Chute 47 du Monologre de La Grosse - Tribu des Gras
Date du document : 1978
Date du document : 1978
Date du document : 2005
Ce petit hommage sonore rend compte de l’importance de l’importance des Voix et des radios nocturnes pour la mise en place de la Cosmologie.
NDLR
Jeudi, jour de l’Ascension, des scorpions sont tombés sur le tatami dans notre Dojo place d’Italie : Tiao en a profité pour nous démontrer son balayage en cuillère avec l’un deux, puis en l’écrasant sur le sol. Par contre ce gros con de Perez a voulu finasser et faire le malin en jouant avec un autre, et il s’est fait immédiatement piquer le dessus du pied : depuis il hurle ! Le Samu est venu tout de suite (Tiao travaille avec eux) et ils l’ont transporté à Broca, je crois, bien qu’ils aient parlé de Cochin, pourtant beaucoup plus loin. Il est tellement pouffi de graisse que le poison pourrit ces endroits et qu’il va devenir noir-bleuâtre et enflé pour un bon trimestre comme la femme de ménage marocaine à qui c’était arrivé, mais qu’on plaint davantage.
Ce sont des scorpions redoutables d’Amérique du Sud ; leur corps est noir et les pattes et la queue plus claires, presques translucides ; ils viennent de l’entrepôt voisin d’agrumes où cette femme de ménage travaillait, et qui est fermé depuis plus de six mois pour faillite ; ils se sont infiltrés derrière les vestiaires par un angle pourri du plafond qui communique avec cet entrepôt.
Du coup tout le monde est devenu fou ; on en a écrasé plus d’une dizaine en soulevant tous les tatamis ; Marco en a trouvé un sous la cabine de douche. Les frères Ballducci, les corses, ont déniché une grande échelle qui traînait dans la cour d’à-côté et Rosas qui est maçon s’est empressé de boucher le trou avec des gants de cuir.
Lobstein ne veut plus revenir tant qu’on n’a pas fait déplacer le comité d’hygiène et de sécurité de la mairie.
Il y a un tel corps aussi à la Préfecture, a-t-il dit.
*
Tiao nous avait réunis pour des combats malgré le jour férié, et la question de la torsion du genou dans le mae-geri perforant avec tournoiement du pied à l’impact de Nambu a été ensuite abordée. On a beaucoup de médecins dans l’équipe qui le déconseillent : Tiao d’abord, puis en dehors de notre équipe le docteur Tibayrenc qui doit écrire un ouvrage sur les traumatismes du karaté et qui entraîne des gars de Centrale au Parc de Sceaux : c’est trop dangereux pour la rotule et les ligaments croisés. Ça n’offre pas du tout les mêmes garanties de verrouillage de l’articulation que le vrillage du tsuki de supination en pronation.
Marc Valleur qui s’entraîne pas loin à Corvisart et qui travaille plutôt à Sainte-Anne est du même avis ; par contre il a une technique de yoko à la fois perforant et vrillé par les hanches sur laquelle on devait travailler.
Tiao a enchaîné les katas du championnat de France.
Nguoc-Dang. Dimanche 23 mai 1971
(Journal de bord du club.)
Nguoc-Dang fait partie de ceux qui sont à l’origine de la Cellule Sabaki. Le docteur Michel Tibayrenc a publié entre autres “Karaté et Santé”, et sa thèse sur “Les méthodes d’entraînement du Karaté français actuel : traumatologie aigüe et chronique qui en résulte.” a obtenu le prix de thèse 1975 du Secrétariat d'État à la Jeunesse et aux Sports. Nambu et Tsukada lui ont servi entre autres de “cobayes” et il s’est rendu compte de certains développements “aberrants” mais efficacement positifs, notamment au niveau des articulations, pour beaucoup de budokas japonais plongés là-dedans sur toute une lignée.
Marc Valleur, psychiatre, qui avait assisté avec effarement aux cours de Lacan dans la chapelle de Sainte-Anne est devenu un addictologue réputé, chef de service à l'hôpital Marmottan de Paris et fondateur du premier service de toxicomanie pour cyber-dépendants. On peut lire de lui “Les Pathologies de l’excès”, “Toxicomanies”, "Le jeu pathologique", etc.
NDLR
Il nous parle du baroque, de Fando et Lis, mais surtout de la pièce qu’on vient de monter dans notre café-théâtre : La Bicyclette du Condamné, qui est sa pièce la plus terrible, la plus proche de lui, la plus douloureuse à écrire. Il apprécie les décors de Castex, “noirs de charbon et de bombardement qui effacent les couleurs rusées”. Il détaille tous les canevas de sa pièce ; il insiste sur l’horreur de sa mère, de sa famille “comme une maladie”. À propos de sa “cabeza gorda”, il raconte l’anecdote de ce journaliste stupide qui lors de la représentation du Concert dans un Œuf à Sigma lui a demandé s’il écrirait les mêmes pièces s’il était aussi beau qu’Alain Delon ; il est emballé par toutes les recherches mathématiques des musiciens de Sigma ; il aime beaucoup les mathématiques, Marcel Duchamp et les échecs ; il a pensé à créer une pièce modifiable au fur à mesure par les spectateurs ; il trouve qu’on devrait plus utiliser le cinéma, le cirque et toutes sortes de projections sur la scène. Il ne connaît pas Gripari qui est déjà venu ici.
28 mai 1968
Françoise Labat
Françoise Labat a participé à la création du premier café-théâtre de province au sein d'un groupe dont faisaient partie entre autres Jean-Louis Froment, le graveur Pierre Barès et le décorateur Pierre Castex. En dehors d’expositions qu'elle y avait organisées, elle avait peint dans le lieu des “motifs préhistoriques”, réalisé des affiches et mille autre choses…
(Dans ce café-théâtre furent donnés des pièces d’Arrabal, de Gripari, de Tardieu, d’Obaldia, des montages poétiques autour de la Beat Generation, de Cendrars, d’Alain Montesse, etc.)
Son activité fut brutalement interrompue l’été 1991 où elle fut sauvagement assassinée par son compagnon togolais sous les yeux de leur enfant de cinq ans. Ce sinistre individu essaya de maquiller le crime en cambriolage en brisant une vitre, répandant la terre d’une jardinière, jetant un magnétophone dans les plate-bandes, faisant toucher sous un prétexte quelconque l’arme du crime par un voisin. Mais surtout il osa mentir à son fils en lui disant que c’était un coup du père Fouettard.
NDLR
Date du document : 1969. Publié 24 Mai 2011.
Pr’Ose ! A été écrit essentiellement en 1969 dans un rêve proche de La Légende des Siècles, remixé par l’influence de la radio où je travaillais alors, et par l’influence de Cendrars, Neruda, de la Beat Generation et de quelques autres. On y trouve une grande partie des Voix de la Cosmologie, qui se succèdent en fonction du pressent (l’urgence du temps qui passe et qui presse), mais aussi à dire l’éternité des Saisons.
Ces Voix prennent en écharpe l’Histoire des Peuples et des Arts ce qui permet littéralement de les déporter, d’ouvrir l’anecdote en la brisant, d’élargir au plus vaste le propos. Ce sont aussi des hypomnemata.
Par exemple Don Qui débouche sur le siècle d’or espagnol, Ritam dans l’Inde, etc. Parfois au contraire ces Voix embrayent par une ligne brisée sur un monde géographique ou historique qui leur correspond de façon moins évidente.
Malgré son titre, la scansion de ces lambeaux est poétique (ce que signalent les capitales dans les versets).
Pr’Ose ! fait partie du continent HSOR, qui dans la logique alchimique de la Cosmologie n’est pas du plomb, mais du zinc, le zinc des comptoirs et des anecdotes, celui de la gravure et celui des toits de Paris que contemple Jean à son arrivée dans les années soixante.
On trouvera ici les deux Champs agrémentés de quelques inserts plus récents au moment de leur reprise.
Ce Champ-là c’est le champ agricole, celui de la vue et de la peinture en Chine et surtout le champ énergétique qui fut le propre de la Cosmologie tout le temps de son écriture : un accroissement par tous les endroits à la fois.
L’ouvrage est disponible dans sa version intégrale et définitive aux Éditions de l’URDLA, à Villeurbanne.
Date du document : 17 février 1982
Comme le réel jaillit sonnant et trébuchant d’une théorie qui est bonne, à présent l’Oncle Émilio est aveugle, sa grande œuvre ratée, malgré la drogue. Il ne peut demander à qui que ce soit d’autre de fouiller ni de chosir parmi les tonnes de manuscrits. C’eut été un travail impossible, même avec une quinzaine de collaborateurs.
Il aurait dû répartir les doses les plus fortes juste avant l’inscription ; la plupart du temps il s’était trouvé plutôt abattu qu’illuminé.
À présent il venait de s’allonger sur le divan de la terrasse, et le banc froid de poissons de l’air qui survenait aurait dû - c’est certainement cela - s’accomoder de la bombe précédente et tiède.
Avril serait bientôt là, bonne saison sans métaphore. Allers-retours de la terrasse au Parc, soupçonner les auras bourdonnantes des dernières lampes du kiosque, attentif aux lambeaux de musique. C’était l’heure où la marâtre devenait pommier devant la mare, avec cette bonté, cet éclat de la disparition propre aux choses les plus aventureuses.
“C’est à présent l’informel, se dit l’Oncle, ces siècles passés sous la peau de l’hiver et qui luisent. Z ! Riez ! Je fournis le champagne et toute la joie sans discontinuer, sans psychologie.”
Les piaillements n’avaient de cesse et les vibrements des mouches, ces corsetières au-dessous de l’ensommeillement… Faisant s’envoler son cerveau comme un ballon dans le jour gris de la Cordilière.
Il y avait toujours eu ce brouillage de la vue par le blanc d’œuf du monologue intérieur, mais aujourd’hui il avait beau tendre assidûment les doigts dans cette percée de l’air chaud à la recherche des joues rougies des filles comme des pommes chauffées au four, il ne lui restait même pas le cernement figural de l’objet au fond des méandres de la matière grise : son souvenir s’était également dissous tandis qu’il entendait chanter des travailleurs qui revenaient :
“Gars du Nord,
Pies et Porcs,
Poupées de Nuremberg,
Église !”
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Date du document : 1984
Quelques petits paragraphes autour des Enfants Croisés, semblables à ceux parus dans Quartiers de ON ! et faisant partie du volume Histoire Deux, à paraître.
Jacques
Jacques : « Robert le Diable s’est rendu aux nouveaux lieux, visitant la Grotte, la Colline et les Oliviers.
Il faut bien voir que nous n’avons pas besoin de l’estimation des Aumôniers, car nos pentes eschatologiques sont pourvues de rats et de pauvres, que nous allons vers Jérusalem massacrant les juifs (comme “Les Carabiniers” !) que nous pillons, violons, que nous sommes d’indicibles cohues de misérables éclopés, que nous traînons avec nous des reliques, d’incomparables fétiches, des survivances, à chaque fois définitives et toujours à renouveler, que nous avons autant soif de pillage que désir d’inconnu. Nous préférons la Croix et les emblèmes sacrés, mais nous ne renonçons pas à l’épée ; la liberté de nos crimes vient de leur absence d’agressivité, laquelle n’appartient qu’aux adultes ; la puissance de la violence immature est en nous comme elle traversera Jeanne dans deux siècles.”
Blanche : « Non, pas de Supérieur Général ! La Terre est devenue tératophile au moment de notre départ. L’Archevêque est venu avec tous ses crimes et ses curés patauger dans la mare, devant chez moi. Il a admiré les canards, sa robe couverte de merde. Il venait tous nous appeler avec mes frères, et nous consacrer en même temps : laboureurs, bergers et bergères, apprentie à la charpente comme moi ; il venait tous nous appeler à massacrer les Juifs, pour qu’on soit pas jaloux des Anglais avant d’être massacrés nous-mêmes. »
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L’urgence c’est les foins, à cause du manque d’eau. Et ces problêmes de débroussailleuse : “Le girobroyeur à deux pales recourbées est dangereux pour ce genre de tête fragile”, m’a dit le mécanicien ; mais pour les taillis d’arbousiers, de genêts et de ronces grosses comme des avant-bras au-delà de la source, je préfère ça au “trois couteaux” qu’il a refilé ; à tel point qu’il est impossible de remettre la main dessus ! Pas de champignons : le sous-sol est sec comme fin août. Et des cerises “pleines d’os” à cause du soleil trop vif “qui les a tarées”, disent-ils dans la vallée.
Arrivée pharamineuse d’un bataillon de poules rousses aux ébouriffés superfétatoires : pas de noires cette fois-ci. Dans l’humide petit matin, au-dessus de la vaste cloche de fraîcheur du marronnier dont la circonférence est désormais supérieure au volume de la maison, la plus vaste coupole des chants d’oiseaux répond aux psalmodies rigoureusement humaines des agneaux qu’on vient d’installer sur le coteau d’en face (la nuit ce sont les hurlements de femme qu’on égorge des blaireaux).
Très longue course de côte avec A. après les 15 jours d’intervall-training, d’endurance et de vitesse alternés. Ensuite katas au sommet du plateau sur les foins coupés, dégagement magnifique au-dessus des trois vallées. Puis descente à la course par le Grand Hêtre.
Du coup on a retrouvé les chiffres de Gilbert Descossy, le “Sculpteur buccal de chewing-gum” à ces moments où on devait faire des performances sportives ensemble (voir ici DAO). Il faisait de l’intervall-training par fractionnés de 100m en 15” : 2’ pour 800m. Il en tirait des conclusions sur son carré magique.
C’est lui qui avait organisé nos expositions en commun avec Lucerné et quelques autres. J’ai encore en mémoire la gravure de son ami sur “La fondation de Buenos-Aires”.
Il y avait aussi cette jeune artiste bavaroise qui se plaignait de n’avoir jamais joui de sa vie (“Le mot jouissance n’existe pas en allemand !”), mais qui mâchonnait du chewing-gum du matin au soir sans toutefois en tirer rien d’autre que des déformations de la machoire et de graves problèmes ligamentaires, ce qui lui valait d’être toujours fourrée chez son frère orthodontiste qui travaillait plusieurs fois par semaine là-dedans et reconstruisait ce qu’elle avait démoli. C’était une famille orale : le père ancien militant farouche des frontières de l’Est avait passé sa vie et l’avait perdue au mégaphone parce qu’un abruti apprenti électricien avait branché dessus le mauvais fil de la sono, et le mari qui avait repris le porte-voix ne souhaitait lui-même que d’exploser vociférant en pleine rue revendicatrice comme les cigales ou les cantaores flamencos de Lorca.
O. N.
http://fr.wikipedia.org/wiki/Gilbert_Descossy
http://www.anversauxabbesses.fr/artistes/user/gilbertdescossyart
Date du document : 1979
Date du document : 13 Mai 2011
Turn turn turn c’est une chanson de The Byrds, groupe américain des années soixante, c’est un air qui tournait dans ma tête, c’est le titre de cette exposition. Turn turn turn c’est les paroles de l’Ecclésiaste. Turn turn turn ce pourrait être le titre de l’homme qui tombe, une image phonographique, une gravure rock’n’roll, Icare et le onze septembre avec ces slhouettes qui chutent le long des buildings en flammes. Turn turn turn c’est review, un présentoir à images, un piège à regard conçu plus pour agacer l’oeil que pour magnifier la troisième dimension, c’est le tour d’un monde en chute libre. Turn turn turn c’est Chutier, un croisement entre pellicule cinématographique et ruban tue-mouches, l’idée d’un film possible, un hommage à Gil Wolman, une pensée à Jean Luc Godard « qu’est ce que j’peux faire, j’sais pas quoi faire ». Turn turn turn c’est Aux étoiles, Le portrait ovale, un retour sur mes premières images,trace contre trace avec la photographie, des images amoureuses. Turn turn turn c’est dessins d’atelier (ma vie ouvrière), tombeau/jardinière aux dessins tracés pendant vingt-cinq ans de vie d’usine, Ne travaillez jamais écrivait sur un mur Guy Debord, et pourtant l’artiste ne parle que de travail, travaille tout le temps, c’est des moments détournés au travail quand la vie est ailleurs, juste masquée par le bruit des machines. Turn turn turn c’est tout ce temps passé à reproduire, tracer, graver, résister en somme à ce « désespoir de l’art et son essai désespéré pour créer l’impérissable avec des choses périssables , avec des mots, des sons, des pierres, des couleurs afin que l’espace mis en forme dure au delà des ages » ( J.L.G. Histoire(s) du cinéma). Turn turn turn c’est la fin de l’Artothèque, trois jours d’exposition, ma petite révolution de mai.
Vincent Compagny 2011.
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Le mangétophone