Nice ! - Tribu des Adolescents. Aube & Nany. Automne

Lundi soir 13 Août
Auberge de jeunesse
Cohue. 280 personnes pour à peine 180 places : c’est du camping dans tous les espaces. Larguée. Quitté Monique à la frontière de Ventimiglia (je crois) qui voulait rentrer à Paris : Sainte-Anne oblige ! Où trouverai-je Jean et Lydou dans tout ça. Attente des lits de camp jusqu’à je ne sais plus quelle heure. J’ai tout laissé à la bagagerie, livres et papiers. Bagasserie, je devrais dire, et bagarrerie.
Ici une fille japonaise écrit ; lui demande un peu de papier. On ne parle pratiquement qu’anglais. Les filles toutes en groupe. Les mecs ne m’attirent ni ne m’inspirent confiance. D’ailleurs une bagarre, vite stoppée, mais de la violence dans l’air ; gens très excités.

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Publié le 17 juillet 2017 dans document Cosmologie Onuma Nemon texte

J. C. RADIO

Jean-Claude Rondin est arrivé dans la station radio d’Aquitaine en 67, mais il s’y est vraiment établi en 1968, bien qu’il continuât toujours à faire des travaux quai Kennedy, notamment dans le cadre de l’Atelier de Création Radiophonique avec Alain Trutat, la seule grande oreille de la maison ronde. À Bordeaux, c’était sous la direction artistique de François Vercken, succédant à Charles Imbert, tous deux musiciens proches de l’avant-garde d’alors.
J’ignorais quels étaient les termes de son contrat, mais à Bordeaux il avait le titre d’assistant-réalisateur. Il travaillait à peu près exclusivement avec deux personnes très harmonieuses : Catherine Audemer, réalisatrice et Michel Hervé, un ingénieur du son nuancé et inventif.
Il me donna une édition confidentielle de ses poèmes, et j’en inclus plusieurs dans des émissions. Nous avons réalisé d’autres émissions ensemble, et il me demanda de travailler avec lui en 1968 sur une adaptation radiophonique de Moby Dick par Jean Thibaudeau. Pour cela nous nous sommes déplacés en particulier plusieurs fois à Lacanau pour enregistrer le fracas des vagues, là-bas énormes. Il refusait d’utiliser les innombrables disques d’illustration sonore.
Lui-même était passionné par la mer et hanté de représentations marines galloises, et il a créé ses propres dramatiques où il jouait le rôle d’un marin ébrieux exilé. Il aimait beaucoup Dylan Thomas et m’a fait découvrir des copies des radios de ce dernier.
J.C. Rondin voulait des choses précises quant aux bruits, mais ne faisait pas pour autant partie de “l’école vériste” des preneurs de son. Il y a eu toujours eu deux écoles dans la maison du quai Kennedy : celle des inventeurs faisant appel à des bruiteurs, comme l’extraordinaire Joe Noel qui produisait quantité de bruits avec sa bouche, ou Bertrand Amiel qui dans les années soixante transportait tous un monde de sons possibles dans un caddie de supermarché, à partir de coquilles de noix, de bouts de métaux, bouteilles, ficelles et autres.
Puis les véristes qui tenaient à descendre le micro dans une fosse lorsqu’il s’agissait d’un enterrement ; l’un d’entre eux réussit même à se blesser un jour en studio dans une dramatique où il y avait un duel à l’épée et où il avait tenu à exécuter personnellement une passe d’armes.
Cette même année du Moby Dick, nous avons élaboré tout un Théâtre Sonore, et mis en ondes une dramatique avec Catherine pour je ne sais quel prix… J’avais créé également deux petits univers graphiques pour Jean-Claude et pour sa compagne Bénédicte Bleton.

C’est grâce à Jean-Claude Rondin que j’ai rencontré la première fois Sarduy à Paris en 1971, avec lequel il réalisait une pièce radiophonique (sur les chutes et notamment la jonchée de la mariée, si je me souviens bien…).
Nous avons également fait des essais de spatialisation et de colorations de voix (à la façon de Youri Kurtag ?) à partir d’un gros volume, dit des Progrès. Et deux ans plus tard nous avons poursuivi cette série de travaux en studio à partir de voix de femmes.
Jean-Claude Rondin était bouddhiste ainsi que Bénédicte. Nous adorions tous deux la séquence de l’orage dans La Dolce Vita, où Alain Cuny fait entendre la foudre dans le salon avant de se suicider avec ses enfants.
À quelque temps de là Jean-Claude et Bénédicte se sont suicidés en accord avec leur croyance bouddhiste et j’ai accompagné leur cercueil sous la pluie, suivi par une dizaine de personnes dont leurs deux petits enfants, Delphine et David, qui avaient à peine une dizaine d’années.

Un Témoin

Publié le 17 juillet 2017 dans billet

L'Analyse Catastrophée

C’est en 1975. Cette femme à la figure ravagée, H. C., me parle de son travail actuel avec Michael Londsdale et de son analyse : elle représente pour moi l’analyse catastrophée, l’analyse qui fournit pratiquement le révolver du suicide, et qui représente à peu près toute l’œuvre de Marguerite Duras (laquelle a remplacé un canon par un autre).
Ce type d’analyse (éminemment sadique), butant sur une immense catastrophe sans espoir, s’est répandu comme de la poudre noire dans le milieu intellectuel des années 70, qui se sentait coupable de tout, depuis le culbutage de la bonne jusqu’à l’inceste avec la mère dans la salle de bains ou le fait d’avoir taillé des pipes à Mao. Et pourtant Leclaire avait déjà pris son heureux virage Zen, Lacan s’en sortait très bien en matière de liquide (mieux que Duras), et avec les impôts ; Kristeva avait collé de nouvelles paillettes romanesques autour d’une théorie défraîchie ; même si toutes ces têtes qui branlaient dans le manche avaient été envoyées paître depuis longtemps avec les moutons de la logique par la grande vague joyeuse du Deleuzisme triomphant.
Mais voilà : il lui fallait aussi des pauvres à l’analyse, du misérabilisme, des esclaves somatiques qui ne s’imaginent pas qu’ils allaient prendre à leur tour le fauteuil, des gens qui fassent des ménages pour tout savoir de leur désespoir avant de se jeter en Seine (en connaissance de cause !). C’est ça l’ob-Scène des Pauvres !
C’est ça qui fait la différence : un pauvre qui qui n’a pas exactement réalisé à quel point il est une merde (et ceci sans échappatoire : ni Colonies, ni Castelvin, ni changement de Classe), ne peut fournir un suicide cohérent. Claude Guillon fournit son Suicide, mode d’emploi également en hiver 1975.

Nous organisons alors (avec des ex d’une de ces nombreuses revues qui commencent par T. uniquement par suivisme), une exposition franco-russe (comme le dessert). Mais on pense plutôt à un désert : après Staline et ses fans, plus rien que du flanc. Ou du flanco-prusse, couleur lourde comme l’eau du même non. Pietro Bodhisva

Publié le 17 juillet 2017 dans billet

Chiens & Chats

Dans le numéro de Mettray consacré à la lecture, Marcellin Pleynet pense que la plupart de ses prétendus lecteurs lisent comme des chiens.
Version pire, dans 1275 Âmes de Jim Thompson, tous les chiens de la terre réunis en congrés, sont condamnés à se sentir le cul jusqu’à l’éternité pour reconnaître le leur (se pencher, puis en déchiffrer les signes), depuis que la tempête a dispersé leurs trous de balle qu’ils avaient accrochés aux porte-manteaux par politesse pour qu’on ne sente pas autre chose que la fumée pendant les débats. (“Ce n’est qu’un débat, continuons le con bu !” Denis Roche)
À l’inverse, on pense au Portrait de l’artiste en jeune chien du fabuleux Dylan Thomas, à la lettre de Proust au chien de Reynaldo Hahn et à Proust disant qu’il ne pouvait écrire que quand il redevenait chien. Mais c’est d’un tout autre monde qu’il s’agit, spicilège des sensations décuplées, fraîches, ébouriffées, fruitives.
Puis Maurice surgit, du temps de la rue Henri Barbusse, avec les amies de la Folie-Méricourt, après la mort de Titigre ou de Tidyable (je ne sais plus), un de ses nombreux chats, qui lorsque j’arrive chez lui me dit tout à trac : « Tout de même, Marcellin Pleynet, il exagère ! »
C’était d’autant plus étonnant que Maurice aimait beaucoup Marcellin Pleynet et son écriture ; il faisait partie des très rares contre lesquels il ne pestait jamais. « Qu’est-ce qui se passe, Maurice ? — J’ai téléphoné à Pleynet pour lui demander ce qu’il faisait de ses chats morts… — Et alors ?
— Il m’a dit : “Moi je les fous à la poubelle.” Tu te rends compte ? À la poubelle ! »
Un Témoin

Publié le 17 juillet 2017 dans billet

Pan ! - Histoire Deux. Livre de Nycéphore. Antiquité

Date du document : 1976-1982

Histoire Deux, qui est la vision de différentes époques de l'Histoire (Antiquité, Moyen-Âge, Révolution, etc.) telle que peut la construire un écolier primaire, comprend de petits récits échelonnés de 1976 à 1982.

Pan, c’est Tout, trous de multiples flûtes (au minimum sept tuyaux !) grâce à Syrinx l’Évanouie, vers le littoral d’où les asphodèles sont des modèles nus ; Océanies et Asies non disparues !
Et il faut se souvenir de cette belle phrase enchantée d’un paysage, se souvenir de cette belle phrase offerte oubliée au bas d’un visage !
“PAN ! Toute Écriture Astarté amenée dans le secret.
Flore, poursuivie grâce aux vents légers, depuis Saint-Bruno, porte entr’ouverte du temple en sa faveur, & depuis Elle je jouis d’un Printemps Perpétuel ! PAN ! Flore, gorge de lait, prend du satin pour feuilles, et du taffetas, de la baptiste, du crêpe anelet et de la gaze pour les pétales. PAN !

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Publié le 3 mai 2017 dans document OGR texte

La Nappe - Histoire Deux. Livre de Nycéphore

Date du document : 1976-1982

La Nappe La Nappe, voilà comment j’imagine le début du monde, avant tout nom. Mais ce connard de traquenard n’en a rien à faire, ni cette vielle pute de machine à écrire Adler, réincarnation de Chancel comme Duras l’est de Sagan, celle qu’on appelait la Thénardier avec son Jules à la mie de pain, poète à trous multiples : j’ai jamais vu Cosette, mais je connais Valjean. Ou du moins si, je comprends ce nom, c’est parce qu’ils n’arrêtaient pas de faire causette. Une niaise causette sans effet aucun.
« Docteur ! Docteur ! Je m’excuse : vous voulez bien m’acheter des mensuelles ? C’est là que j’écris mon journal. »

La Nappe, mais prise dans un mouvement… pas du tout le lac de la Tranquilité. Ça non, alors. Ça serait une tout autre hypothèse. La nuit, on réfléchit.

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Publié le 1er mai 2017 dans document OGR texte

États du Monde

Date du document : 2016

ÉTATS DU MONDE

La réalisation de cet ouvrage, publié par les éditions METTRAY, correspond parfaitement au projet initial de l’auteur. Il concerne le Pré, les Grands Ancêtres et les Gras.

Ce premier volume sera suivi de quatre autres volumes (Les Maigres, Les Enfants, Les Adolescents, La Bande à Jésus), qui seront publiés sous forme d’édition numérique sur ce site consacré à la Cosmologie Onuma Nemon, également créé par Mettray voilà une dizaine d’années.
En dehors des œuvres plastiques reproduites dans le texte, il y a une soixantaine de vignettes en couleurs et en noir et blanc destinées à être collées sur les emplacements désignés tout au long du livre, et qui participent à l’étoilement du propos.

Les États du Monde sont l’aboutissement le plus important de la Cosmologie, mais bien sûr ils sont à considérer dans le réseau d’ensemble des Voix et des territoires des autres ouvrages déjà publiés ou disponibles sur ce site. On trouvera dans le numéro de la revue METTRAY paru en Septembre 2016 une présentation du volume ainsi qu’un dossier de photographies réalisées par Bernard Plossu dans le Quartier Saint-Michel de Bordeaux qui revêt une grande importance dans cet ouvrage.
NDLR

Publication : Mettray Éditions

Publié le 29 mars 2017 dans document Cosmologie Onuma Nemon texte edition

SRRLSM/RBSPRR - Enquête à propos du Surréalisme

Date du document : 21 Août 2015

Ceci en réponse à une enquête organisée par l'URDLA, et qui a donné lieu à un ouvrage intitulé Trois Chameaux rue de la Convention

Qu’avez-vous fait, vous, les gidiens,
les cérébraux, les rilkéens,
les mystériens, les faux sorciers
existentiels, vous, les pavots
surréalistes qui flambiez
sur une tombe, les cadavres
de la mode européisés,
les blancs asticots du fromage
capitaliste, qu’avez-vous fait
devant le règne de l’angoisse,
devant cet obscur être humain,
cette présence piétinée,
cette tête qu’on enfonçait
dans le fumier, cette nature
de rudes vies foulées aux pieds ?

Vous avez pris la poudre d’escampette
pour vendre des morceaux d’ordure,
pour chercher des chevaux célestes,
la plante lâche, l’ongle ébréché,
la « Beauté pure », le « sortilège »,
des œuvres de pauvres capons
pour que les yeux s’évadent, pour
que les délicates pupilles
s’embrouillent, pour survivre
avec ce plat de rogatons
que vous ont jeté les seigneurs,
sans voir la pierre à l’agonie,
sans protéger, sans conquérir,
plus aveugles que les couronnes
du cimetière, quand la pluie
tombe sur les fleurs immobiles,
les fleurs pourries des sépultures.
Pablo Neruda. Le chant Général.

Pourquoi répondre — Je réponds à ceci par intérêt pour votre travail d’artiste et votre travail d’enseignant et parce que très précisèment, voilà un peu plus d’un an, par une sorte de “hasard objectif”, au moment où j’étais en train de distribuer pour les amis de l’URDLA un de vos livres dans les confins les plus reculés de Paris, j’ai eu la tentation de chercher le siège du dernier Cercle Surréaliste, histoire de voir à quoi ça pouvait ressembler aujourd’hui. Et je me suis retrouvé dans un quartier sinistre de cités, un non-lieu, comme s’il s’agissait d’une adresse fantôme.

J’ai toujours été à la recherche d’une fraternité impossible, dans une sorte d’enthousiasme à venir. Dans ces temps de sinistrose il aurait été curieux de voir si des surréalistes attardés réussissaient enfin à travailler dans des conditions de laboratoire telles qu’ Artaud les voulait.

SRRLSM SRRLST — Voilà encore quelque chose qui me pousse à vous écrire, que ces consonnes imprononçables. J’ai écrit ainsi Robespierre RBSPRR dans Quartiers de ON ! À la fois le Tas de Pierres de Hugo et le tranchant consonantique de la guillotine.

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Publié le 25 octobre 2016 dans document HSOR texte