette errance ; elle n’a plus la chance de ce hasard des roulis et l’idée disparaît avant même de prendre corps. Sans doute ce que Denis Roche appelait “signifiant baladeur”.
Aujourd’hui il y a ce fait démocratique indiscutable qu’une découverte peut être offerte immédiatement à une foule d’autres chercheurs dans le monde grâce au Net, mais en même temps elle est livrée pieds et poings liés, sans le temps d’un rebond, et sans que le chercheur ait eu le temps d’amasser en lui assez d’inactuel.
L’aspect chronique du compte-rendu empêche le bondissement de la crise. Il faut garder la chance d’une surprise de la pensée, de la perte d’une lettre, d’une découverte, d’un surgissement.
Kafka affronté à cela aurait abandonné immédiatement certaines des pierres anguleuses que roule son journal. Par exemple, quand il parle de “La fille au visage plat, dont la robe grossière ne commence à se déplacer que tout en bas, dans l’ourlet. Quelques-unes sont habillées ici comme les marionnettes qu’on vend pour les théâtres d’enfants à la foire de Noël, c’est-à-dire que leur robes sont faites de ruches et d’or collés et cousus à points lâches, de sorte qu’on peut les découdre d’un coup et qu’elles se disloquent entre vos doigts. La patronne, avec sa chevelure d’un blond mat fortement tirée sur un bourrelet certainement dégoûtant, avec son nez descendant en pente raide suivant une direction qui se trouve dans un rapport géométrique quelconque avec ses seins tombants et son ventre tendu, se plaint de maux de tête provoqués par le fait que c’est aujourd’hui samedi, qu’il y a bien du tapage et que ça n’en vaut pas la peine.”
Date du document : 1991
Ce texte figure dans Quartiers de ON ! paru en 2004 aux éditions Verticales, augmenté de ses étoilements plastiques, inserts et éléments sonores.
L’invocation de Léopardi n’est pas pour rien dans cette cristallisation des Voix qui représente (avant le Continent O final) l’aboutissement de la Cosmologie en sa forme poétique, emportant à la fois les “États” désubjectivés, la dimension épique et une narrativité qui procède par sauts, en pointillés.
On distinguera cette Vérité, ici dite “Voix de basse, grave, noire, en même temps qu’un essoufflement de marche sur la Neige” de la Verrité, résistance du défaut du verre à la vue, présente en de multiples endroits de “Quartiers de ON !” et dont on donnera ici même une condensation.
Lucinda Véron-Féret
Chalet des Mariés Alpestres (Érec et Énide)
Chez Clotilde. Printemps
Clotilde : « Prenons galoches à taches rayées. Bouchons avec une
rissole. Un batteur soulève la batteuse avec ses reins. »
Énide : « Le requiem du requin blanc,
l’ours dans son blanc suaire,
albatros, miracle de plumes,
vastes prairies liquides de Krill…
Prends la garde près des orages
(Seules, les Nuées envisagent) ;
Voici les mythes d’autrefois,
Inexplicables de parfum,
Inouis, pullulants, sauvages.»
Désormais, à cette hauteur, toute saison a disparu, dans cet endroit qui lave l’œil de la poussière des âges filtrant le soleil à travers les yeux des morts pour en obscurcir l’éclat et qui, par une perception sporadique de détails isolés, brise les shèmes imposés faisant écran à l’émerveillement.
La présence des Mariés Alpestres, devant le chalet de Clotilde, ressemble à un transport au cerveau, une trépanation, la vrille de la mèche à l’aplomb de l’oreille dans un angle de 15° vers l’occiput. Leur retard à surgir est semblable à celui de la compréhension des ravages de l’amour. On ne peut plus y surseoir, voilà ce qu’ils disent, et cependant, à travers leur esprit, courent encore transversalement des allongements répétés, des lâchetés, des faiblesses.
“Nous répugnons à l’albinos, avec sa blancheur diffuse, à la tristesse de la ville de Lima, qui porte le deuil blanc de ses tremblements de terre, au surnaturel marmoréen de ce mort-là, aux processions du dimanche blanc de Pentecôte et à la grandeur sauvage des “Blancs Chaperons” rapportée par Froissart d’entre ses feuilletés et les résonnances des condensateurs par où sa voix passe, mais, plus encore qu’aux manteaux de neige sur l’épaule des fantômes, à cette étendue, à cette ubiquité dans le temps, mythique, à cette majesté, cette pureté, cette effroyable divinité de silence, peuplée de sens, remplie de l’absence des couleurs et de la fusion de toutes les races qu’est la Neige !”
Érec : « Laissez-moi toucher la lumière blanche
Et voir, sur la même ligne :
Le mal, moindre bien ; le bien, moindre mal.
Tenus entre les deux mains.
Dieu est un climat :
Par exemple la première chute de neige,
Un été indien,
Ou le bruit du vent contre la porte*. »
(*Beatles : “Christmas”)
Date du document : 1992
Ce texte figure dans Quartiers de ON ! paru en 2004 aux éditions Verticales, augmenté de ses étoilements plastiques, inserts et éléments sonores.
On voit ici (mais qui sait lire aujourd’hui ?) la multiplicité des écritures invitées (comme les invités au mariage) sur des registres tous différents, portées par tout un tas de personnages mythologiques traditionnels ou bien qui font partie des Tribus de la Cosmologie et qu’on retrouve ailleurs : Monique, de la Bande de la Folie-Méricourt (autour de laquelle entre autres se centre le recueil de Nouvelles de 1972 intitulé “Tuberculose du Roman”) ; Lydou, la compagne de Jean Sales le cinéaste, amie d’enfance de Aube qui habite le chateau de Terraube ; Maître Ho, un Chinois avec des disciples japonais qui organise des stages dans le Gers dont un des plus fameux participants est Saïd Hadjl… tout un bariolage d’étangetés qui constitue les cortèges. Et, parmi les allusions obscènes de rigueur dans ce genre de cérémonie : “…le vent fait claquer la chemise (“Remballe ça ; on ne s’en servira pas aujourd’hui” - raccourci - .)” pour un raccourci de détumescence que n’importe qui trimballe parmi les éméchés que toute fête excite, on trouve l’une des amorces des États du Monde en tant que tels : sensations, visions fugaces que personne ne saurait porter, comme on se demandait à l’invention de “La Paluche” de Beauviala : “quel corps peut porter cet
œil ?”
On se demande surtout qui sera capable de produire la théorie de cette énormité où curieusement on trouve moins de citations d’auteurs disparus, malgré la quantité des références et des allusions, que de courants du présent, courants qui sont dans l’océan des auteurs vivants, toutes nations confondues, les remous opérationnels d’une écriture en train de se faire et que l’auteur nomme pressent, à la fois ce qui urge et ce qui s’inscrit aujourd’hui, mais que masquent bien sûr les huiles de la surface.
Lucinda Véron-Féret
Mariage de Aube & Nany
(Lydou est là, l’amie de Aube, venue pour son mariage.)
Lydou : “Bien-être global au lever : jonquilles, coucous… se penchent !
Puis faim d’après-midi : brumes nombreuses au bas des arbres,
Toujours dansants dans les prairies.
Éden latéral : aucune explication ;
Foulard de soie de la surprise,
Selon si Déméter ramène Perséphone :
Pluie, ou faiblesse, ou changement de tenue !
Plus jamais le facteur Antonin Triptolème,
Dans la lumière tiède du petit matin
(Entre le Printemps & l’Été), avec toutes ses sacoches de blé :
“Antonin, canne de nain !”, chantaient les gosses.”
Nous survenons au Château de Terraube par la route trop blanche, presque peinte, comme certaines façades sur la route de Saint-Puy, sauf l’Ecole. Les six mille amis approchent du village pour le mariage d’Aube et de Daniel, quittant les tentes, les cavernes, les buissons, les rochers, les tours et les citernes. Il y a ceux qui viennent d’Auch, de Fleurance et Condom, les élèves de maître Ho venus de Tokyo et ceux de Cádiz, d’Ampuero, de Laredo, de Santoña.
Suzuki : « Allez ! On marche, on mange. »
De grands chiens et des petits chiens les accompagnent, des petits chiens perdus et de grands chiens sauvés dans les premiers coucous d’entre les touffes et par les cîmes.
(Aube : “Je me suis levée ce matin à l’aube, et suis sortie me caresser à l’eau des calices de pêchers. Visage de bonheur du bébé à travers son verre, en
compagnie de tante et moi, quand nous avons petit-déjeuné, au Moulin. Puis je suis partie accompagner les chasseurs de la métairie et rentrée seule à pieds dans l’air frais où flottent les glycines. Une violente envie de peindre m’a saisie mais je ne voulais pas manquer ton arrivée; et puis ça ne convenait pas pour le jour du mariage.”)
Hasegawa : « Tu y es allé, là-dessous ? »
Suzuki : « Oui. Les corps étaient tout pleins d’eux-mêmes, les bras gonflés dans les chemises, membres charnus et ronds. Longtemps, je suis resté au bas du mur de la construction surchauffée (“il avait le feu au plafond !”) jamais poursuivie, au pied des piscines, somnolent, hirsute et près des ivrognes au sac ouvert, humide. La roue de la loterie du village tournait dans un grésillement d’attente. »
Yukio : « Mon souffle devient lourd. Je n’atteindrai pas le Château. Pardonnez-moi de n’avoir pas rempli mes devoirs de civilité. Je vais en souriant à la rencontre de la mort. »
(Cri terrible de la lance entendu par Hakuin, et de Breton surpris dans les chiottes). Il récite cette “chanson d’Aube” avant de mourir :
“3 octobre 33 hommes 33 maîtres.
Baguette qui fait vibrer le gong.
Ho !
Épée précieuse du roi-diamant,
Lion au poil d’or tapi sur le sol,
Perche à explorer munie d’herbes
À son extrémité qui fait ombre.
Ho !
Shikan !
Ta !
Za !”
Date du document : 1982
Cette gravure sur bois qui figure dans la version définitive des “États du Monde” des éditions publie.net est éditée et vendue par l’URDLA
Publication : Tête de Mort gravée n°2. Éditions de l'URDLA. 2007
Date du document : 1982
Cette gravure sur bois qui figure dans la version définitive des “États du Monde” des éditions publie.net est éditée et vendue par l’URDLA
Publication : Tête de Mort gravée n°2. Éditions de l'URDLA. 2007
Date du document : 1992
Ce texte figure dans Quartiers de ON ! paru en 2004 aux éditions Verticales, augmenté de ses étoilements plastiques, inserts et éléments sonores.
“Cher Monsieur Luc, je vous remercie de votre courrier à propos de la cathédrale de Cadiz, mais contrairement à Baltrusaïtis, je ne suis pas un spécialiste de l’Herméneutique en la matière, et je ne pense pas pouvoir vous aider avant votre départ dans votre Projet Nomade Souverain, que ce soit en Andalousie ou aux Amériques.
Si j’ai écrit des petites choses à propos de la cathédrale d’Auch et de l’Hospice de la Charité à Séville, c’est au hasard de lignes biographiques et d’itinéraires du Jour des Morts. Je procède par termes aimants qui attirent à eux et arrachent ci et là des bribes de parcours, des morceaux de puzzle du Temps.
Duco.
P. S. N’oubliez pas que je ne suis qu’un chien.”
*
Duco suit en reniflant la ligne de fuite des Cathédrales et de la Toussaint, à Auch. Il sait que la ligne est un cheveu, qu’il ne faut rien imaginer, partir de la Vérité. Il regarde cette carte reçue de Aube, envoyée du Moulin du Mas pour annoncer son mariage : un gant blanc de main gauche, dont la couture, ourlet rouge du bord du poignet se scinde au milieu du dos de la main pour monter en arborescences veineuses jusqu’aux extrémités des doigts ; il songe à la semaine passée par La Fée Numida et Ulittle Nemo à Styx, à relever des empreintes des lignes de leurs quatre mains, à l’aide d’encre de taille-douce.
Il fait froid à Auch, pour le jour des Morts, en traversant le pont de Lagarrasic, puis suivant la double allée des platanes par l’autre rive et remontant les escaliers d’Artagnan le long des torchis de l’ancienne ville, passant sous les immenses magnolias au moment de la volée des cloches jusqu’à atteindre la cathédrale de 18 heures 30.
Arrêt au sommet. À peine décalé de l’axe du grand escalier, le sapin se dresse, spontanément ; accrochés de part et d’autre sur ses branches : tous les feux de la ville en dessous.
À gauche la grande avenue lance une guirlande illuminée vers Toulouse.
C’est le Noël des Morts, qui ne coïncide pas avec le nôtre.
Dans les chapelles retirés, l’étau splendide des verrières d’Arnaud de Moles, le cœur splendide de Jésus, rubis de la fournaise. Au centre, les stalles de chêne du grand chœur que Duco connaît si bien : musiciens, bouffons et rondes joyeuses se tressant avec les démons, les serpents et les monstres à travers les veines du bois.
Là comme à Reims, les ogives sont lancées tellement haut qu’elles disparaissent dans les lointains jusqu’à atteindre des profondeurs séculaires, se prolongeant en grottes verruqueuses suintantes et démesurées de plusieurs milliers de mètres de haut ; caverne de Reims, cathédrale creusée jusqu’au ciel paléolithique où tournoient les abîmes des rosaces tourbillonnantes.
On sera tous transparents, dans l’illimité, jetés dans l’océan de fleurs sur l’autel, des fleurs plus brillantes même que les veilleuses et que les cierges !
Date du document : 1982
Cette gravure sur bois qui figure dans la version définitive des “États du Monde” des éditions publie.net est éditée et vendue par l’URDLA
Publication : Carte de Mort. Éditions de l'URDLA. 2007
Date du document : 1976
Ce texte figure dans Quartiers de ON ! paru en 2004 aux éditions Verticales, augmenté de ses étoilements plastiques, inserts et éléments sonores.
Date du document : 1976
Ce texte figure dans Quartiers de ON ! paru en 2004 aux éditions Verticales, augmenté de ses étoilements plastiques, inserts et éléments sonores.
Luc. Campagne/Compagne
C’est dans le Château de Terraube, chez Lydou, alors que je venais assister au mariage de Aube avant de me joindre à leur troupe pour Cádiz, que j’ai trouvé “son” journal à côté de “l’Avis aux Campagnes” lancé par Rbsprr.
Ce “Girondin” Amateur des Jardins et Amoureux des Contrées avait recherché pendant des années son amie intime disparue. Un rêve lui fit voir que la géographie de l’aimée s’était épanouie dans l’Univers, et qu’il suffisait qu’il retrouve là tel bosquet, ici tel flanc de coteau, pour que de ces repérages et de cette reconstitution mentale, elle renaisse ! Ainsi il traversa le Monde.
À un moment donné, il rencontra Orphée, dans le Gers, lui-même à la recherche d’Eurydice dans les rallyes que l’on sait, qui lui fit part de la mission errante des “Enguirlandés” ; il se sentit, à raison ou non, relever de cette immense migration infinie, et il continua ainsi, selon on ne sait quelles pérégrinations exactes, cette recherche à travers plusieurs pays, rencontrant parfois les membres de ceux qui portaient des tournoiements de lumières.
Il serait plus juste de dire qu’au lieu de lire j’assistai à son journal, car dans cette pièce à tapisserie de ton fruitif, en le lisant j’eus la sensation immédiate de rejoindre l’un de ceux que je suis. J’eus l’impression de découvrir un journal que j’aurais écrit. Que son auteur qui était resté là, celui que je fus et qu’il incarna, hanta ce château sans me nier pour autant. Je le retrouve aujourd’hui dans cette pièce curieusement fermée depuis le jour de ma naissance, par le hasard d’un enfant, ici mort dans un accident, un oncle de Lydou, tombé dans la mare aux pieds des remparts, l’hiver, et noyé sans qu’on l’entende.
Date du document : 1982
Encre de Chine sur Arches 15cm x 18cm. Figure dans “États du Monde”, version définitive.
Publication : publie.net
Date du document : 1982
Encre de Chine sur Arches 15cm x 18cm. Figure dans “États du Monde”, version définitive.
Publication : publie.net
Date du document : 1982
Encre de Chine sur Arches 15cm x 18 cm. Figure dans “États du Monde”, version définitive.
Publication : publie.net
Date du document : 1982
Encre de Chine sur Arches 20cm x 25 cm. Figure dans “États du Monde”, version définitive.
Publication : publie.net
Date du document : 1982
Encre de Chine sur Arches 20cm x 25 cm. Figure dans “États du Monde”, version définitive.
Publication : publie.net
Date du document : 1982
Encre de Chine sur Arches 20cm x 25cm. Figure dans “États du Monde”, version définitive.
Publication : publie.net
Date du document : 1982
Encre de Chine sur Arches 20cm x 25cm. Figure dans “États du Monde”, version définitive.
Publication : publie.net
Date du document : 1982
Encre de Chine sur Arches 20cm x 25cm. Figure dans “États du Monde”, version définitive.
Publication : publie.net
Date du document : 1982
Encre de Chine sur Arches 20cm x 25cm. Figure dans “États du Monde”. Version définitive.
Publication : publie.net
Date du document : 1982
Encre de Chine sur Arches 20cm x 25cm. Figure dans “Etats du Monde”. Version définitive.
Publication : publie.net
Date du document : 1982
Encre de Chine sur Arches 20cm x 25cm. Figure dans “États du Monde”. Version Définitive.
Publication : publie.net
Date du document : 1984
Ce texte figure dans Quartiers de ON ! paru en 2004 aux éditions Verticales, augmenté de ses étoilements plastiques, inserts et éléments sonores.
Orphée dans le Labyrinthe du Pays des Morts
(“Che sera sera.”Doris Day. Chanson de “L’homme qui en savait trop”avec James Stewart.)
Plan de la course essoufflé au sommet du labyrinthe.
Vent.
Temps froid.
À quelque chose. À une autre (époque dans la disparition) ! Mais je ne sais pas laquelle.
Lac de la pensée, que c’est beau ! Déproprié.
(Aurait souhaité atteindre ces passants d’un autre univers en parallèle auquel on ne peut avoir accès (mais dont ils désignent en même temps le bonheur possible impensable))
Date du document : 1984
Ce texte figure dans Quartiers de ON ! paru en 2004 aux éditions Verticales, augmenté de ses étoilements plastiques, inserts et éléments sonores.
Chambre de l’Hôtel où loge Orphée, au Pays des Morts
On ne peut vivre avec les Morts, mais on ne peut vivre non plus sans eux.
“Cette chambre est dans un carrefour électrique et joyeux ; elle a de multiples entrées qui ne se supperposent pas.
De multiples accès par le rêve.
Il n’y a pas de continuité logique dans la façon de l’atteindre, mais cependant la réunion de tous ces accès lui confère une entrée multiple, une infinité de correspondances entre les différentes torsions de plans.
Il y a entre autres une véritable “réception” située flanc droit d’un immeuble, au deux ou troisième étage. Ensemble très propre et très aéré ; meubles cirés et napperons.
La patronne est opulente ; beaucoup de draps ajourés de dentelles, jusque dans la tenue des femmes de chambre.
Date du document : 1992
Ce texte figure dans Quartiers de ON ! paru en 2004 aux éditions Verticales, augmenté de ses étoilements plastiques, inserts et éléments sonores.
Orphée. Rallye de Mort
Un pote à moi retrouvé à Terraube et qui était commissaire sur cette course, m’avait demandé si je pouvais servir de copilote à un gars dont le sien venait de subir un très grave accident. Je n’avais pas tout de suite reconnu le paternel de Marie-Violante, (une ennemie d’enfance de Nicolaï perdue de vue depuis longtemps), malgré son pif écrasé et ses oreilles en choux-fleur, et pour cette fois-là, je ne pourrais éviter de grimper dans sa Datsun, “voiture sauvage” dont à l’époque il se servait encore en rallye.
Pour éviter de tourner deux pages à la fois et de se planter, le copilote précédent avait repris le vieux truc du rouleau de papier-cul bien solide comme “road-book”, sur lequel il avait redessiné tous les virages lors du premier parcours fait d’abord très lentement avec un repérage précis, y compris sur le kilométrage. Ce genre de notation de la route en sténo, avec quelle vitesse pour aborder et pour sortir, les diagonales éventuelles, me paraissait un furieux secret sur ce qui va arriver, magie d’un paysage surgissant d’un rouleau. On sait ce qui nous attend. C’est une architecture d’avant Monteverdi, d’avant l’irruption de l’émotion et son crash baroque de mille ruptures. Alors que même la voie de retour d’un parcours connu, par exemple, comme me l’a déjà fait remarquer Ulittle Nemo, est généralement impossible à prévoir à partir des seules remembrances de l’aller : c’est véritablement un paysage au-delà du miroir.
Avec ça on était attentif aux cahots, bien mieux que sur un carnet à spirales, on anticipait toute trajectoire sans risquer d’abîmer la voiture, et on pouvait réussir à arriver dans les meilleurs temps.
Pas besoin du nombre de pages ni de reporter les premières notes de la page suivante en bas à droite comme sur un carnet : seulement l’intitulé de la course et la distance à parcourir, figurant en haut. Un copain à moi ainsi s’est écrasé, parce qu’un musicien grec, copilote avait tourné par erreur deux pages à la fois, donnant un virage très rapide à gauche pour un très lent à droite.
Quand je conduis, je me dis souvent : “Je me suis soumis à elle pour l’Eldorado, parole de miel et lune de même, mais c’est La Mort qui me passionne, essaim vibrant des fureurs noirâtres. Nicolaï lui-même a connu trois femmes, mais surtout une Fée, en dehors, la Fée Noire des moutonnements de la Ruhr, et c’est bien grâce à elle, sur la prairie aux Ombres Noires, qu’il a pu entrevoir la demeure de La Belle Au Bois Dormant près de Hrad Smrti, la seule Fiancée capable de devenir La Future, mais que sa folie sexuelle l’a empêché à jamais de rencontrer. C’est La Mort que je tiens devant les yeux lorsque je conduis.”
Date du document : 1992
Ce texte figure dans Quartiers de ON ! paru en 2004 aux éditions Verticales, augmenté de ses étoilements plastiques, inserts et éléments sonores.
Gers. Mort d’Eurydice
Eurydice est disparue dans le Gers en même temps que sa voiture, sans qu’il y ait eu d’accident. C’était la compagne d’école de Lydou et de Aube. Elles ont connu et fréquenté les mêmes endroits ; toutes deux essaient à présent dans une concentration féroce, grâce à la machine de Georges le Fou, de retrouver sa mémoire grâce à leur mémoire commune possible, communale et primaire, transversale parfois.
Si elles y parviennent, elles atteindront également au lieu où elle se trouve actuellement
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Date du document : 1975
Ce texte figure dans Quartiers de ON ! paru en 2004 aux éditions Verticales, augmenté de ses étoilements plastiques, inserts et éléments sonores.
II. Enfants Croisés
1. Nicolas
C’est à Cologne en Hiver, que Nicolas
Au Printemps, qu’Étienne,
Lançant les leurs, soulèvent, réunissent,
Baptisent et passent à pied sec.
Tout ce qui est émotion en Europe a fui !
Cologne-Mayence-Spire-Colmar-Rhin gauche,
Alpes, Italie du Nord :
Pillage, attaques, défections…
Gênes, Pise, Brindisi :
Déflagration psychique !
Anarchie des jeunes filles et des hommes mêlés
Au Panier :
On joue de la flûte ; on jette la flûte !
Les drapeaux claquent au vent de la Mer !
Les armateurs marchands ont baisé le cul du Diable ;
Frédéric en rachète sept cents :
Jouissance dans le Seigneur !
Date du document : Décembre 1968, 1978 et 1980
Ce texte fait partie de “Quartiers de ON !” paru en 2004 aux éditions Verticales et du Livre Poétique de Nicolaï dans OGR en cours de publication sur ce site.
Ulysse par Ports et par Mer
(Lunette Arrière de la Voiture)
Bel Ulysse, aux traits distingués sous les arbres
Avec difficulté,
Aux suées sous les ifs, les aunes, les yeuses
Par les rues emporté, pluvieuses, dans la voiture,
Sur la banquette arrière, balloté,
Vois comme le vide est bon, du quotidien pulpeux
Jouant d’harmonies symboliques
Dans l’éclairage phareux des quinquets.
Le Monde est magnifique de la Nuit ;
Ton vaisseau va, rapide parmi les toiles
Claquantes du ciel, les lueurs oranges
Dont les bougnats sont ailleurs.
Et c’est un incendie de millions de figures
Que ton visage sous les saccades de poulpes de lunes
Soudaines, aussitôt changeantes,
Aux tentacules électriques.
Date du document : 1978
Ce texte figure dans Quartiers de ON ! paru en 2004 aux éditions Verticales, augmenté de ses étoilements plastiques, inserts et éléments sonores.
Chanson d’un Iralandadais pinté dans les rues de Limer’ Hic !
Qu’est-ce que le Daily Mail disait du Home Rul ?
Accordé à l’Irlande ou non
Et de la Grêce, ce tas de ruines
Avec Aristote
ce loubard comme serviteur d’hôtel
En gilet crasseux qui nous réveille pour partir à Olympie.
Date du document : 1986
Ce texte figure dans Quartiers de ON ! paru en 2004 aux éditions Verticales, augmenté de ses étoilements plastiques, inserts et éléments sonores.
Corn
Avant de marcher, voyons où nous sommes (“Votons !” diraient certains). En Irlande, et nulle part ailleurs. Ce ne sont ni les beaux pâturages de l’Acadie, ni la fête baroque et débordante au boudin de Bâton-Rouge, ni la liaison impérieuse du Désert & Désir de Lawrence. À peine le riche fenouil des dômes d’herbe et des scansions démoniaques où traînent Corb, Ecca et Art, et que surveillent les paissantes Matrones porteuses de médicaments.
Et cependant la viande rentre à la fois par une même bouchée goulue entre les dents de ceux qui attendent, dans les oasis fertiles en compagnie des anges tutélaires porteurs de gâteaux de miel et d’excédents surnuméraires, que la série des moutons de l’hospitalité des Haoueitates soit épuisée avec le riz graisseux, pour retrouver le pouvoir de digérer et de faire un mouvement, faisant disparaître du même coup les gros boutons sur le nez et les furoncles derrière les genoux ; la viande rentre avec le tchocolalt
fourni sur les lapins grillés, sur les hauts plateaux du Mexique, dans la bouche d’où jaillissent les démons.
Ainsi l’attaque est bonne.
Date du document : 1992
Ce texte figure dans Quartiers de ON ! paru en 2004 aux éditions Verticales, augmenté de ses étoilements plastiques, inserts et éléments sonores.
Olympe
Ça brasse dans le pub de “L’Olympe”. On dira plus tard. Ça tient beaucoup de l’Irlande pour les bagarres avec des fanatiques d’Hawthorne, et pour la boisson comme aux sous-bois l’ondée savoureuse sur les lierres, le jour de l’averse bienvenue. Mais surtout ça se transforme sans arrêt, se métamorphose ; les Dieux n’ont plus de tenue ; ils lisent et adorent Sarduy dans le texte depuis que l’Oncle leur a fourni “Cobra”, “Maïtreya”, “Colibri”, “Cocuyo” et “Pájaros de la playa” et encore plus depuis qu’il est parmi eux ; ils se moquent l’un de l’autre, passent l’un dans l’autre ; ils sont pires que des travelos ; ça c’est “la version Cabaret”.
Pleut donc ! Cyclistes au short en bâche (bonheur du relâchement des conduits, sans futur ni passé). On voit d’ici à travers le slip du Peuple Belfast la tête du gros John London cultivateur de potatoes s’annoncer vers les vitraux d’un de ses Pubs de la semaine !
Pluie ne peut être imaginée tant qu’elle ne chute pas. Seulement ses prémices ne suffisent. Par contre, son ballet nous entraîne partout, son mol ballant, ses lignées contre lesquelles le Grand Vernisseur lutte. Jackpot soudain de la manne !
Date du document : 1989
Ce texte figure dans Quartiers de ON ! paru en 2004 aux éditions Verticales, augmenté de ses étoilements plastiques, inserts et éléments sonores.
Vision de Jean en Bretagne.
Champ de blé frissonnant doucement. D’un côté chaleur implacable, muraille de fougères de l’autre, et, par les trouées entre les chênes, les magnolias, marécages de l’estuaire ; noirs, immobiles.
Et dessus des cormorans qui se posent, décollent, avec lenteur, sinon ne bougent.
Exaltation du marcheur celte de part et d’autre : entre le noir et le blond doré, à la démesure de la passion, de la luxure, du viol divin, du désordre hagard si cher aux amis de Cuchulainn.
De ce côté-ci, entre les murailles de fougères et les ramures énormes retombantes des chênes ensorcelés de lierre par les Femmes-Sorcières des Hautes-Terres, l’estuaire est profondément noir avec quelques endroits de luisance gris boueux-marrons et des ombres rapides qui passent dessus en même temps que les lents cercles des ailes grises et ailes noires poussant des sortes de longs hooo ! de gémissements.
Puis les revoilà, ces chers oiseaux ratés par Cuchulainn, attendant immobiles sur la boue à fond jaune fixée comme au bord de la Boyne au centre de leurs petites ombres rondes.
Du côté du chemin du bois, bruyères et ajoncs, la clairière sent le carambar.
Date du document : 1989
Ce texte figure dans Quartiers de ON ! paru en 2004 aux éditions Verticales, augmenté de ses étoilements plastiques, inserts et éléments sonores.
Enfance de Lugaid. Bretagne
(Ronces, fougères, immenses retombées de chèvrefeuilles :
Élément torsadé par rapport aux autres parfums,
Noisetiers)
Très verts !
On va là entre deux demeures,
Mais maintenues à bonne distance
Par ces murets comblés de terre où des arbres poussent
Et d’où le propriétaire surplombe le passant.
Rivières d’orties entre les maisons, de lierre, de houx extrêmes vernissés,
De petits chênes, de marronniers ;
Partout autour des maisons
L’herbe toujours entretenue avec soin, tondue,
Sans arrêt
(Creuser la mer, tondre la terre…),
Tandis que le ciel ne cesse d’arroser gentiment.
Date du document : 1982
Ce texte figure dans Quartiers de ON ! paru en 2004 aux éditions Verticales, augmenté de ses étoilements plastiques, inserts et éléments sonores.
La musique.
À la Révolution, le citoyen-commissaire retourne les foins ; perte du bonheur disjoint ; tambours ; cocarde. La Bretagne résiste partout : Le Gallic et autres, Finis Terrae, Pleumeur, Côte Sauvage, partout…
Puis voici des Écoliers dans la cour de l’École Primaire pour la célébration de la Musique. Pas encore de névrites, ni de paquets de vers sous le scrotum. De jeunes princes volatiles, dignes armoriés de Bretagne, et que le retour ne préoccupe pas.
Leur corps est subtil. Certains sont adossés au mur pierreux du préau. Quelques-uns sourient comme on le ferait du progrès en Art ; mais tous se trouvent sans propos, à attendre…
« Quand sera-t-on vraiment soi-même ; quand d’autres viendront-ils en nous ? »
Date du document : 1984
Ce texte figure dans Quartiers de ON ! paru en 2004 aux éditions Verticales, augmenté de ses étoilements plastiques, inserts et éléments sonores.
Osiris. Cádiz
“Taraudons bien ta chair, lecteur, toi qui t’accroupis devant Baal : un d’entre les jours les plus soleilleux de l’ancienne Taris soudain couvert te mènera à ce tournoiement de l’Eté de la fin août où revient si fort à l’aube la nostalgie vaseuse du sable vert, tandis que la dernière déambulation grise dans le barrio del puerto sera abruptement suivie de la chaleur étouffante de “La Poêle à frire”, près de Séville.
Face à la baie, vois Didier, le frère mort de Nicolaï, pourri et ressortant sous forme de verrue plantaire à la base de son gros orteil gauche avant de resurgir plus tard en de multiples contaminations internes, pour disparaître enfin définitivement à Saint-Antoine de Padoue, dans cette même salle où viendrait tendrement le cercueil de leur père, momifié par Anubis.
Et moi, la nuit, qui répètais sans cesse : “Seth, c’est toi ?”
Il ne s’agit pas du plan d’une “structure”, mais de passages, de polyèdres de la pensée. Nous ramassons ici deux ou trois versants non oppositionnels deux à deux, à la façon dont nous collectons les images, chapelet d’aiguilles éparses sur le sol, à l’aide de la puissance d’un aimant traceur, et nous en regrouperons ensuite d’autres dans un nouveau dessin. Il n’y a rien qui ne se puisse démesurer, lecteur; tout est sans cesse à étirer ; la Nature est une pâte pour l’artiste, une pâte blanche, un pain non cuit.
Date du document : 1978
Ce texte figure dans Quartiers de ON ! paru en 2004 aux éditions Verticales, augmenté de ses étoilements plastiques, inserts et éléments sonores.
Le Futur : « À peine descendu sur le quai pour quelques heures de nuit, puis en trop-plein de chair sur la place ; seul le boulanger pêtrissant, qui m’a donné l’heure sous une pluie plus ou moins épaisse selon les endroits, était levé avant l’aube. J’allai voir sur les Champs le balaiement du phare (comme ailleurs à Queyries, à Nantes, à Dunkerque…), lequel accueille le vaisseau Argô, devenu Le Lyncée, qu’Orphée doit quitter pour La Carabela La Niña, première chose magique reçue, en me lavant, par la fenêtre maritime ; alors qu’une fois à terre, ce fut le rougeoiement interne à l’Église reclose.
Près de là, le mitronm’a donné l’heure ; c’était le seul à œuvrer. Nous sommes à débarquer dans la saison qu’on sait du fameux foin, du fumier, du foitrail, le f de la raison, la moisson incluse dans la fenaison, comme Pollock trouva (et Monet avant lui) l’équivalent de la musication en peinture.
Date du document : 1992
Ce texte figure dans Quartiers de ON ! paru en 2004 aux éditions Verticales, augmenté de ses étoilements plastiques, inserts et éléments sonores.
La Rábida
La cafetière de cuivre rouge est bien chaude, maintenue par O’Koffee qui s’émeut les yeux humides devant les Monts ou l’ourlet gris, tous moines gras à célébrer le rassemblement efficace des lueurs divines autour de la Table du Petit Jour, à vouloir l’anonymat absolu dans une langue étrangère, la peau poreuse et ne faisant plus contour, lieu de passage et surface de renvoi, moulin à prières parmi les vents, clochette entre d’autres rumeurs alpestres !
« Tu peindras cet absolu, disent-il à l’Ogre Peintre, et ce sera plus magnifique encore que le Laocoon ! » Le matin laissait monter l’idéalité de la campagne, méditative, les différences de plans, germées... Lui pensait plutôt ailleurs bergère, accroc de chevalet dans la toile (“Je me lançais sur elle dans l’immense pièce par un mouvement projeté droit de la jambe, puis de santé le vent sur le ventre, en oblique, en descendant, sur la gauche.”)
Date du document : 1992
Ce texte figure dans Quartiers de ON ! paru en 2004 aux éditions Verticales, augmenté de ses étoilements plastiques, inserts et éléments sonores.
Dortoir de Santoña
Cette brume dans la vallée, toute cette rumeur dans le Sud manque de terrain vague pour se retrouver étranger, comme dans le Nord.
À côté de soi, sur le lit, le Corps Inconscient, barbouillé de lettres, sombrant dans le sommeil, redevenu exceptionnellement prédateur, renard ; il faut un immense effort pour surnager… à l’aide du parfum soudain de petites roses et de belles de jour.
(“Moi, j’aime bien les lombrics. Mon frère pas trop ; mais il m’aide pour les poulardes, les grosses poulardes bien grasses !
C’est là que je donne le meilleur de mes petits bonds brillants dans les prés : je la poursuis féroce, et le frérot la guette calmement et lui saute dessus au passage. Y’a bien les pêches et d’autres fruits, mais ils sont peints moins romantiques qu’avant ; les raisins, surtout. Mon plaisir, c’est pas tellement de jouer au lancer de taupe, c’est plutôt pisser tous les cent mètres et de chier sur des pierres bien installées comme des stelles. J’ai fait ça tout le long du camp, en recouvrant les merdes des autres ; c’était amusant ! Mais y veulent plus !”)
Date du document : 1991
Ce texte figure dans Quartiers de ON ! paru en 2004 aux éditions Verticales, augmenté de ses étoilements plastiques, inserts et éléments sonores.
Le Réseau Osiris 44 à Dijon
Cela étant, supposons qu’un associé de Champlain qui n’ait connaissance ni du témoignage de Skorzeny depuis le pic du Gran Sasso, ni de la carte de neige paillettée d’argent et d’or de Henri, décroche son appareil. Après une double présélection (espace, puis temps), il se trouve relié à un sélecteur de zone situé dans la zone des neiges 22, qui sera plus tard installée par un de ses descendants (le terrible Henri, destiné malheureusement à mourir dans une humidité des neiges qu’il a toujours détestée, en Côte-d’Or). Les chercheurs discriminateurs de cette zone sont représentés sous la même forme que ceux de la zone 44, c’est-à-dire par des chercheurs dont le champ d’exploration possède deux parties, a’ et b’. La partie a’ donne accès à des lignes auxiliaires qui sortent de la zone aprè avoir traversé un circuit de discrimination temporelle, et aboutissent chacune à un sélecteur de zone géographique situé dans le centre nodal 33, alors que la partie b’ donne accès à d’autres sélecteurs de plusieurs milliers de plateaux à la fois géographiques et géologiques. On ne peut pas parler pour autant de “mémoire”.
Date du document : 1992
Ce texte figure dans Quartiers de ON ! paru en 2004 aux éditions Verticales, augmenté de ses étoilements plastiques, inserts et éléments sonores.
Santoña
« Cristoforonépatao !
— Berlitz ? »
Je ne comprenais pas ce que voulait me dire le prisonnier Chinois en train d’éxécuter ses Taos, le matin dans la cour. C’est que pour lui, Colomb n’était pas dans le Tao. Pas de fenêtre, pas d’autrui, pas de
lointain, pour le Tao.
« L’Été : le cœur, au matin ! Terre sera rendez-vous midi. Toi travail séries : corde, sac. Priorités ! Et longues suites poings et pieds (en ligne). Préparatoires ! Jamais extension absolue, au début ! Attention articulations ! Mouvements plus lents, d’abord ! Mais katas ou bunkaï : pas gym suédoise ! Hélas, Funakoshi lui-même ! Avant tout résistance ; tireur de substance parmi d’autres, et sans chef. Si vous réclamer concepts tout faits, moi pas donner ! Kisémé : sans sabre et sans poing. À gauche : centrale atomique ! Bunkaï difficile : formes intermédiaires perdues ! Musculation avec poids, si besoin, mais surtout : exercices forêt ! Semelles lestées, petits-haltères, charges légères chevilles et poignets. Ni abdos ni pompes, principe ! Tractions remplacées par escalades. Oui. Ça Japon ; mais pensée Chine ! Oui. »
Date du document : 1991
Ce texte figure dans Quartiers de ON ! paru en 2004 aux éditions Verticales, augmenté de ses étoilements plastiques, inserts et éléments sonores.
Retour à La Rábida
Et voilà le moine O’Koffee, gros lard irlandais moins autruche que les autrichiens de la Rábida, en train de sauter dans sa robe obscène, sur les tréteaux du théâtre de l’embarcadère de Palos de Moguer, tête de faune dans sa mousse blanche de rasage jouant le rôle moqué de C.C. avant son départ, (à moins qu’il ne se moque de Y.K.) :
Date du document : 1991
Ce texte figure dans Quartiers de ON ! paru en 2004 aux éditions Verticales, augmenté de ses étoilements plastiques, inserts et éléments sonores.
Pénitencier de Santoña
Onan est déjà mort depuis longtemps et toute la racaille des gardiens phalangistes sur les plages ne pense qu’à mourir ; ils crient “Vive la Mort !” même en ronflant, tandis que la plupart de ceux qui veulent à tout prix s’embarquer ne pensent qu’à vivre, dussent-ils en périr. On voit déjà le cher Gérard dans son chalet de garde-forestier avec sa radio à ondes courtes surveillant les incendies soudains.
Les feux au mois d’août, à quatre heures, après un très gros orage ; cette cloche soudaine d’hiver et la veste mise sur les épaules (on oublie toujours le numéro de cette valse de Chopin, dont les bribes par la croisée). On hésite, entre le tchocolalt bouillant de pures fèves broyées et le vin chaud.
Ils sont plusieurs dans le Pénitencier à préparer ça : s’enfuir la nuit, par la plage, en barque (plusieurs sont marins) longer la côte jusqu’au Sud, à Palos de Moguer (où l’un d’entre eux connaît un moine) : ils trouveront bien moyen de s’embarquer pour quelque part, un autre monde !
*
« Qui jouit dans mes bras ?
J’ignore.
Résédas, jasmins, flots de roses ! »
(Il implorait en pleurant la
Flaveur de Sainte Anne, une nuit.)
Coquillages des dents, perdus
Dans un gouffre de soleil ;
À jamais nous vous cherchons,
Andalouses,
Comme parmi tous les orangers
Le citron !
Date du document : 1991
Ce texte figure dans Quartiers de ON ! paru en 2004 aux éditions Verticales, augmenté de ses étoilements plastiques, inserts et éléments sonores.
Alumbrados
Y’avait d’abord eu le clayon* (*éclaircissons clayon : c’est comme un layon dans la ville, la fraîcheur soudaine des forêts aux grands fûts, devenue sensible dans la profondeur des vieilles rues espagnoles ou bien à Bruges) poussiéreux de l’Aube, ce cliquetis de la matinée dans le crâne au sommet du chemin duquel le cycliste, de très loin, paraissant immobile, semblait, avec les rayures circulaires rouges et vertes de son maillot, un bouchon de liège de pêche oscillant dans les ondes d’air chaud.
Elle leur dit, face aux légères effluves des marécages autour de la Rábida, pour le petit déjeuner si plantureux, silhouette des moines tressautant de parodie à travers les herbages (“qui s’avançaient trottinant et boitillant, sautillant et fôlatrant”), retroussant leur robe avec une consommation féminine (“pour jouer à saute-mouton, se cramponnant les uns aux autres, secoués d’une hilarité épaisse et fausse, se donnant des tapes sur le derrière, riant de leurs grossières malices, s’interpellant entre eux avec des surnoms familiers, chuchotant deux par deux, la main devant la bouche”), chacun d’entre eux traçant de sa voix séparée à travers le vent fort des algorithmes à partir de la théorie esthétique de saint Thomas, l’un tout à la vue de l’espace, l’autre tout à l’ouïe du temps, et cætera… ceci :
Date du document : 1992
Ce texte figure dans Quartiers de ON ! paru en 2004 aux éditions Verticales, augmenté de ses étoilements plastiques, inserts et éléments sonores.
Christo Foro
Déjà Christ lui-même, et cheminant pauvre avec son fils Diego, cassant la glace ou jetant les cendres dans le vide, construisant de mini-tactiques de guérillas contre la Dépression (sortir dans le froid, rencontrer son corps, rendre visite à un marin de Moguer pour retrouver sa voix), et tombant à genoux sur les marches du monastère et couvent de La Rábida, implorant de l’eau et du pain pour son fils et demandant à être reconnu dans ses folles aspirations.
Et l’étant enfin grâce à Juan Perez le prêtre-ouvrier-mécano (vie ordinaire et limitrophe) et à ses courriers vers Isabelle. Et cette expansion de Noël reconquit Grenade. Mais si un écuyer ne l’avait pas rattrapé au Pont de Pinos, l’Amérique n’existerait pas.
Marco Polo a regonflé le disque de Macrobius et les moines eux-mêmes arrondirent la Terre en dépit des Rois Catholiques.
Christo a vu les photos qu’il a rapportées de Cipangu et les idéogrammes de Cambalu ; c’est depuis Sagres que les limites du monde ont reculé.
Et toutes les flèches différentes volent pour se confondre dans le même horizon : Herman, Cortès, Francisco Pizarro, Vasco Nuñez Balboa, Alvarado : il s’agit de prendre l’Islam à revers avec l’aide du “Prêtre Jean”, à moins qu’il ne s’agisse déjà d’Arthur, en Abyssinie.
Ce texte figure dans Quartiers de ON ! paru en 2004 aux éditions Verticales, augmenté de ses étoilements plastiques, inserts et éléments sonores.
Hill et Joyelle
(Hill)
Patère, patère extrêmement creuse, patrimoine en soufflant ; la place du 14 juillet, pendant que les noirs mariés en blanc et frappés de stupeur se font filmer en couleurs devant les motifs du Parc ; le poudroiement du jet tournant, l’eau devenue vapeur, à la hauteur de ce phallus, de dos : un buste au-dessus du parterre massif de fleurs essentiellement rouges, roses et blanches. Tournoiement du jet d’eau, avec un frottement délicat continu, différant de ceux qui tournent par saccades ; frottement velouté flûté, près du flottement.
(et)
(Paradis où l’orgasme dure plus que les mille siècles que met un cheval à traverser l’ombre des arbres gigantesques de ce parc, de ce jardin-là. Parcadis. Îles ou Montagnes des Bienheureux qui grognent, où ça sent la sueur et le roussi, où les Indiens veillent, où l’on craindrait en arrivant d’être pris pour l’un de ces producteurs de borborygmes ou métèques sans droits.)
(Joyelle !)
Date du document : 1989
Ce texte figure dans Quartiers de ON ! paru en 2004 aux éditions Verticales, augmenté de ses étoilements plastiques, inserts et éléments sonores.
Voix d’OR
Été
(Ailleurs Colomb Croix Rouge !
Toujours Ailleurs les Enfants Croisés !)
Bain de l’Été répandu pulvérisé sur les muscles.
Tintin l’Aventurier Croix-Rose.
En 1946, il prend le Ciel, le Grand Ciel pur des punctures, et laisse la Terre à Claude Pascal
Monoton Son Mysticisme absolu sans Objet
Judao ! Waana ?
Plus loin : voix de l’Arc. Au-delà : zébrures Zen.
Dans ce monochrome YKB : fond Giotto.
L’assaut de vernis retenti dripping, au bord des auréoles, des drappés nocturnes, dans un squash des veinules. Cœur frappé ? Ça sert à quoi ? Inutile incendie de soi, gaspillage… Yang en excès. Folies désordonnées. Danse hystérique dans le salon. Rien de commun dans le cerveau ; même pas le sens. Peut-être initier plus tôt au Tragique, à la Prosopoppée dans le petit théâtre de bois peint construit derrière, à la hâte, sur la butte, au lieu de tout ce temps perdu, tout ça… (pffhvtt !)
Date du document : 1991
Ce texte figure dans Quartiers de ON ! paru en 2004 aux éditions Verticales, augmenté de ses étoilements plastiques, inserts et éléments sonores.
Colomb suivi de Long John Silver
Du boulevard les grises balayures s’étaient enfin enlevées de nos yeux, malgré nos regrets de cet amour tangentiel des croupes, dont la rotondité ne sert qu’à mieux compresser notre organe, en nous en étant déjà de nous-même défait, sans même y avoir pénétré.
Le signe du soleil fondant après les derniers bois était aussi celui où le vent redoublerait vers les reins (heureusement garnis de flanelle), en prenant pour ricochet la glaciation des ondes vipérines. J’étais enfin libre de faire jouir mon corps et mon âme (…………) des mêmes nervures de coque, défait du port où l’immonde silhouette d’un barbotis flasque disparaissait avec le bruit des chaînes qu’on mouille
Mais à peine passé le port, où le vent tombait, le soleil masqué jusque là rebondit au-delà de la fin de l’après-midi ! comme si nous changions d’univers ; la fatigue, la grande fatigue qui est la mienne, ajoute une grande saveur de viande meurtrie et d’os brisés à tout.
Chronique de Fabien Ribéry à propos de On a perdu le nord ! paru dans la collection d'Après chez METTRAY éditions