Corn - Les Grands Ancêtres. Ligne de Mac Carthy. Hiver

Date du document : 1986

Ce texte figure dans Quartiers de ON ! paru en 2004 aux éditions Verticales, augmenté de ses étoilements plastiques, inserts et éléments sonores.

Corn
Avant de marcher, voyons où nous sommes (“Votons !” diraient certains). En Irlande, et nulle part ailleurs. Ce ne sont ni les beaux pâturages de l’Acadie, ni la fête baroque et débordante au boudin de Bâton-Rouge, ni la liaison impérieuse du Désert & Désir de Lawrence. À peine le riche fenouil des dômes d’herbe et des scansions démoniaques où traînent Corb, Ecca et Art, et que surveillent les paissantes Matrones porteuses de médicaments.
Et cependant la viande rentre à la fois par une même bouchée goulue entre les dents de ceux qui attendent, dans les oasis fertiles en compagnie des anges tutélaires porteurs de gâteaux de miel et d’excédents surnuméraires, que la série des moutons de l’hospitalité des Haoueitates soit épuisée avec le riz graisseux, pour retrouver le pouvoir de digérer et de faire un mouvement, faisant disparaître du même coup les gros boutons sur le nez et les furoncles derrière les genoux ; la viande rentre avec le tchocolalt
fourni sur les lapins grillés, sur les hauts plateaux du Mexique, dans la bouche d’où jaillissent les démons.
Ainsi l’attaque est bonne.

Publié le 27 février 2008 dans document Cosmologie Onuma Nemon texte edition

L’Olympe - Les Grands Ancêtres. Ligne de Mac Carthy. Printemps

Date du document : 1992

Ce texte figure dans Quartiers de ON ! paru en 2004 aux éditions Verticales, augmenté de ses étoilements plastiques, inserts et éléments sonores.

Olympe
Ça brasse dans le pub de “L’Olympe”. On dira plus tard. Ça tient beaucoup de l’Irlande pour les bagarres avec des fanatiques d’Hawthorne, et pour la boisson comme aux sous-bois l’ondée savoureuse sur les lierres, le jour de l’averse bienvenue. Mais surtout ça se transforme sans arrêt, se métamorphose ; les Dieux n’ont plus de tenue ; ils lisent et adorent Sarduy dans le texte depuis que l’Oncle leur a fourni “Cobra”, “Maïtreya”, “Colibri”, “Cocuyo” et “Pájaros de la playa” et encore plus depuis qu’il est parmi eux ; ils se moquent l’un de l’autre, passent l’un dans l’autre ; ils sont pires que des travelos ; ça c’est “la version Cabaret”.
Pleut donc ! Cyclistes au short en bâche (bonheur du relâchement des conduits, sans futur ni passé). On voit d’ici à travers le slip du Peuple Belfast la tête du gros John London cultivateur de potatoes s’annoncer vers les vitraux d’un de ses Pubs de la semaine !
Pluie ne peut être imaginée tant qu’elle ne chute pas. Seulement ses prémices ne suffisent. Par contre, son ballet nous entraîne partout, son mol ballant, ses lignées contre lesquelles le Grand Vernisseur lutte. Jackpot soudain de la manne !

Publié le 27 février 2008 dans document Cosmologie Onuma Nemon texte edition

Vision de Jean - Les Orphelins Colporteurs. Ligne de Jean

Date du document : 1989

Ce texte figure dans Quartiers de ON ! paru en 2004 aux éditions Verticales, augmenté de ses étoilements plastiques, inserts et éléments sonores.

Vision de Jean en Bretagne.
Champ de blé frissonnant doucement. D’un côté chaleur implacable, muraille de fougères de l’autre, et, par les trouées entre les chênes, les magnolias, marécages de l’estuaire ; noirs, immobiles.
Et dessus des cormorans qui se posent, décollent, avec lenteur, sinon ne bougent.
Exaltation du marcheur celte de part et d’autre : entre le noir et le blond doré, à la démesure de la passion, de la luxure, du viol divin, du désordre hagard si cher aux amis de Cuchulainn.
De ce côté-ci, entre les murailles de fougères et les ramures énormes retombantes des chênes ensorcelés de lierre par les Femmes-Sorcières des Hautes-Terres, l’estuaire est profondément noir avec quelques endroits de luisance gris boueux-marrons et des ombres rapides qui passent dessus en même temps que les lents cercles des ailes grises et ailes noires poussant des sortes de longs hooo ! de gémissements.
Puis les revoilà, ces chers oiseaux ratés par Cuchulainn, attendant immobiles sur la boue à fond jaune fixée comme au bord de la Boyne au centre de leurs petites ombres rondes.
Du côté du chemin du bois, bruyères et ajoncs, la clairière sent le carambar.

Publié le 22 février 2008 dans document Cosmologie Onuma Nemon texte edition

Enfance de Lugaid - Les Orphelins Colporteurs. Extensions de la Ligne Jean

Date du document : 1989

Ce texte figure dans Quartiers de ON ! paru en 2004 aux éditions Verticales, augmenté de ses étoilements plastiques, inserts et éléments sonores.

Enfance de Lugaid. Bretagne
(Ronces, fougères, immenses retombées de chèvrefeuilles :
Élément torsadé par rapport aux autres parfums,
Noisetiers)
Très verts !

On va là entre deux demeures,
Mais maintenues à bonne distance
Par ces murets comblés de terre où des arbres poussent
Et d’où le propriétaire surplombe le passant.
Rivières d’orties entre les maisons, de lierre, de houx extrêmes vernissés,
De petits chênes, de marronniers ;
Partout autour des maisons
L’herbe toujours entretenue avec soin, tondue,
Sans arrêt
(Creuser la mer, tondre la terre…),
Tandis que le ciel ne cesse d’arroser gentiment.

Publié le 22 février 2008 dans document Cosmologie Onuma Nemon texte edition

La Musique - Les Orphelins Colporteurs. Extensions de la Ligne Jean

Date du document : 1982

Ce texte figure dans Quartiers de ON ! paru en 2004 aux éditions Verticales, augmenté de ses étoilements plastiques, inserts et éléments sonores.

La musique.
À la Révolution, le citoyen-commissaire retourne les foins ; perte du bonheur disjoint ; tambours ; cocarde. La Bretagne résiste partout : Le Gallic et autres, Finis Terrae, Pleumeur, Côte Sauvage, partout…
Puis voici des Écoliers dans la cour de l’École Primaire pour la célébration de la Musique. Pas encore de névrites, ni de paquets de vers sous le scrotum. De jeunes princes volatiles, dignes armoriés de Bretagne, et que le retour ne préoccupe pas.
Leur corps est subtil. Certains sont adossés au mur pierreux du préau. Quelques-uns sourient comme on le ferait du progrès en Art ; mais tous se trouvent sans propos, à attendre…
« Quand sera-t-on vraiment soi-même ; quand d’autres viendront-ils en nous ? »

Publié le 22 février 2008 dans document Cosmologie Onuma Nemon texte edition

Osiris. Cádiz - Les Grands Ancêtres. Ligne de Don Qui Domingo

Date du document : 1984

Ce texte figure dans Quartiers de ON ! paru en 2004 aux éditions Verticales, augmenté de ses étoilements plastiques, inserts et éléments sonores.

Osiris. Cádiz

“Taraudons bien ta chair, lecteur, toi qui t’accroupis devant Baal : un d’entre les jours les plus soleilleux de l’ancienne Taris soudain couvert te mènera à ce tournoiement de l’Eté de la fin août où revient si fort à l’aube la nostalgie vaseuse du sable vert, tandis que la dernière déambulation grise dans le barrio del puerto sera abruptement suivie de la chaleur étouffante de “La Poêle à frire”, près de Séville.
Face à la baie, vois Didier, le frère mort de Nicolaï, pourri et ressortant sous forme de verrue plantaire à la base de son gros orteil gauche avant de resurgir plus tard en de multiples contaminations internes, pour disparaître enfin définitivement à Saint-Antoine de Padoue, dans cette même salle où viendrait tendrement le cercueil de leur père, momifié par Anubis.
Et moi, la nuit, qui répètais sans cesse : “Seth, c’est toi ?”

Il ne s’agit pas du plan d’une “structure”, mais de passages, de polyèdres de la pensée. Nous ramassons ici deux ou trois versants non oppositionnels deux à deux, à la façon dont nous collectons les images, chapelet d’aiguilles éparses sur le sol, à l’aide de la puissance d’un aimant traceur, et nous en regrouperons ensuite d’autres dans un nouveau dessin. Il n’y a rien qui ne se puisse démesurer, lecteur; tout est sans cesse à étirer ; la Nature est une pâte pour l’artiste, une pâte blanche, un pain non cuit.

Publié le 22 février 2008 dans document Cosmologie Onuma Nemon texte edition

Colomb : Embarcadère - Les Grands Ancêtres. Ligne de Don Qui

Date du document : 1978

Ce texte figure dans Quartiers de ON ! paru en 2004 aux éditions Verticales, augmenté de ses étoilements plastiques, inserts et éléments sonores.

Le Futur : « À peine descendu sur le quai pour quelques heures de nuit, puis en trop-plein de chair sur la place ; seul le boulanger pêtrissant, qui m’a donné l’heure sous une pluie plus ou moins épaisse selon les endroits, était levé avant l’aube. J’allai voir sur les Champs le balaiement du phare (comme ailleurs à Queyries, à Nantes, à Dunkerque…), lequel accueille le vaisseau Argô, devenu Le Lyncée, qu’Orphée doit quitter pour La Carabela La Niña, première chose magique reçue, en me lavant, par la fenêtre maritime ; alors qu’une fois à terre, ce fut le rougeoiement interne à l’Église reclose.
Près de là, le mitronm’a donné l’heure ; c’était le seul à œuvrer. Nous sommes à débarquer dans la saison qu’on sait du fameux foin, du fumier, du foitrail, le f de la raison, la moisson incluse dans la fenaison, comme Pollock trouva (et Monet avant lui) l’équivalent de la musication en peinture.

Publié le 22 février 2008 dans document Cosmologie Onuma Nemon texte edition

Voyage Biographique. En passant par les Chiens - Joël Roussiez

Date du document : Hiver 1987

Quoi qu’il en soit des déclarations d’intention toujours un peu excessives, voire présomptueuses, il faudrait considérer, ce texte, Voyage Biographique, comme une sorte de réponse à la vogue de l’autobiographie qui hanta, il y a plus de vingt ans, les auteurs du Nouveau Roman qui me semblèrent alors renoncer à l’ensemble de leur projet pour revenir au psychologisme ou pour le moins au sujet fondateur qu’ils avaient combattu.
C'est donc une matière autobiographique, la mienne, qui est traitée dans ce récit par l’intermédiaire de motifs (certaines peurs ou formes de sensualité par exemple) et au moyen d’une improvisation filtrée mais continue et régulière. Il s’agissait de donner aux motifs leur élan pour les dégager des limites, personnelles ou autres, et les faire vibrer en quelque sorte dans l’extérieur, le monde ou le cosmos, suivant ce qu’on acceptera…
L’impression forte d’être traversé par des sensations, des impressions, des émotions neutres, c'est-à-dire sans véritable objet, ni sujet, d’être en quelque sorte absorbé par l’extérieur, sans intériorité donc, domine ce récit qui livre ainsi une sorte de denrée affective, proche de l’enfance (dont on ne livre, à titre d’exemple, que le tome 1 de l’ensemble qui en comporte 5).
Joël Roussiez

*

Une sorte de chose tourne inlassablement, inlassablement comme si elle cherchait à se détendre et comme si elle souffrait. Elle tourne sur elle-même, sur son propre corps, elle se contorsionne dans une pièce sombre. Le monde dehors est à peine audible. On entend le souffle lent d'une chose qui halète ... Il fait chaud, très chaud, sous les couvertures. Je tourne inlassablement. Une main semble venir de loin et s'approcher de mon visage, une main qui tient un révolver et en appuie le canon sur ma tempe. Au loin, pas très loin, il y a mes pieds. Je ne m'en soucie pas. Ils sont l'un sur l'autre, croisés. Les jambes serrées nerveusement, suivent les pieds et maintiennent ainsi l'ensemble du corps en équilibre, en équilibre pas très libre, les jambes l'une sur l'autre pour maintenir le corps qui semble tourner sur lui-même. Plus haut, c'est à dire plus près de mes yeux, les cuisses s'aplatissent puis s'écartent, s'aplatissent puis s'écartent, inlassablement. Plus près encore, c'est le bas-ventre qui frémit légèrement. Au milieu, le sexe roule d'un côté, de l'autre, roule et gonfle un peu. Le ventre bat imperceptiblement sous la pulsion du sang qui passe, qui descend du cœur ou en remonte, qui suit un tuyau , un chemin tout tracé sous la peau; la peau blanche et veinée de violet bat aussi par endroit. En se rapprochant encore, c'est la poitrine qui monte, qui descend avec deux renflements, deux renflements de seins qui se froissent, se défroissent…Une palpitation à peine régulière soulève l'ensemble. Puis une main glisse, ce n'est pas vraiment une chose, elle monte le long du corps, caresse des formes, s'arrête parfois, attend, se pose sur un sexe d'homme. Elle monte, ensuite elle descend. Je ne suis ni bien, ni mal, je ne vois rien d'autre que le bout d'un nez lorsque j'essaie d'apercevoir tout un corps, un corps qui se cache sous les couvertures, qui semble vouloir tourner sur lui-même, une cuisse contre une autre cuisse pour se maintenir en équilibre. Alors, je ferme les yeux lourdement et quelque chose s'en va au loin, une chose qui tourne sans aucune raison en dehors d'un corps, en dehors de moi…

Publication : “La Main de Singe” Louis Watt-Owen

Publié le 19 février 2008 dans document DAO texte

Colomb : La Rábida - Les Grands Ancêtres. Ligne de Don Qui

Date du document : 1992

Ce texte figure dans Quartiers de ON ! paru en 2004 aux éditions Verticales, augmenté de ses étoilements plastiques, inserts et éléments sonores.

La Rábida
La cafetière de cuivre rouge est bien chaude, maintenue par O’Koffee qui s’émeut les yeux humides devant les Monts ou l’ourlet gris, tous moines gras à célébrer le rassemblement efficace des lueurs divines autour de la Table du Petit Jour, à vouloir l’anonymat absolu dans une langue étrangère, la peau poreuse et ne faisant plus contour, lieu de passage et surface de renvoi, moulin à prières parmi les vents, clochette entre d’autres rumeurs alpestres !
« Tu peindras cet absolu, disent-il à l’Ogre Peintre, et ce sera plus magnifique encore que le Laocoon ! » Le matin laissait monter l’idéalité de la campagne, méditative, les différences de plans, germées... Lui pensait plutôt ailleurs bergère, accroc de chevalet dans la toile (“Je me lançais sur elle dans l’immense pièce par un mouvement projeté droit de la jambe, puis de santé le vent sur le ventre, en oblique, en descendant, sur la gauche.”)

Publié le 19 février 2008 dans document Cosmologie Onuma Nemon texte edition

Colomb : Dortoir de Santoña - Les Grands Ancêtres. Ligne de Don Qui

Date du document : 1992

Ce texte figure dans Quartiers de ON ! paru en 2004 aux éditions Verticales, augmenté de ses étoilements plastiques, inserts et éléments sonores.

Dortoir de Santoña
Cette brume dans la vallée, toute cette rumeur dans le Sud manque de terrain vague pour se retrouver étranger, comme dans le Nord.
À côté de soi, sur le lit, le Corps Inconscient, barbouillé de lettres, sombrant dans le sommeil, redevenu exceptionnellement prédateur, renard ; il faut un immense effort pour surnager… à l’aide du parfum soudain de petites roses et de belles de jour.
(“Moi, j’aime bien les lombrics. Mon frère pas trop ; mais il m’aide pour les poulardes, les grosses poulardes bien grasses !
C’est là que je donne le meilleur de mes petits bonds brillants dans les prés : je la poursuis féroce, et le frérot la guette calmement et lui saute dessus au passage. Y’a bien les pêches et d’autres fruits, mais ils sont peints moins romantiques qu’avant ; les raisins, surtout. Mon plaisir, c’est pas tellement de jouer au lancer de taupe, c’est plutôt pisser tous les cent mètres et de chier sur des pierres bien installées comme des stelles. J’ai fait ça tout le long du camp, en recouvrant les merdes des autres ; c’était amusant ! Mais y veulent plus !”)

Publié le 19 février 2008 dans document Cosmologie Onuma Nemon texte edition