Des Portes du Paradis à l’Enfer

Date du document : 1959-1970

On est passé des Portes du Paradis, ce roman d’Andrzejewski écrit d’une seule phrase de plus de cent pages sans ponctuation, qui raconte la Croisade des Enfants, ouvrage paru en 1959 en Pologne, ce pays dont Guyotat est si proche par sa mère, à la longue phrase de Eden, Eden , Eden, paru en 1970.

Stanislaw Brzezinski. Cerisy.

Des Portes du Paradis à l’Enfer
Des Portes du Paradis à l’Enfer

Publié le 25 novembre 2020 dans texte DAO

Vivre sa vie - Texte de Joël Roussiez

Date du document : 2018

Vivre sa vie (JL Godard, C. Hoebecrau)
Encombrée par un corps qui ne me convient pas, j’aime mon visage et la forme de mes reins. Quand je marche dans la rue, les regards s’arrêtent sur ma croupe et la honte me saisit d’être ainsi construite que j’attire la concupiscence. Mon humeur n’est pas capricieuse sans raison, je suis à l’intérieur d’un corps qui ne me convient pas, un peu trop gras ici et trop d’os par là. Je ressemble aux femmes anciennes. J’ai des formes, dit-on pour me complimenter.

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Publié le 25 avril 2020 dans texte DAO document

Du Poisson-Lune à l'Onyx - Mathias Perez

Date du document : Après 2000

DU POISSON-LUNE A L’ONYX

Vous avez attiré mon intention sur de grosses conneries racontées par des universitaires nées au moins vingt ans après les évènements sur la vie culturelle à Bordeaux dans les années soixante. Or comme le disait Saint-Simon, les Mémoires permettent du moins qu’on ne perpétue pas des versions officielles mais néanmoins fausses de l’histoire.

La chance que nous avons tout de même c’est qu’il y a parité en matière d’ânesses et de bourrins, tant à l’université qu’en radiophonie et dans le journalisme des rats crevés.

Je voudrais préciser ceci à propos du café-théâtre Poisson-Lune devenu Onyx, qui était situé au 94 rue Camille Sauvageau à Bordeaux, quartier Sainte-Croix.

Je connais très bien son histoire pour la bonne raison que je suis le cousin du propriétaire du bar l’Ibéria, Robert Triguero qui a ouvert cette salle dans un entrepôt attenant à son café dans son prolongement rue Saint-Benoit.

Je suis charpentier de marine et par extension menuisier. À l’époque je travaillais sur les quais et j’habitais au 9 rue du Port (à deux pas de là), en même temps que toute la famille Perez répartie dans tout l’immeuble vétuste, humide, et parfaitement malsain : un vrai taudis enchanté sur cinq étages, totalement détruit par la suite pour devenir cette parodie bourgeoise du Théâtre du Port de la Lune.

Robert Triguero, mon cousin, tenait le café de l’Ibéria où venaient régulièrement les étudiants des beaux-Arts. Ces derniers avaient trois cafés de prédilection : d’abord Chez Janine, en face de l’Abbatiale Sainte-Croix et à l’angle de la rue du Portail, ensuite l’Ibéria, dix mètres plus loin, et enfin au Longchamps, cours de la Marne, qui accueillait également les Navalais.

C’est donc tout, logiquement aux étudiants des Beaux-Arts que Robert Triguero a parlé de son projet de cabaret et lieu d’exposition, et c’est Daniel Busto qui a mis en forme avec Jean-Louis Froment le premier projet de soirées de lectures dans le cadre d’un cabaret de poésie.

Jean-Louis Froment à l’époque arrivait de Vevey en même temps que Delay et qu’un dénommé Pastor, si je me souviens bien. Il n’avait pas encore épousé Josy, la propriétaire de la Galerie Du Fleuve (que tenait à l’époque la vénérable Madame Henriette Bounin) ; il était loin de son traitement mensuel de 100 000 francs au CAPC et vivait plutôt modestement de son métier d’étalagiste. J’ai encore des photos de ses vitrines, notamment une très belle réalisée aux Nouvelles Galeries, rue Sainte-Catherine, avec de très grands pains ronds. Il était alors assez proche d’une autre décoratrice en volume haute en couleurs qui s’appelait Suzanne Palassy, et que certains étudiants surnommaient gentiment “Suzanne Perroquet” en raison de ses vêtements vivement bariolés.

Ce n’est que bien plus tard, en 1969, grâce à Lardin et Chaban qu’il a obtenu la gestion d’un atelier aux Beaux-Arts de Bordeaux, malgré son diplôme suisse, comme Delay.

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L’aménagement du lieu comme Poisson-Lune a commencé en janvier 1967, et c’est moi qui m’y suis attaqué. Il ne peut y avoir d’erreur de date, car j’ai conservé tous les cahiers de chantier ainsi que les photographies des différents stades de travaux.

Les étudiants des Beaux-Arts ont énormément aidé aux travaux, notamment Pierre Barès pour le gros œuvre, Jean-Luc Selleret (cousin de Jean-Louis Froment), Daniel Busto et Françoise Labat (qui ont réalisé le plafond dont j’ai construit l’armature, en peignant des mains négatives au pistolet et des empreintes de mains et de pieds).

La première soirée au _Poisson-Lune_a eu lieu le 20 avril 1967. La carte d’invitation que Robert avait fait imprimer était ridicule (en lettres d’or torsadées comme pour une boîte de nuit), et Froment décida d’en refaire une autre aussitôt.

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Guy Suire n’est intervenu que dans un deuxième temps, en même temps que Guy Baloup et Thérèse Liotard et toute une équipe de comédiens ; Suire s’occupait de théâtre et travaillait surtout à la radio, comme Busto, et c’est alors que le lieu a pris l’appellation de café-théâtre. Le premier à être créé en province.

À ce moment la plupart des participants du premier noyau (Nicolas Remcsack, Pierre Barès, Jean-Luc Selleret, Nadine Meyran, et au premier chef Jean-Louis Froment), sont partis, car ils ne supportaient pas Suire.

Et c’est le jeudi 19 octobre 1967 que le passage s’est fait du Poisson-Lune à l’Onyx. Le titre avait été choisi en commun par Busto et Baloup en référence à des bouts-rimés de Queneau parodiant Mallarmé.

La première exposition a eu lieu en février 1968. Une émission radio de Bordeaux-Aquitaine a été consacrée à l’Onyx le 23 février 1968 et une télé le 10 mars 1968 en même temps qu’à Sigma. On retrouvera tout cela dans les Sud-Ouest de l’époque avec plusieurs articles de Jean-Gérard Maingot (le Dandy de Cheverus !) et Pierre Paret (l’Ancêtre).

Parmi les poètes il y avait Nadine Meyran (qui a ensuite travaillé au CAPC), Anne-Marie Perier, Nicolas Remcsack, Paul Chose… J’en oublie. Et pour les chanteurs Jean-Claude Coquempot, Bernard Balavoine (frère de Daniel), surnommé “la chèvre” par Remcsak, François Huchet, Franck Ferrand et bien d’autres.

Les pièces représentées choisies par Suire allaient de Guy Foissy à Tardieu, Obaldia ou Arrabal et à des pièces de membres du groupe. Les collaborations avec la radio permettaient de faire venir des personnes plus connues comme Colette Magny. Gripari, par exemple s’est déplacé en personne pour assister à la création de sa pièce La Divine Farce.

Dans les expositions organisées, on a pu voir des travaux de Francis Limérat, Pierre Barès, Alain Vallet, Jean-Luc Selleret, Christian Delafond, Michel Jouhanneau, Jean-Marie Poumeyrol, Chantal Delafond, Alain Lestié…

On rencontrait là en 1967 et 68 en majorité les étudiants du CREPS (parmi lesquels des théoriciens politiques tels que André Decroix, le grand ami de Lapassade et de Lourau, Huberdeau Dumas, clown et théoricien de la boxe), ou Patrick Lacoste, le rugbyman psychiatre, à l’époque Grand Prix de poésie-jeunesse décerné par Jean-Pierre Rosnay. J’y ai vu Jean-Noël Cuin jouer de la scie musicale avec Emmanuel Lillet, son compagnon d’alors.

Différents happenings eurent lieu au Théâtre Barbey voisin (grâce à l’aide de Charles Imbert et Raymon Paquet), toujours en 67 et en 68, organisés par Busto, René Strubel, Loïc Picard ou Jean-Bernard Désobeau, dont un fameux Sans paroles ni musique, le 7 avril 1967 (enregistré par l’ORTF). Ces happenings réunissaient plusieurs comédiens parmi lesquels Jean-Pierre Nercam, Françoise Cabrié, Annie Roussel ou Thérèse Liotard (L’une chante, l’autre pas), initiatives singulières sans aucun rapport avec la programmation de l’Onyx.

Ensuite, après les évènements de 1968, la sœur de Robert Triguero et son comparse hébété se sont opposés à la poursuite du projet jugé peu rentable pour se remettre à la bibine honorable, et Robert a dû abandonner le lieu en faillite que tous les étudiants des Beaux-Arts ont alors déserté devant le couple maudit. La dernière fois que j’ai vu Robert c’est en 1970 à Paris chez sa mère dans un état lamentable.

Au-delà je n’ai rien su, sinon que la programmation ultérieure et touristico-intestinale n’avait plus rien à voir avec le projet de 1967. En Avril 1970 l’Onyx se trouvait Chez Jimmy, un endroit peu recommandable où Patrick Lacoste a dû faire office plusieurs fois de “videur”, ce qui lui réussissait parfaitement, avant qu’il ne devienne lacanien sur le Parc Bordelais. En 1979 l’Onyx était établi dans le quartier Saint-Pierre où il est resté jusqu’à la fin.

Je pense que vous pourriez publier les premiers articles de_Sud-Ouest_ que je vous envoie par courrier, notamment ceux de Jean-Gérard Maingot, passionné par la création du lieu et qui assista à toutes les “premières”.

Il faut noter tout de même qu’en mai 1968 un des membres fondateurs du lieu a été expulsé par le collectif pour avoir entre autres frappé un flic avec une statuette en bois de Don Quichotte (figure qui pourtant convenait bien au quartier !), et pour le danger qu’il était supposé représenter par rapport aux institutions.

On ne pourra prétendre l’inverse à propos de ce tribunal ridicule, car je travaillais sur un décor ce jour-là dans la pièce où il s’est tenu, et j’ai parfaitement entendu les jugements des uns et des autres.

Dans ce “tribunal populaire” figuraient tout de même de prétendus anarchistes (la chose est drôle !). L’un d’entre eux, dont le nom n’importe pas plus que Laxatif ou Furoncle, s’est soudainement revêtu d’une peau de mouton en se découvrant occitaniste pur et dur depuis l’Antiquité, alors qu’il venait juste d’apprendre l’occitan à Périgueux avec la méthode Assimil !

Le seul à avoir alors violemment protesté contre cette procédure, ce fut Jean-Louis Froment, bien qu’il n’ait plus fait partie du groupe depuis longtemps.

Mathias Perez

Publié le 2 mars 2020 dans texte billet

La Longue Lettre - José Izquierdo

Date du document : 1972

LE GROUPE DE LA FOLIE-MÉRICOURT

Le groupe de la Folie-Méricourt (nommé ainsi parce qu’il s’était constitué autour de Monique Charvet, qui habitait alors avec Ermanno Krumm rue de la Folie-Méricourt), était constitué uniquement de filles : Monique, Ariane, Mina, Laurence, Rio, Marie, Françoise, Ophélie, Anna, et de Frédéric/que, à la fois androgyne et albinos, élevé toute sa vie comme une fille par ses parents, et depuis fort indécis. Il faut préciser que tout ce groupe-là passait tout de même l’essentiel de son temps à Sainte-Anne, pavillon Magnan ou ailleurs.

Ermanno et les autres garçons, comme José Izquierdo (patient chronique lui aussi de Sainte-Anne), ne pouvaient suivre que des lignes tangentes par rapport au polygone du groupe, devenu parfois hexagonal et producteur d’Hexagones Monions, qui provoquaient des crises particulièrement violentes chez Monique en l’envahissant.

À son arrivée à Paris en 1970, Ermanno Krumm, bien que familier des Novissimi et passionné par Denis Roche avait composé de magnifiques longs poèmes lyriques à la fois épiques et élégiaques : Endymion, Atala, Dédale... sans la moindre ombre formaliste, dans une sorte d’heureuse joie antique préservée. Ce sont ces poèmes-là, découpés en strophes qu’il offrait aux terrasses de café avec Monique en faisant la manche.

Monique de son côté a écrit beaucoup de textes et composé plusieurs recueils, mais malgré plusieurs tentatives il n’y a jamais eu de possibilité de publications aux Éditions des Femmes ni de véritable rapprochement avec le groupe_Psychépo_. Elle traduisit à un moment Verdiglione à la demande de François Wahl et de Tel Quel.

C’est peu après avoir composé D’Hors en particulier, qu’elle s’est suicidée sur le bord de la mer en 1974.

Le groupe de la Folie augmenté de quelques électrons libres a beaucoup créé également de Romans à Usage Interne, qui mettaient en scène une sorte de situation catastrophique entre des membres du groupe, où le dialogue avec les Morts avait une grande part.

Ces ouvrages, peu volumineux, étaient destinés en principe uniquement aux protagonistes, mais peu à peu le cercle de la diffusion s’était élargi à d’autres amis.

Quant à la Grande Lettre de José Izquierdo (c’est sous ce nom qu’il se présentait à Sainte-Anne, mais on n’a jamais su si c’était véritablement le sien ou un surnom), elle représentait plusieurs milliers de pages et une “adresse” litanique ininterrompue tout le long de son séjour à l’hôpital.

Ici ce sont les tout premiers feuillets tapés par Mina.

M. Ey...

Publié le 2 mars 2020 dans texte DAO document