7 haïkus du matou - Typhaine Garnier
Ces textes d’apparence japonisante – façon Hergé : c’est du français en costume japonais, mais exagéré, caricatural et (involontairement ?) bouffon – avaient pour ambition de tenter une autre transposition du haïku. Plutôt que la version occidentale habituelle (l’insipide sandwich de 5/7/5 syllabes), je voulais trouver une forme qui restitue au moyen de l’alphabet latin quelque chose de la dimension graphique et de la polysémie (et polyphonie), c’est-à-dire de la densité du haïku, associant l’idéogramme et l’écriture syllabaire.
Le résultat est un hybride, une sorte de chimère qu’on ne sait par quel bout ni dans quel sens prendre, ni s’il faut l’articuler ou seulement voir. Les signes font parfois rébus. Une syllabe s’étoile dans plusieurs directions. Des lignes sémantiques horizontales apparaissent en travers des verticales, mais furtives, hasardeuses. Le tout a un caractère enfantin, car c’est bien un jeu, un exercice d’assouplissement, où tous les coups (aïe) sont permis (alors que le haïku traditionnel obéit à des règles formelles strictes). D’où le sujet, sans doute : le chat Zoneille, agile et malicieux comme tous les jeunes de son âge, comme le chat à l’encre de Chine d’Onuma Nemon qui s’est glissé dans ces pages. À moins que ce ne soit l’influence de Maurice Roche, lu assidument à ce moment-là.
Adalbert Stifter, une dramaturgie sans drame ou le sens du tragique - Joël Roussiez
Un petit texte théorique sur l’écrivain Adalbert Stifter
Pour illustrer ce titre programmatique, j’ai choisi de ne traiter que du récit intitulé Dans La Forêt de Bavière, un des derniers textes d’Adalbert Stifter, un texte sur pas grand chose et cependant charmant.
(lire la suite…)
L’amour naissant (poème Touareg, P. P. Njegos) - Joël Roussiez
Fatima de taille est pure merveille, elle va à la fontaine sa cruche sur la tête, elle va et le village s’en étonne, c’est elle qui doit le faire, n’est-il pas là pour s’en occuper. Lui, c’est Istvan, sa taille est pure merveille aussi, son beau visage rayonne de santé, ses yeux sont des éclairs, il se prélasse sur la couche, Fatima doit y aller à la fontaine. Mais elle rencontre là Jabban, Jabban qui est serviable et beau comme un regard où perle la rosée.
(lire la suite…)
Chevaux aimés (Bardes du Khorassan, Ostad Elahi) - Joël Roussiez
Comme une âme qui s’en va un petit air de flûte dans l’assemblée avait éteint les paroles et quelques uns marchant dehors baissaient la tête sous leurs turbans. Mais les chevaux piaffaient dehors, une tension dans le troupeau irritait et de même dans l’assemblée circulaient des jurons. Le cercueil resta dans l’église, et quand le musicien chanta «il est parti, ils est parti! Que les lointains l’accueillent» on entendit des pleurs et quelques gémissements. .…
(lire la suite…)
Pages perdues de OR 1972 et 1989
Date du document : 1972 et 1989
Ces pages perdues et non intégrées dans OR avec leur mise en colonnes, renvoient ici volontairement au recueil en cours de Typhaine Garnier dit Refaire, textes lisibles ici dans DAO : Refaire. Poèmes de Typhaine Garnier
Célébrages. Poèmes de Typhaine Garnier
Date du document : Février 2023
Au fil des mois, la nature ressort ses appâts, et chaque fois on s’y laisse prendre. Avant-printemps : premiers chatons aux branches nues, primevères, etc. Surprise, ravissement, on est ému comme si on avait oublié ces « tours » pourtant vus autant de fois qu’on a d’années ou presque. Il y a de quoi enrager. Les « Célébrages » sont les chromos d’un calendrier perpétuel qui tente de fixer cela une bonne fois pour toute, et qu’on n’en parle plus. Heureusement, c’est raté.
Arno Schmidt : « Le plus fiable, ce sont encore les beautés de la nature. Ensuite les livres, puis un rôti braisé choucroute. Tout le reste est versatile et vain. »
Apparition. Poèmes de Typhaine Garnier
Date du document : Février 2023
Refaire. Poèmes de Typhaine Garnier
Date du document : Février 2023
Ce texte est extrait d’un travail en cours intitulé « Refaire ». Même s’il y est question de choses vues, de paysages et de personnes aimées, refaire n’est pas revoir : foin des nostalgies (sauf surjouées pour rire : « Ô… ») ! Il s’agit de faire du neuf, et si possible en forme, avec de l’informulé : fatras de souvenirs, pelote de sensations, magma d’émois, etc.
Pour ça, on a fabriqué un moule, censé aider à faire consister. Description du moule :
- Le texte est disposé sur deux colonnes et apparaît donc lézardé d’un vide central ;
- Les colonnes doivent pouvoir être lues séparément, mais une lecture globale (ligne à ligne) doit également être possible ;
- Le texte s’ouvre par un verbe à infinitif (par exemple faire) et se termine par les lettres « re » qui forment avec le premier un second verbe (refaire), invitant à une nouvelle lecture.
- Les lignes sont des vers grosso modo réguliers (le plus souvent octo ou décasyllabes).
Le but : que ça ne colle jamais. Ne pas adhérer, mais aérer. Que la droite contredise la gauche, la mine d’ironie, la glose de commentaires oiseux ou obscènes, en déforme symétriquement les phonèmes, bref, la malmène d’une manière ou d’une autre. La faille béante au milieu du texte n’étant pas frontière étanche, les deux côtés se contaminent aussi l’un l’autre. Et bien sûr, aucun n’est le « bon ». La vérité est au milieu : dans l’interstice.
Typhaine Garnier
Il faut lire également Les Pages Perdues de OR
Au Verger des Anciens - Récits de Joël Roussiez
Date du document : 2016. La Rumeur Libre
Au lecteur,
S'il est bon de faire entendre des histoires, il faut préciser que les nôtres, Lecteur, ne sont pas à entendre au sens ancien qui veut dire comprendre mais au sens moderne qui passe par l'oreille car, dit Cicéron : « le discours doit chercher le plaisir de l'oreille », ce que rapporte Aulu-Gelle. C'est donc lorsque tu liras par les yeux que tu entendras par les oreilles ce que disent ces paroles dégelées, selon Rabelais. Ainsi sache, lecteur très cher, que ce que nous racontons, c'est pour la musique !
Mais sache encore que nous ont guidé quelques maîtres anciens qui prirent soin de nous offrir quelques fruits et, dégelant nos doigts gourds, corrigèrent nos maladresses en ces temps divers, ou d'hiver, où rien n'est plus agréable à l'oreille que d'être frottée par d'autres…
À bon entendeur donc, salut ! Et qu'il en soit pour toi comme du feu roi François dont Martin Du Bellay écrivit : « toutesfois jamais adversité qui luy peust advenir ne luy abaissa le cœur ».
(lire la suite…)
Le bestiaire de Loch est né en réaction au texte précédent, Vide-Grenier, sorte d’auto-inventaire d’objets, motifs et fétiches personnels écrit dans une perspective de liquidation (tout doit disparaître !). En contre-point donc à cette entreprise autoconfinée, il s’agissait d’aller voir ailleurs, de sortir du grenier. Il y avait alors à proximité un petit étang. Que de bêtes dedans ! (« Sengle aimait beaucoup les mares, parce qu’on ne sait jamais les bêtes qu’on y trouvera. » Jarry, Les Jours et les Nuits) : poules d’eau, batraciens, gerris... Et autour : martins pêcheurs, chouettes, blaireaux, écureuils ! Autant de mondes auxquels nous n’avons pas accès, au sens où nous ignorons « quel effet ça fait » d’être une chauve-souris ou une taupe, mais qu’on peut rêver, en recyclant, parodiant, recuisinant d’anciens écrits.
Les êtres du Loch sont faits ainsi de bric et de broc : sources antiques, fables, croyances populaires, comptines et chansons, données scientifiques, souvenirs plus ou moins personnels.
De même, les dessins d’Onuma Nemon ne sont pas faits d’après nature, mais à partir de vieilles illustrations de fables et d’un ouvrage d’anatomie animale. Ces créatures baroques imprévues s’inscrivent sur la grille d’un papier à dessin pour idéogrammes, un peu comme leurs homologues textuels s’appuient sur d’anciennes lignes.
Loch paraîtra chez Lurlure en 2024, à la suite de Vide-Grenier (novembre 2023), recueil également en collaboration avec Onuma Nemon.