Loups ! - Livre Poétique de Nicolaï

Date du document : 1979

31. Loups !
(La laisse deleatur)

Lézard et Serpent d’abord ;
L’orage au ciel, la rage au sol
Sur Marie Gay, défigurée
Sous la lune, en prairie fraîchie de six heures,
Et frise des bois glacés.

C’est du cirque où marche un ours
Chocolant ventre d’un an, de Limoges,
Que les montreurs de ménagerie
Ont lâché une louve enragée, bavante.
« Empeste au diable, ch’tit chien noir ! »

Neuf jours badés, neuf jours barrés,
Neuf jours de chair, neuf nuits de sang,
Loups renaissant parmi les failles,
Trois mois sur l’herbe et trois sur vent,
Ayant réduit enfant en bouillie pour croire,

Pour surgir. Cachés en ronces et faits de bords,
Eux, enhardis d’impunités en leurs aziles,
Dépècent dans l’Initiation d’autres viandes ;
Et les fleurs blanches dont abonde
Le ciel défait, vibrent à leurs dents d’acacias.

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Publié le 11 juin 2018 dans texte OGR document

L'Émoi 68 - La Science du Jour

Date du document : Avant 1984

Que faisiez-vous en Mai 1968 ?

À cette question inquisitrice, un ami suisse répondait “Je courais le Marathon.”ce qui avait la double vertu d’être vrai et très utile à ce moment-là.

Un autre grand philsophe hégélien et belge (grand pour moi entre mille autres choses par sa pratique croisée de la musculation et du tennis et cette phrase : “La cuisine belge, c’est la qualité française alliée à la quantité allemande.”), apprenait à ce moment-là à sauter à travers les vitres des cafés avec un casque de moto pour éviter une répression redoutable (et les éclats !).

Voilà deux hommes pragmatiques.

Dans ce que O. N. appelle ici “l’Académie", École d’Art à Bordeaux il y a eu beaucoup de liens avec la Fac de Lettres, le Campus et la Fac de Sciences, mais plus encore avec les amis du C.R.E.P.S. coureurs et boxeurs. Des liens également avec ces deux capitales que sont Toulouse et Paris.

Il y a eu aussi des bousculades majuscules et pas mal d’errances dans le bon sens.

L’engagement est devenu tout de même très vite balnéaire dès juillet (malgré l’Université d’Été au Campus), et pour la rédaction du grand projet pédagogique futur il n’y avait plus que trois personnes à l’Académie, et quatre dans le bureau de Chaban pour le “rendez-vous ultimatum” d’évacuation du chef de guerre le samedi 16 juin.

Il y aura certainement eu à partir d’aujourd’hui des héros grandioses des barricades d’hier (dont d’aucuns devaient être barricadés chez eux), ou le professeur Fromage (qui ne cesse de couler en peinture !), mais le plus drôle est certainement de s’apercevoir combien on était ailleurs et parfois même dans une inactualité absolue.

Pierre G. Sivocq

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Publié le 8 juin 2018 dans OGR (épanchements) OGR

Alain Vallet : Encres - Janvier 2018

Défricher-Déchiffrer

Ces encres ont la particularité d’être des palimpsestes de nus anciens. En effet il y a eu d’abord des nus académiques, réalisés dans un atelier près de la maison de Victor Hugo. Ces nus avaient la particularité d’être dégagés par l’entour : au lieu de la construction académique habituelle à partir du modèle comme centre, le peintre les avait laissé deviner dans une sorte de bénéfice de la lumière. Il a ensuite repeint par dessus (travaillant aussi sur des répulsions huile-encres), dégageant cette fois-ci des blancs comme des lumières dans un taillis, des trous dans un mur ou des déchirures dans un drap. Au-delà de Pyrame et Thisbé, je ne peux m’empêcher de penser ici aux notations des Choses Vues de Victor Hugo lorsqu’il dessinait un nu aperçu par la fente d’un mur, écrites en espagnol et en abrégé de telle sorte que n’importe qui ne puisse les déchiffrer.

O. N.

Alain Vallet : Encres
Alain Vallet : Encres
Alain Vallet : Encres
Alain Vallet : Encres
Alain Vallet : Encres
Alain Vallet : Encres
Alain Vallet : Encres
Alain Vallet : Encres

Publié le 3 juin 2018 dans peinture calligraphie DAO document

Rions un peu !

L’homme d’aujourd’hui, lorsqu’il cherche à se représenter le Moyen Âge, croit généralement avoir à accomplir un énorme effort d’imagination. Le Moyen Âge lui paraît une époque sombre, reculée dans les ténèbres du temps, un moment du monde où il ne faisait jamais de soleil et où vivaient une humanité, de sociétés radicalement différentes de celles que nous connaissons. Or il nous suffit d’ouvrir les yeux sur notre univers, il nous suffit de lire chaque matin nos journaux : le Moyen Age est à notre porte ; il persiste à côté de nous et point seulement par quelques vestiges monumentaux ; il est de l’autre côté de la mer qui borde nos rivages, à quelques heures de vol ; il fait partie de ce qu’on appelle encore l’Empire français, et pose à nos hommes d’Etat du xxe siècle des questions qu’ils n’arrivent pas à résoudre.

Plusieurs pays musulmans d’Afrique du Nord et du Moyen-Orient, qui en sont très exactement au au xive siècle de leur ère, peuvent nous fournir, sous bien des aspects, l’image de ce que fut le monde médiéval européen. Mêmes villes aux masures tassées, aux rues étroites et grouillantes, enfermant quelques palais somptueux ; même opposition entre l’effroyable misère des classes pauvres et l’opulence des grands seigneurs ; mêmes conteurs aux coins des rues, propageant à la fois le rêve et les nouvelles ; même plèbe aux neuf dixièmes illettrée, subissant pendant de longues années l’oppression et puis soudain traversée de révoltes violentes, de paniques meurtrières ; même intrusion de la conscience religieuse dans les affaires publiques ; mêmes fanatismes, mêmes intrigues de la puissance, mêmes haines entre les factions, mêmes complots si étrangement ourdis qu’ils n’arrivent à se dénouer que dans le sang !… Les conclaves du Moyen Age devaient ressembler assez bien aux actuels collèges d’ulémas. Les drames dynastiques qui marquèrent la fin des Capétiens directs ont leur correspondance dans les drames dynastiques qui agitent de nos jours les pays arabes ; et l’on comprendra sans doute mieux la trame même de ce récit quand nous aurons dit qu’on pourrait la définir comme une lutte sans merci entre le pacha de Valois et le grand vizir Marigny. La seule différence, c’est que les pays européens du Moyen Age ne servaient pas de champ d’expansion aux intérêts de nations mieux équipées en moyens techniques et en armement. Depuis la chute de l’Empire romain, le colonialisme était mort, au moins en nos régions.

Maurice Druon. La Reine Étranglée. 1955. (de l’ensemble Les Rois Maudits). Ancien résistant et combattant sur la Loire en 39-45. Auteur entre autres du Chant des Partisans avec son oncle Joseph Kessel. Ministre de la Culture de 1972 à 1974.

Abdelaziz Benihyia

Publié le 22 mai 2018 dans billet

Géographie - Livre Poétique de Nicolaï

Date du document : 1979

32. Géographie

“Ainsi s’unissent astres et planètes, Fogazarro,
Non par le corps, mais par la lumière ; ainsi
Les palmiers non par la racine mais le feuillage.
Voici nos noms sortis des forêts, sentant le fauve.”

« Au milieu des lions te voilà ! C’est toi qui descends,
T’assieds tranquille ! » disait le maître de Géographie,
Tendant sa cannevelle immense sertissant la craie
Vers la carte, à propos de la Louve.

Lutte avec l’Archange, chastes récits vivants !
Plus qu’aucun autre, “çui des images”
Passant à travers philtres le moindre zéphyr lu

(Un élève du Sodoma : Ricciarelli, dit Le Braguetteur.)

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Publié le 22 mai 2018 dans OGR document

Onuma Nemon sort de l'anonymat

Date du document : 23 janvier 2018

On trouvera ici l'entretien in extenso réalisé par Pierre Benetti et Tiphaine Samoyault pour la revue En Attendant Nadeau, dans les locaux et avec le soutien de Mediapart.

Publié le 23 janvier 2018 dans extension

Projet de Plicalanyse

Névrose, psychose et perversion ; valse à trois temps, variantes du négatif : déni, désaveu, clivage, dénégation, refoulement…
La place du discours par rapport à l’objet, la place du réel entre les blocs de discours, l’occupation de cette place plus ou moins publique par les Enfants et les Morts. Le réel au lieu des frisettes de langage, trou de Kim Carson ; langage obus meurtrier pour le canon lui-même et la cible, comme ces saloperies de “sous-munitions”. Puis la place du langage comme transformation des choses ; la rhétorique de nouveau cristallise en pensée. La place n’est pas un vide, malgré toute cette vulgate du yin et du yang, etc. C’est un plein ! Pietro Bodhisva

Publié le 19 janvier 2018 dans billet

L'Orchestre Rouge & Borer chez Lip

J'ai retrouvé au milieu de mes archives professionnelles ces deux coupures de presse de Libération qui dataient du début octobre 1973 et que j'avais collées ensemble, précisément au retour d'un long séjour à Varsovie.

Quelques années plus tard j'ai eu la chance de connaître Alain Borer comme enseignant.

Stanislaw Brzezinski

Langennerie à Chanceaux-sur-Choisille

Publié le 6 janvier 2018 dans document DAO

La Folie. II.

La Folie II.
La Bande de la Folie-Méricourt tournait autour de Monique Charvet et d’Ermanno Krumm. Elle se réunissait la plupart du temps dans leur appartement.
Il y avait là Rio, Ariane, Mina, Laurence, Anna et Frédéric/Que, un hermaphrodite albinos. Chantal (dite Ophélie), s’y ajoutait de temps à autre sans vraiment faire partie de la bande, et Françoise avait plutôt des relations amicales privilégiées avec Monique.
Le groupe avait pris ce nom en partie parce que c’est au deuxième étage d’un vieil immeuble de la rue de la Folie-Méricourt que se situait l’appartement de Monique et d’Hermanno, dont les fenêtres donnaient d’un côté sur la rue, de l’autre sur la cour d’une école primaire. En partie aussi à cause du fait que ses membres passaient une grande partie de leur vie à Ste Anne, dans le “pavillon ouvert” Henri Rousselle.
Parmi les visiteurs de la rue de la Folie, je ne crois pas que Duault soit jamais venu, bien qu’il ait été proche à la fois d’Ermanno et de Borer. Borer y était venu au moins une fois, pour exposer sa théorie sur l’hylémorphisme, inspirée de Husserl et que je trouvais extraordinairement pratique, car elle permettait de classer toute l’histoire de la littérature en un quart d’heure.
À l’époque nous étions beaucoup à aimer les modèles mathématiques et les classifications, sans aller jusqu’aux algorithmes, bien qu’ayant “un papier et un crayon”.

À la Folie-Méricourt nous avons créé ce que nous appelions des Petits romans internes, c’est-à-dire dont les seuls protagonistes étaient les membres du groupe (repris dans une suite d’évènements les concernant), et destinés à eux seuls. Il y en a eu 11 en tout, si je ne me trompe, tous ronéotés dans le quartier.
Nous avions montré quelques-unes de ces réalisations à Roland Barthes un soir qu’il était venu souper à la Folie. L’idée lui avait plu ; il trouvait que c’était “une belle utilisation du minimum romanesque” et il nous avait longuement parlé de son propre idéal dans ce domaine.
Comme c’était à l’époque de son séminaire sur Brecht, Monique lui avait préparé du porc aux lentilles, qui était pour Barthes un des exemples de “l’aristocratie du goût avec des choses simples”, à propos de Mère Courage. Malheureusement Monique était assez expérimentale en cuisine, et Barthes avait dû lui expliquer les nécessités de la cuisson du porc ; les lentilles elles-mêmes étaient dures, et il n’y avait pas d’échalotte.
Monique s’est suicidée au bord de la mer au milieu des années 70 et Chantal peu après dans la Seine, persuadée d’un complot chinois la visant dans son quartier du Château des Rentiers, elle qui faisait des ménages pour payer sa crétine d’ analyste.
J’ignore si Ermanno Krumm avait récupéré tous les Petits romans. Il a en tout cas publié en dehors de sa collaboration avec Il Piccolo Hans et de ses recueils de poèmes, Le cahier de Monique Charmay, autre nom de Monique, qui devenait aussi parfois “la Reine des Hexagones Monions”, et lui a rendu généreusement hommage. Tous deux avaient également écrit en 1974 Tel Quel, un’avanguardia per il materialismo, et Monique a traduit beaucoup de textes de Verdiglione pour Tel Quel et pour François Wahl. Elle a écrit un beau texte du nom de D’Hors qui n’a pas été publié, mais qui a circulé, notamment grâce à Françoise Labat.
J’ai pour ma part repris des éléments de ces récits dans Tuberculose du Roman (détruit), et dans la partie de la Cosmologie consacrée aux Orphelins Colporteurs, dont La Bande de la Folie-Méricourt fait partie

Il y eut beaucoup de séances de table tournante à la Folie-Méricourt, jusqu’à la nuit où la table nous échappa, se précipita sur Ermanno et faillit le faire basculer par la fenêtre pour le faire tomber deux étages plus bas dans la cour de l’école primaire dont on entendait régulièrement dans la journée les jeux et les cris joyeux.
Il y eut même ailleurs, dans une maison hantée, l’expérience faite par Monique de se coucher en travers d’un couloir où régulièrement on entendait les pas d’un revenant, et elle sentit distinctement de part et d’autre de sa poitrine, l’enjambement du mort.

O.N.

Publié le 2 décembre 2017 dans billet