Cézanne revu - Texte de Anne Guelvilec
Date du document : 2014
Date du document : 2014
Date du document : Éditions Encres Vives 2017
On ne saurait trop recommander de lire (d’entendre), ce lyrique Chant du Monde, qui dans la fraîcheur magnifique de son inventaire fait penser à toute l’époque Linnéenne de Paul-Armand Gette, ce redoutable explorateur des lisières et zones de bordures, friches et autres…
NDLR
Date du document : 1968
18. La Clinique Béthanie
Plus rien qu’un tournoi sur
Une perspective abîmée ;
Têtes coupées, matinées d’or.
Cresson, canailles, confusion ;
La guerre qui du moins nous sauve
Ne fait plus aucun prisonnier.
Salves de l’écho sur les monts,
Esclandres, hoquets oniriques :
Nous voilà soumis aux gloutons,
Aux dévoreuses de bonbons.
Sous de la corne, sur de la soie,
L’Enfance est ressucitée grêle !
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La Clinique Béthanie et Le Pavillon Toussaint_, bien qu’écrits à un an de différence (1967 et 1968), se répondent d’un Livre Poétique à l’autre des deux frères._
NDLR
Date du document : 1968
18. Le Pavillon Toussaint
« Ces raseurs aux fifres, aux cuivres, ce dimanche
Quels genoux d’acajou, musique pour chevaux
De bois ! Alors que je trimais dans la source
Au lavoir (simplement ne plus rien voir, par la fenêtre),
Hébétude au-delà des pluies, des gouttes, des pendeloques ;
Derrière un masque d’ours s’en viennent les chasseurs.
La splendeur d’or que les sous-bois !
Ces cavernes dans le feuillage
Par endroits vineuses, un peu rousses à d’autrefois ;
Rien du déchet dans une litanie.
« Es-tu là, Fernande la Grosse ?
— Je suis au fond de mon lit, Nany ! »
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Date du document : 15 octobre 2017
Date du document : 15 août 2017
(Autobiographie du bras gauche. Éditions Tarabuste. 2017.)
Je pense ici bien sûr à Michaux qui à cause d’un problème de bras cassé, avait tout à coup découvert “Michaux côté gauche”. Beaucoup moins à Twombly et aux évidences qui ont surgi dans les années 70 de devoir écrire ou peindre mal comme un gaucher (qui plus est, dans un bon milieu). Le Twombly d’Arseguel, c’est Tapiès.
Ce serait plutôt, dans le versant populaire, la plus grande rapidité dans le sport, comme le Fante de 1933 fut une mauvaise année, avec son héros qui veut devenir un champion de base-ball, et masse sans cesse son bras gauche (auquel il parle pour l’encourager), avec l’Onguent de Sloan.“J’avais fière allume à l’époque, la souple démarche d’un tueur à gages, la décontraction typique du gaucher, l’épaule gauche légèrement tombante.” “Mais Le Bras me permettait d’aller de l’avant, ce cher bras gauche, le plus proche de mon cœur.”
Je pense aussi à cette nouvelle de Maupassant où un pêcheur perd son bras arraché par le filet : comme l’expédition sera longue, il le conserve dans la saumure au milieu des poissons et le célèbre par un enterrement au retour.
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Date du document : 1982
Il faut que je vous dise à propos de Memo et des Quatre Petits Chiens Brefs de la Mort (Dic, Duc, Fac, Fer), que ces derniers devenaient parfois (comme les Grands Ancêtres), les Quatre Chevaliers de l’Apocalypse, ou les paroles de Dieu aux Impératifs irréguliers, autant que le Christ réparti en Quatre Animaux.
Quand l’un de ses quatre chiens se promène, Memo n’est jamais loin ! Il les surveille, mais travailleur du Royaume des Ombres, il se montre peu aux vivants n’étant généralement là que pour éviter la venue d’embranchements catastrophiques prévus à l’échelle de l’univers, simplement dans le but d’avertir tel ou tel des impasses où il risque de s’engager et lui permettre ainsi de choisir un autre “montage”, de changer d’aiguillage et de destinée, sauf dans le cas où la mise en gare de triage d’un wagon doit précisément permettre d’éviter un conflit mondial.
“La littéralité blanche doit toujours être défaite par les accidents et par les engouffrements historiques comme les coulures sur une peinture de Bacon”, dit Memo.
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Date du document : 14 août 2017
11 000 mètres d’altitude. 900km/heure. Passage le long du cercle polaire, soleil de minuit, nuit pincée entre la lumière du couchant et celle du levant. Intense humidité stagnante. Nuit. Shinjuku.
Aube écrivait à Monique (qui aurait dû venir) que son expo à Tokyo le 26 août faisait partie de Femmes et Histoire. Mr Yamagishi lui offrait le luxe de montrer des morceaux de peau et de chair dans une galerie. “Les femmes ont créé 52 % de toutes les formes de pensée humaine ; que les hommes assument au moins les 48 % qui leur restent !” Elle avait envoyé un télégramme à l’ambassade de Russie Bd Lannes pour le soutien des femmes russes en lutte comme elle en enverrait quatre ans plus tard encore pour éviter le séjour en camp à Nathalia Lazareva. À Shigel elle avait dit : “You are not living in my body.” et “J’ai le droit de briser l’ordre des chapitres.”
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Lundi soir 13 Août
Auberge de jeunesse
Cohue. 280 personnes pour à peine 180 places : c’est du camping dans tous les espaces. Larguée. Quitté Monique à la frontière de Ventimiglia (je crois) qui voulait rentrer à Paris : Sainte-Anne oblige ! Où trouverai-je Jean et Lydou dans tout ça. Attente des lits de camp jusqu’à je ne sais plus quelle heure. J’ai tout laissé à la bagagerie, livres et papiers. Bagasserie, je devrais dire, et bagarrerie.
Ici une fille japonaise écrit ; lui demande un peu de papier. On ne parle pratiquement qu’anglais. Les filles toutes en groupe. Les mecs ne m’attirent ni ne m’inspirent confiance. D’ailleurs une bagarre, vite stoppée, mais de la violence dans l’air ; gens très excités.
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Jean-Claude Rondin est arrivé dans la station radio d’Aquitaine en 67, mais il s’y est vraiment établi en 1968, bien qu’il continuât toujours à faire des travaux quai Kennedy, notamment dans le cadre de l’Atelier de Création Radiophonique avec Alain Trutat, la seule grande oreille de la maison ronde. À Bordeaux, c’était sous la direction artistique de François Vercken, succédant à Charles Imbert, tous deux musiciens proches de l’avant-garde d’alors.
J’ignorais quels étaient les termes de son contrat, mais à Bordeaux il avait le titre d’assistant-réalisateur. Il travaillait à peu près exclusivement avec deux personnes très harmonieuses : Catherine Audemer, réalisatrice et Michel Hervé, un ingénieur du son nuancé et inventif.
Il me donna une édition confidentielle de ses poèmes, et j’en inclus plusieurs dans des émissions. Nous avons réalisé d’autres émissions ensemble, et il me demanda de travailler avec lui en 1968 sur une adaptation radiophonique de Moby Dick par Jean Thibaudeau. Pour cela nous nous sommes déplacés en particulier plusieurs fois à Lacanau pour enregistrer le fracas des vagues, là-bas énormes. Il refusait d’utiliser les innombrables disques d’illustration sonore.
Lui-même était passionné par la mer et hanté de représentations marines galloises, et il a créé ses propres dramatiques où il jouait le rôle d’un marin ébrieux exilé. Il aimait beaucoup Dylan Thomas et m’a fait découvrir des copies des radios de ce dernier.
J.C. Rondin voulait des choses précises quant aux bruits, mais ne faisait pas pour autant partie de “l’école vériste” des preneurs de son. Il y a eu toujours eu deux écoles dans la maison du quai Kennedy : celle des inventeurs faisant appel à des bruiteurs, comme l’extraordinaire Joe Noel qui produisait quantité de bruits avec sa bouche, ou Bertrand Amiel qui dans les années soixante transportait tous un monde de sons possibles dans un caddie de supermarché, à partir de coquilles de noix, de bouts de métaux, bouteilles, ficelles et autres.
Puis les véristes qui tenaient à descendre le micro dans une fosse lorsqu’il s’agissait d’un enterrement ; l’un d’entre eux réussit même à se blesser un jour en studio dans une dramatique où il y avait un duel à l’épée et où il avait tenu à exécuter personnellement une passe d’armes.
Cette même année du Moby Dick, nous avons élaboré tout un Théâtre Sonore, et mis en ondes une dramatique avec Catherine pour je ne sais quel prix… J’avais créé également deux petits univers graphiques pour Jean-Claude et pour sa compagne Bénédicte Bleton.
C’est grâce à Jean-Claude Rondin que j’ai rencontré la première fois Sarduy à Paris en 1971, avec lequel il réalisait une pièce radiophonique (sur les chutes et notamment la jonchée de la mariée, si je me souviens bien…).
Nous avons également fait des essais de spatialisation et de colorations de voix (à la façon de Youri Kurtag ?) à partir d’un gros volume, dit des Progrès. Et deux ans plus tard nous avons poursuivi cette série de travaux en studio à partir de voix de femmes.
Jean-Claude Rondin était bouddhiste ainsi que Bénédicte. Nous adorions tous deux la séquence de l’orage dans La Dolce Vita, où Alain Cuny fait entendre la foudre dans le salon avant de se suicider avec ses enfants.
À quelque temps de là Jean-Claude et Bénédicte se sont suicidés en accord avec leur croyance bouddhiste et j’ai accompagné leur cercueil sous la pluie, suivi par une dizaine de personnes dont leurs deux petits enfants, Delphine et David, qui avaient à peine une dizaine d’années.
Un Témoin
C’est en 1975. Cette femme à la figure ravagée, H. C., me parle de son travail actuel avec Michael Londsdale et de son analyse : elle représente pour moi l’analyse catastrophée, l’analyse qui fournit pratiquement le révolver du suicide, et qui représente à peu près toute l’œuvre de Marguerite Duras (laquelle a remplacé un canon par un autre).
Ce type d’analyse (éminemment sadique), butant sur une immense catastrophe sans espoir, s’est répandu comme de la poudre noire dans le milieu intellectuel des années 70, qui se sentait coupable de tout, depuis le culbutage de la bonne jusqu’à l’inceste avec la mère dans la salle de bains ou le fait d’avoir taillé des pipes à Mao. Et pourtant Leclaire avait déjà pris son heureux virage Zen, Lacan s’en sortait très bien en matière de liquide (mieux que Duras), et avec les impôts ; Kristeva avait collé de nouvelles paillettes romanesques autour d’une théorie défraîchie ; même si toutes ces têtes qui branlaient dans le manche avaient été envoyées paître depuis longtemps avec les moutons de la logique par la grande vague joyeuse du Deleuzisme triomphant.
Mais voilà : il lui fallait aussi des pauvres à l’analyse, du misérabilisme, des esclaves somatiques qui ne s’imaginent pas qu’ils allaient prendre à leur tour le fauteuil, des gens qui fassent des ménages pour tout savoir de leur désespoir avant de se jeter en Seine (en connaissance de cause !). C’est ça l’ob-Scène des Pauvres !
C’est ça qui fait la différence : un pauvre qui qui n’a pas exactement réalisé à quel point il est une merde (et ceci sans échappatoire : ni Colonies, ni Castelvin, ni changement de Classe), ne peut fournir un suicide cohérent. Claude Guillon fournit son Suicide, mode d’emploi également en hiver 1975.
Nous organisons alors (avec des ex d’une de ces nombreuses revues qui commencent par T. uniquement par suivisme), une exposition franco-russe (comme le dessert). Mais on pense plutôt à un désert : après Staline et ses fans, plus rien que du flanc. Ou du flanco-prusse, couleur lourde comme l’eau du même non. Pietro Bodhisva
Dans le numéro de Mettray consacré à la lecture, Marcellin Pleynet pense que la plupart de ses prétendus lecteurs lisent comme des chiens.
Version pire, dans 1275 Âmes de Jim Thompson, tous les chiens de la terre réunis en congrés, sont condamnés à se sentir le cul jusqu’à l’éternité pour reconnaître le leur (se pencher, puis en déchiffrer les signes), depuis que la tempête a dispersé leurs trous de balle qu’ils avaient accrochés aux porte-manteaux par politesse pour qu’on ne sente pas autre chose que la fumée pendant les débats. (“Ce n’est qu’un débat, continuons le con bu !” Denis Roche)
À l’inverse, on pense au Portrait de l’artiste en jeune chien du fabuleux Dylan Thomas, à la lettre de Proust au chien de Reynaldo Hahn et à Proust disant qu’il ne pouvait écrire que quand il redevenait chien. Mais c’est d’un tout autre monde qu’il s’agit, spicilège des sensations décuplées, fraîches, ébouriffées, fruitives.
Puis Maurice surgit, du temps de la rue Henri Barbusse, avec les amies de la Folie-Méricourt, après la mort de Titigre ou de Tidyable (je ne sais plus), un de ses nombreux chats, qui lorsque j’arrive chez lui me dit tout à trac : « Tout de même, Marcellin Pleynet, il exagère ! »
C’était d’autant plus étonnant que Maurice aimait beaucoup Marcellin Pleynet et son écriture ; il faisait partie des très rares contre lesquels il ne pestait jamais. « Qu’est-ce qui se passe, Maurice ? — J’ai téléphoné à Pleynet pour lui demander ce qu’il faisait de ses chats morts… — Et alors ?
— Il m’a dit : “Moi je les fous à la poubelle.” Tu te rends compte ? À la poubelle ! »
Un Témoin
Date du document : Avril-Mai 2017
Date du document : 1976-1982
Histoire Deux, qui est la vision de différentes époques de l’Histoire (Antiquité, Moyen-Âge, Révolution, etc.) telle que peut la construire un écolier primaire, comprend de petits récits échelonnés de 1976 à 1982.
Pan, c’est Tout, trous de multiples flûtes (au minimum sept tuyaux !) grâce à Syrinx l’Évanouie, vers le littoral d’où les asphodèles sont des modèles nus ; Océanies et Asies non disparues !
Et il faut se souvenir de cette belle phrase enchantée d’un paysage, se souvenir de cette belle phrase offerte oubliée au bas d’un visage !
“PAN ! Toute Écriture Astarté amenée dans le secret.
Flore, poursuivie grâce aux vents légers, depuis Saint-Bruno, porte entr’ouverte du temple en sa faveur, & depuis Elle je jouis d’un Printemps Perpétuel ! PAN ! Flore, gorge de lait, prend du satin pour feuilles, et du taffetas, de la baptiste, du crêpe anelet et de la gaze pour les pétales. PAN !
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Date du document : 1976-1982
La Nappe La Nappe, voilà comment j’imagine le début du monde, avant tout nom. Mais ce connard de traquenard n’en a rien à faire, ni cette vielle pute de machine à écrire Adler, réincarnation de Chancel comme Duras l’est de Sagan, celle qu’on appelait la Thénardier avec son Jules à la mie de pain, poète à trous multiples : j’ai jamais vu Cosette, mais je connais Valjean. Ou du moins si, je comprends ce nom, c’est parce qu’ils n’arrêtaient pas de faire causette. Une niaise causette sans effet aucun.
« Docteur ! Docteur ! Je m’excuse : vous voulez bien m’acheter des mensuelles ? C’est là que j’écris mon journal. »
La Nappe, mais prise dans un mouvement… pas du tout le lac de la Tranquilité. Ça non, alors. Ça serait une tout autre hypothèse. La nuit, on réfléchit.
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Date du document : 2016
ÉTATS DU MONDE
La réalisation de cet ouvrage, publié par les éditions METTRAY, correspond parfaitement au projet initial de l’auteur. Il concerne le Pré, les Grands Ancêtres et les Gras.
Ce premier volume sera suivi de quatre autres volumes (Les Maigres, Les Enfants, Les Adolescents, La Bande à Jésus), qui seront publiés sous forme d’édition numérique sur ce site consacré à la Cosmologie Onuma Nemon, également créé par Mettray voilà une dizaine d’années.
En dehors des œuvres plastiques reproduites dans le texte, il y a une soixantaine de vignettes en couleurs et en noir et blanc destinées à être collées sur les emplacements désignés tout au long du livre, et qui participent à l’étoilement du propos.
Les États du Monde sont l’aboutissement le plus important de la Cosmologie, mais bien sûr ils sont à considérer dans le réseau d’ensemble des Voix et des territoires des autres ouvrages déjà publiés ou disponibles sur ce site. On trouvera dans le numéro de la revue METTRAY paru en Septembre 2016 une présentation du volume ainsi qu’un dossier de photographies réalisées par Bernard Plossu dans le Quartier Saint-Michel de Bordeaux qui revêt une grande importance dans cet ouvrage.
NDLR
Publication : Mettray Éditions
Date du document : 2014
Paru dans la revue Mettray n° 7, en Septembre 2014. Sans doute le commentaire le plus précis de l’horizon de la Cosmologie.
I. Revay
Date du document : 21 Août 2015
Ceci en réponse à une enquête organisée par l’URDLA, et qui a donné lieu à un ouvrage intitulé Trois Chameaux rue de la Convention
Qu’avez-vous fait, vous, les gidiens,
les cérébraux, les rilkéens,
les mystériens, les faux sorciers
existentiels, vous, les pavots
surréalistes qui flambiez
sur une tombe, les cadavres
de la mode européisés,
les blancs asticots du fromage
capitaliste, qu’avez-vous fait
devant le règne de l’angoisse,
devant cet obscur être humain,
cette présence piétinée,
cette tête qu’on enfonçait
dans le fumier, cette nature
de rudes vies foulées aux pieds ?
Vous avez pris la poudre d’escampette
pour vendre des morceaux d’ordure,
pour chercher des chevaux célestes,
la plante lâche, l’ongle ébréché,
la « Beauté pure », le « sortilège »,
des œuvres de pauvres capons
pour que les yeux s’évadent, pour
que les délicates pupilles
s’embrouillent, pour survivre
avec ce plat de rogatons
que vous ont jeté les seigneurs,
sans voir la pierre à l’agonie,
sans protéger, sans conquérir,
plus aveugles que les couronnes
du cimetière, quand la pluie
tombe sur les fleurs immobiles,
les fleurs pourries des sépultures.
Pablo Neruda. Le chant Général.
Pourquoi répondre — Je réponds à ceci par intérêt pour votre travail d’artiste et votre travail d’enseignant et parce que très précisèment, voilà un peu plus d’un an, par une sorte de “hasard objectif”, au moment où j’étais en train de distribuer pour les amis de l’URDLA un de vos livres dans les confins les plus reculés de Paris, j’ai eu la tentation de chercher le siège du dernier Cercle Surréaliste, histoire de voir à quoi ça pouvait ressembler aujourd’hui. Et je me suis retrouvé dans un quartier sinistre de cités, un non-lieu, comme s’il s’agissait d’une adresse fantôme.
J’ai toujours été à la recherche d’une fraternité impossible, dans une sorte d’enthousiasme à venir. Dans ces temps de sinistrose il aurait été curieux de voir si des surréalistes attardés réussissaient enfin à travailler dans des conditions de laboratoire telles qu’ Artaud les voulait.
SRRLSM SRRLST — Voilà encore quelque chose qui me pousse à vous écrire, que ces consonnes imprononçables. J’ai écrit ainsi Robespierre RBSPRR dans Quartiers de ON ! À la fois le Tas de Pierres de Hugo et le tranchant consonantique de la guillotine.
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Date du document : 2014
Le Cinéaste Christian Gix (originaire de Metz, et qui vit en Patagonie), a tenu cette conférence à Arles à propos du photographe Marc Giloux, et en particulier à propos de son ouvrage Œuvre ouverte et Polygraphie, paru au Québec.
Cette conférence sera reprise dans l’ensemble des manifestations des fameuses Rencontres de Cambrai.
Date du document : 1965-1970
LES PETITES PROSES comme la plupart des recueils du continent OGR sont écrites en vis à vis, d’un frère à l’autre. On a choisi entre plusieurs versions de chaque texte généralement la dernière. On trouvera ici quelques pages du recueil de Nicolaï qui comporte une cinquantaine de poèmes en prose et qui sera bientôt disponible en pdf sur le site.
L’ouvrage date pour la majeure partie du Lycée et de la Société Secrète des Cinq Doigts (en référence à Isidore Beautrelet), groupe constitué avec entre autres Nicolas le Hongrois, dont l’activité se poursuivra jusqu’en 1968, et dont Domnique Merlet était l’organiste et l’organisateur, du temps où il habitait près du Palais-Gallien.
Isabelle Revay
Date du document : 1965-1970
LES PETITES PROSES comme la plupart des recueils du continent OGR sont écrites en vis à vis, d’un frère à l’autre. On a choisi entre plusieurs versions de chaque texte généralement la dernière. On trouvera ici quelques pages du recueil de Nycéphore qui comporte une cinquantaine de poèmes en prose et qui sera bientôt disponible en pdf sur le site.
L’ouvrage date pour la majeure partie du Lycée et de la Société Secrète des Cinq Doigts (en référence à Isidore Beautrelet), groupe constitué avec entre autres Nicolas le Hongrois, dont l’activité se poursuivra jusqu’en 1968, et dont Domnique Merlet était l’organiste et l’organisateur, du temps où il habitait près du Palais-Gallien.
Isabelle Revay
Alexandre Bonnier, l’homme de la Mort Rose, avait rêvé d’un camouflage optique dans les années 70 ; il avait imaginé un vêtement fait de millier de miroirs qui permette à celui qui le porte de disparaître tout à fait dans le paysage. Curieusement il repensait à cela avant de disparaître lui-même, et il m’en reparla lors de l’enregistrement à la Maison de la Radio de Fraiseuse de Mots pour les éditions de La Petite École.
Et bien son rêve s’est réalisé en 2005 : la tenue existe, grâce à l’association de l’électronique et de la fibre optique. C’est le Département NCTRF (US Navy Clothing and Textile Research Facility) du centre américain de recherche Natick, qui a travaillé sur cette combinaison classée “défense” qui rend invisible l’homme qui la porte.
Il s’agit de milliers de mini-caméras cousues ensemble sur le vêtement qui filment tout autour du combattant, tandis que les fibres optiques qui composent sa tenue affichent l’image que verrait un observateur s’il n’y avait personne.
Le tissu se comporte comme un écran de téléviseur reproduisant en temps réel ce qui se passe derrière l’individu, mais également devant lui ou sur ses côtés. Quel que soit l’angle de vue où l’on se place, le combattant disparaît grâce à une illusion d’optique.
Jean-Claude Vogel
Date du document : Printemps 1972. Paris
Alain Sebag (relit le projet de Statuts) : Nous soulignons notre indépendance de tout courant politique, mais nous ne somme spas a-politiques. Les problèmes moraux liés à notre pratique nous entraînent à un rapprochement avec les groupes ouvriers.
Nave : C’est un problème de fond, et non pas de forme. Est-ce qu’il faut mettre ou non le terme socialisme dans les statuts ; il faut définir notre engagement politique.
Alain Sebag : Ce texte est le cadre minimum du F.A.P. ; c’est celui qui a été adopté lors de la dernière assemblée générale.
Nave : Dans les statuts nous avons parlé “d’association pour la défense des intérêts moraux et sociaux des artistes, sans distinction raciale, religieuse ni idéologique… pour de nouveaux rapports sociaux et culturels dans une perspective socialiste.” C’est clair !
Philippe : Ce qui est important c’est la réfutation d’un “saut qualitatif” réformiste.
Nave : C’est mal exposé. Il faut marquer notre désaccord avec la “non-distinction idéologique” (à savoir le danger d’Ordre Nouveau, de l’U.D.R. et de tout le boy-scoutisme).
X1 : “Pour le socialisme”, c’est trop vague, et ça ne signifie rien si c’est uniquement dans les statuts : c’est du beurre.
X2 : Comment définir une action socialiste ? Comment dépister les fachos ? Est-ce que vous allez demander leur carte à ceux qui viennent ? Vous définissez un idéal, mais comment le suivra-t-on ?
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Date du document : 1984 et Après
Poor Arthur
Il faut descendre Arthur, mais on sait pas par où le prendre, comment le saisir. À chaque fois qu’il revient, il est différent, teinté de Marseille, de Siddi-Bel-Abbès, de Colomb-Béchar et sa section de Discipline, en train de casser des cailloux à la masse, passé par le Kef ou de retour de l’île du Diable ; il a toujours vu les gardiens révolver au poing depuis sa naissance. Ça dépend avec qui il erre.
Arthur avait commis un crime sur un chantier en se faisant passer pour Louis, après avoir volé ses papiers d’identité, et Louis avait hérité de son casier judiciaire qui s’élevait à hauteur d’homme.
On serait bien allé le voir dans sa “concession à perpétuité”. Pour peu, Henri l’aurait crevé d’un coup de couteau, et il aurait commencé à l’embaumer par le ventre.
Y’avait un Amar, là-bas, à Cayenne, à la Case des Fous, prénommé Arthur comme lui, qui habitait rue Verte à Caudéran.
Lui en réalité c’est Jules-Arthur, mais il voulait pas entendre parler de Jules, il trouvait que ça faisait pot de chambre. Nous on trouvait que ça faisait pas assez excessif. “Arthur, ça crache sur le soleil ; Jules, c’est tout juste si ça pisse !”
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“Marie-Thérèse avait offert à Lili toute la bibliothèque du vieux, tout ce qu’elle voulait !… la porte à côté de son salon… je voyais ce que Lili avait pris… tout Paul de Koch… tout Murger… pour nous deux La Vigue du sérieux !… la Revue des Deux Mondes des soixante-quinze dernières années… la Vie des Astres par Flammarion… elles s’y étaient mises, toutes les femmes, gitane avec, pour nous les descendre, nous les arranger bien en ordre, par numéros, dates, que notre rond de tour prenne un petit air meublé, convenable… le drôle c’est que nous avons eu le temps de tout lire !… romans, essais, critiques, discours… il m’est donc permis d’affirmer, preuves à l’appui, que les rois, députés, ministres, profèrent toujours, décade en décade, les mêmes sottises… à peine ci, là, quelque imprévu… plus con, moins con…que les romanciers écrivent tourjours les mêmes romans, plus ou moins cocus, plus ou moins faisandés, pédés, mélimélo, poison, browning… à tout bien voir, garniture lianes de fortes pensées… Tallement suffit, compact, vous met tout, pognon, les crimes, l’amour… en pas trois pages… vous pouvez bien vous rendre compte que les critiques, une revue l’autre, ont toujours les mêmes doigts dans l’œil, manquent pas de se gourer absolu, du bout d’un siècle l’autre… raffolent que de la merde, tant plus que c’est nul plus ils se poignent… fols ! jaculent, fervents, ahanent ! à genoux !… les revues de fonds de bibliothèques sont toujours joliment actuelles… toujours le canal de Suez… toujours les vingt guerres imminentes !… toujours l’humanité qu’augmente… vous arrivez à plus rien lire, plus vouloir, plus savoir, tellement vous êtes très sûr du reste…”
Louis-Ferdinand Céline. Nord
Date du document : 1984 et Après
Je ne sais rien de Jules-Arthur
Je ne sais rien de Jules-Arthur de la Crapaudine ; je l’ai toujours rencontré en coup de vent. J’ai cette photo dans le désert avec les casques, dans un groupe, et c’est à peu près tout.
Il tenait ce surnom du supplice subi plusieurs fois, les membres attachés derrière le dos, et pendu au soleil.
Sa mère Rosa n’était pas pauvre, mais il plaignait souvent une pauvre tante : Sabine l’amie de Jo, sur l’Ourcq. Il en parlait à mi-voix, tête baissée.
“Sabine avait attendu Jo tout le temps sur le fossé, près de la voiture, ne sachant l’ouvrir, plus de deux heures en plein soleil. Quand je suis arrivé elle m’a demandé en toute hâte un morceau de pain, au bord du malaise.
Il pleuvait.
Elle était trempée.
Elle n’avait pas mangé depuis cinq heures du matin.
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Date du document : 1971
Ce dessin faisait anciennement d’un cahier auquel il a été arraché. Il y a eu dans les années soixante-dix une série de onze cahiers complets inspirés de Comic-Strip des années 50 (Tex Tone, Buck John, Hoppalong Cassidy), et destinés pour certains à illustrer deux pièces de théâtre de Nycéphore du Continent OGR inspirées par les mêmes ouvrages. Ils composaient toutefois chacun un récit. Tous ont été détruits dans l’année 2000 sauf deux : l’un offert à Françoise Labat, l’autre à Pierre-Alain Lucerné.
Ce sont la plupart du temps des traces de crayons de couleur ou de pastels sur un fond de scène au graphite.
NDLR
Pierre de Kernec-Malevouan.
Quand vint le Cap’tain’ d’eau douce, j’ai cru voir trottiner Gilles Martinet “missionné” contre la Rinascita, dans son costume trois-pièces, main dans la main avec sa petite perversion pâle et froide, ou bien entendre une citation de Lourau sur l’identification à l’institution. Faut croire que ce n’est pas mieux sous les vieux pavés de 68 ; la seule fois où j’ai entendu Sauvageot s’indigner de l’inculture des étudiants avec sa nouvelle coiffure, le cerveau peigné en arrière, je me suis ému de cette floraison de métanalyse par rapport à la propagande répandue par mes anciens profs barbus en velours, voire les plus mal assis, à propos de cette “vieille œuvre” jadis militante ; je préfère Paris-Roubaix dont on fêtera bientôt le centenaire. L’idée de “l’écriture” dans les Ecoles d’Arts est vraiment nulle ; ça doit sans doute être lié avec cette allure “vengeance des profs qui ont moisi longtemps dans les bahuts“ avant de nous faire payer nos excès de couleur ; on revient enfin à la restauration capitaliste, à une politique conceptuelle glaciale des “deux fusionnent en un” ; c’est peut-être aussi un des effets du révisionnisme moderne que le retrait vaseux de la vague de fond constituée d’énarques au lieu de la grande déferlante d’une élite intellectuelle désagrégeante ; on est dévoré entre les deux tranches du pain de mie universitaire et de la vieille croûte du secondaire. Heureusement on trouve encore ici ou là comme enseignants un veilleur de nuit, une dompteuse de fauves, un mathématicien fou, une lingère. Il y a un type vraiment génial à Quimper dont j’ai oublié le nom qui se balade justement comme un homme-sandwich avec sa force productive dans le dos : de la cochonnaille moulée en plâtre rouge sang ou couleur du pus, de la bile ; c’est une personne éthiquement irréfutable. On reconnaît dans ce vieux débat hélas la ligne mécaniste qui va s’imposer ; nous vivons tous le crépuscule des Beaux-Arts, mais ce serait étonnant que nous n’y soyons pour rien. La casuistique a encore de bons moments devant elle. Je suis né à Orchies en 1974, mais la plus grande partie de ma famille a péri à La Panne-Dunkerque le 27 mai 1940. C’est sans doute pour cela que je reprends “Le Poème Historique” ; il y a un grand projet en route qui s’appelle “Le Lai du Littoral”. La théorie du signifiant en est venue à son absurdité de redondance dans les Ecoles d’Art ; Oulipiens ou Poliens ne sont que les mêmes resucées de lambeaux morts ; ils s’offrent de temps en temps une artiste mécanique qui danse le cha-cha-cha, mais c’est toujours la même pauvre parodie du temps en flux. Or, si nous voulons bien la langue, c’est plus son irradiation que ses isolexismes. L’état du délabrement vers la Banque Mondiale était visible dans cette émission télévisée “tenue” par l’une “des Ténardier”, où Denis Roche, luttes et ratures du temps, était devenu aussi brave qu’un père Denis ou pire : poussah enflé et faux Zola, tant il avait ravalé ses insultes ; dommage, c’était le seul à vraiment creuser ; Du Bouchet le bien nommé, dernier avatar de la “poésie blanche” dont Deguy est le tabouret étymologique savant et Duault la doublure, nous précisait, avec quel cahier définitif il hoquetait quelques bribes dans les chemins noisetiers, tandis que tel autre de vergé à pontuseaux visibles, recueillait l’ineffable, qui, comme on le sait, tombe toujours avant la feuille et ne dépose jamais, même s’il est cité à la barre. Le seul à garder net son point de vue était Prigent, bon poète, même si rien d’exaltant n’était échangé, et même s’il se borne dans sa théorie à reproduire du faux Deleuze et du Néo-Kristeva qui ne dit pas son nom, comme Muray. Le zappeur téléthique sautait, sur une autre chaîne dans la version hystérique d’une communauté du Montana où l’on s’étonne que Joël-Peter Shapiro ne réside pas encore pour y faire des conférences sur Yang Hsien-tchen ; tout écrivain de ce pays de libérateurs où le steack est toujours saignant est forcément tout à la fois charpentier, boxeur, écrivain de “gothics”, et théoricien, sauf le pollack qui traînait par là par erreur, lui s’étant senti obligé d’être “original et indépendant”, mais surtout sinistre, ce qui ne vaut guère mieux et ne sort pas de l’enclos de la métaphysique occidentale habituel. Je ne crois ni à ce steack ni à ce pemmican. Plutôt à un lyrisme ayant bénéficié des formalismes précédents en moyens d’investigation, comme le cinéma ne se réduit pas aux photogrammes ; c’est sans doute une illusion de jeunesse ! Il y a tout de même Jean-Michel Michelena, qui ne croque pas du Jésus déshydraté, Richard Sieburth condensateur d’enigmes avec une jouissance de satori, Verheggen, tout de même, qui reste le seul au niveau de Cravan sans faire garçon de café du dadaïsme attardé, et surtout Bernard Manciet, qui a la chance extraordinaire d’un vrai moyeu de jade de langue condamnée, improbable et totalement inusitée, et peut ainsi jouer librement des muscles de l’alegría, puis, enfin et surtout, dans ce même paysage mental, Gérard Arseguel, dont l’essai de “Home Poetry” vaut mieux qu’un art poétique à lui tout seul, parce que c’est un championnat de réticence.
Paru dans le N°1 des Enguirlandés, Éditions de La Petite École.
Janvier 2000.
Date du document : 2014
Texte destiné au Dictionnaire de l’URDLA : on verra si ça passe !
NDLR
L’exigence morale de Roussiez consiste à se dépecer du monde de la vulgarité instruite, refusant le récit grossier comme l’action quelconque. Il cherche l’améthyste du gave, l’animalité des parois et les lieux de torsions et d’enroulements fantastiques des corps de l’enfance. Car l’aventure Roussiez ce n’est pas celle du signifiant, mais celle du roman où le monde s’ouvre au fur et à mesure de l’énoncé comme le corps devant le médecin.
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(Anne Guelvilec écrit de petits récits (non destinés à la publication) où souvent les voix et les personnages, bien que distincts, s’enchevêtrent.) Elle est née à Quimper. Après des études de peinture au Canada, elle vit à Paris. Elle a bien connu Thomasine Wallace à la fin de sa vie à New York.
« Jeanne, ma sœur Jeanne, comment nous vois-tu devenir ?
— Plusieurs voix me conseillent d’être gentille avec tous ces artistes.
— C’est toi, Jeanne, on a voulu que ça soit toi qui serves de modèle. C’est bien de toi qu’il s’agit ! Monet adorait les nuances azurées avant de les perdre, vermillons et garances, les teintes pures d’un seul jet, des épiphanies, les multiples rapports des choses visibles avec le ciel et la terre, l’harmonie lumineuse d’un grand système de vérité cosmique. Et Cézanne, souviens-toi : “J’ai épousé la mansuétude.” C’est autre chose. “Il n’y aura pas de Sainte-Victoire définitive de la vérité, mais en tout cas elle est peinte.” Rends-toi compte ! C’est à tout ça que tu peux participer.
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