Nicolas, toujours vers l’Est - Les Adolescents. Ligne de Nicolas. Été

Date du document : 2000

Ce texte figure dans Quartiers de ON ! paru en 2004 aux éditions Verticales, augmenté de ses étoilements plastiques, inserts et éléments sonores.

Il y est question de Rimbaud, de Pasternak et Jivago, d’Apollinaire, de Hugo et d’Aragon, de “la plus banale romance” et de la transmigration prosodique. Puis encore de la verrité comme épaisseur du verre qui résiste à la vue, dont il est question ailleurs dans l'ouvrage.

I.Revay

À nous dans un multiple mouvement les grands pans de la pensée de l’irréel, les électrochocs de Fernande (que rappeleront si bien les spasmes de la petite chienne coker Pépita, gueule bavante dans les copeaux de bois), et ses faux bijoux du “Caillou du Rhône” ! Je suis devenu Sergueï Kaltoukine ! Ni plus ni moins “un personnage” (“Jean, laissez-moi arriver aussi !” germentent les cupidités, vous avez vu ? Valeurs poncives de l’écrit. Tout ça pour en placer d’autres, gros éléments, fournis en quiproquo.), le jour où j’ai découvert que la majorité de mes poèmes préférés, jusqu’au rythme octosyllabique de leurs franchises hivernales (auxquelles je tenais tant !), avaient déjà été écrits en mieux par Boris Pasternak.
Dans ce temps-là, Lola La Noire (grise sur la plage) fuyait la nuit dans les monts de Castille en chantant des idioties, folle, déliée :
“Qui pue tant du cu et
Perd ainsi son beau cerveau,
Son sage servage en cerceaux ?”
Je ne connaissais alors que l’art de la liste, et la compagnie de poètes russes alcooliques déambulant au petit jour, feulant de moins en moins jusqu’à la puissance fabuleuse sans objet peint, raclant le vers pour atteindre l’insignifiance sans cataplasmes ni connotations, plus ondulatoires que corpusculaires, la bouche embrassant avec angoisse forte la loi, la pressant de leurs bras sur les deux bords avec leur habitude cosaque de cavaliers de fer soumis à l’endurance, rapeux.

Publié le 1er juillet 2008 dans document Cosmologie Onuma Nemon texte edition

Roman - Tome Romanesque de Nycéphore

Date du document : 1968

On pourra lire ici le premier chapitre d’un des deux seuls Romans de la Cosmologie Onuma Nemon. L’autre, au titre imprononçable (“Phœnyx, Styx, X”), de 1969, fait partie du Tome de Nicolaï.
Il s’agit bien sûr d’un faux roman familial, mais dont les personnages, ces sortes de “Grosses Têtes” allaient donner naissance à une partie des Tribus de la cosmologie.
Dans le texte sur le Roman publié sur le site de “La Main de Singe”, Onuma Nemon présente les trois moments de la décomposition romanesque dans son travail. Le deuxième temps est celui de sa maladie et de son éparpillement : “Tuberculose du Roman”, recueil de nouvelles de 1972. Puis enfin “Je suis le Roman Mort” de 1991 qui se trouve aujourd’hui dans le premier temps du Chaos des “États du Monde” (condensation définitive de la cosmologie).
À l’origine il y avait eu le projet de composer un volume en regroupant ces trois temps. On lira la raison du choix de “Roman” seul dans “Paroles d’Auteur” du site des éditions Verticales ; on y trouvera également quelques explications quant à l’importance du parcours géographique dans Bordeaux.

“Roman” et “Tuberculose du Roman” ont été diffusés en “livraisons” par Tristram dans les années 90.
Avant cela en 1969-1970 il avait été unanimement refusé par tous les éditeurs auxquels il avait été adressé : de Gallimard à Minuit en passant par Bourgois et bien d’autres.
Isabelle Revay

1. Je suis né peu après la deuxième guerre mondiale dans le quartier Saint-Michel de Bordeaux surnommé “La Flèche”, où la plupart de ceux qui n’avaient pas été exterminés par les bombes furent décimés, en particulier les enfants, par la famine, la tuberculose et le joyeux bataillon des maladies exotiques, depuis la malaria jusqu’à la “grippe espagnole”.
Avec mon père, qui était devenu vernisseur au tampon faute de mieux, nous franchissions tous les petits quartiers et villages dans l’Amilcar à la recherche de travail : Saint Michel, Saint-André, Saint-Benoît, Saint-Nicolas, Saint-Bruno, Saint-Augustin ou Saint-Jean d’Yllac... Nous n’eûmes cette Amilcar qu’à la naissance de Didier, grâce à une invraisemblable générosité de l’abuelo (que notre haine surnommait l’Autre), qui pensait qu’on ne pouvait pas transporter un nourrisson sur la charrette à bras ; il garda dès lors cette dernière pour les seules livraisons en ville, et sur les pavés, ou aux alentours immédiats, mais ne proposa pas pour autant de nous réintégrer dans la maison familiale d’où le mariage de mes parents les avait chassés.
La recherche était souvent longue, et il finissait par faire froid sinistrement, dans la voiture ; nous nous arrêtions régulièrement dans la descente du bief de Bourran, avant le pont, chez des Ferrailleurs Gitans, que mon père connaissait, et qui lui indiquaient parfois des adresses de brocanteurs où il y avait des tables à revernir, des buffets à refaire, des portes à plaquer. Le chef de cette tribu avait acquis une réputation d’Hercule, le grand jour où il avait éjecté en désordre sur la rue cinq gendarmes à la fois venus inspecter son vieux camion gondolé !

Publié le 29 juin 2008 dans document OGR texte

Don Qui à Buenos-Aires - Les Grands Ancêtres. Ligne de Don Qui. Été

Date du document : 1989

Ce texte figure dans Quartiers de ON ! paru en 2004 aux éditions Verticales, augmenté de ses étoilements plastiques, inserts et éléments sonores.

Nouvelles du Tío de Buenos Aires
Buenos Aires s’est appelée dans l’Antiquité Buenos Eros, car elle était la capitale d’un Eros primordial antérieur à toute division des sexes, Chaos et Genèse.
Domingo, frère d’Eliseo, réfugié à Buenos Aires (on vous dira l’Histoire de la Ville), est un Fou du Cinéma. C’est le mari exilé de la Tía, restée habiter rue du Port parce que c’est de là qu’il est parti et elle attend qu’il revienne par-là. Il était parti pour faire fortune ; il a fait fortune, il est resté. Il veut saisir la Vie entre ses mains. C’est un collectionneur, et en particulier des Inventions-Ancêtres du Cinéma : zootrope, praxinoscope, etc. Il n’a pas eu d’enfant et vit la plupart du temps dans l’Obscurité, surtout depuis qu’il est devenu aveugle, même s’il distingue un fond gris-doré, “là votre main, et même un peu de votre visage, de près…”
C’est l’Oncle des Dimanches Après-Midi. Il s’est dit qu’en se gardant, lui l’apôtre du Mouvement Généralisé, des influences de la Tribu, il conserverait la nécessité impérieuse de la Recherche des Dimanches Après-Midi, cette exigence dont participe également la Radiophonie d’une façon non négligeable. Non pas l’exigence dans son énoncé, mais dans sa matière, dans sa sensualité (idée qui imprègnera le projet “Aube-Matière” de Daniel) : parfums, extase, vibrations, type d’oppression, inclinaisons de la lumière, coïncidences d’Ouranos et de la Terre déployés.

Publié le 28 juin 2008 dans document Cosmologie Onuma Nemon texte edition

Crise Mystique du Dépôt de Bus - Les Adolescents. Ligne de Nicolas. Été

Date du document : 1966 & 1971

Ce texte figure dans Quartiers de ON ! paru en 2004 aux éditions Verticales, augmenté de ses étoilements plastiques, inserts et éléments sonores.

Crise Mystique du Dépôt des Bus
Celui qui vient du Dépôt des Autobus passant sous des platanes et des tilleuls sur les Boulevards vers le cimetière, mais de l’autre côté sous les pins parasols de l’allée des Pins (il ne s’en souvient guère !) a vu “Irène soignant saint Sébastien” mais moins intéressant que les Commandements qui lui furent dictés.
C’est Nicolas Zemacks, toujours soigneux, pli et revers sur un pantalon de laine gris, fine silhouette issue de l’Est, brume et toux incessante de fumeur invétéré, suivi par une quantité d’insectes et d’animaux de toutes sortes, notamment les blattes.
Il dit : “Dieu, j’attends des jours le fade artifice des rosaces défleuries, des Rois de Gloire qu’on défenestre, et le Carnaval éprouvé, pour noter sur un terrain d’égalité les tombes aux teintes détestées jadis enfant.
Par une romance mécanique sotte aux pieds nus du joli village, j’appelle à boire le sang noir des victimes qui circule dans le rocher, les ombres confondues des Jeunes Filles dans la cire et des Anges demeurés.
Orphelin, j’ai grandi en perpétuant cette féérie !”
Il va.
Ce paquet de chair étroite comme un gnome rouge, choit.
Belles noctambules, arômes indiens, piments désunis.
Champ où le seul jeu est le croquet avec des maillets d’os et des boules de peau.
Chaque cri lance un écho vers une cible invisible.

Publié le 27 juin 2008 dans document Cosmologie Onuma Nemon texte edition

Rbsprr - Histoire Deux. Visionnaires

Date du document : 1989

Ce texte figure dans Quartiers de ON ! paru en 2004 aux éditions Verticales, augmenté de ses étoilements plastiques, inserts et éléments sonores.

Rbsprr !
« Est-il déjà levé ?
— Est-ce qu’il a mangé des légumes ? » disaient les filles.
Arriver dans une ville inconnue en Montagne effarée de paquerettes sur des parterres d’herbe grasse et mouillée, découvrir l’âme soleilleuse de chacun à chaque fois dans la circulation effrénée des reflets, voilà quel était son réveil ébahi.
Aujourd’hui dix heures de sommeil comme un hérisson se déplie, éblouissement de rosiers sur jachère, fouillis de thym, orties, blancheurs éparses, éclatement violet, tandis que le menuisier se plaint auprès du voisinage d’avoir dû refaire les plâtres à cause des cahots des carrioles de condamnés qui ébranlent tout à partir du pavé, “Bon-Ami” accompagné par le chien Black conduit les filles herboriser à Issy, manger sur les prairies de Meudon ou flâner dans les allées les plus retirées et profondes des Champs-Élysées où l’on voit Médée qui traîne en robe de deuil auprès des petits pavillons. Déjà on n’allait plus à dos d’âne dîner dans l’herbe à Robinson.
Mais en dehors de cette journée exceptionnelle, en bon père de famille qui craint les femmes et l’argent, il préfère généralement à tous ces endroits le jardin paysagé de Duplay : ainsi on a le monde entier chez soi.
Nus sur le pré, les sans-culottes découvrirent qu’ils avaient des sentiments, je l’ai déjà dit (prenez des notes !). Rbsprr n’avait que de la vertu.
Que cherchait Rbsprr en remontant du regard cette chair blanche jusqu’à l’embouchure ? À discerner l’effet de contagion de la scarlatine sur les punaises ? Il était touché par ces yeux cernés sur ses joues rondes, ce nez à peine épaté, cette chevelure ébouriffée de fraîcheur, soulevée par le
printemps. Il ne cherchait certainement pas la version Or ; plutôt la version fragile de l’argent, sinon sa version orange de la simplicité.

Publié le 26 juin 2008 dans document Cosmologie Onuma Nemon texte edition