Bataillon de poules rousses

L’urgence c’est les foins, à cause du manque d’eau. Et ces problêmes de débroussailleuse : “Le girobroyeur à deux pales recourbées est dangereux pour ce genre de tête fragile”, m’a dit le mécanicien ; mais pour les taillis d’arbousiers, de genêts et de ronces grosses comme des avant-bras au-delà de la source, je préfère ça au “trois couteaux” qu’il a refilé ; à tel point qu’il est impossible de remettre la main dessus ! Pas de champignons : le sous-sol est sec comme fin août. Et des cerises “pleines d’os” à cause du soleil trop vif “qui les a tarées”, disent-ils dans la vallée.
Arrivée pharamineuse d’un bataillon de poules rousses aux ébouriffés superfétatoires : pas de noires cette fois-ci. Dans l’humide petit matin, au-dessus de la vaste cloche de fraîcheur du marronnier dont la circonférence est désormais supérieure au volume de la maison, la plus vaste coupole des chants d’oiseaux répond aux psalmodies rigoureusement humaines des agneaux qu’on vient d’installer sur le coteau d’en face (la nuit ce sont les hurlements de femme qu’on égorge des blaireaux).
Très longue course de côte avec A. après les 15 jours d’intervall-training, d’endurance et de vitesse alternés. Ensuite katas au sommet du plateau sur les foins coupés, dégagement magnifique au-dessus des trois vallées. Puis descente à la course par le Grand Hêtre.
Du coup on a retrouvé les chiffres de Gilbert Descossy, le “Sculpteur buccal de chewing-gum” à ces moments où on devait faire des performances sportives ensemble (voir ici DAO). Il faisait de l’intervall-training par fractionnés de 100m en 15” : 2’ pour 800m. Il en tirait des conclusions sur son carré magique.
C’est lui qui avait organisé nos expositions en commun avec Lucerné et quelques autres. J’ai encore en mémoire la gravure de son ami sur “La fondation de Buenos-Aires”.
Il y avait aussi cette jeune artiste bavaroise qui se plaignait de n’avoir jamais joui de sa vie (“Le mot jouissance n’existe pas en allemand !”), mais qui mâchonnait du chewing-gum du matin au soir sans toutefois en tirer rien d’autre que des déformations de la machoire et de graves problèmes ligamentaires, ce qui lui valait d’être toujours fourrée chez son frère orthodontiste qui travaillait plusieurs fois par semaine là-dedans et reconstruisait ce qu’elle avait démoli. C’était une famille orale : le père ancien militant farouche des frontières de l’Est avait passé sa vie et l’avait perdue au mégaphone parce qu’un abruti apprenti électricien avait branché dessus le mauvais fil de la sono, et le mari qui avait repris le porte-voix ne souhaitait lui-même que d’exploser vociférant en pleine rue revendicatrice comme les cigales ou les cantaores flamencos de Lorca.
O. N.

http://fr.wikipedia.org/wiki/Gilbert_Descossy

http://www.anversauxabbesses.fr/artistes/user/gilbertdescossyart

Publié le 20 mai 2011 dans billet

Trois Petits Tours et puis s’en vont… - Souvenir de la Petite Maison

Date du document : 13 Mai 2011

Turn turn turn c’est une chanson de The Byrds, groupe américain des années soixante, c’est un air qui tournait dans ma tête, c’est le titre de cette exposition. Turn turn turn c’est les paroles de l’Ecclésiaste. Turn turn turn ce pourrait être le titre de l’homme qui tombe, une image phonographique, une gravure rock’n’roll, Icare et le onze septembre avec ces slhouettes qui chutent le long des buildings en flammes. Turn turn turn c’est review, un présentoir à images, un piège à regard conçu plus pour agacer l’oeil que pour magnifier la troisième dimension, c’est le tour d’un monde en chute libre. Turn turn turn c’est Chutier, un croisement entre pellicule cinématographique et ruban tue-mouches, l’idée d’un film possible, un hommage à Gil Wolman, une pensée à Jean Luc Godard « qu’est ce que j’peux faire, j’sais pas quoi faire ». Turn turn turn c’est Aux étoiles, Le portrait ovale, un retour sur mes premières images,trace contre trace avec la photographie, des images amoureuses. Turn turn turn c’est dessins d’atelier (ma vie ouvrière), tombeau/jardinière aux dessins tracés pendant vingt-cinq ans de vie d’usine, Ne travaillez jamais écrivait sur un mur Guy Debord, et pourtant l’artiste ne parle que de travail, travaille tout le temps, c’est des moments détournés au travail quand la vie est ailleurs, juste masquée par le bruit des machines. Turn turn turn c’est tout ce temps passé à reproduire, tracer, graver, résister en somme à ce « désespoir de l’art et son essai désespéré pour créer l’impérissable avec des choses périssables , avec des mots, des sons, des pierres, des couleurs afin que l’espace mis en forme dure au delà des ages » ( J.L.G. Histoire(s) du cinéma). Turn turn turn c’est la fin de l’Artothèque, trois jours d’exposition, ma petite révolution de mai.
Vincent Compagny 2011.
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Trois Petits Tours et puis s’en vont…
Trois Petits Tours et puis s’en vont…
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Publié le 14 mai 2011 dans document DAO texte

Tombeau - Texte de Joël Roussiez

Date du document : 2010

Un tombelier ouvrait des tombes dont il tirait les dalles par des cordes liées à son tombereau, poussant, « han, han! » ses boeufs à l'aide d'un grand fouet tandis que les roues suivaient un sol accidenté qui forçait parfois le char sur lequel l'homme se maintenait en s'agrippant d'un bras aux ridelles, tantôt à droite, tantôt à gauche, et poussant, poussant toujours ses boeufs, « han et han! », dans un paysage mouvementé où la terre en mamelons s'étendait sous l'horizon comble de nuages échevelés et distords.

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Publié le 6 avril 2011 dans document DAO texte

Parfois L’Hiver - Texte de Joël Roussiez

Date du document : 2010

Nous buvions des chocolats dans des cafés aux plafonds bas, ornés de cuivre brillant et
d’éclairages diffus, dans lesquels des gens pauvres jouaient aux courses sirotant des cafés bientôt froids et s’excusant d’être là au chaud tandis que dehors il faisait froid, très froid parfois si bien qu’il glaçait dans les rues mouillées et que ces pauvres hésitaient sur le pas de la porte avant de disparaître rapidement derrière les vitres embuées derrière lesquelles nous buvions.

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Publié le 6 avril 2011 dans document DAO texte

Une journée maussade - Texte de Joël Roussiez

Date du document : 2011

Une journée maussade où nous étions en rade dans le doux Ar Ménez, toute voile pendue ainsi que du linge mouillé, en attente du vent au milieu des coteaux, un jour de printemps où le clapot même était sans force; un jour donc où nous étions venus là pour aborder la côte en baie de Trez où se trouve une passe pour gagner la mer des Gascons en évitant le tour du Nez, gagnant ainsi du temps sur l'Amiral pour le rejoindre après un repos qu'il ne voulait accorder. Les hommes étaient dans un état lamentable, leurs corps se traînaient sur le pont; dix jours de navigation dans la tempête les avaient mollis...

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Publié le 6 avril 2011 dans document DAO texte

Aux temps de la fleur et des épines - Texte de Joël Roussiez

Date du document : 2011

Croquant des oeufs comme le bon sauvage, à pleines dents et se réjouissant, il faisait bon en ces temps se lever tôt, accompagnant le jour venant mais encore pris par la nuit, au chaud et se restaurant en jouissant du parfum des choses et de son corps réveillé. C'était au temps de la fleur et quasi au printemps; les bêtes avaient le poil brillant et les oiseaux une voracité fantastique. On fournissait en graine et en fourrage pour les dernières fois, les granges étaient maintenant presque vides ; on s'occupait de les balayer et d'y entreprendre quelques réparations.

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Publié le 6 avril 2011 dans document DAO texte

Ainsi qu'il en est - Texte de Joël Roussiez

Date du document : 2011

La vie allait comme s'il sonnait des cloches, tristes mais d'une grande beauté et, sur ce fond, s'improvisait une mélodie complexe qui se simplifiait par ce qu'on aurait pu appeler « ce procédé ». On marchait dans des territoires boueux, en plaine hongroise si l'on veut, à la fin de l'hiver droit devant où le ciel changeant ne cessait de nous tirer.

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Publié le 6 avril 2011 dans document DAO texte

retrouner ?

Je me suis rendu compte que LE CONDUCTEUR était là : il avait jamais quitté le navire, il filait son sillage. À dix ans de distance il avait suivi le même personnage, l’avait repris de deux points de vue différents : une fois à Paris, une fois à New-York, dans les mêmes ivresses de haine sur lui, parmi toutes les raclures à réduire, à achever dans l’étouffement, .
Lui n’avait aucune importance ; il n’était que prétexte à écrire. Il était là sous deux noms différents mais c’était bien le même : le même manteau, le même faciès abruti. C’est comme si je lui avais tiré dessus par deux encoignures.
Je suis toujours satisfait de ça comme d’Épistaxis, ce texte qui est apparu tout d’un coup de nulle part, et qui venait en définitive se loger dans la Cosmologie, lancer une dérivation, un chapitre qu’on avait pas écrit, resté en blanc, un endroit oublié, une friche.
Ce CONSTRUCTEUR qui travaille en nous est toujours fascinant. Le diamant avait sauté au-dessus ce sillon manquant ; et le voilà aujourd’hui bien en place dans son ensemble gravé, grave.
La complétude : non. Il restera des tonnes de reprises par-tout : les misérables ont souvent des costumes rapiécés ; trop de carences, des caries ; idem en syntaxe, en apprentissage des beaux immeubles. Mais pas du manque. Ça on le laisse aux poètes astringents, à toutes les crevures de suivistes, aux bavards carrés qui ont plein du réel dans la gueule et qui disent qu’il lui faut des manques. Lacan aussi le disait et les archidiacres, tous les nantis que le manque fascine autant que les désastres et la pauvreté. Or le trou ne manque à personne ni de rien (dans l’Enfer de Coluche, les bouteilles ont des trous et les femmes n’en ont pas plus que le réel).
Mais du moins on a rangé ce morceau de bois, ce débris tombé de la raboteuse. Je l’ai replacé sous le Tas, sous la verrière de l’Atelier, parmi les autres madriers. Et surtout les autres petits bouts de ligots quelconques dont on faisait d’improbables sculptures, dans la sciure et le son.
On se disait : “Où est-ce que cette hémorragie va bien pouvoir nous entraîner ?” Qu’est-ce encore que cette foutue digression, quand c’est donc qu’on va finir par marcher droit ? Encore une façon de rien finir, de tout remettre (mais à qui ?)
Au contraire. Tout s’emboîte. Parfaitement. Alors pourquoi on irait réclamer d’être l’auteur ? Responsable civil, oui, ça, certes. Mais dans les fariboles, les fanfrelas, les guipures, tout cet amusement ?
Cette baudruche de Breton dans sa navrance qui voulait mettre son cachet sur l’inconscient, le légitimer. Ou Connard le Barbant qui voulait être roi du Port et qui passa (enfin !) un peu chez les fous, histoire de lui aplatir la bite qu’il avait déjà molle, aux neuroleptiques. Repris en maison de repros : là où on photocopie la dinguerie, gagné par sa diarrhée mentale.
Un auteur : l’autreu. Et sinon l’autruche. Qui triche.
L’Autre, avec un grand A, celui qu’on détestait le plus dans la Tribu (surnom populacier, rien à voir avec la psy), le salopard de l’étage au-dessous, qui nous préparait des embûches, précipitait le malheur. Il en a fait des petits morceaux, il a rancardé des misères, il en est responsable par bien des endroits.
Tant qu’on atteint pas à cette démesure ça n’existe pas.
Des figures aussi ont surgi dans l’envers de plusieurs dessins, les retournant, mais pas dans le sens historique de Kandinsky, plutôt dans celui de Tex Avery (retrouner ?). Menant une main étrangère, et reconnaissable à sa sagacité, à son soin dans les zones intermédiaires, créant des ponts et des passages, dans le ma.
O. N.

ndlr : pas de date

Publié le 31 mars 2011 dans billet

Compact de Maurice Roche - Édition en couleurs de 1997

Date du document : 25 Janvier 1995

Il s'agit ici de la première maquette des 85 premières pages composées par la maison d’édition La Petite École, qui a co-produit et co-édité avec Tristram la première version historique de Compact en couleurs tel que Maurice Roche avait souhaité pouvoir le réaliser depuis 1966. La conception graphique était de Anne Drucy.

Publié le 2 janvier 2011 dans document DAO texte