La Cosmologie Onuma Nemon ne sert à rien d’autre qu’à une pure inscription, comme le loup ou l’odeur des feuilles mortes brûlées en automne. Elle s’est mise en place très tôt de façon primaire et inconsciente dans l’enfance par un travail à deux mains de deux frères dont l’un disparu. Le vivant écrivait à la place du mort au moins autant que pour lui-même. Main droite, frère mort. Œuvre enfouie à la limite du fétiche et connue seulement d’une dizaine de personnes avant 1984, circulant alors sous la forme d’un énorme Tas de Feuilles logé dans un carton pour papier-machine.

À l’adolescence, ce fut LOGRES (pays des Ogres chanté par Calogrenant), cannibalisme et apprentissage à travers plusieurs formes archaïques, amorce plus ou moins délirante de l’œuvre dans une première constitution dite des Cinq Continents liée au début du travail sonore, cinématographique et plastique.

Aujourd’hui, ces cinq continents sont devenu six, résumés en une formule : LOGRES-OGR-OR-O-HSOR-OKO.

Après la dévoration de trois lettres, OGR s’est vraiment constitué en travaillant des formes classiques et distinctes de récits, poèmes, dessins, etc. où la division en deux fut bientôt remplacée par un tournoiement à trois (le frère vivant se redivisant en deux (Nycéphore & Nicolaï) aux côtés du disparu (Didier) ). C’est la partie la plus volumineuse de l’ensemble. Le Volume OGR paru chez Tristram en 1999 en est un tout petit extrait et une quantité phénoménale de poèmes, récits, nouvelles, dessins et autres sont restés totalement inédits.

En 1984, au moment de la mise à jour de la Cosmologie, ce fut OR, division du monde en Cinq Saisons à la Chinoise (annonce du siècle d’or et renversement des chiffres de la naissance). Apparaissent alors des essaims à plusieurs Voix ; il ne s’agit plus de récits complets mais d’amorces et de germes, fragments qui cessent avant même de “prendre”, dans un souci d’emporter ensemble romanesque, épique et poétique. Chacune de ces Voix redémultipliant à chaque fois les registres utilisés, notamment le domaine graphique, les œuvres plastiques viennent former des Étoilements idéogrammatiques dans le texte et s’articulent avec des Extensions en volume hors du livre (arts martiaux, photographie, machines, cinéma, son…). L’exposition du Quartier à Quimper a repris cette disposition.

O, dont la masse est la moins importante, et dont l’autre nom est Cerveaux, vise à un fonctionnement neuronal dans l’écriture et à la disparition de l’auteur par le cercle de feu de ce cirque, en même temps que de tous les effets, images et autres, écriture abrasive ou néante.

Le volume ON ! paru chez Verticales en 2004 (renommé Quartiers de ON !), est une tentative de traverser les trois continents OGR, OR et O pour en donner une vue rapide.

Proliférant en même temps, on trouve HSOR et OKO. HSOR accueille un tressage d’histoires singulières avec l’HiStOiRe du temps : récifs de voyage, Cartes des territoires en constant mouvement, théorie, etc. Le seul continent résiduel non publiable est OKO, matière noire des œuvres à détruire.

L’étape définitive a pour nom États du Monde, immense train de bois flottants qui opère une traversée de tous les continents de la cosmologie.

La Cosmologie O.N. peut être abordée aussi bien par Quartiers ou par Saisons que par Lignes ou par Chants. Ces quatre dispositions ne s’excluent pas et la Cosmologie ne s’y réduit pas non plus, technique d’agrégats toujours en expansion, métamorphose ou mue, et toujours à la limite de la désarticulation ou de la perte de sens.

Quartiers de ON ! paru chez Verticales est construit par Chants. — L’exposition au Quartier de Quimper de la partie OR était présentée en Saisons. — Ce qui en est paru dans quelques revues était réparti la plupart du temps en Quartiers. — Le premier volume de États du Monde paru à Mettray, est agencé par Figures et Saisons.

Une réalisation aussi longue a permis de travailler les tensions entre des parties d’époques différentes ou des inachevés à vif, tout en permettant des niveaux d’articulation supérieurs. Il ne faut pas perdre de vue que c’est plus une géographie qu’une histoire. La construction (surtout pour toute la partie postérieure à 1984), s’est déployée dans tous les sens à la fois, de telle sorte que la moindre modification à un endroit ou le surgissement d’une nouvelle Figure, se répercutait sur l’ensemble du territoire. De là est venue la nécessité d’en dresser régulièrement de nouvelles Cartes. Elle ne peut être appréhendée que comme tout et comme infinité de parties, et considérée dans l’ensemble de ses strates, excédant toute lecture partielle.

Il y a par exemple dans les textes de réclusion volontaire des tout débuts une concentration farouche avec en particulier une exacerbation hallucinatoire de la vue à la vision (compensant l’anecdote d’avoir failli devenir aveugle) jamais retrouvée depuis. Le texte est devenu plus habile aujourd’hui, mais il a perdu une grande part de férocité brouillonne et de halliers griffus, anarchiques.

O. N. produit des énigmes. Non pas des énigmes psychologiques, mais des énigmes cosmologiques, avec la prétention que le chant dise absolument le monde, le dessin du monde qui n’est pas une intention. On ne vient pas là pour résoudre mais pour embarrasser, et surtout pour fonder un nouveau territoire de l’Inscription.

De ces états-limite, de ces fulgurances, souhaitons qu’elle en ait gardé les marques, qu’il reste quelque chose de cette course vitale, de ces cadences, de cette lancée jusqu’à l’épuisement du souffle, car la phrase ne fait qu’accompagner la précipitation, et l’écriture n’est rien d’autre que cette course à la recherche d’une arme de jet…

— Le site sur lequel vous êtes, entièrement construit et agencé bénévolement par Alexandre Ronsaut pour Mettray, vient de l’initiative de Didier Morin en 2004. C’est sans doute (comme un cd-rom) conceptuellement le lieu idéal du déploiement de cette œuvre : on y circule comme dans un cerveau.
— Aujourd’hui, l’œuvre rejoint le Tas de Feuilles du commencement, sous une forme plus élégante de coffret, contenant pour l’instant plus de 4000 pages imprimées et disposées dans les boîtes des différents Continents, ainsi que toute une série de travaux plastiques qui en sont les Étoilements, dans la Bibliothèque Kandinsky de Beaubourg, donation qui reste ouverte pour permettre l’ajout de parties qui n’ont pu encore être mises en pages, et qui réalise le vœu initial “d’offrir l’œuvre à ceux qui peuvent la rendre meilleure”.
— L’ensemble des gravures de 1970-1971 ainsi que quelques autres et dessins préparatoires, sont consultables dans le Cabinet des Estampes de la B. N. Richelieu.

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