Un Paquebot Magnifique & Récifs

Date du document : 14 juin 2011

Avec Roussiez on part dans l’aventure de la langue, un vrai roman d’aventures et l’aventure du roman, dans le picaresque de Don Quichotte et de Jacques le Fataliste : ce qui doit advenir advient. On est dans Le Chancellor et son présent absolu, Un Capitaine de Quinze Ans, et surtout dans la fin de la première partie de Vingt-Mille-Lieues sous les Mers, les explorations abyssales et la visite du cimetière marin.
On peut lire Un Paquebot Magnifique comme on lisait autrefois le récit du voyage du Rhin de Victor Hugo, vaste déroulement d’où surgissent les récifs des burgs mystérieux à travers des paysages crépusculaires, mille richesses historiques et des géographies à explorer, des contes qui se déploient en pop-up comme le Diable de Pécopin, ce qui correspond chez Roussiez à L’Histoire de Majnûn ou À propos de l’oiseau lapidormeur.
Chez Roussiez aussi mille savoirs de l’époque sont brassés, et l’infini écrase de temps à autre le sillage de l’aimable errance comme chez Victor Hugo la plaine de Soissons s’ouvre sur César, Clovis et Napoléon parmi des ombres qui passent ; à la faveur d’une inscription sur une pierre Jules César se transforme en Jésus-Christ.
Dans les deux ouvrages, moins d’exotisme que de dépaysement temporel, et le passage d’un itinéraire didactique à un véritable enjeu politique, je veux dire un enjeu guerrier.
J’ai la chance d’habiter dans un village dont le Saint arbore à la fois plume et épée, et suis bien heureux de constater que l’incision de Roussiez n’a rien à voir avec cette manie des ouvrages depuis quelques années dont le pseudo-héros est un écrivain ou dont le secret est un livre (éventuellement possédé par un diable aimable et mondain, un diable “Saint-Louis en l’Île”).

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(La Rumeur Libre fait partie de ces éditeur qui ne confondent pas la pensée du corps et la physiologie et préférent l’épos Roussiezien qui comporte un Z. à la socialité bêtasse. Décidément encore une petite maison sympathique de pauvres.)

Et également : Éthique de la Description et Troupeaux et Voyage

Publié le 9 juillet 2011 dans document HSOR texte

Fabien et le Phalanstère. - Ligne des Enfants. Orphelins Colporteurs. Saison de l’Automne

Date du document : 1986

Comment sentir les taudis de Lewisham ? Le glissement de l’eau, de l’eau sans fin ! Fabien éprouve ça. Tout est le fleuve, toute vie est le fleuve, toute œuvre est un fleuve de bois flottant. Et elle qui ne vivra plus sans lui, plus jamais sans lui : comment s’approcher de cette douleur !
Fabien se souvient en contrepoint de l’émotion cardiaque au printemps, près du château, chez Stanislas, du matin frais de lumière épanouie où il est allé au marché avec sa femme et sa petite fille pour acheter un gateau avec elles, du lit de fortune et de la chemise de nuit de lin brut de sa compagne joyeuse en comparaison de cette douleur lointaine, inaccessible de Lewisham, comme il voit un lien entre “Voyage au centre de la Terre” et “Au-dessous du volcan”. Pour lui les voyelles ne furent jamais que des ornements. Il suffit d’un carquois de flêches d’acier, d’un cable aux torsions d’acier et d’un trombone d’airin brisant l’air avec deux ou trois notes aigües. Il préfère les 200 mots de la déclaration d’indépendance américaine au 60 000 mots nécessaires à établir le détail du commerce des œufs de cane.

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Publié le 8 juillet 2011 dans document Cosmologie Onuma Nemon texte

Fabien Si Bien. Cols - Ligne des Enfants. Orphelins Colporteurs. Saison de la Terre

Date du document : 1976

Fabien qui fait tout si bien s’était arrêté le matin au tout début de l’entraînement à cause d’une légère tendinite à la cheville droite, à peine une demie-heure passée. Il devait faire ce test sur les poumons et la gelée, pour vérifier au sommet du col si London avait vraiment raison, et si le tissu mort se détache ; ils étaient partis pour ça ; Élizabeth venait aussi d’une lignée de tuberculeux. Il ne voyait pas pourquoi il lui avait dit “Je t’aime” au col de V. : il faisait frisquet, surtout au cou, dans l’ombre du col ! cela était sorti de sa bouche comme un éjaculat, malgré le peu d’exaltation cardiaque de leur entraînement suspendu ; sa maigreur, le froid lui semblaient avoir augmenté à cette déclaration, alors qu’il avait l’impression d’être un charbonnier qui se jette un sac noirâtre sur les épaules comme une écharpe, en lâchant ça, à présent avec une charge inutile sur les pentes, en descendant. C’était aussi désagréable que quelque chose qu’on ne parvient pas à réparer ; il y avait dans les monts d’alentour une odeur de pommes pourries.
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Publié le 8 juillet 2011 dans document Cosmologie Onuma Nemon texte