Éditions

Chemin de Maître-Jean - Les Escholiers Primaires. Le Singulier. Automne

Date du document : 1989

Ce texte figure dans Quartiers de ON ! paru en 2004 aux éditions Verticales, augmenté de ses étoilements plastiques, inserts et éléments sonores.

Rue Maître-Jean : La Clinique. Elle devait recevoir la visite d’un ami. Sonnette, arrivée sur gravillons ; Marguerite est bien là. À moins que ça soit Madeleine…

Publié le 22 juillet 2008 dans document Cosmologie Onuma Nemon texte edition

L’Idiot à Béthanie - Les Escholiers Primaires. Le Singulier. Automne

Date du document : 1973

Ce texte figure dans Quartiers de ON ! paru en 2004 aux éditions Verticales, augmenté de ses étoilements plastiques, inserts et éléments sonores.

La présence obsessionnelle de ma pensée à des tâches quelconques était un signe de déséquilibre, ou bien était-ce au contraire le fait de les exécuter machinalement, tenant compte du fait que nous cherchons le déganguement du primaire par les ruptures d’Univers.
Je devins immobile.

Publié le 13 juillet 2008 dans document Cosmologie Onuma Nemon texte edition

Marie-Anne Parlôthes avant Cádiz - Les Escholiers Primaires. Ligne de Nycéphore. Terre

Date du document : 1978

Ce texte figure dans Quartiers de ON ! paru en 2004 aux éditions Verticales, augmenté de ses étoilements plastiques, inserts et éléments sonores.

Les Enfermés (ils ne partiront pas !)
Nycéphore
J’ai rendez-vous avec Marie-Anne à trois heures à la Clinique. Je lui ai téléphoné hier à midi depuis le petit bureau de poste de Saint-Augustin alors qu’il allait fermer, et j’ai visiblement retardé l’enfilage de manteaux du couple de vieux qui doit être employé là depuis la fondation.
Ô Femme, voix profonde ou suraiguë, bombement de son sexe si finement perçu à chaque modulation vocale ! Théodosius ! Marie-Anne avait en effet comme “doublure” grasseyante son délicieux accent austro-hongrois, grave. “C’est elle-même. Viens chez moi à six heures.” “Si c’est possible, j’aimerais mieux qu’on se voie ailleurs ; je ne tiens pas tellement à voir ton père.” (Son père s’était opposé à son départ avec nous et toute la troupe de théâtre de Cádiz.) “Bon, et bien, retrouvons-nous à l’Hôpital de Jour ; c’est boulevard Wilson, près de la Radio ; j’ai eu une dépression nerveuse ; on peut se voir demain à 15h, si tu préfères.”
La dernière fois que j’avais rencontré Marie-Anne, c’était pour la fête chez Walter H. lors de la préparation de l’Opération Cádiz (entrecôtes et ceps en sous-sol), lors de la descente des flics ; elle était saoûle, et je ne sais plus qui l’avait embrassée ni comment elle était rentrée chez elle.

*

Je suis à l’Hôpital vers 15h 30. Là, d’autres pensionnaires aux yeux bouffis, comme ourlés, gonflés à l’hélium, gestes neuroptisés atrocement lents la cherchent sans la trouver. L’âme d’Elcé exaltée par le jeûne.
Elle n’y est plus, et pourtant, elle attendait avec impatience sur le pas de la porte vers trois heures moins le quart, selon ce que tous me disent, héroïsme qui emplissait les fenêtres d’une crainte indéfinissable.
On regarde au sous-sol, et de nouveau dans les étages, dans sa chambre.
Les Infirmières :
« Qui êtes-vous ? Vous êtes de la famille ? (L’une rougit violemment.)
— Elle doit être rue Maître-Jean, dans l’autre clinique ; elle devait rendre visite à un ami. »

Publié le 13 juillet 2008 dans document Cosmologie Onuma Nemon texte edition

Maurice à Buenos-Aires - Les Grands Ancêtres. Ligne de Don Qui. Été

Date du document : 1986

Ce texte figure dans Quartiers de ON ! paru en 2004 aux éditions Verticales, augmenté de ses étoilements plastiques, inserts et éléments sonores.

Avant de mourir, Maurice a eu envie de se rincer l’œil (plus d’un siècle qu’il n’a pas pris de bain !). Il est venu en tant que globe-trotter, trotter chez l’Oncle à Buenos Aires, histoire de ne pas se refroidir en mourant et de mourir au chaud (il refuse d’être cryogénisé : rien que l’idée le refroidit !).

Publié le 13 juillet 2008 dans document Cosmologie Onuma Nemon texte edition

Stamp - Les Grands Ancêtres. Ligne de Don Qui. Terre. Guerre des Étoiles

Date du document : 1984

Ce texte figure dans Quartiers de ON ! paru en 2004 aux éditions Verticales, augmenté de ses étoilements plastiques, inserts et éléments sonores.

Fondamental du défaut, il était, Stamp ! De la courbe du mérite par rapport à la courbe analogique, par rapport au son ; c’est-à-dire : il n’y a jamais de modulation ! Toujours l’un ou l’autre. Ça commence comme ça, comme un Roman Paresseux, une façon simple de se citer à la troisième personne, qu’il aime. Ensuite son enquête a progressé en fonction des fréquences…
(Les questions sont posées par une sorte d’inspecteur Dupin : « Est-ce que le 0 change à telle ou telle fréquence ? Est-ce que le 1 est impossible à telle hauteur ? », etc. Au fur à mesure, il annonce à qui veut chercher. En disant simplement : « Dépêchez-vous ! Il est en train d’agoniser ! » Ça part de là.)
Stamp a tout son appareillage de cryogénisation installé autour de lui depuis son encéphalite récente. Le docteur Pentoja a pour consigne de l’emballer et de l’expédier à Buenos Aires rejoindre la collection de Martó au premier bip de sa part.
Technique de reportage en des pays exotiques. Fondations de phrases ininterrompues, en suspension, passage d’une grille à une autre rapidement, sans que le sens soit vraiment délivré.
Monologue enregistré : (Ferré : “les bras des émigrants qui n’ont jamais de pain d’avance.”)
“Je n’avais “pas à pas” envie de boire ; me sens tout sale. Extérieur Mexique, et mousson. Pluie qui allait durer deux mois. Mais plutôt envie d’une tartine de fromage de brie (rot : “Heurrh !”), avant d’avoir fini le chapitre. Je branchai la télé ; il était déjà 22 heures ; je soulevai le combiné, j’attendis… qu’une de ces voix de femmes paraisse devant l’écran de télévision, baisse sa tête, et montre son crâne complètement décousu, plein de cicatrices de petite vérole, à angles droits. Un frisson me parcourut tout le long de son échine, et remonta comme une voie unique, au sexe. Elle raccrocha ; je posai le combiné, j’allumai une cigarette, je finis par trancher la mie en menus morceaux, j’éteignis le tube, et en me laissant tomber dans le sopha, je gardai le verre à la main. Là-dessus, je me levai et je m’en allai.
Personne ne m’attendait à la Gare. De l’intérieur, je me sentais plutôt bien. J’évitai tous les miroirs, où je me serais sans doute paru plus grand, et amaigri comme une fente de machine à sous, avec un sérieux coup de vieux, au pistolet. Même les cuivres des Chevrolet.
“Ça marche ?” m’aska quelque homme qui n’allait pas du tout dans la même direction que moi. Pas de réponse. “Le zinc… somme d’habitude… moi non plus.” Et la voix s’éteignit. Je venais d’apprendre qu’elle…
La personne marchait vite ; j’en ai bien vu trois ou quatre de ce genre dans la semaine.
Je quittai la Gare décentrée.

Publié le 12 juillet 2008 dans document Cosmologie Onuma Nemon texte edition

Docteur Marto & Frères - Les Grands Ancêtres. Ligne de Don Qui. Été. Buenos-Aires

Date du document : 1984

Ce texte figure dans Quartiers de ON ! paru en 2004 aux éditions Verticales, augmenté de ses étoilements plastiques, inserts et éléments sonores.

Ici le morceau rythmique de la fin est représentatif de la façon dont la langue devient le portrait filmique lui-même de la disparue, mitraillage kaléidoscopique.

I. Revay

Ça y est : par deux trous dans le cercueil ils descendent le corps de la mère directement dans le congélateur. Le mari et son frère de 14 ans enfant de chœur sont arrivés par surprise la nuit à l’Hôpital ; ils ont atteint le corps dans la chambre froide, lui ont administré des piqûres d’antigel par voie intramusculaire, l’ont enlevé : une ambulance les attendait. Puis, dès la maison de la Plaza Constitución, ils ont mis l’épouse dans le cercueil avec de la neige carbonique et ensuite ils l’enveloppent dans du papier cellophane pour la mettre dans le congélateur. Ils font partie de la secte Orphiste.
Elle est passée des communs à la crypte, la grotte, la crupta, la crotte qui a été recreusée dans sa voûte pour pouvoir ouvrir le couvercle.
Le Docteur garde sa femme cryogénisée avec lui, parce qu’elle n’a pas voulu d’enfant, comme un espoir lointain, et, enfermé dans cette crypte, il passe son temps à se projeter sans cesse d’anciens films de sa vie en 9,5 mm noirs et blancs, au-dessus du bourdonnement du corps mort. Monica était la sœur de Monique, de la Folie-Méricourt, musicienne accomplie comme elle. Il est né en 48. En 84, il était persuadé que le monde allait se retourner, il pensait qu’on allait rentrer dans le Siècle d’Or et l’Ère d’Orphée, et pour rentrer dans ce Siècle d’Or, il lui fallait absolument cryogéniser son épouse et tous les êtres chers de sa famille.
Ensuite toutes les personnes mortes de la Tribu de Prosper et des Frères Naskonchass lui ont été fournies par les Docteurs Civière, Decaisse et Dufourgon sis place de La Monnaie, les plus mauvais de Bordeaux. Comme ils s’occupaient beaucoup de ceux-là, tous en sont morts assez rapidement. Quant au Docteur Pantoja, il se chargeait de l’export des corps.
À présent, au centre de la crypte, le gros congélateur est celui de Roméo et Juliette, puis vient celui des amants Colomb et Souley, de Bordeaux, et ensuite toute la liste des cadavres du Docteur ; ça fait un bruit d’Enfer !

Publié le 8 juillet 2008 dans document Cosmologie Onuma Nemon texte edition

Le Mouvement ! - Les Grands Ancêtres. Ligne de Don Qui. Automne

Date du document : 1984

Ce texte figure dans Quartiers de ON ! paru en 2004 aux éditions Verticales, augmenté de ses étoilements plastiques, inserts et éléments sonores.

Où il est encore question de la prosodie, d’Aragon autant que du Maimonides Hospital, mais surtout du “duende” des fuyeurs des Tribus diverses de la Cosmologie, des Incarnations et de la façon dont l’Inscription transforme les corps, de la théorie des veilleuses et de la formidable invention réclusive d’Aloysius Bertrand ou du peintre Luncarné.

I. Revay

Ne nous trompons pas : l’Oncle ne confondait pas l’emportement lourd, sans nuances, la célérité violente et massive du fascisme, avec la légèreté de ses chers “fuyeurs”. Il savait que la plupart des mouvements avaient lieu dans une vrille sur place, comme dans l’escalier d’ébène mauve d’Eliseo.
Disons de ce mouvement qu’il est simple, et qu’avec un vieux short ouvrier, un débardeur noir et des chaussures de fortune, en courant sur les plateaux aux ossatures crayeuses des Charentes, on peut y atteindre. Aux moments où tout paraît désespéré, dans la pire Guerre, le plus désastreux conflit, la course offrant un peu de sueur assez tôt, avant les tâches, et l’illumination revenait.
On avait de ces bonheurs simples du Dimanche, avec le coq ; des
bonheurs fermiers, des bonheurs contigus à la terre même ; rien de plus compliqué.
Le Mouvement tenait à cela : retrouver dans les premières lueurs
matinales toute l’archéologie de la Tribu, tout le mérite des Poussées Ouvrières.

Publié le 4 juillet 2008 dans document Cosmologie Onuma Nemon texte edition

Nicolas, toujours vers l’Est - Les Adolescents. Ligne de Nicolas. Été

Date du document : 2000

Ce texte figure dans Quartiers de ON ! paru en 2004 aux éditions Verticales, augmenté de ses étoilements plastiques, inserts et éléments sonores.

Il y est question de Rimbaud, de Pasternak et Jivago, d’Apollinaire, de Hugo et d’Aragon, de “la plus banale romance” et de la transmigration prosodique. Puis encore de la verrité comme épaisseur du verre qui résiste à la vue, dont il est question ailleurs dans l’ouvrage.

I.Revay

À nous dans un multiple mouvement les grands pans de la pensée de l’irréel, les électrochocs de Fernande (que rappeleront si bien les spasmes de la petite chienne coker Pépita, gueule bavante dans les copeaux de bois), et ses faux bijoux du “Caillou du Rhône” ! Je suis devenu Sergueï Kaltoukine ! Ni plus ni moins “un personnage” (“Jean, laissez-moi arriver aussi !” germentent les cupidités, vous avez vu ? Valeurs poncives de l’écrit. Tout ça pour en placer d’autres, gros éléments, fournis en quiproquo.), le jour où j’ai découvert que la majorité de mes poèmes préférés, jusqu’au rythme octosyllabique de leurs franchises hivernales (auxquelles je tenais tant !), avaient déjà été écrits en mieux par Boris Pasternak.
Dans ce temps-là, Lola La Noire (grise sur la plage) fuyait la nuit dans les monts de Castille en chantant des idioties, folle, déliée :
“Qui pue tant du cu et
Perd ainsi son beau cerveau,
Son sage servage en cerceaux ?”
Je ne connaissais alors que l’art de la liste, et la compagnie de poètes russes alcooliques déambulant au petit jour, feulant de moins en moins jusqu’à la puissance fabuleuse sans objet peint, raclant le vers pour atteindre l’insignifiance sans cataplasmes ni connotations, plus ondulatoires que corpusculaires, la bouche embrassant avec angoisse forte la loi, la pressant de leurs bras sur les deux bords avec leur habitude cosaque de cavaliers de fer soumis à l’endurance, rapeux.

Publié le 2 juillet 2008 dans document Cosmologie Onuma Nemon texte edition

Don Qui à Buenos-Aires - Les Grands Ancêtres. Ligne de Don Qui. Été

Date du document : 1989

Ce texte figure dans Quartiers de ON ! paru en 2004 aux éditions Verticales, augmenté de ses étoilements plastiques, inserts et éléments sonores.

Nouvelles du Tío de Buenos Aires
Buenos Aires s’est appelée dans l’Antiquité Buenos Eros, car elle était la capitale d’un Eros primordial antérieur à toute division des sexes, Chaos et Genèse.
Domingo, frère d’Eliseo, réfugié à Buenos Aires (on vous dira l’Histoire de la Ville), est un Fou du Cinéma. C’est le mari exilé de la Tía, restée habiter rue du Port parce que c’est de là qu’il est parti et elle attend qu’il revienne par-là. Il était parti pour faire fortune ; il a fait fortune, il est resté. Il veut saisir la Vie entre ses mains. C’est un collectionneur, et en particulier des Inventions-Ancêtres du Cinéma : zootrope, praxinoscope, etc. Il n’a pas eu d’enfant et vit la plupart du temps dans l’Obscurité, surtout depuis qu’il est devenu aveugle, même s’il distingue un fond gris-doré, “là votre main, et même un peu de votre visage, de près…”
C’est l’Oncle des Dimanches Après-Midi. Il s’est dit qu’en se gardant, lui l’apôtre du Mouvement Généralisé, des influences de la Tribu, il conserverait la nécessité impérieuse de la Recherche des Dimanches Après-Midi, cette exigence dont participe également la Radiophonie d’une façon non négligeable. Non pas l’exigence dans son énoncé, mais dans sa matière, dans sa sensualité (idée qui imprègnera le projet “Aube-Matière” de Daniel) : parfums, extase, vibrations, type d’oppression, inclinaisons de la lumière, coïncidences d’Ouranos et de la Terre déployés.

Publié le 28 juin 2008 dans document Cosmologie Onuma Nemon texte edition

Crise Mystique du Dépôt de Bus - Les Adolescents. Ligne de Nicolas. Été

Date du document : 1966 & 1971

Ce texte figure dans Quartiers de ON ! paru en 2004 aux éditions Verticales, augmenté de ses étoilements plastiques, inserts et éléments sonores.

Crise Mystique du Dépôt des Bus
Celui qui vient du Dépôt des Autobus passant sous des platanes et des tilleuls sur les Boulevards vers le cimetière, mais de l’autre côté sous les pins parasols de l’allée des Pins (il ne s’en souvient guère !) a vu “Irène soignant saint Sébastien” mais moins intéressant que les Commandements qui lui furent dictés.
C’est Nicolas Zemacks, toujours soigneux, pli et revers sur un pantalon de laine gris, fine silhouette issue de l’Est, brume et toux incessante de fumeur invétéré, suivi par une quantité d’insectes et d’animaux de toutes sortes, notamment les blattes.
Il dit : “Dieu, j’attends des jours le fade artifice des rosaces défleuries, des Rois de Gloire qu’on défenestre, et le Carnaval éprouvé, pour noter sur un terrain d’égalité les tombes aux teintes détestées jadis enfant.
Par une romance mécanique sotte aux pieds nus du joli village, j’appelle à boire le sang noir des victimes qui circule dans le rocher, les ombres confondues des Jeunes Filles dans la cire et des Anges demeurés.
Orphelin, j’ai grandi en perpétuant cette féérie !”
Il va.
Ce paquet de chair étroite comme un gnome rouge, choit.
Belles noctambules, arômes indiens, piments désunis.
Champ où le seul jeu est le croquet avec des maillets d’os et des boules de peau.
Chaque cri lance un écho vers une cible invisible.

Publié le 27 juin 2008 dans document Cosmologie Onuma Nemon texte edition

Rbsprr - Histoire Deux. Visionnaires

Date du document : 1989

Ce texte figure dans Quartiers de ON ! paru en 2004 aux éditions Verticales, augmenté de ses étoilements plastiques, inserts et éléments sonores.

Rbsprr !
« Est-il déjà levé ?
— Est-ce qu’il a mangé des légumes ? » disaient les filles.
Arriver dans une ville inconnue en Montagne effarée de paquerettes sur des parterres d’herbe grasse et mouillée, découvrir l’âme soleilleuse de chacun à chaque fois dans la circulation effrénée des reflets, voilà quel était son réveil ébahi.
Aujourd’hui dix heures de sommeil comme un hérisson se déplie, éblouissement de rosiers sur jachère, fouillis de thym, orties, blancheurs éparses, éclatement violet, tandis que le menuisier se plaint auprès du voisinage d’avoir dû refaire les plâtres à cause des cahots des carrioles de condamnés qui ébranlent tout à partir du pavé, “Bon-Ami” accompagné par le chien Black conduit les filles herboriser à Issy, manger sur les prairies de Meudon ou flâner dans les allées les plus retirées et profondes des Champs-Élysées où l’on voit Médée qui traîne en robe de deuil auprès des petits pavillons. Déjà on n’allait plus à dos d’âne dîner dans l’herbe à Robinson.
Mais en dehors de cette journée exceptionnelle, en bon père de famille qui craint les femmes et l’argent, il préfère généralement à tous ces endroits le jardin paysagé de Duplay : ainsi on a le monde entier chez soi.
Nus sur le pré, les sans-culottes découvrirent qu’ils avaient des sentiments, je l’ai déjà dit (prenez des notes !). Rbsprr n’avait que de la vertu.
Que cherchait Rbsprr en remontant du regard cette chair blanche jusqu’à l’embouchure ? À discerner l’effet de contagion de la scarlatine sur les punaises ? Il était touché par ces yeux cernés sur ses joues rondes, ce nez à peine épaté, cette chevelure ébouriffée de fraîcheur, soulevée par le
printemps. Il ne cherchait certainement pas la version Or ; plutôt la version fragile de l’argent, sinon sa version orange de la simplicité.

Publié le 26 juin 2008 dans document Cosmologie Onuma Nemon texte edition

BAADER-MARS - Xylographie 1, 60m x 1, 20m

Date du document : Juin 2008

BAADER-MARS
Cette gravure sur bois a été réalisée grâce au soutien de l’URDLA, gravée et tirée dans leur atelier de Villeurbanne les 10 et 11 juin 2008. Elle est éditée en 14 exemplaires dont moitié du tirage réservé à l’auteur. Elle est en vente auprès de l’URDLA.
La xylographie a pour double source historique l’impression des images religieuses et des cartes à jouer cosmologiques ancêtres du Tarot (peut-être d’origine gitane ?)
Ici en dehors de l’évocation du Pendu (renversé) autant que d’un mort couché sur un plancher et du cadavre d’Holger Meins, il est question de Mars. Le dieu de la Guerre et la Planète Rouge convenaient autant que l’Or du dernier Empereur Mao pour une future activité de la Fraction Armée Rouge, dont le suicide collectif de quatre membres en deux jours n’a jamais bien été interprêté : en effet le Boeing détourné par quatre terroristes palestiniens, qui erra en traçant des V au-dessus de Chypre en hommage à Pynchon, et effectua un dessin savant au-dessus de Dubaï et Bahreïn, avant de se poser sur l’aéroport de Mogadiscio, en Somalie, n’avait pour but que de signaler aux détenus de la Bande à Baader une opportunité climatique et astrologique de fuir sur Mars dans la nuit du 17 au 18 octobre 1977. Les trous de balles que se firent volontairement dans le dos Andreas Baader et Jean-Carl Raspe à l’aide d’un pistolet ne servaient que de “prises d’air” et le cable de haut-parleur avec lequel Gudrun Ensslin se pendit permettait de maintenir la communication avec les amis Martiens tout le long de la téléportation. Irmgard Möller malheureusement ne put les accompagner, malgré les nombreux coups de couteau dont elle s’était perforée, faute d’avoir su inverser la carte des trous à faire qu’on lui avait transmise en droite-gauche. La Foudre, Initiale de Zeus et lettre du Dyable divise ici les deux Frères dans le même corps.
Elle regrette sûrement depuis d’être restée vivante sur terre.
Par contre Ingrid Shubert réussit bien à son tour la téléportation le 12 novembre 1977.
On se souviendra de la photo de la mort d’Holger Meins en novembre 1974 parue dans Libération, et de ce corps devenu squelettique et difforme à force de grève de la faim : 42 kg pour 1,85 m, et de ce qu’il disait dans sa dernière lettre : “Un des côtés de Engels : transparent. […] Ce n’est plus une question de matière mais de politique.” C’était un des premiers à avoir été téléporté et à avoir compris la transcription par la lumière, ce qui était aussi une façon de retrouver le corps des déportés pour ceux qui combattaient les anciens nazis, ou la méthode Kepax pour oublier les insupportables blessures.
Gudrun Ensslin, fondatrice de la R.A.F. avait cet avantage d’être Lion ascendant Capricorne et Dragon de Métal en Astrologie Chinoise et de pouvoir ainsi guider le groupe dans sa fuite céleste.

Publication : URDLA, Centre International de l’Estampe et du Livre

BAADER-MARS
BAADER-MARS

Publié le 22 juin 2008 dans document HSOR dessin et gravure edition

Saïd vers Strasbourg - Les Escholiers Primaires. Extensions de la Ligne de Nicolaï. Automne

Date du document : Tours 1984

Ce texte figure dans Quartiers de ON ! paru en 2004 aux éditions Verticales, augmenté de ses étoilements plastiques, inserts et éléments sonores.

Saïd. Vers Strasbourg !
Mañana : “Alors que “j’en décousais” avec Macha, Saïd mettait la
dernière main à son système concernant la classification des esquives, et voulait le confronter à l’expérience d’Habersetzer, qu’il devait rencontrer le week-end même à Strasbourg, avant d’en faire un matériau chorégraphique qui puisse servir soit d’intermède (comme au temps du
Roi-Soleil), soit en l’intégrant au travail dramatique et en particulier à la
chorégraphie des Andalous.”
Pendant qu’il travaillait, Claudia l’observait de tout près (les dents, les cheveux), en réservant sur son visage des zones de prélèvement pour son univers, fait de petits morceaux, d’intenses instants, pris ici ou là, et jointoyés, comme d’autres se font une robe de patchwork. Sa Carte du Tendre allait de Pantin au Chemin Vert où elle était née.
Voici la classification des esquives à laquelle était parvenu Saïd :
– côté/déplacement latéral du buste
– déplacement/retrait du buste/rotation
– absorption par le hara
– retrait arrière du buste
– déplacement/rotation/retrait 1/4 de cercle du pied du côté du coup
– rotations du buste
– rotations de la tête :
. sur son axe
. en effectuant 1/2 cercle d’un côté ou de l’autre
En ce qui concerne les contre-attaques, il me semblait que sa typologie était presque exhaustive, en tout cas bien plus complète que celle de R. Habersetzer.

Publié le 19 juin 2008 dans document Cosmologie Onuma Nemon texte edition

Rouen & Cæn : plusieurs incarnations. - Les Anartistes. Toyrangeau. Saison de la Terre

Date du document : 1982

Ce texte figure dans Quartiers de ON ! paru en 2004 aux éditions Verticales, augmenté de ses étoilements plastiques, inserts et éléments sonores.

(Usines de la Toussaint)
À Rouen passe au petit jour le cortège d’un jeune homme de 25 ans qui va être fusillé, plein d’émotion et de malfaisance. Il a la sensibilité infinie de vérité de celui qui a rédigé le procès de Jeanne d’Arc, ici-même.
Il a été amené de Fresnes dans la nuit. Long couloir de la cathédrale d’acier :
« Au revoir Béraud ! Adieu Combel ! »
Voiture Amilcar noire jusqu’au poteau dressé au bas d’une butte de gazon, surplombant le fleuve.
Il refuse le bandeau sur les yeux. Il crie à ceux qui le mettent en joue:
« Courage ! » Et il est tombé.
Anoxies du bonheur, erreurs de la colère, envolées…

*

Toyrangeau : “Je devais me lever très tôt à Rouen, parti de Tours hier avec Nini Ruth pour retrouver entre autres Nicolaï et Charette à l’Atelier des Décors (il montait un spectacle là-bas, comme souvent, et ailleurs ; il y connaissait tout le monde ; on devait y choisir des éléments de décors pour Cádiz entre autres) et je m’éveillai en sursaut (il faisait crûment froid), croyant que la petite pendule sur la table de nuit m’avait oublié. Il n’en était rien et son battement cardiaque me parut assourdissant, s’associant à une douleur fulgurante du deltoïde qui provenait d’un effort fait en rêve, de transport de caisses très lourdes, que je venais d’abandonner précipitamment. J’enfilai aussitôt un tricot de laine angora et replongeai.

Publié le 18 juin 2008 dans document Cosmologie Onuma Nemon texte edition

Toyrangeau à Rouen - Les Anartistes. Saison de la Terre

Date du document : 1982

Ce texte figure dans Quartiers de ON ! paru en 2004 aux éditions Verticales, augmenté de ses étoilements plastiques, inserts et éléments sonores.

Léonard et des pipes
“Voici une voiture américaine défoncée, blanche, sale ; puis tout un vieil autobus de défoncés à leur tour, les poches pleines de doses, avec dans les pognes des frontignans de Graves, qui traverse la ville arrivant droit du mont Tessin.
Darnes soudaines du cauchemar ! Plus de julot vedette, ni de sexe à la fleur d’anis. Dès qu’elle boit trop, elle perd son bikini, Nini. “Donne-nous un an, et je partirons ! Sinon je m’avangerai !” Multiples pluriels, chez elle. On a raclé ce seul argument par quoi elle aurait pu être émue, Nini Ruth :
« C‘est par ici, qu’il est mort ! »
Nini nous parle du grand mort et du petit mort, de sa conception dans le Vent par la bouche ouverte, alors qu’elle survolait, là-haut, le Château, grâce au rhume et à la codéïne. J’adore quand on parle de Léonard, avec Nini.
“Je porterai toujours ce sourire de visage envisagé pendant le voillage, et sans jamais me dévêtir ! L’excessive force de la lumière est à ce prix. Tout est comme une neige silencieuse désormais.”
« Il aurait lu ça dans Milan, tu vois ! Un milan, un vautour… Le
vautour, c’est la Mort, c’est la Mère. Les souvenirs d’enfance sont
débauchés par elle.
— Quand j’étais couché dans Marie, près du couvent Sainte-Monique, la première nuit, j’ai pensé : “Voilà que j’épouse la mer Maorte ! Sacré coup au cœur !” » dit Nicolaï.

Publié le 17 juin 2008 dans document Cosmologie Onuma Nemon texte edition

La Grande Concentration de Douai - Folie-Méricourt vers le Nord. Terre

Date du document : 1991

Ce texte figure dans Quartiers de ON ! paru en 2004 aux éditions Verticales, augmenté de ses étoilements plastiques, inserts et éléments sonores.

Dans cette énorme Concentration de Douai, on trouve toute sorte de pédants, dont Sévèrimus, ce rat de bibliothèque délirant sur l’intertextualité de Rimbaud, qui parle ailleurs des correspondances entre les “Intimités d’un Séminariste” et “Le Petit Chose”.
Chaque porte qu’on ouvre donne sur un conférencier, un causeur, un débat…

Se tient entre autres, dans une des salles, le “Congrès international de sciences Onomastiques”.
Toute une Tribu puante de singes, de vieux josués d’incantations se pressent dans l’assemblée, à dialecter. Sévèrimus, s’excitant, relance de plus belle ses éternels arguments sur l’intertextualité. Et cette fois sur les emprunts de Rimbaud à Vigny, repris par deux choreutes. Ce n’était pas souvent qu’un rat de bibliothèque de son acabit trouvait à être entendu.
« Des Peaux-Rouges criards les avaient pris pour cibles, Les ayant cloués nus aux poteaux de couleurs. Rimbaud.
— Aux harpons indiens ils portent pour épaves Leurs habits déchirés sur leurs corps refroidis. De Vigny.
— Parfois, martyr lassé des pôles et des zones, Rimbaud.
— À celui qui soutient les pôles et balance L’équateur hérissé des longs méridiens. De Vigny.
— Plus fortes que l’alcool, plus vastes que nos lyres… Rimbaud.
— Plus rare que la perle et que le diamant ; De Vigny.
— J’ai heurté, savez-vous d’incroyables Florides… Rimbaud.
— Un soir enfin, les vents qui soufflent des Florides L’entraînent vers la France et ses bords pluvieux. Un pêcheur accroupi sous des rochers arides Tire dans ses filets le flacon précieux.(…) Quel est cet élixir noir et mystérieux. De Vigny.
— Si je désire une eau d’Europe, c’est la flache Noire et froide où vers le crépuscule embaumé Un enfant accroupi plein de tristesse, lâche Un bâteau frêle comme un papillon de mai. Rimbaud.
— Qu’il est sans gouvernail, et partant sans ressource, De Vigny.
— Me lava, dispersant gouvernail et grappin. Rimbaud.

Publié le 17 juin 2008 dans document Cosmologie Onuma Nemon texte edition

Groupe de la Folie-Méricourt à Arras - Les Orphelins Colporteurs. Saison de la Terre

Date du document : 1989

Ce texte figure dans Quartiers de ON ! paru en 2004 aux éditions Verticales, augmenté de ses étoilements plastiques, inserts et éléments sonores.

Théâtre d’Arras
(Toute la Bande de la Folie-Méricourt, Monique en tête, avec Ariane, Frédéric/que, Rio, etc. fuit vers le nord, parallèlement à Orphée, qu’elles entr’aperçoivent de temps à autre, une ou deux fois, de loin, harassé de neige alors qu’elles-mêmes coupent régulièrement à travers champs, franchissant les clôtures et les barbelés. Elles se rendent à la Concentration du Nord répartie dans les grandes villes autour des Trous Noirs Miniers : Loos, Liévin, Herzelle, Douai, Arras… et jusqu’à la mer du Nord.
Des discussions cruciales se tiennent, animées par “les plus rapides” à travers toutes ces villes : dans les cafés, les maisons, toutes halles et toutes salles disponibles. À chaque maison qu’on franchit, chaque porte qu’on ouvre, une bouffée de débats et de cons bus surgit ; cela porte sur les champs les plus divers, depuis les discussions sur le cinéma, animées par Dupin et Hœyliss, jusqu’aux plus grandes finesses prosodiques de la poésie. Les groupes ne sont pas préformés, chacun circule d’un lieu à l’autre, s’arrête comme cela lui convient et participe ou non aux débats.
À Arras, une pièce se joue où des personnages qui vont du Moyen-Âge à la Révolution interviennent pêle-mêle.)

Arras
(Magloire vient d’être dénoncé par l’ouvrière en linge Rimbaud)
Magloire : « Par mon âme, en automne, on en tuera trois cents !
Morgue : — Certes, Madame, ce sera un grand festin, que les Ours se gavant pour l’Hiver, si bons danseurs dans 95% des forêts.

Publié le 7 juin 2008 dans document Cosmologie Onuma Nemon texte edition

Le Réseau Osiris 44 à Dijon - Les Gras. Ligne de Henri. Terre

Date du document : 1986

Ce texte figure dans Quartiers de ON ! paru en 2004 aux éditions Verticales, augmenté de ses étoilements plastiques, inserts et éléments sonores.

Cela étant, supposons qu’un associé de Champlain qui n’ait connaissance ni du témoignage de Skorzeny depuis le pic du Gran Sasso, ni de la plus belle carte de neige paillettée d’argent et d’or de Henri, décroche son appareil. Après une double présélection (espace, puis temps), il se trouve relié à un sélecteur de zone situé dans la zone des neiges 22, qui sera plus tard installée par un de ses descendants (le terrible Henri, destiné malheureusement à mourir dans une humidité des neiges qu’il a toujours détestée, en Côte-d’Or, à la recherche du secret d’Aloysius et de Bruges). Les chercheurs discriminateurs de cette zone sont représentés sous la même forme que ceux de la zone 44, c’est-à-dire par des chercheurs dont le champ d’exploration possède deux parties, a’ et b’. La partie a’ donne accès à des lignes auxiliaires qui sortent de la zone après avoir traversé un circuit de discrimination temporelle, et aboutissent chacune à un sélecteur de zone géographique situé dans le centre nodal 33, alors que la partie b’ donne accès à d’autres sélecteurs de plusieurs milliers de plateaux à la fois géographiques et géologiques. On ne peut pas parler pour autant de “mémoire”.

Publié le 28 mai 2008 dans document Cosmologie Onuma Nemon texte edition

La soupe pré-biotique du Net - Sphère Critique

Date du document : 2008

Texte paru dans la revue Fusées n°14

1. Idée Le chercheur autrefois souvent trouvait ses idées parmi les ombres du plafond, dans la rêverie ; et elles surgissaient de collisions incongrues ; aujourd’hui il est fixé sur un écran. Ce n’est pas du tout la même chose. Voilà ce que me dit un ami mathématicien.
Je pensais du coup à Lagrange, ce mathématicien à qui la musique servait de clôture, d’abri à l’inspiration : passée les trois premières mesures il partait dans son univers sans plus rien pour troubler ses élucubrations ni gêner l’agencement de ses hypothèses.
L’idée se forme par tournoiements dans le vide, adhérences, accrétions successives ; elle se balade, va dans le hasard des roulis, mais si tout de suite le tissu social la retient, il bloque cette errance ; elle n’a plus la chance de ce hasard des roulis et l’idée disparaît avant même de prendre corps. Sans doute ce que Denis Roche appelait “signifiant baladeur”.
Aujourd’hui il y a ce fait démocratique indiscutable qu’une découverte peut être offerte immédiatement à une foule d’autres chercheurs dans le monde grâce au Net, mais en même temps elle est livrée pieds et poings liés, sans le temps d’un rebond, et sans que le chercheur ait eu le temps d’amasser en lui assez d’inactuel.
L’aspect chronique du compte-rendu empêche le bondissement de la crise. Il faut garder la chance d’une surprise de la pensée, de la perte d’une lettre, d’une découverte, d’un surgissement.

Kafka affronté à cela aurait abandonné immédiatement certaines des pierres anguleuses que roule son journal. Par exemple, quand il parle de “La fille au visage plat, dont la robe grossière ne commence à se déplacer que tout en bas, dans l’ourlet. Quelques-unes sont habillées ici comme les marionnettes qu’on vend pour les théâtres d’enfants à la foire de Noël, c’est-à-dire que leur robes sont faites de ruches et d’or collés et cousus à points lâches, de sorte qu’on peut les découdre d’un coup et qu’elles se disloquent entre vos doigts. La patronne, avec sa chevelure d’un blond mat fortement tirée sur un bourrelet certainement dégoûtant, avec son nez descendant en pente raide suivant une direction qui se trouve dans un rapport géométrique quelconque avec ses seins tombants et son ventre tendu, se plaint de maux de tête provoqués par le fait que c’est aujourd’hui samedi, qu’il y a bien du tapage et que ça n’en vaut pas la peine.”

Publié le 27 mai 2008 dans document HSOR texte edition

Érec & Énide Mariés Alpestres - Les Orphelins Colporteurs. Ligne de l'Hospice. Automne

Date du document : 1991

Ce texte figure dans Quartiers de ON ! paru en 2004 aux éditions Verticales, augmenté de ses étoilements plastiques, inserts et éléments sonores.

L’invocation de Léopardi n’est pas pour rien dans cette cristallisation des Voix qui représente (avant le Continent O final) l’aboutissement de la Cosmologie en sa forme poétique, emportant à la fois les “États” désubjectivés, la dimension épique et une narrativité qui procède par sauts, en pointillés.
On distinguera cette Vérité, ici dite “Voix de basse, grave, noire, en même temps qu’un essoufflement de marche sur la Neige” de la Verrité, résistance du défaut du verre à la vue, présente en de multiples endroits de “Quartiers de ON !” et dont on donnera ici même une condensation.
Lucinda Véron-Féret

Chalet des Mariés Alpestres (Érec et Énide)
Chez Clotilde. Printemps
Clotilde : « Prenons galoches à taches rayées. Bouchons avec une
rissole. Un batteur soulève la batteuse avec ses reins. »
Énide : « Le requiem du requin blanc,
l’ours dans son blanc suaire,
albatros, miracle de plumes,
vastes prairies liquides de Krill…
Prends la garde près des orages
(Seules, les Nuées envisagent) ;
Voici les mythes d’autrefois,
Inexplicables de parfum,
Inouis, pullulants, sauvages.»

Désormais, à cette hauteur, toute saison a disparu, dans cet endroit qui lave l’œil de la poussière des âges filtrant le soleil à travers les yeux des morts pour en obscurcir l’éclat et qui, par une perception sporadique de détails isolés, brise les shèmes imposés faisant écran à l’émerveillement.
La présence des Mariés Alpestres, devant le chalet de Clotilde, ressemble à un transport au cerveau, une trépanation, la vrille de la mèche à l’aplomb de l’oreille dans un angle de 15° vers l’occiput. Leur retard à surgir est semblable à celui de la compréhension des ravages de l’amour. On ne peut plus y surseoir, voilà ce qu’ils disent, et cependant, à travers leur esprit, courent encore transversalement des allongements répétés, des lâchetés, des faiblesses.
“Nous répugnons à l’albinos, avec sa blancheur diffuse, à la tristesse de la ville de Lima, qui porte le deuil blanc de ses tremblements de terre, au surnaturel marmoréen de ce mort-là, aux processions du dimanche blanc de Pentecôte et à la grandeur sauvage des “Blancs Chaperons” rapportée par Froissart d’entre ses feuilletés et les résonnances des condensateurs par où sa voix passe, mais, plus encore qu’aux manteaux de neige sur l’épaule des fantômes, à cette étendue, à cette ubiquité dans le temps, mythique, à cette majesté, cette pureté, cette effroyable divinité de silence, peuplée de sens, remplie de l’absence des couleurs et de la fusion de toutes les races qu’est la Neige !”

Érec : « Laissez-moi toucher la lumière blanche
Et voir, sur la même ligne :
Le mal, moindre bien ; le bien, moindre mal.
Tenus entre les deux mains.

Dieu est un climat :
Par exemple la première chute de neige,
Un été indien,
Ou le bruit du vent contre la porte*. »
(*Beatles : “Christmas”)

Publié le 17 mai 2008 dans document Cosmologie Onuma Nemon texte edition

Mariage de Aube & Nany - Les Adolescents. Ligne Aube & Nany. Été

Date du document : 1992

Ce texte figure dans Quartiers de ON ! paru en 2004 aux éditions Verticales, augmenté de ses étoilements plastiques, inserts et éléments sonores.

On voit ici (mais qui sait lire aujourd’hui ?) la multiplicité des écritures invitées (comme les invités au mariage) sur des registres tous différents, portées par tout un tas de personnages mythologiques traditionnels ou bien qui font partie des Tribus de la Cosmologie et qu’on retrouve ailleurs : Monique, de la Bande de la Folie-Méricourt (autour de laquelle entre autres se centre le recueil de Nouvelles de 1972 intitulé “Tuberculose du Roman”) ; Lydou, la compagne de Jean Sales le cinéaste, amie d’enfance de Aube qui habite le chateau de Terraube ; Maître Ho, un Chinois avec des disciples japonais qui organise des stages dans le Gers dont un des plus fameux participants est Saïd Hadjl… tout un bariolage d’étangetés qui constitue les cortèges. Et, parmi les allusions obscènes de rigueur dans ce genre de cérémonie : “…le vent fait claquer la chemise (“Remballe ça ; on ne s’en servira pas aujourd’hui” - raccourci - .)” pour un raccourci de détumescence que n’importe qui trimballe parmi les éméchés que toute fête excite, on trouve l’une des amorces des États du Monde en tant que tels : sensations, visions fugaces que personne ne saurait porter, comme on se demandait à l’invention de “La Paluche” de Beauviala : “quel corps peut porter cet
œil ?”
On se demande surtout qui sera capable de produire la théorie de cette énormité où curieusement on trouve moins de citations d’auteurs disparus, malgré la quantité des références et des allusions, que de courants du présent, courants qui sont dans l’océan des auteurs vivants, toutes nations confondues, les remous opérationnels d’une écriture en train de se faire et que l’auteur nomme pressent, à la fois ce qui urge et ce qui s’inscrit aujourd’hui, mais que masquent bien sûr les huiles de la surface.
Lucinda Véron-Féret

Mariage de Aube & Nany
(Lydou est là, l’amie de Aube, venue pour son mariage.)
Lydou : “Bien-être global au lever : jonquilles, coucous… se penchent !
Puis faim d’après-midi : brumes nombreuses au bas des arbres,
Toujours dansants dans les prairies.
Éden latéral : aucune explication ;
Foulard de soie de la surprise,
Selon si Déméter ramène Perséphone :
Pluie, ou faiblesse, ou changement de tenue !
Plus jamais le facteur Antonin Triptolème,
Dans la lumière tiède du petit matin
(Entre le Printemps & l’Été), avec toutes ses sacoches de blé :
Antonin, canne de nain !”, chantaient les gosses.”

Nous survenons au Château de Terraube par la route trop blanche, presque peinte, comme certaines façades sur la route de Saint-Puy, sauf l’Ecole. Les six mille amis approchent du village pour le mariage d’Aube et de Daniel, quittant les tentes, les cavernes, les buissons, les rochers, les tours et les citernes. Il y a ceux qui viennent d’Auch, de Fleurance et Condom, les élèves de maître Ho venus de Tokyo et ceux de Cádiz, d’Ampuero, de Laredo, de Santoña.
Suzuki : « Allez ! On marche, on mange. »
De grands chiens et des petits chiens les accompagnent, des petits chiens perdus et de grands chiens sauvés dans les premiers coucous d’entre les touffes et par les cîmes.
(Aube : “Je me suis levée ce matin à l’aube, et suis sortie me caresser à l’eau des calices de pêchers. Visage de bonheur du bébé à travers son verre, en
compagnie de tante et moi, quand nous avons petit-déjeuné, au Moulin. Puis je suis partie accompagner les chasseurs de la métairie et rentrée seule à pieds dans l’air frais où flottent les glycines. Une violente envie de peindre m’a saisie mais je ne voulais pas manquer ton arrivée; et puis ça ne convenait pas pour le jour du mariage.”)
Hasegawa : « Tu y es allé, là-dessous ? »
Suzuki : « Oui. Les corps étaient tout pleins d’eux-mêmes, les bras gonflés dans les chemises, membres charnus et ronds. Longtemps, je suis resté au bas du mur de la construction surchauffée (“il avait le feu au plafond !”) jamais poursuivie, au pied des piscines, somnolent, hirsute et près des ivrognes au sac ouvert, humide. La roue de la loterie du village tournait dans un grésillement d’attente. »
Yukio : « Mon souffle devient lourd. Je n’atteindrai pas le Château. Pardonnez-moi de n’avoir pas rempli mes devoirs de civilité. Je vais en souriant à la rencontre de la mort. »
(Cri terrible de la lance entendu par Hakuin, et de Breton surpris dans les chiottes). Il récite cette “chanson d’Aube” avant de mourir :

“3 octobre 33 hommes 33 maîtres.
Baguette qui fait vibrer le gong.
Ho !
Épée précieuse du roi-diamant,
Lion au poil d’or tapi sur le sol,
Perche à explorer munie d’herbes
À son extrémité qui fait ombre.
Ho !
Shikan !
Ta !
Za !”

Publié le 12 mai 2008 dans document Cosmologie Onuma Nemon texte edition

Monde Dic, Duc, Fac, Fer & Memo - Ligne du Chaos. Printemps

Date du document : 1992

Ce texte figure dans Quartiers de ON ! paru en 2004 aux éditions Verticales, augmenté de ses étoilements plastiques, inserts et éléments sonores.

“Cher Monsieur Luc, je vous remercie de votre courrier à propos de la cathédrale de Cadiz, mais contrairement à Baltrusaïtis, je ne suis pas un spécialiste de l’Herméneutique en la matière, et je ne pense pas pouvoir vous aider avant votre départ dans votre Projet Nomade Souverain, que ce soit en Andalousie ou aux Amériques.
Si j’ai écrit des petites choses à propos de la cathédrale d’Auch et de l’Hospice de la Charité à Séville, c’est au hasard de lignes biographiques et d’itinéraires du Jour des Morts. Je procède par termes aimants qui attirent à eux et arrachent ci et là des bribes de parcours, des morceaux de puzzle du Temps.
Duco.
P. S. N’oubliez pas que je ne suis qu’un chien.”

*

Duco suit en reniflant la ligne de fuite des Cathédrales et de la Toussaint, à Auch. Il sait que la ligne est un cheveu, qu’il ne faut rien imaginer, partir de la Vérité. Il regarde cette carte reçue de Aube, envoyée du Moulin du Mas pour annoncer son mariage : un gant blanc de main gauche, dont la couture, ourlet rouge du bord du poignet se scinde au milieu du dos de la main pour monter en arborescences veineuses jusqu’aux extrémités des doigts ; il songe à la semaine passée par La Fée Numida et Ulittle Nemo à Styx, à relever des empreintes des lignes de leurs quatre mains, à l’aide d’encre de taille-douce.
Il fait froid à Auch, pour le jour des Morts, en traversant le pont de Lagarrasic, puis suivant la double allée des platanes par l’autre rive et remontant les escaliers d’Artagnan le long des torchis de l’ancienne ville, passant sous les immenses magnolias au moment de la volée des cloches jusqu’à atteindre la cathédrale de 18 heures 30.
Arrêt au sommet. À peine décalé de l’axe du grand escalier, le sapin se dresse, spontanément ; accrochés de part et d’autre sur ses branches : tous les feux de la ville en dessous.
À gauche la grande avenue lance une guirlande illuminée vers Toulouse.
C’est le Noël des Morts, qui ne coïncide pas avec le nôtre.
Dans les chapelles retirés, l’étau splendide des verrières d’Arnaud de Moles, le cœur splendide de Jésus, rubis de la fournaise. Au centre, les stalles de chêne du grand chœur que Duco connaît si bien : musiciens, bouffons et rondes joyeuses se tressant avec les démons, les serpents et les monstres à travers les veines du bois.
Là comme à Reims, les ogives sont lancées tellement haut qu’elles disparaissent dans les lointains jusqu’à atteindre des profondeurs séculaires, se prolongeant en grottes verruqueuses suintantes et démesurées de plusieurs milliers de mètres de haut ; caverne de Reims, cathédrale creusée jusqu’au ciel paléolithique où tournoient les abîmes des rosaces tourbillonnantes.
On sera tous transparents, dans l’illimité, jetés dans l’océan de fleurs sur l’autel, des fleurs plus brillantes même que les veilleuses et que les cierges !

Publié le 9 mai 2008 dans document Cosmologie Onuma Nemon texte edition

Campagne/Compagne - Les Orphelins Colporteurs. Quintette de Campagne

Date du document : 1976

Ce texte figure dans Quartiers de ON ! paru en 2004 aux éditions Verticales, augmenté de ses étoilements plastiques, inserts et éléments sonores.

Luc. Campagne/Compagne
C’est dans le Château de Terraube, chez Lydou, alors que je venais assister au mariage de Aube avant de me joindre à leur troupe pour Cádiz, que j’ai trouvé “son” journal à côté de “l’Avis aux Campagnes” lancé par Rbsprr.
Ce “Girondin” Amateur des Jardins et Amoureux des Contrées avait recherché pendant des années son amie intime disparue. Un rêve lui fit voir que la géographie de l’aimée s’était épanouie dans l’Univers, et qu’il suffisait qu’il retrouve là tel bosquet, ici tel flanc de coteau, pour que de ces repérages et de cette reconstitution mentale, elle renaisse ! Ainsi il traversa le Monde.
À un moment donné, il rencontra Orphée, dans le Gers, lui-même à la recherche d’Eurydice dans les rallyes que l’on sait, qui lui fit part de la mission errante des “Enguirlandés” ; il se sentit, à raison ou non, relever de cette immense migration infinie, et il continua ainsi, selon on ne sait quelles pérégrinations exactes, cette recherche à travers plusieurs pays, rencontrant parfois les membres de ceux qui portaient des tournoiements de lumières.

Il serait plus juste de dire qu’au lieu de lire j’assistai à son journal, car dans cette pièce à tapisserie de ton fruitif, en le lisant j’eus la sensation immédiate de rejoindre l’un de ceux que je suis. J’eus l’impression de découvrir un journal que j’aurais écrit. Que son auteur qui était resté là, celui que je fus et qu’il incarna, hanta ce château sans me nier pour autant. Je le retrouve aujourd’hui dans cette pièce curieusement fermée depuis le jour de ma naissance, par le hasard d’un enfant, ici mort dans un accident, un oncle de Lydou, tombé dans la mare aux pieds des remparts, l’hiver, et noyé sans qu’on l’entende.

Publié le 9 mai 2008 dans document Cosmologie Onuma Nemon texte edition