Texte

Petites Proses de Nicolaï

Date du document : 1965-1970

LES PETITES PROSES comme la plupart des recueils du continent OGR sont écrites en vis à vis, d’un frère à l’autre. On a choisi entre plusieurs versions de chaque texte généralement la dernière. On trouvera ici quelques pages du recueil de Nicolaï qui comporte une cinquantaine de poèmes en prose et qui sera bientôt disponible en pdf sur le site.

L’ouvrage date pour la majeure partie du Lycée et de la Société Secrète des Cinq Doigts (en référence à Isidore Beautrelet), groupe constitué avec entre autres Nicolas le Hongrois, dont l’activité se poursuivra jusqu’en 1968, et dont Domnique Merlet était l’organiste et l’organisateur, du temps où il habitait près du Palais-Gallien.

Isabelle Revay

Publié le 12 octobre 2016 dans document OGR texte

Petites Proses de Nycéphore

Date du document : 1965-1970

LES PETITES PROSES comme la plupart des recueils du continent OGR sont écrites en vis à vis, d’un frère à l’autre. On a choisi entre plusieurs versions de chaque texte généralement la dernière. On trouvera ici quelques pages du recueil de Nycéphore qui comporte une cinquantaine de poèmes en prose et qui sera bientôt disponible en pdf sur le site.

L’ouvrage date pour la majeure partie du Lycée et de la Société Secrète des Cinq Doigts (en référence à Isidore Beautrelet), groupe constitué avec entre autres Nicolas le Hongrois, dont l’activité se poursuivra jusqu’en 1968, et dont Domnique Merlet était l’organiste et l’organisateur, du temps où il habitait près du Palais-Gallien.

Isabelle Revay

Publié le 12 octobre 2016 dans document OGR texte

Front des Artistes Plasticiens 1972 - Préparation de la contestation de l’Expo Pompidou

Date du document : Printemps 1972. Paris

Alain Sebag (relit le projet de Statuts) : Nous soulignons notre indépendance de tout courant politique, mais nous ne somme spas a-politiques. Les problèmes moraux liés à notre pratique nous entraînent à un rapprochement avec les groupes ouvriers.

Nave : C’est un problème de fond, et non pas de forme. Est-ce qu’il faut mettre ou non le terme socialisme dans les statuts ; il faut définir notre engagement politique.

Alain Sebag : Ce texte est le cadre minimum du F.A.P. ; c’est celui qui a été adopté lors de la dernière assemblée générale.

Nave : Dans les statuts nous avons parlé “d’association pour la défense des intérêts moraux et sociaux des artistes, sans distinction raciale, religieuse ni idéologique… pour de nouveaux rapports sociaux et culturels dans une perspective socialiste.” C’est clair !

Philippe : Ce qui est important c’est la réfutation d’un “saut qualitatif” réformiste.

Nave : C’est mal exposé. Il faut marquer notre désaccord avec la “non-distinction idéologique” (à savoir le danger d’Ordre Nouveau, de l’U.D.R. et de tout le boy-scoutisme).

X1 : “Pour le socialisme”, c’est trop vague, et ça ne signifie rien si c’est uniquement dans les statuts : c’est du beurre.

X2 : Comment définir une action socialiste ? Comment dépister les fachos ? Est-ce que vous allez demander leur carte à ceux qui viennent ? Vous définissez un idéal, mais comment le suivra-t-on ?

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Publié le 22 août 2015 dans document DAO texte

Poor Arthur - Tribu des Gras

Date du document : 1984 et Après

Poor Arthur

Il faut descendre Arthur, mais on sait pas par où le prendre, comment le saisir. À chaque fois qu’il revient, il est différent, teinté de Marseille, de Siddi-Bel-Abbès, de Colomb-Béchar et sa section de Discipline, en train de casser des cailloux à la masse, passé par le Kef ou de retour de l’île du Diable ; il a toujours vu les gardiens révolver au poing depuis sa naissance. Ça dépend avec qui il erre.

Arthur avait commis un crime sur un chantier en se faisant passer pour Louis, après avoir volé ses papiers d’identité, et Louis avait hérité de son casier judiciaire qui s’élevait à hauteur d’homme.

On serait bien allé le voir dans sa “concession à perpétuité”. Pour peu, Henri l’aurait crevé d’un coup de couteau, et il aurait commencé à l’embaumer par le ventre.

Y’avait un Amar, là-bas, à Cayenne, à la Case des Fous, prénommé Arthur comme lui, qui habitait rue Verte à Caudéran.

Lui en réalité c’est Jules-Arthur, mais il voulait pas entendre parler de Jules, il trouvait que ça faisait pot de chambre. Nous on trouvait que ça faisait pas assez excessif. “Arthur, ça crache sur le soleil ; Jules, c’est tout juste si ça pisse !”

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Publié le 8 avril 2015 dans document Cosmologie Onuma Nemon texte

Jules-Arthur - Tribu des Gras

Date du document : 1984 et Après

Je ne sais rien de Jules-Arthur

Je ne sais rien de Jules-Arthur de la Crapaudine ; je l’ai toujours rencontré en coup de vent. J’ai cette photo dans le désert avec les casques, dans un groupe, et c’est à peu près tout.

Il tenait ce surnom du supplice subi plusieurs fois, les membres attachés derrière le dos, et pendu au soleil.

Sa mère Rosa n’était pas pauvre, mais il plaignait souvent une pauvre tante : Sabine l’amie de Jo, sur l’Ourcq. Il en parlait à mi-voix, tête baissée.

“Sabine avait attendu Jo tout le temps sur le fossé, près de la voiture, ne sachant l’ouvrir, plus de deux heures en plein soleil. Quand je suis arrivé elle m’a demandé en toute hâte un morceau de pain, au bord du malaise.

Il pleuvait.

Elle était trempée.

Elle n’avait pas mangé depuis cinq heures du matin.

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Publié le 8 avril 2015 dans document Cosmologie Onuma Nemon texte

Joël Roussiez - Pour le Dico

Date du document : 2014

Texte destiné au Dictionnaire de l’URDLA : on verra si ça passe !

NDLR

L’exigence morale de Roussiez consiste à se dépecer du monde de la vulgarité instruite, refusant le récit grossier comme l’action quelconque. Il cherche l’améthyste du gave, l’animalité des parois et les lieux de torsions et d’enroulements fantastiques des corps de l’enfance. Car l’aventure Roussiez ce n’est pas celle du signifiant, mais celle du roman où le monde s’ouvre au fur et à mesure de l’énoncé comme le corps devant le médecin.

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Publié le 31 juillet 2014 dans document HSOR texte

Les Ennemis de Juan - La Tribu des Maigres Tendres. Trio Juan, Manolín, Norberto

Date du document : 1975

Ce siècle avait vingt et un ans ; Juan réunit dès qu’il sut marcher les auteurs de ses jours dans un cauchemar commun : des fantoches en conjuration voués à sa perte.

Enfant, lorsqu’il était seul avec son père ou sa mère, il s’exprimait librement, mais dès que tous les deux étaient conjoints, c’était la méfiance, le doute, la contraction intérieure qui devenait une tétanie mentale. C’était une coalition, il ne pouvait plus rien dire de personnel ; il lançait des généralités comme un clou chasse l’autre. Parfois l’alerte disparaissait, il se sentait pleinement rassuré pour un temps très bref. L’absence de contradiction le fortifiait dans l’idée qu’il n’avait rien d’anormal. Sa mère, quand il partait en pension, lui confectionnait un plat qui devait lui faire plusieurs repas, et elle lui donnait des boîtes de conserve, d’huile, de sucre, de pommes de terre, etc. Et elle lui laissait de l’argent liquide pour s’acheter des magazines et des sucreries. C’est lui qui avait réclamé cet éloignement de la pension dont il n’y avait nul besoin, son école se trouvant dans le Quartier.

Dès sa jeunesse Juan avait appréhendé la cause de sa misère comme dûe à un complot de ses “ennemis de lisière”, comme il disait. Il en souffrit par paliers avant de devenir complètement inconsidéré. Un jour il aperçut un vêtement oublié sur un banc de la petite allée qui menait au jardin des Abattoirs tandis que deux buses traversaient son ciel ; il en conclut on ne sait quel pressentiment féroce, ainsi que de la vue de la villa abandonnée cimentée de moellons artificiels blanchâtres, à quelque distance de là, avec un cèdre grandiose au-devant ; il en retira la certitude d’une sorte de scansion impersonnelle comme des humeurs du monde, hors les mots.

L’Abbé Depardieu de Saint-Michel qui exerçait en même temps que le Père Bonnet l’avait attiré à lui, mais c’était celui qui s’amusait beaucoup à faire tournoyer les filles et dont on voyait le caleçon tandis qu’il tournait. Juan eut beaucoup de mal à s’en défaire et il connut alors des bouffées délirantes : les tentures de la sacristie en forme d’oriflammes rouges le poursuivaient partout ; il voyait se lever le bras armé de Saint Michel qui allait projeter sa lance au travers de son corps ; le sang du tissu rejoignait le sang qui sortait en bouillonnant de ses naseaux infectés, car il souffait de sinusites aiguës.

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Publié le 27 juillet 2014 dans document Cosmologie Onuma Nemon texte

L'Abbé Vincent - Les Maigres Tendres. José & Marie. Printemps

Date du document : 1971

Le choeur des petits enfants chantait déjà, alors qu’ils étaient encore près de la cloison qui rougeoie du confessionnal. L’Abbé Vincent dirigeait l’immense cortège de la retraite de l’Immaculée Conception sous tous les platanes de la place ; c’était intense : toute la foule quittait l’église après avoir salué Saint Michel de bois et de bronze noir. Les seuls endroits calmes, ça a toujours été les cimetières et les monastères, même si on a du mal à savoir où en est vraiment le foyer, sur ces grandes dalles. Les églises, ça bruisse.

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Publié le 27 juillet 2014 dans document Cosmologie Onuma Nemon texte

Gloria - Les Maigres Tendres

Date du document : Avant 1984

En partant faire ses ménages et en quittant la rue du Port, Gloria éprouva une joie extraordinaire rue des Bénédictines, à cause d’une odeur inqualifiable qui lui fit lever la tête : elle vit des chemises colorées accrochées sur des fils, et elle découvrit le ciel en arrivant rue Saint-Benoit, elle s’accrocha à lui. Puis cette odeur disparut sous celle d’un potage en préparation.

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Publié le 20 juillet 2014 dans document Cosmologie Onuma Nemon texte

Didier - Pr’Ose ! Futur

Date du document : avant 1984

Extrait de Pr’Ose ! Futur

NDLR

(Didier)

Dans mon cerveau, avant la méningite, Le sein ne suffit plus ! Ajoutez-donc du lait écrémé, Touillez toute une vie à travers mon crâne : C’était ma voix, ce pays-là !

Neuf mois à peine ! Un mois d’été à Almogordo, Un mois claquant des cents de pigeons sur le fronton de zinc noir, Qui creusent les pierres sous leur bec. La bombe du Désert d’Alamogordo a explosé en moi ; Elle a cheminé cinq nombreuses années. (Le reste du temps, je suis mort.) Miracle (chose inespérée qui doit être) : Esquisses de sierra et ciel bleu.

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Publié le 6 février 2014 dans document HSOR texte

Décompte de la Faim - Contes, récits, nouvelles

Date du document : Avant 1980

Dans le jardin du château de Nuada, fumée s’élevant du sol et intelligence du bois (dans laquelle excédait Art), à l’abord d’un tas de vieilles tuiles et de rames brisées couvertes d’insectes morts, An Scamall s’est avancé, portant dans son cartable en peau de loup un pain fourré aux figues et des galettes de maïs parmi des carrés de porc cuit à la bière avec des noisettes. Et Sciathán Spota avec lui.
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Ce texte figure dans le recueil de Contes de Nycéphore, du Continent OGR. Il est tout particulièrement crypté selon la logique buissonnante de la mythologie celtique.
Les deux personnages Nuage de Son et Tache d’Aile, dont le nom est transcrit ici en gaëlique sont dans les États du Monde les enfants de René Mac Carthy, le petit-fils d’un des Quatre Grands Ancêtres (ou Chevaliers de l’Apocalypse), à savoir Auguste Mac Carthy.
On les trouve également dans une des pièces du Théâtre Lycéen.

NDLR

Publié le 5 juillet 2013 dans document OGR texte

Lincoln - Brouillon

Date du document : 1969

On trouvera ici un extrait d’un ancien brouillon retrouvé dans un vrac HSOR.

NDLR

Lincoln

Premier Janvier 1863 : on commence par rire. On voulait sonner, secouer la bannière étoilée, Depuis l’embrasure de la porte, Le porche de l’esclavage par où les fils maudits de Noé sont entrés dans le Temple.
Évaluer le mal absolu au sommet du crâne : Border States avant les Border Line “Si on trouve dans une arche de verdure un paysage suffisamment complexe, On y reconstituera le temps.” dit Abe. À Richmond ! Au Bull Run ! On déplacera celle qu’on aime depuis le Nord jusqu’à Fredericksburg ; Stanton contre Cameron le taré. On s’inscrira dans une sociabilité sise de forêts profondes et de chasseurs gris. L’Anaconda ! Et le whisky Grant pour tous. Plus de ligne blanche encrassée et boueuse, Plus de glotte nouée, Plus rien que des silhouettes parmes de sang : un horizon remué. Savannah ! Savannah ! Destruction, pillage et saccage, mais très peu d’atrocités. Le soir est tombé, et pourtant on n’a rien fait pour ça, Sinon tenir le dernier quart d’heure.

*

On vivait au grand air, on pratiquait la chasse, la balançoire et la fellation.
Petit enfant, chien dans un Parc en avril, matinée fraîche : piments des moineaux, mésanges, pinsons. Chasseurs oreilles rouges de froid, casquette de laine noire : à la face bise glaciale.
Les accords mystiques résonnent.
Aujourd’hui éblouissement du soleil sur les flaques près des poubelles ; On vient de pendre un négrier à New York Dans la ruelle étroite de fabriques et de garages clos. Murs de parpaings noirâtres et fumée noire de la haute cheminée d’industrie bouchant le Soleil. Obsit Nemon !
Douglas “Teuf-Teuf” le paralytique dans un train spécial ; La nuit, il y a toujours un tas d’acier et de métaux ferreux près de la voie ferrée ; En approchant de Baltimore la Sécession devint électrique ; Dred Scott esclave libre n’était pas un citoyen. Noyau plus dense qu’un moyeu de jade. Sinon, après les hôtels, le mouvement humain par excellence reste ignoble. John Brown fut pendu ; Washington tuant Spartacus. Fort Sumter : le frémissement ! On a vu des diamants fondre de givre, en plein hiver ; Partout la montagne résiste à l’esclavage.

etc.

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Publié le 16 janvier 2013 dans document HSOR texte

Pemmy Noël - Contes, Nouvelles et Récits de Nycéphore

Date du document : 1976

Il ne restait à la petite Pemmy, cachée au fond de la pièce des claies de jonc et de paille où s’égouttaient et sèchaient les énormes meules de fromages, qu’à énumérer tout le jour des listes face auxquelles elle se trouvait la nuit en rêvant, écrites sur un tableau noir comme la fortune de Chienfou :

Arrosoir Chandeliers
Limbes Flache
Poire Débridement
Horloge Escargots de Chine
Orangée Confetti
Asperges Confiture
Rive Araignée
Encolure Cachectique
Larix Sorcière
Bleue Ouais
Verruqueux Morasse
Boîte Péjoratif
Dé Radis
Turquoise Outrage
Quatre Nus
Prélart Pécari
Unicorne Corps
Entonnoir Encre
Cobra Suint…
etc.

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Publié le 26 novembre 2012 dans document OGR texte

Conte Court - Contes, Nouvelles et Récits de Nycéphore

Date du document : 1976

Le Paralytique était stuporeux sur le bord : on boira toute l’eau de la piscine à son horrible avènement ; on va partir en Allemagne voir l’homme à l’oreille coupée ; la tache de lumière choit bêtement dans un bosquet dont les arbustes ont des reflets roses.
Une chose représente autre chose : soleil ou lampe ou bien la figure d’une femme de serf, sucrée et blanche, à peine molle, poupine, terriblement sensuelle ! Puis c’est le méandre des causes. Cantate, prairie, anémones sauvages en tapis, crescendos tragiques de cordes, puis vents.
Ma mère me dit toujours de faire attention aux fleurs de l’esprit. Sur le plâtre, sur les parquets creux et verts de moisissures : des animaux, des peintures… fond moral, peinture allégorique jolie et reposante abîmée nuit et jour. Trait formant un triangle gagné d’un cancer fou… estimation de perte progressive éclairée plus ou moins faiblement.

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Publié le 26 octobre 2012 dans document OGR texte

Avec Obstination - Texte de Joël Roussiez

Date du document : 2012

Ce portrait-là est rempli d’une description impeccable, d’une trame tellement recroisée dans ses traits de burin qu’elle échappe à elle-même ; et va se “répandre une volupté comme d’un lit défait… ”.
Elle est digne des portraits de femmes faits par Plossu, quelque chose de très attentif et de très rapide, une voyance en coin d’œil, un entrevu foudroyant, et d’autant plus précis que le regard n’insiste pas, n’écrase pas la personne considérée, elle incipit : “Elle commença son récit en baissant le visage sur son bol vide”. Ce n’est pas non plus la parodie de La vierge au bol en Thimotina Labinette : rien de caustique ni de cynique.
La première phrase pourrait venir d’un Chant de Maldoror : “Le rictus amer d’une femme étrusque au nez presque droit, les cheveux bouclés en masse le long de l’oreille cachée par des sortes de lauriers pour retenir la chevelure glissante ; un œil pour finir mais conquérant, voilà telle qu’elle m’apparut au lever du jour, passant devant ma maison, seule sur la route déserte et marchant.
Oh, oui certes, Roussiez est plein de vies et d’époques diverses, et plus ça va plus je crois (c’est-à-dire j’applaudis) à cette hantise des temps chez lui. On parle toujours dans les fictions et chez les parapsychologues de “vies antérieures”, et jamais des vies postérieures, or les époques apparaissant chez Roussiez sont des époques rabotées, devenues parfaites pour l’emboîtage et projetées en perspective ; Roussiez est un menuisier du temps. Son moyen-âge futur est un moyen-âge nettoyé. Peut-être que l’Éternel Retour c’est ça.
Avec obstination et douceur, cette description, effectivement, ce commentaire. “Je vous aime”, voilà ce qu’il dit, je vous aime. Scorsese ne dit pas ça, mais Cassavettes le dit, et Bruno Dumont, et Bernard Plossu.
On avance dans son texte qui ne sent pas le roussiez comme à travers les laies d’Un balcon en Forêt. Avec ces répétitions que le pseudo-pur styliste enlève mais que Gracq conserve en pierres de soutien latérales du chemin, car avec ça il fore, il avance, il troue la forêt dans ce grand vortex, cette spirale du temps.
O. N.

Avec obstination

(hommage à Krleza)

Le rictus amer d’une femme étrusque au nez presque droit, les cheveux bouclés en masse le long de l’oreille cachée par des sortes de lauriers pour retenir la chevelure glissante ; un œil pour finir mais conquérant, voilà telle qu’elle m’apparut au lever du jour, passant devant ma maison, seule sur la route déserte et marchant. C’est son profil qui me frappa et c’est pourquoi je me levai rapidement pour faire sa connaissance. Il était tôt et il ne fallait pas l’effrayer, aussi laissais-je mon chien filer au devant d’elle pour l’accueillir. « Mais pourquoi se rictus amer » lui demandais-je plus tard lorsqu’elle eut accepté un bol de café. « J’ai quitté des lieux sombres où le temps ne passait pas, la pourriture chaude m’a éloignée et je marche pour me défaire d’une sorte de boue… Je vivais dans une ville aux lourdes colonnes et aux temples sobres ; la vie y était sereine, tranquille, pétrie d’habitudes et de calme. C’était une vie sans calcul qui se déroulait comme il convient sans malheur excessif, ni joie intempestive. On y disait les paroles qu’il fallait : va donner aux poules et aux lapins, ou bien : la vie n’est pas vaine qui s’accomplit chaque jour. Un beau jour on mourait et nous étions en deuil ; les cérémonies étaient courtes et sincères sans faste ni larmes abondantes… » Ses traits étaient doux et son regard puissant, les formes de son cou, de ses épaules et de ses bras, étaient rondes et agréables comme remplies d’une chair ferme et chaude qui venait sourdre de la peau et répandre une volupté comme d’un lit défait…

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Publié le 29 mars 2012 dans document DAO texte

Une soirée chez les Tristram - Entretien avec Brigida Gazapón

Date du document : 15 Mars 2006

Voilà donc longtemps que la rédaction de cet entretien était en attente de mise sur le Net, dans l’espoir de retrouver la version définitive et intégrale. Faute de mieux nous sommes partis de la bande enregistrée, qui comporte une partie inaudible et la fin effacée. L’original appartient à Brigida Gazapón qui a réalisé l’entretien et qui à l’époque s’occupait d’une petite revue en Argentine. Depuis elle est partie en Australie retrouver Lena et Miss Ross. Et plus aucune nouvelle. Si vous la croisez en “crawl-walking” dans la brousse en compagnie des kangarous chargés de répandre la bonne nouvelle de sa revue logée dans leur poche ventrale, parmi les dingos et les lapins excités, faites-lui signe de notre part, pour qu’on sache un jour de quel orage il s’agissait et quelle était la conclusion.
NDLR

Publié le 7 mars 2012 dans document HSOR texte

La Mesure du Tombeau - (Hommage à Verlaine)

Date du document : 2012

Ce texte aussi beau que du Gracq est du Travailleur Roussiez.

O. N.

La mesure des tombeaux

(hommage à Verlaine)

Nous sommes auprès du tombeau et scrutons les alentours où il n’y a rien, rien d’autre que nous ici et nous le savons bien, puisque nous sommes venus dans cet endroit seuls. Nous n’avons pas souhaité être accompagnés, il nous semblait que c’était à nous de faire la démarche, d’y aller nous-mêmes malgré la difficulté. Il a fallu traverser la plaine où guettaient des lanceurs et des piocheurs, il faut faire attention, nous a-t-on répété, lorsqu’ils te prennent, tu n’en a plus pour longtemps. Et nous avons répondu qu’on n’en avait de toute façon plus pour longtemps… Le tombeau est vide, il est fait en béton banché d’une seule pièce hors le couvercle qui est entreposé sur deux chevrons juste à côté. J’ai apporté mon mètre ruban, il faut mesurer le tombeau en longueur, largeur et profondeur, l’étude doit le spécifier. Pour mesurer la profondeur, il va me falloir descendre à l’intérieur… Je regarde les environs, il n’y a personne qu’une lande déserte de bruyères et d’ajoncs; un arbre court sur la gauche est si décharné qu’il ne peut rien dissimuler, un autre à trente mètres de même ; à côté se trouve une pierre assez grosse…, assez grosse pour cacher quelqu’un, je le pense et me le dis. Et puis je chante : des arbres et des moulins sont légers sur le vert tendre… Que faire, la crainte s’est insinuée en moi tout doucement alors que je chantais, elle est descendue et s’est emparée de quelques endroits, dans le ventre peut-être ou bien dans les épaules… Quelqu’un y guette quelque chose, c’est moi qu’il guette, je ne sais…, et s’il surgissait… Je tombe en rêve dans le tombeau que l’on bouche, personne ne m’entends plus, la lande est silencieuse… Descendre m’inquiète.
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Publié le 25 février 2012 dans document DAO texte

Brouillons des Croisés - Vive la Rose-Croix !

Pas plus que le précédent, ce texte assimilable aux Croisés n’a été repris ni dans les États du Monde ni dans Histoire Deux, du Continent OGR. On y retrouve entre autres l’épouvantable Emicho.

Isabelle Revay

Qu’importe l’ordre des départs : Chaos, Cosmos, toute la merde ! D’abord des Faces pour des Visages ; (Haïssons pas les paillettes, tous feux éteints Avant l’Apocalypse, Ni les babillages de 18 mois, Attachants gazouillis d’emprunts.), Des Nombres pour créer des Peuples. Visages d’hommes libres sur des corps de femmes soumises Et vice-versa. Déex li volt.
Pierre l’Ermite et sa lettre déclancha tout (“Si Constantinople tombe, Tours aura été inutile. Les Turcs, peuple débile de tous temps…”) Puis Pierre retourna dégoûté à Constantinople.
Ceux-là criaient “Deus lo vult”, Inondés de sanquette, Affublés de fausses culottes, Singes ornés des maux des autres. C’est la tournée du Pape : Tours, Bordeaux, Toulouse, Montpellier, Nîmes (La durée d’un accouchement.), Marchands ceints de peaux d’Artistes qui traversaient l’Apulie Pour aller lui gratter l’oreille, Eux moins que rien : l’ombre déportée d’autres ; Jaugez le peu dont il reste ! Prostituées payées du Saint-Père, Famine, lèpre, fièvres, peste et batailles… Pour ces sauterelles religieuses. “Rien, moins que rien : pourtant la Vie. La pierre est fraîche, la main tiède.” chantent-ils.
D’abord Al-Akim 1010, mauvais chiffre ; (Même Vivien n’y pourrait rien, Même Jean-Pierre.) La Rage qui touche, Blancheur qui pique au lieu du rouge qui tache ; Qui frappe vite et net, tue sur place, élimine frisettes autour du trou ; Le tsuki de la pensée en acte, Coup de poing redoublé sans appel de Bruce Lee & Kanazawa, Foudroiement épileptique de Dostoïevski, Zébrure visuelle de Virginia, Crise atomique du crâne au soir,

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Publié le 26 janvier 2012 dans document HSOR texte

Brouillons de La Bande à Jésus

Ce texte assimilable à La Bande à Jésus n’a pas été repris dans les États du Monde ni dans Histoire Deux, du Continent OGR (à paraître dans le collectif Courte—Line). Le personnage de Issa, cet ancêtre du Christ figure toutefois dans Crampes, le “recueil gitan” de OGR.

Isabelle Revay

(Bande à Jésus ?)

Dans ce quartier plus de sabbat ni de boue : des oiseaux ! La pine à gauche, la jambe à droite, Aucune dignité de la chair, La langue noire, Et des passereaux vifs !
Nouvelle traversée du jardin Capitan Et sa maison des oiseaux En compagnie de Joseph, Avec Husserl, le roi des claquettes, Arsène, qui trime comme graveur chez Leblanc. Et l’enfant qui le heurte dans les Arènes tombe mort.
On paye pour la ménagerie : Fauves trempant dans le lac d’urine, Anges loukoum aux ailes de carton ; Mille menues attractions en éclipses Dont les pharisiens si terriblement bêtes.
Là-bas la Fille de la Commune, nue jusqu’à la chair, Jambes coupées, le moyeu vide, Sur le matelas de sommeil des lettres En Grande Truanderie.
Tandis que Lui, Exalté par la forme et le nom de la première lettre, Laisse le cartable au ruisseau, Dégorgeant de caricatures, De journaux illustrés, De résidus de Malakoff, Et lance à tous la date de leur mort.

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Publié le 25 janvier 2012 dans document HSOR texte

Le Bief de Bourran - Ligne des Gras

Date du document : 1989 & 1996

Et voilà ce qu’en dit Nycéphore :
“Quatre heures du matin, l’été, nuages dans la rivière. Profiter au maximum des espèces qu’on a : l’ombre, les jalousies, le Katalpa… l’eau enfin distribuée si amoureusement ; défaire l’engoncement dramatique, avant Midi !
L’Enfance côté du trottoir dans ses villes, nouvelles antiennes : ses objets successifs devant soi. Rue Verte, sous le marronnier rose, assis sur le banc des douze ans, et de là multitudes de scènes : dans chacune je m’assois et je suis. Merles, fracas des sensations ! Chèvrefeuille, abîme insondable ; si nous ne pouvons rien savoir de l’énigme, disons-la, simplement, stagnons, auprès des essences. Poésie : retenue, celui qui ment tire l’odeur des roses vers la prose, vous savez ?
Moïse de bois doré sans être furieux, formidables senteurs : arums au printemps, proches du fenouil, mimosa des morts à Saint-Augustin, avec l’Idiote dans l’Église. Bonheur incompréhensible absolu (compression atroce des vitraux ; puis vitraux de nouveau dispersés au ciel, aux champs, aux temps), liseron sans odeur de la Préservation : les orgues de Dieu canonnent quand les moissons !
Ils canonnent les rues du Cancéra, du Pas-Saint-Georges, près de chez Nénette et Norbert Perez, devant les tissus Bordenave, chez Maïté (de Manolo), la rue Maucoudinat (suivante à gauche, son puits de Bahutiers, sa Truye qui file), rue Buhan, rue des Boucheries où bouchers, tripiers et crabiers bombardent le bar-tabac rouge de Saint-James de bestes mortes, trippes, laveures, bouillons puants et chairs filantes en contrebas de l’éblouissement du soleil et du courant d’air frais conjugués sous la Grosse Cloche de Saint-Éloi où Siona chante La Juive.

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Ce texte fut jadis dédié à Bernard Manciet avec lequel il y eut une brêve correspondance, et publié dans une feuille locale de Bordeaux.
I. Revay

Publié le 2 octobre 2011 dans document Cosmologie Onuma Nemon texte

Brouillon 437. - Suite Réseau Zéro.

Date du document : 1976

Brouillon résiduel d’une suite probable (assez longue : ici p. 437) de l’épopée de Martin Zoo Outis, dont un récit : CylindreObscur, figure dans OGR, version maigre.

Cette suite abandonnée était surtout fourmillante de plans, presque à chaque page.

I. Revay

Brouillon 437.

Publié le 29 septembre 2011 dans document HSOR texte

Brouillon - Vrac Didier

Date du document : Aucune date

“Embryons humains : les nouveaux esclaves
Produits en masse et conservés in vitro en attente d’être livrés
Par Dieu le Père Papa Pantalon ;
Produits innommés
Voués à une non-naissance.
Ena milo melomon
Bruit de fiacre du levantin
(Elle attendait le train de Topeka),
Four Courts 1922.
Peut-être ici est-ce en sortant qui je suis ?

Sur l’autre bord : suspension artificielle de la mort,
Élimination des plus faibles.
Au-delà : l’apoptose
Et la reprogrammation du noyau :
Est-ce un homme cette levure ?

On n’est dans la nuit que la vomissure du ripailleur.
Qui engendra quoi dans la Trinité :
Plus d’odeur, d’auteur… comment ont-ils pu deviner ?

Sed aureis furculis ;
Noms de mon enclos sans trouée,
Écriture de coins et recoins,
Éclats de la douleur assourdis.
Je suis la réalité fusible
Et le vent du Sud casse les roses,
Langue de mandarin dans une gueule poundissante.
C’est est fini du Bouddha,
On ira aux Enfers pour aider les autres
Où l’on trouve autant de roses qu’on peut offrir,
Où l’abuelo me mord la main par amour.

Enfers de Dante, des Hindous, de l’Abbé Dubois ;
Nagez dans l’étang rempli d’urine de chien et de morve !
Inertie paisible de la stagnation,
Jouissance de l’anéantissement dans le Tout :
Ne jamais renaître !”

*

Oh ! Quelle horreur d’avoir Marie pour femme !
Et le bulletin seul du premier trimestre
Avec des notes autour de 11.

Ce texte fait partie dans les archives du vrac d’un dossier sur Didier. S’agit-il d’une esquisse de Pr’Ose reprise ailleurs ? Nous ne le savons pas.

I. Revay

Publié le 20 septembre 2011 dans document HSOR texte

Les rubans et la Croix - Texte de Joël Roussiez

Date du document : 2011

Une barque se dandine sur le lac tranquille, de petites vagues cognent sa coque solide qui glisse contre le quai de bois et les roseaux. Son havre est étroit mais agréable, la berge est douce, couverte d’herbe verte en pente légère jusqu’au seuil d’une jolie chaumière de pierres. Des bouquets de roses surgissent dans le feuillage épais et sombre des rosiers rustiques; on entend le chant d’une flûte picolo et dans l’âtre brûle un bon feu; si la journée est belle, resplendissante même, le matin reste froid car nous sommes au printemps. Le printemps au bord du lac perd très lentement la fraîcheur de l’hiver mais l’automne résiste et garde longtemps les chaleurs de l’été. « Quand l’automne sera là, je ne serai plus là », une jeune fille le chantonne, sa sœur joue de la flûte; allongée sur le lit, elle accompagne les paroles joyeuses. Une soupe légère mijote, la mère repasse une ceinture de dentelle, ensuite il faudra faire le chemisier, « ma fille se marie avec sa chemise de lin ! », et puis « pom-pom-pom ! » rentre le tonton, « j’apporte le jasmin et les fleurs d’oranger », « pose-les ici » et voilà qu’il s’assoit. Oui, il prendra bien un bol de café, ça fait une tirée du château jusqu’ici… La flûte joue doucement avec un peu de précipitation, c’est la mélodie des amants qui dit: si tu me quittes alors je meurs et si tu restes, je vais mourir sur l’heure…

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Publié le 1 août 2011 dans document DAO texte

Un Paquebot Magnifique & Récifs

Date du document : 14 juin 2011

Avec Roussiez on part dans l’aventure de la langue, un vrai roman d’aventures et l’aventure du roman, dans le picaresque de Don Quichotte et de Jacques le Fataliste : ce qui doit advenir advient. On est dans Le Chancellor et son présent absolu, Un Capitaine de Quinze Ans, et surtout dans la fin de la première partie de Vingt-Mille-Lieues sous les Mers, les explorations abyssales et la visite du cimetière marin.
On peut lire Un Paquebot Magnifique comme on lisait autrefois le récit du voyage du Rhin de Victor Hugo, vaste déroulement d’où surgissent les récifs des burgs mystérieux à travers des paysages crépusculaires, mille richesses historiques et des géographies à explorer, des contes qui se déploient en pop-up comme le Diable de Pécopin, ce qui correspond chez Roussiez à L’Histoire de Majnûn ou À propos de l’oiseau lapidormeur.
Chez Roussiez aussi mille savoirs de l’époque sont brassés, et l’infini écrase de temps à autre le sillage de l’aimable errance comme chez Victor Hugo la plaine de Soissons s’ouvre sur César, Clovis et Napoléon parmi des ombres qui passent ; à la faveur d’une inscription sur une pierre Jules César se transforme en Jésus-Christ.
Dans les deux ouvrages, moins d’exotisme que de dépaysement temporel, et le passage d’un itinéraire didactique à un véritable enjeu politique, je veux dire un enjeu guerrier.
J’ai la chance d’habiter dans un village dont le Saint arbore à la fois plume et épée, et suis bien heureux de constater que l’incision de Roussiez n’a rien à voir avec cette manie des ouvrages depuis quelques années dont le pseudo-héros est un écrivain ou dont le secret est un livre (éventuellement possédé par un diable aimable et mondain, un diable “Saint-Louis en l’Île”).

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(La Rumeur Libre fait partie de ces éditeur qui ne confondent pas la pensée du corps et la physiologie et préférent l’épos Roussiezien qui comporte un Z. à la socialité bêtasse. Décidément encore une petite maison sympathique de pauvres.)

Et également : Éthique de la Description et Troupeaux et Voyage

Publié le 9 juillet 2011 dans document HSOR texte

Fabien et le Phalanstère. - Ligne des Enfants. Orphelins Colporteurs. Saison de l’Automne

Date du document : 1986

Comment sentir les taudis de Lewisham ? Le glissement de l’eau, de l’eau sans fin ! Fabien éprouve ça. Tout est le fleuve, toute vie est le fleuve, toute œuvre est un fleuve de bois flottant. Et elle qui ne vivra plus sans lui, plus jamais sans lui : comment s’approcher de cette douleur !
Fabien se souvient en contrepoint de l’émotion cardiaque au printemps, près du château, chez Stanislas, du matin frais de lumière épanouie où il est allé au marché avec sa femme et sa petite fille pour acheter un gateau avec elles, du lit de fortune et de la chemise de nuit de lin brut de sa compagne joyeuse en comparaison de cette douleur lointaine, inaccessible de Lewisham, comme il voit un lien entre “Voyage au centre de la Terre” et “Au-dessous du volcan”. Pour lui les voyelles ne furent jamais que des ornements. Il suffit d’un carquois de flêches d’acier, d’un cable aux torsions d’acier et d’un trombone d’airin brisant l’air avec deux ou trois notes aigües. Il préfère les 200 mots de la déclaration d’indépendance américaine au 60 000 mots nécessaires à établir le détail du commerce des œufs de cane.

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Publié le 8 juillet 2011 dans document Cosmologie Onuma Nemon texte

Fabien Si Bien. Cols - Ligne des Enfants. Orphelins Colporteurs. Saison de la Terre

Date du document : 1976

Fabien qui fait tout si bien s’était arrêté le matin au tout début de l’entraînement à cause d’une légère tendinite à la cheville droite, à peine une demie-heure passée. Il devait faire ce test sur les poumons et la gelée, pour vérifier au sommet du col si London avait vraiment raison, et si le tissu mort se détache ; ils étaient partis pour ça ; Élizabeth venait aussi d’une lignée de tuberculeux. Il ne voyait pas pourquoi il lui avait dit “Je t’aime” au col de V. : il faisait frisquet, surtout au cou, dans l’ombre du col ! cela était sorti de sa bouche comme un éjaculat, malgré le peu d’exaltation cardiaque de leur entraînement suspendu ; sa maigreur, le froid lui semblaient avoir augmenté à cette déclaration, alors qu’il avait l’impression d’être un charbonnier qui se jette un sac noirâtre sur les épaules comme une écharpe, en lâchant ça, à présent avec une charge inutile sur les pentes, en descendant. C’était aussi désagréable que quelque chose qu’on ne parvient pas à réparer ; il y avait dans les monts d’alentour une odeur de pommes pourries.
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Publié le 8 juillet 2011 dans document Cosmologie Onuma Nemon texte

Max et les Fouailleurs - À propos de l’exposition Max Schoendorff à l'URDLA

Date du document : Mars 2011

Surréalisme.
“Il y a quelque chose de mal digéré dans le surréalisme, disait Denis Roche et c’est un stade peu important de sa digestion.” C’est sans doute l’illusion de la profondeur : celle de l’inconscient comme boîte noire autant que celle de la plupart des représentations picturales de ceux qui se réclamaient de cette école.
Au contraire chez Max on est à peine dans une épaisseur indurée de la peau, à l’endroit où se fichent les échardes ou les pinces à clamper. On est chez les fouailleurs, ceux qui crochètent les tas d’ordures à la recherche d’un aliment, les gamines du Brésil ou d’ailleurs.
Les fous sont ailleurs : ils crochètent dans le déchet en rêvant du Paradis alimentaire de Pinocchio.
“Mais quoi qu’on fasse on ne ramènera aucun trésor au jour : on ne fait que retourner de l’ordure.” me dit un parano quelconque et lyonnais. Au contraire. Et ce que les gamines cherchent, ce n’est précisèment pas de l’ordure mais un morceau de vie. Il n’y a pas à aller chercher loin : c’est ici et maintenant. C’est sans doute la leçon à tirer des révolutions arabes Facebook. À quand chez nous ? À Caen les vacances, disait Devos.
“Ça va muscler !” Le Vide de la Plaque.
À Saint-Michel, lorsque “Nez-Rouge” l’air revêche au premier pastis du matin disait “Ça va muscler !” ça voulait dire que toute cette sorte de chaos qui s’était accumulé en lui depuis quelques jours allait trouver son expression sur un lit d’hôpital… _etc.

Pour lire la suite, reportez-vous au Ça Presse n°49 de juin 2011

Max et les Fouailleurs

Publié le 24 juin 2011 dans document HSOR texte edition

L’âme du visage - Texte de Joël Roussiez

Date du document : 2011

Suite de ces petits textes comme fragments d’Éternité, dont Roussiez a le secret.

O. N.

L’âme du visage

Nous passons l’éponge, effaçons ainsi ce qui s’est passé, du moins on veut le croire car sur nos visages se marquent imperceptiblement les émotions que nous vivons; sur ce tableau des impressions s’inscrivent donc les choses que nous avons vécues, non les choses matérielles mais en quelque sorte l’empreinte qu’elles laissent sur nous; et encore faudrait-il dire que passant par notre système émotif, elles lui donnent des impulsions qu’il transmet à notre peau ou grave, selon l’expression de Jean. Ceci expliquerait le vieillissement de ces dernières qui se rident tout doucement comme des parchemins… Pourquoi emprunter à l’extérieur l’état de nos cœurs, peut-être parce que nous ne sommes sûrs de rien, que nous ne souhaitons aussi rien exprimer de particulier, peut-être parce que nous ne sommes qu’une caisse qui résonne aux impulsions; en bref, nous déménageons ainsi sans cesse de nous-mêmes mais comme il est impossible de quitter nos corps, nous restons en surface, suspendus en quelque sorte entre deux lieux; c’est ainsi que la peau se fripe… L’explication des vieux était toujours amusante et le jeune Louis aimait bien les faire parler. C’est d’eux qu’il tenait ce qui semble avoir été un savoir profond « bien qu’au fond, disait-il, ce ne sont que des anecdotes »… Toute vie est transposée de sa caverne originelle vers un conteneur social, répétait le vieux Jean par exemple et Louis écoutait cela qui avait des résonances en lui mais lesquelles, on ne le sait pas. Pourquoi le vieux Jean portait-il le pantalon large des marins, ce qu’il n’avait jamais été, parce que, disait-il, le ventre du navire était sa patrie. « Je suis citoyen des pays de l’absence de gloire , je travaillais dans les soutes avec mes comparses mais ne va pas croire qu’on se sent protégé à l’intérieur de ces murailles et de ces forts, suivant l’expression qui désignait pour nous les machines et la salle de l’entreprise pour laquelle je travaillais qui fabriquait en acier des véhicules automoteur; ne va pas le croire ou t’imaginer qu’à l’heure du casse-croûte et dans l’agitation de la journée, une tranquillité s’installait dans nos cœurs comme celle du paysan qui travaille ses champs. Au contraire, Louis, il y avait dans notre fébrilité quelque chose de trop agité, on le sentait sans pourtant souhaiter suspendre l’activité de l’usine ou bien encore souhaiter partir de ce poste qui nous fermait cependant au dehors et au reste des entrepôts… » Le jeune Louis écoutait ces discours étranges qu’effaçaient les jours nouveaux sur le tableau des événements qu’on tenait à jour à la maison des informations… C’était une bâtisse, dira-t-on, à trois volets de containers sur une longueur de cent cinquante trois mètres; elle était conçue pour être déplacée suivant les besoins, ainsi sa structure était faite de colonnes et traverses en carton pour être légère. Louis, pour parler aux gens des archives et des informations qui écoutaient avec plaisir ses enthousiasmes de jeune homme, s’y rendait plutôt vers la fin de la journée quand le travail ralentit…

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Publié le 18 juin 2011 dans document DAO texte