Equitable Building - Les Escholiers Primaires. Ligne de Nycéphore. Automne

Date du document : 1991

Texte inédit

La Déliaison

Roland Bergotte est assis au café en bas de l’Equitable Building à New York en compagnie d’un vieil ami à lui, André, qu’on voit souvent par ici, sommeiller sur les pailles, aux terrasses, ou rêvassant sur les quais de l’Hudson. Ils tiennent une sorte de conférence improvisée en compagnie de Nycéphore, qui ne parle pas beaucoup, et de Nathalie, assise en retrait, qui doit exécuter ce soir une danse d’un sommet à l’autre du building, exercice préparatoire à son numéro périlleux au sommet de l’antenne radio de l’Empire State Building. Tout un cortège de curieux, de journalistes et d’admirateurs se presse devant l’immeuble, répandu sur la place et depuis les rues avoisinantes, descendu en masse des voitures et tramways.
Mais taisons-nous et écoutons plutôt.
André : « Vous serez sans doute d’accord sur ceci que le texte littéraire et le texte du rêve ne se rapprochent que sur un point : celui d’être tous les deux présentés à travers l’élaboration secondaire. »
Roland : « Oui ; ce qui réclame de distinguer plus avant dans le texte la poésie qui est une danse au-dessus des mots dressés dans leur verticalité sensique et dans l’oubli de la chaîne métonymique (c’est du moins ce que j’ai trouvé à propos de “ces mots-objets sans liaison” dans “Les Absolus”), ce qui fait du Chinois la langue poétique par excellence, écriture et sans doute pensée déjà imprimante avant l’invention de l’imprimerie, parce que constituée d’une évidence de “blocs” ; au contraire de l’écriture alphabétique occidentale pour laquelle est indispensable le “saut qualitatif” de cette dé-liaison de la chaîne, faute de pouvoir passer aux caractères mobiles de Gutenberg. C’est également a contrario la “ficelle de Gutenberg”, ficelle de l’élaboration secondaire qui fait tenir ensemble les caractères, empêche que la page ne tombe “en pâte”, et résiste aux pressions primaires. La poésie trouve son acuité de cette tension extrème entre les deux poussées. Eros & Thanatos à l’œuvre. »
Il boit un peu de son lait-fraise, puis il reprend :
« La poésie, bien que traversant par son chanfrein toute l’histoire de la langue, présente donc le grand intérêt des discontinuités, du “délié” d’un geste dans l’espace, d’attitudes qui “ne font pas” histoire, ni préhistoire, ni lien ni sauce.
Et pour revenir à ce projet de La danseuse au sommet de l’Empire, que Nathalie Pelleport ici présente va bientôt réaliser (dont la performance de ce soir sera déjà un grand préalable), et que notre ami Nycéphore Naskonchass poursuit depuis Now Snow (et sans doute bien avant !), il est proche du raccourci sauvage de la sculpture de Degas, cette plasticité féroce, terriblement incarnée et redoutablement articulée, au désir entre autres, mais ni viande ni pure idéalité ridicule (du type Ecusette de Noireuil pour cette bourrique d’André Breton) ; plutôt formule de Rêvité (la Vérité qu’on retourne), d’un ensemble de mouvements et de leur possibilité contingente d’enthousiasme dans leurs articulations réciproques.

Publié le 13 mai 2008 dans document Cosmologie Onuma Nemon texte

Mariage de Aube & Nany - Les Adolescents. Ligne Aube & Nany. Été

Date du document : 1992

Ce texte figure dans Quartiers de ON ! paru en 2004 aux éditions Verticales, augmenté de ses étoilements plastiques, inserts et éléments sonores.

On voit ici (mais qui sait lire aujourd’hui ?) la multiplicité des écritures invitées (comme les invités au mariage) sur des registres tous différents, portées par tout un tas de personnages mythologiques traditionnels ou bien qui font partie des Tribus de la Cosmologie et qu’on retrouve ailleurs : Monique, de la Bande de la Folie-Méricourt (autour de laquelle entre autres se centre le recueil de Nouvelles de 1972 intitulé “Tuberculose du Roman”) ; Lydou, la compagne de Jean Sales le cinéaste, amie d’enfance de Aube qui habite le chateau de Terraube ; Maître Ho, un Chinois avec des disciples japonais qui organise des stages dans le Gers dont un des plus fameux participants est Saïd Hadjl… tout un bariolage d’étangetés qui constitue les cortèges. Et, parmi les allusions obscènes de rigueur dans ce genre de cérémonie : “…le vent fait claquer la chemise (“Remballe ça ; on ne s’en servira pas aujourd’hui” - raccourci - .)” pour un raccourci de détumescence que n’importe qui trimballe parmi les éméchés que toute fête excite, on trouve l’une des amorces des États du Monde en tant que tels : sensations, visions fugaces que personne ne saurait porter, comme on se demandait à l’invention de “La Paluche” de Beauviala : “quel corps peut porter cet
œil ?”
On se demande surtout qui sera capable de produire la théorie de cette énormité où curieusement on trouve moins de citations d’auteurs disparus, malgré la quantité des références et des allusions, que de courants du présent, courants qui sont dans l’océan des auteurs vivants, toutes nations confondues, les remous opérationnels d’une écriture en train de se faire et que l’auteur nomme pressent, à la fois ce qui urge et ce qui s’inscrit aujourd’hui, mais que masquent bien sûr les huiles de la surface.
Lucinda Véron-Féret

Mariage de Aube & Nany
(Lydou est là, l’amie de Aube, venue pour son mariage.)
Lydou : “Bien-être global au lever : jonquilles, coucous… se penchent !
Puis faim d’après-midi : brumes nombreuses au bas des arbres,
Toujours dansants dans les prairies.
Éden latéral : aucune explication ;
Foulard de soie de la surprise,
Selon si Déméter ramène Perséphone :
Pluie, ou faiblesse, ou changement de tenue !
Plus jamais le facteur Antonin Triptolème,
Dans la lumière tiède du petit matin
(Entre le Printemps & l’Été), avec toutes ses sacoches de blé :
Antonin, canne de nain !”, chantaient les gosses.”

Nous survenons au Château de Terraube par la route trop blanche, presque peinte, comme certaines façades sur la route de Saint-Puy, sauf l’Ecole. Les six mille amis approchent du village pour le mariage d’Aube et de Daniel, quittant les tentes, les cavernes, les buissons, les rochers, les tours et les citernes. Il y a ceux qui viennent d’Auch, de Fleurance et Condom, les élèves de maître Ho venus de Tokyo et ceux de Cádiz, d’Ampuero, de Laredo, de Santoña.
Suzuki : « Allez ! On marche, on mange. »
De grands chiens et des petits chiens les accompagnent, des petits chiens perdus et de grands chiens sauvés dans les premiers coucous d’entre les touffes et par les cîmes.
(Aube : “Je me suis levée ce matin à l’aube, et suis sortie me caresser à l’eau des calices de pêchers. Visage de bonheur du bébé à travers son verre, en
compagnie de tante et moi, quand nous avons petit-déjeuné, au Moulin. Puis je suis partie accompagner les chasseurs de la métairie et rentrée seule à pieds dans l’air frais où flottent les glycines. Une violente envie de peindre m’a saisie mais je ne voulais pas manquer ton arrivée; et puis ça ne convenait pas pour le jour du mariage.”)
Hasegawa : « Tu y es allé, là-dessous ? »
Suzuki : « Oui. Les corps étaient tout pleins d’eux-mêmes, les bras gonflés dans les chemises, membres charnus et ronds. Longtemps, je suis resté au bas du mur de la construction surchauffée (“il avait le feu au plafond !”) jamais poursuivie, au pied des piscines, somnolent, hirsute et près des ivrognes au sac ouvert, humide. La roue de la loterie du village tournait dans un grésillement d’attente. »
Yukio : « Mon souffle devient lourd. Je n’atteindrai pas le Château. Pardonnez-moi de n’avoir pas rempli mes devoirs de civilité. Je vais en souriant à la rencontre de la mort. »
(Cri terrible de la lance entendu par Hakuin, et de Breton surpris dans les chiottes). Il récite cette “chanson d’Aube” avant de mourir :

“3 octobre 33 hommes 33 maîtres.
Baguette qui fait vibrer le gong.
Ho !
Épée précieuse du roi-diamant,
Lion au poil d’or tapi sur le sol,
Perche à explorer munie d’herbes
À son extrémité qui fait ombre.
Ho !
Shikan !
Ta !
Za !”

Publié le 12 mai 2008 dans document Cosmologie Onuma Nemon texte edition

Débuts à l’Académie - Ligne des Adolescents. Aube & Nany

Date du document : 1974

Ce texte est inédit

En arrivant à l’Académie, Nany fut enthousiasmé par le ballet des étudiants transportant des panets avec des maquettes de déco-volume dessus ; tout ce va-et-vient effervescent correspondait à la préparation de l’exposition qui aurait lieu en fin d’année ; ces maquettes représentaient rarement de grands ensembles architecturaux ; simplement des aménagements de pavillons ou de villas, mais il n’avait jamais vu un tel agencement de matériaux “propres” sans trace de colle, sauf sur ses maquettes d’enfant d’avions et de bateaux : vitres de rhodoïd, bristol blanc des parois, menuiseries de balsa et de peuplier… l’œil glissait parfaitement là-dessus, et par ces villas à ciel ouvert on pouvait apercevoir jusqu’au moindre aménagement des salons, chambres, cuisines et salles de bains : petit poufs de carton recouverts de tissu, lavabos et faïences issus des chambres de poupées, achetés chez Verdeun, rideaux aux fenêtres. Parfois, projet de luxe, on apercevait une piscine. Il était ébahi par ce luxe en Gulliver admirant des demeures miniatures, presqu’à chercher leurs habitants, ébahi par la tenue printanière des étudiants, les chemises de coton bleues, l’époustouflant lilas mauve fleuri, la verdeur d’amande des tilleuls, celle plus soutenue des marronniers avec les cloches blanches pour des Pâques perpétuelles, le vernis des pavés de l’entrée et le crissement du gravier sableux de la cour arrière aux rares cailloux grisés, et par l’énorme fraîcheur recelée par l’énorme bâtisse de pierre de l’ancien Couvent Bénédictin des frères défricheurs.
Ces matériaux, ces tenues, cette mise à dispositon de tous les ateliers, bénéfiques, son ombre rapide et fraîche la première fois qu’il fut dans la galerie du premier étage, projetée sur les arbres en contrebas (ressurgis avec la même intensité quand il en parle), il ne ferait plus tard qu’à peine les entrevoir, prenant des œillères au fur à mesure pour focaliser sur les actions, mais il aurait perdu cette vision périphérique, cette exaltation ronde du monde et de l’œil, comme l’éblouissement des rayons sur le pont en venant, puis sur une montre au poignet d’une fille venant en face, et cette voiture aux enjoliveurs clinquants qui curieusement avait gardé ses phares pour rouler en plein soleil (feu droit plus puissant que le gauche) en toute incongruité avec la verdure partout exultante et la félicité poudreuse plus loin vers les coteaux.
Toute cette magie de la pratique se perdrait avec la restriction du champ, car il ne trouverait aucun plaisir à faire des maquettes aussi bien en déco plane qu’en déco volume.

Publié le 11 mai 2008 dans document Cosmologie Onuma Nemon texte

Dojo - Les Escholiers Primaires. Extensions de la Ligne de Nicolaï

Date du document : 1993

Ce texte est inédit

Yaka esquive par l’intérieur le tsuki droit de Yushi presque tous les jours dans le petit pavillon et simplement le bas mauve du kimono à peine relevé à la saison des jonquilles par boisseaux, le saisit et frappe empi-jodan, puis il retourne le bras droit en crochet, saisit Yushi derrière le crâne qu’il abaisse vers son genou droit la première fois les pommettes roses : elle osait à peine bouger sur le sol qui frappe hiza-geri shudan au plexus ; enfin il l’achève en prolongeant la saisie de son bras droit par une clé et en frappant tetsui-jodan à la nuque. Sa spécialité d’habitude ce sont les atémi sur la paroi dorsale après des revers tournants…
Yuki esquisse son favori : un mae-geri avec un retrait immédiat il était venu pour son éditeur aussitôt, à la fois esquive et “charge” sur l’autre côté pour lancer une frappe en geri ou tsuki ; mais il ne réussit pas à le placer ; donc au lieu de retirer le mae-geri, il le transforme en yoko-kekomi droit, plongeant, gedan. Yoko recule jambe droite avec gedan-baraï bras droit, puis enchaîne kizami-tzuki jodan gauche à la tempe, prolongeant la rotation amorcée par l’esquive.
Tenshin frappe Hiroo d’un coup de poing droit des kentos à la base du nez (jinchu ? keigo ?), frappe low-kick avec le tibia sur le fascia lata et le quadriceps gauche, et remonte du dessus des orteils aux testicules (kinteki ?).
Ping a l’habitude de la combinaison fiacres de cuir rouge à roues rouges mawashi-ura-mawashi héritée de Maître Nambu, mais cette fois-ci il redouble mawashi-geri droit une fois aux mollets, une fois au visage de Juve ; Juve esquive le il a fermé la porte sur la salle de danse second, poursuivant le cercle vers l’intérieur et frappe à son tour mawashi-geri jodan droit ; il va pour enchaîner tsuki du même côté, et regrette, voit passer une ombre immense un mawashi-jodan esquivé, qu’il aurait dû faire, suivi par uraken-tenshin de l’autre poing, en cédant à la courbe rue Morgue. Ping au lieu d’absorber sort du cercle et pigeons-paons par groupes esquive en latéral à 45°, et au moment où Juve on voyait toutes les filles en bas et collantes culottes noires trian…repose son pied frappe du pied gauche en pression du talon dans le creux poplité droit de la jambe droite à peine en appui pour la balayer et enchaîne dans le même temps en gyaku-tsuki à la tempe droite de Juve…gulaires.

Publié le 11 mai 2008 dans document Cosmologie Onuma Nemon texte

Jane Nose - Les Escholiers Primaires. Ligne de Nicolaï. Automne

Date du document : 1973 et 1976

Texte inédit. Ne pas oublier que les “Saisons Logiques” de la Cosmologie n’ont rien à voir avec celles du calendrier. Ici l'action se passe au Printemps, mais le récit fait partie de l'Automne dans la Ligne de Nicolaï.

« Tu veilleras sur moi ? »
Toute petite si triste avec sa bouche menue qui me pompe si bien la langue dans l’ombre nous glissant dessus en même temps que sa sensualité ; elle “qui ne desserrait pas les lèvres” tout à l’heure, me dit à présent : “J’ai envie de toi !”, mais je refuse, dans ce béton, laissant seulement glisser mes vêtements avec la nuit, me retrouvant tout nu contre elle, éprouvant ma queue de plus en plus tendue, jusqu’à la porter, la soulever toute depuis son entrecuisses, noir et maigre, les seins plats, têtons réduits à deux ronds, que j’embrasse, et que j’étire doucement sous le soutien-gorge de soie mauve, après avoir reniflé lentement ses aisselles…
J’aime les femmes à la tombée du soir en automne, le sens du corps, ce sursaut avant le silence définitif, aussi sauvage que la morsûre d’un loup à leur cou ; depuis cette jeune et rare architecte à travailler en mobylette qui me montrait ses entassements de cailloux du Quercy ; son nom… oublié, son prénom aussi ; seule l’odeur de mon sperme encore frais dans sa bouche, mais trop acide pour mon goût ; elle que je fuis en courant, sous les lancées des feux de boutiques, dans l’horreur incendiaire des luminaires de vitrines, extase citrique ! Jusqu’au repli enfin dans la bêtise alcaline et douillette…
Quel Docteur Noir me conseille là ? Quel jour de guillotine et de bouquets d’heureuses formules… Ce sont les zèles des bords, les autres bouches, le charme incomparable, de ce qui retombe aussitôt !
L’amour comme une chute, entre ses jambes en flaques grasses, le long de ses collants noirs qu’il faut nettoyer à l’eau en vitesse avant qu’elle aille récupérer ses enfants chez les Sœurs.
« Vous mangerez avec moi ? »
Au secret de son dos musculeux et fort, désirable parmi les pupitres dans le dortoir, mais pauvre quand tombe le soir, inattendu ; sa culotte que je baisse puis remonte aussitôt ; des fesses fortes, des seins bien pris ; la Fauve qui n’a pas assez à manger dans son foyer, ni bien, et dont le père fut emporté après une crise plus terrible que les autres, lui qui ne mangeait ni ne parlait depuis des années, devenu grabataire dans son lit, refusant à tout jamais de se lever, de sortir dans la cité, capturé à la fois par quatre infirmiers à la sortie du taudis : “croyez pas que je vais crever : j’suis pas si bête !”

Publié le 10 mai 2008 dans document Cosmologie Onuma Nemon texte

Monde Dic, Duc, Fac, Fer & Memo - Ligne du Chaos. Printemps

Date du document : 1992

Ce texte figure dans Quartiers de ON ! paru en 2004 aux éditions Verticales, augmenté de ses étoilements plastiques, inserts et éléments sonores.

“Cher Monsieur Luc, je vous remercie de votre courrier à propos de la cathédrale de Cadiz, mais contrairement à Baltrusaïtis, je ne suis pas un spécialiste de l’Herméneutique en la matière, et je ne pense pas pouvoir vous aider avant votre départ dans votre Projet Nomade Souverain, que ce soit en Andalousie ou aux Amériques.
Si j’ai écrit des petites choses à propos de la cathédrale d’Auch et de l’Hospice de la Charité à Séville, c’est au hasard de lignes biographiques et d’itinéraires du Jour des Morts. Je procède par termes aimants qui attirent à eux et arrachent ci et là des bribes de parcours, des morceaux de puzzle du Temps.
Duco.
P. S. N’oubliez pas que je ne suis qu’un chien.”

*

Duco suit en reniflant la ligne de fuite des Cathédrales et de la Toussaint, à Auch. Il sait que la ligne est un cheveu, qu’il ne faut rien imaginer, partir de la Vérité. Il regarde cette carte reçue de Aube, envoyée du Moulin du Mas pour annoncer son mariage : un gant blanc de main gauche, dont la couture, ourlet rouge du bord du poignet se scinde au milieu du dos de la main pour monter en arborescences veineuses jusqu’aux extrémités des doigts ; il songe à la semaine passée par La Fée Numida et Ulittle Nemo à Styx, à relever des empreintes des lignes de leurs quatre mains, à l’aide d’encre de taille-douce.
Il fait froid à Auch, pour le jour des Morts, en traversant le pont de Lagarrasic, puis suivant la double allée des platanes par l’autre rive et remontant les escaliers d’Artagnan le long des torchis de l’ancienne ville, passant sous les immenses magnolias au moment de la volée des cloches jusqu’à atteindre la cathédrale de 18 heures 30.
Arrêt au sommet. À peine décalé de l’axe du grand escalier, le sapin se dresse, spontanément ; accrochés de part et d’autre sur ses branches : tous les feux de la ville en dessous.
À gauche la grande avenue lance une guirlande illuminée vers Toulouse.
C’est le Noël des Morts, qui ne coïncide pas avec le nôtre.
Dans les chapelles retirés, l’étau splendide des verrières d’Arnaud de Moles, le cœur splendide de Jésus, rubis de la fournaise. Au centre, les stalles de chêne du grand chœur que Duco connaît si bien : musiciens, bouffons et rondes joyeuses se tressant avec les démons, les serpents et les monstres à travers les veines du bois.
Là comme à Reims, les ogives sont lancées tellement haut qu’elles disparaissent dans les lointains jusqu’à atteindre des profondeurs séculaires, se prolongeant en grottes verruqueuses suintantes et démesurées de plusieurs milliers de mètres de haut ; caverne de Reims, cathédrale creusée jusqu’au ciel paléolithique où tournoient les abîmes des rosaces tourbillonnantes.
On sera tous transparents, dans l’illimité, jetés dans l’océan de fleurs sur l’autel, des fleurs plus brillantes même que les veilleuses et que les cierges !

Publié le 9 mai 2008 dans document Cosmologie Onuma Nemon texte edition