Le Pavillon Toussaint - Livre Poétique de Nycéphore

Date du document : 1968

18. Le Pavillon Toussaint

« Ces raseurs aux fifres, aux cuivres, ce dimanche
Quels genoux d’acajou, musique pour chevaux
De bois ! Alors que je trimais dans la source
Au lavoir (simplement ne plus rien voir, par la fenêtre),
Hébétude au-delà des pluies, des gouttes, des pendeloques ;
Derrière un masque d’ours s’en viennent les chasseurs.

La splendeur d’or que les sous-bois !
Ces cavernes dans le feuillage
Par endroits vineuses, un peu rousses à d’autrefois ;
Rien du déchet dans une litanie.
« Es-tu là, Fernande la Grosse ?
— Je suis au fond de mon lit, Nany ! »

(lire la suite…)

Publié le 6 novembre 2017 dans document OGR texte

Arseguel, Membre-Fantôme - à propos d'Autobiographie du bras gauche

Date du document : 15 août 2017

(Autobiographie du bras gauche. Éditions Tarabuste. 2017.)
Je pense ici bien sûr à Michaux qui à cause d’un problème de bras cassé, avait tout à coup découvert “Michaux côté gauche”. Beaucoup moins à Twombly et aux évidences qui ont surgi dans les années 70 de devoir écrire ou peindre mal comme un gaucher (qui plus est, dans un bon milieu). Le Twombly d’Arseguel, c’est Tapiès.
Ce serait plutôt, dans le versant populaire, la plus grande rapidité dans le sport, comme le Fante de 1933 fut une mauvaise année, avec son héros qui veut devenir un champion de base-ball, et masse sans cesse son bras gauche (auquel il parle pour l’encourager), avec l’Onguent de Sloan.“J’avais fière allume à l’époque, la souple démarche d’un tueur à gages, la décontraction typique du gaucher, l’épaule gauche légèrement tombante.” “Mais Le Bras me permettait d’aller de l’avant, ce cher bras gauche, le plus proche de mon cœur.”
Je pense aussi à cette nouvelle de Maupassant où un pêcheur perd son bras arraché par le filet : comme l’expédition sera longue, il le conserve dans la saumure au milieu des poissons et le célèbre par un enterrement au retour.

(lire la suite…)

Arseguel, Membre-Fantôme

Publié le 27 août 2017 dans document DAO texte

Le monde de Memo et de ses petits chiens - Tribu des Adolescents. Automne

Date du document : 1982

Il faut que je vous dise à propos de Memo et des Quatre Petits Chiens Brefs de la Mort (Dic, Duc, Fac, Fer), que ces derniers devenaient parfois (comme les Grands Ancêtres), les Quatre Chevaliers de l’Apocalypse, ou les paroles de Dieu aux Impératifs irréguliers, autant que le Christ réparti en Quatre Animaux.
Quand l’un de ses quatre chiens se promène, Memo n’est jamais loin ! Il les surveille, mais travailleur du Royaume des Ombres, il se montre peu aux vivants n’étant généralement là que pour éviter la venue d’embranchements catastrophiques prévus à l’échelle de l’univers, simplement dans le but d’avertir tel ou tel des impasses où il risque de s’engager et lui permettre ainsi de choisir un autre “montage”, de changer d’aiguillage et de destinée, sauf dans le cas où la mise en gare de triage d’un wagon doit précisément permettre d’éviter un conflit mondial.
“La littéralité blanche doit toujours être défaite par les accidents et par les engouffrements historiques comme les coulures sur une peinture de Bacon”, dit Memo.

(lire la suite…)

Publié le 22 août 2017 dans document Cosmologie Onuma Nemon texte

Aube à Tokyo - Tribu des Adolescents. Aube & Nany. Automne

11 000 mètres d’altitude. 900km/heure. Passage le long du cercle polaire, soleil de minuit, nuit pincée entre la lumière du couchant et celle du levant. Intense humidité stagnante. Nuit. Shinjuku.
Aube écrivait à Monique (qui aurait dû venir) que son expo à Tokyo le 26 août faisait partie de Femmes et Histoire. Mr Yamagishi lui offrait le luxe de montrer des morceaux de peau et de chair dans une galerie. “Les femmes ont créé 52 % de toutes les formes de pensée humaine ; que les hommes assument au moins les 48 % qui leur restent !” Elle avait envoyé un télégramme à l’ambassade de Russie Bd Lannes pour le soutien des femmes russes en lutte comme elle en enverrait quatre ans plus tard encore pour éviter le séjour en camp à Nathalia Lazareva. À Shigel elle avait dit : “You are not living in my body.” et “J’ai le droit de briser l’ordre des chapitres.”

(lire la suite…)

Publié le 17 juillet 2017 dans document Cosmologie Onuma Nemon texte

Nice ! - Tribu des Adolescents. Aube & Nany. Automne

Lundi soir 13 Août
Auberge de jeunesse
Cohue. 280 personnes pour à peine 180 places : c’est du camping dans tous les espaces. Larguée. Quitté Monique à la frontière de Ventimiglia (je crois) qui voulait rentrer à Paris : Sainte-Anne oblige ! Où trouverai-je Jean et Lydou dans tout ça. Attente des lits de camp jusqu’à je ne sais plus quelle heure. J’ai tout laissé à la bagagerie, livres et papiers. Bagasserie, je devrais dire, et bagarrerie.
Ici une fille japonaise écrit ; lui demande un peu de papier. On ne parle pratiquement qu’anglais. Les filles toutes en groupe. Les mecs ne m’attirent ni ne m’inspirent confiance. D’ailleurs une bagarre, vite stoppée, mais de la violence dans l’air ; gens très excités.

(lire la suite…)

Publié le 17 juillet 2017 dans document Cosmologie Onuma Nemon texte

J. C. RADIO

Jean-Claude Rondin est arrivé dans la station radio d’Aquitaine en 67, mais il s’y est vraiment établi en 1968, bien qu’il continuât toujours à faire des travaux quai Kennedy, notamment dans le cadre de l’Atelier de Création Radiophonique avec Alain Trutat, la seule grande oreille de la maison ronde. À Bordeaux, c’était sous la direction artistique de François Vercken, succédant à Charles Imbert, tous deux musiciens proches de l’avant-garde d’alors.
J’ignorais quels étaient les termes de son contrat, mais à Bordeaux il avait le titre d’assistant-réalisateur. Il travaillait à peu près exclusivement avec deux personnes très harmonieuses : Catherine Audemer, réalisatrice et Michel Hervé, un ingénieur du son nuancé et inventif.
Il me donna une édition confidentielle de ses poèmes, et j’en inclus plusieurs dans des émissions. Nous avons réalisé d’autres émissions ensemble, et il me demanda de travailler avec lui en 1968 sur une adaptation radiophonique de Moby Dick par Jean Thibaudeau. Pour cela nous nous sommes déplacés en particulier plusieurs fois à Lacanau pour enregistrer le fracas des vagues, là-bas énormes. Il refusait d’utiliser les innombrables disques d’illustration sonore.
Lui-même était passionné par la mer et hanté de représentations marines galloises, et il a créé ses propres dramatiques où il jouait le rôle d’un marin ébrieux exilé. Il aimait beaucoup Dylan Thomas et m’a fait découvrir des copies des radios de ce dernier.
J.C. Rondin voulait des choses précises quant aux bruits, mais ne faisait pas pour autant partie de “l’école vériste” des preneurs de son. Il y a eu toujours eu deux écoles dans la maison du quai Kennedy : celle des inventeurs faisant appel à des bruiteurs, comme l’extraordinaire Joe Noel qui produisait quantité de bruits avec sa bouche, ou Bertrand Amiel qui dans les années soixante transportait tous un monde de sons possibles dans un caddie de supermarché, à partir de coquilles de noix, de bouts de métaux, bouteilles, ficelles et autres.
Puis les véristes qui tenaient à descendre le micro dans une fosse lorsqu’il s’agissait d’un enterrement ; l’un d’entre eux réussit même à se blesser un jour en studio dans une dramatique où il y avait un duel à l’épée et où il avait tenu à exécuter personnellement une passe d’armes.
Cette même année du Moby Dick, nous avons élaboré tout un Théâtre Sonore, et mis en ondes une dramatique avec Catherine pour je ne sais quel prix… J’avais créé également deux petits univers graphiques pour Jean-Claude et pour sa compagne Bénédicte Bleton.

C’est grâce à Jean-Claude Rondin que j’ai rencontré la première fois Sarduy à Paris en 1971, avec lequel il réalisait une pièce radiophonique (sur les chutes et notamment la jonchée de la mariée, si je me souviens bien…).
Nous avons également fait des essais de spatialisation et de colorations de voix (à la façon de Youri Kurtag ?) à partir d’un gros volume, dit des Progrès. Et deux ans plus tard nous avons poursuivi cette série de travaux en studio à partir de voix de femmes.
Jean-Claude Rondin était bouddhiste ainsi que Bénédicte. Nous adorions tous deux la séquence de l’orage dans La Dolce Vita, où Alain Cuny fait entendre la foudre dans le salon avant de se suicider avec ses enfants.
À quelque temps de là Jean-Claude et Bénédicte se sont suicidés en accord avec leur croyance bouddhiste et j’ai accompagné leur cercueil sous la pluie, suivi par une dizaine de personnes dont leurs deux petits enfants, Delphine et David, qui avaient à peine une dizaine d’années.

Un Témoin

Publié le 17 juillet 2017 dans billet

L'Analyse Catastrophée

C’est en 1975. Cette femme à la figure ravagée, H. C., me parle de son travail actuel avec Michael Londsdale et de son analyse : elle représente pour moi l’analyse catastrophée, l’analyse qui fournit pratiquement le révolver du suicide, et qui représente à peu près toute l’œuvre de Marguerite Duras (laquelle a remplacé un canon par un autre).
Ce type d’analyse (éminemment sadique), butant sur une immense catastrophe sans espoir, s’est répandu comme de la poudre noire dans le milieu intellectuel des années 70, qui se sentait coupable de tout, depuis le culbutage de la bonne jusqu’à l’inceste avec la mère dans la salle de bains ou le fait d’avoir taillé des pipes à Mao. Et pourtant Leclaire avait déjà pris son heureux virage Zen, Lacan s’en sortait très bien en matière de liquide (mieux que Duras), et avec les impôts ; Kristeva avait collé de nouvelles paillettes romanesques autour d’une théorie défraîchie ; même si toutes ces têtes qui branlaient dans le manche avaient été envoyées paître depuis longtemps avec les moutons de la logique par la grande vague joyeuse du Deleuzisme triomphant.
Mais voilà : il lui fallait aussi des pauvres à l’analyse, du misérabilisme, des esclaves somatiques qui ne s’imaginent pas qu’ils allaient prendre à leur tour le fauteuil, des gens qui fassent des ménages pour tout savoir de leur désespoir avant de se jeter en Seine (en connaissance de cause !). C’est ça l’ob-Scène des Pauvres !
C’est ça qui fait la différence : un pauvre qui qui n’a pas exactement réalisé à quel point il est une merde (et ceci sans échappatoire : ni Colonies, ni Castelvin, ni changement de Classe), ne peut fournir un suicide cohérent. Claude Guillon fournit son Suicide, mode d’emploi également en hiver 1975.

Nous organisons alors (avec des ex d’une de ces nombreuses revues qui commencent par T. uniquement par suivisme), une exposition franco-russe (comme le dessert). Mais on pense plutôt à un désert : après Staline et ses fans, plus rien que du flanc. Ou du flanco-prusse, couleur lourde comme l’eau du même non. Pietro Bodhisva

Publié le 17 juillet 2017 dans billet

Chiens & Chats

Dans le numéro de Mettray consacré à la lecture, Marcellin Pleynet pense que la plupart de ses prétendus lecteurs lisent comme des chiens.
Version pire, dans 1275 Âmes de Jim Thompson, tous les chiens de la terre réunis en congrés, sont condamnés à se sentir le cul jusqu’à l’éternité pour reconnaître le leur (se pencher, puis en déchiffrer les signes), depuis que la tempête a dispersé leurs trous de balle qu’ils avaient accrochés aux porte-manteaux par politesse pour qu’on ne sente pas autre chose que la fumée pendant les débats. (“Ce n’est qu’un débat, continuons le con bu !” Denis Roche)
À l’inverse, on pense au Portrait de l’artiste en jeune chien du fabuleux Dylan Thomas, à la lettre de Proust au chien de Reynaldo Hahn et à Proust disant qu’il ne pouvait écrire que quand il redevenait chien. Mais c’est d’un tout autre monde qu’il s’agit, spicilège des sensations décuplées, fraîches, ébouriffées, fruitives.
Puis Maurice surgit, du temps de la rue Henri Barbusse, avec les amies de la Folie-Méricourt, après la mort de Titigre ou de Tidyable (je ne sais plus), un de ses nombreux chats, qui lorsque j’arrive chez lui me dit tout à trac : « Tout de même, Marcellin Pleynet, il exagère ! »
C’était d’autant plus étonnant que Maurice aimait beaucoup Marcellin Pleynet et son écriture ; il faisait partie des très rares contre lesquels il ne pestait jamais. « Qu’est-ce qui se passe, Maurice ? — J’ai téléphoné à Pleynet pour lui demander ce qu’il faisait de ses chats morts… — Et alors ?
— Il m’a dit : “Moi je les fous à la poubelle.” Tu te rends compte ? À la poubelle ! »
Un Témoin

Publié le 17 juillet 2017 dans billet